Macron II écologiste

Notre meilleur économiste, Jacques Fradin, prévoit le tournant (sans changement et à venir) écologiste de Macron.

Jacques Fradin - paru dans lundimatin#243, le 24 mai 2020

Cet essai de politique fiction a été imaginé sur la base d’un retour en arrière au Grenelle de l’environnement (fin 2007). Ces rencontres politiques, sous la férule de Nicolas Sarkozy, ont mis en avant l’idée de « développement durable », c’est-à-dire d’économie verte ou de gestion économique de la biodiversité et des autres problèmes écologiques (dont le changement climatique). Cette initiative de Sarkozy doit être tenue pour importante dans la mesure où l’on peut affirmer qu’Emmanuel Macron se tient dans la lignée de Sarkozy ; Macron est l’héritier de Sarkozy et en est le plus important successeur.

Notons, alors, que la commission Attali, pour la libération de la croissance, s’est tenue « en même temps » que le Grenelle de l’environnement (fin 2007) et qu’Emmanuel Macron a commencé sa carrière politique sous le patronage d’Attali en participant à cette commission Attali, commission patronnée par Sarkozy [1].

Le « en même temps » macroniste trouve son origine dans le double jeu sarkozyste : en même temps que se tient un conseil sur le développement durable (disons un conseil écologiste) est organisé une réunion pour l’accélération de la croissance (réunion dans une commission très économiste). La liste des membres de cette commission économique pour la croissance est un parfait annuaire des oligarques du capitalisme français, augmentédes penseurs de ménage habituels ; c’est également une introduction à « la caste » qui soutient Macron, Macron passé du rôle de jeune apprenti capitaliste (financier) à celui de secrétaire général de l’oligarchie française.

Macron, devenu président, a tenté de mettre en œuvre les recommandations de la commission Attali, dont il était membre junior : nommons Macron I le jeune financier qui a cherché à faire mieux que son maître Sarkozy.

Le virage écologiste, que nous allons anticiper, n’écarte pas Macron de la ligne Sarkozy ; puisque ce dernier, « en même temps » pouvait promouvoir une commission sur la croissance, la commission Attali, et présider une grande rencontre sur l’environnement, le Grenelle de l’environnement. Mais bien loin de l’opposition que l’on imagine entre économie et écologie, nous allons voir que la croissance (durable) peut parfaitement être alliée (ou combinée) à la protection de l’environnement (repensée radicalement), dans le cadre de la logique économique étendue.

Macron II écologiste visionnaire, que nous allons imaginer, n’est pas du tout différent et, encore moins, l’adversaire de Macron I financier austéritaire ; l’un et l’autre, « en même temps »,n’étant que des serviteurs de la logique économique [2].

Arrivons à notre fable

On peut parfaitement imaginer une seconde partie du mandat présidentiel de Macron, seconde partie post-épidémique, qui serait « écologiste ».

L’objectif immédiat de ce tournant écologiste étant de faire oublier le désastre de la gestion calamiteuse de la crise épidémique, crise qui est, au fond, une crise écologique.

Se présenter comme l’écologiste apte à résoudre la crise écologique que l’on a impulsé (par défaut de vision écologique) est une bonne plaisanterie ; Macron a-t-il capté l’humour de Hollande ?

Sous les annonces ébouriffantes d’un nouveau règne « vert » se cacherait la tentative de passer à autre chose (faire passer la pilule de l’incompétence, a priori mortelle pour un énarque technocrate financier), de dépasser les querelles venimeuses qui empoisonnent la grandeur royale.

Le tournant écologiste du règne serait donc simplement un nouveau tour de passe-passe, une arnaque dont les politiques sont spécialistes, un truc de bateleur qui escamote une difficulté réelle, les procès en incompétence,voire un nouveau scandale style Fabius sang contaminé [3], qui escamote une difficulté derrière un tapage demusic-hall.

Mais, arnaque dans l’arnaque (le grand style politique), le tournant écologiste annoncé avec force trompes serait d’autant plus une escroquerie (d’abord intellectuelle) qu’il y a maintenant un certain temps (depuis, au moins, le Sarkozy du Grenelle de l’environnement, s’agitant sous l’œil intéressé du disciple Macron) que l’écologie a été ingérée par l’économie ; et que, donc, proposer ou clamer un virage écologique reviendrait à ne rien changer dans la gouvernementalité économique ; l’écologie ayant été parfaitement dissoute dans le bain comptable de l’économie.

Seul changement, le spectacle vide d’un nouveau premier ministre écologiste réaliste (« realo ») et surtout opportuniste. Le pouvoir et sa corruption, le plus vieux truc social-démocrate réformiste, récupéré par les écologistes « d’action ».

Pour comprendre la grande arnaque du tournant écologiste du règne, il faut mastiquer, digérer, cette ingestion économique de l’écologie ; c’est-à-dire analyser la manière dont l’écologie (réaliste ou d’action) s’est soumise à la mesure, à l’évaluation, à la comptabilité et à la finance ; interroger la manière dont l’écologie s’est pliée et qui permet à notre roi financier austéritaire de devenir le « meilleur écologiste » (après avoir été le « meilleur gestionnaire » de crise). Pour reprendre une vieille expression : la meilleure écologie, compatible avec l’économie, la voilà, en la personne de Macron II, le roi vert.

Revoilà l’attrape sarkozyste du Grenelle de l’environnement : n’oublions jamais que Macron est le plus authentique sarkozyste, depuis la commission Attali (qui a misle jeune Macronen orbite).

Le virage écologiste de Macron, de Macron I, le comptable austéritaire, à Macron II, l’écologiste échevelé, ne s’expliquant que parce qu’il n’y a pas de virage du tout, parce que l’écologien’estquede l’économie prolongée, parce que l’on peut faire semblant de virer écologiste tout en renforçant et en étendant l’économisme le plus intégriste et fanatique (le fanatisme des inspecteurs comptables financiers).

Le nouveau roi vert Macron II, de la nouvelle révolution industrielle bio-nano-info ou de la nouvelle (nouvelle) startup nation,startup nation cette fois-ci écologiste bio-nano-info (avec plein d’innovations « biomimétiques », par exemple, ou avec plein de néo-marchés généralisés, comme celui du carbone, ou avec le projet grandiose d’un New Green Deal appuyé par la vision biotechnologique de la croissance), le nouveau roi Macron II, écologiste de bio startup, pourra atteindre la prêtrise complète,quand les comptablessauveront le monde.

Avant que de rentrer dans quelques détails pour expliquer ce que signifie « l’ingestion économique de l’écologie » (un phénomène biodynamique !), à partir de quelques exemples [4] (que nous laissons au lecteur intéressé la tâche de compléter) : le marché du carbone pour réduire la pollution, la définition de la nature, au cas par cas, comme un capital à « protéger », c’est-à-dire à mesurer, à évaluer, valoriser financièrement (pour dégager des ressources de protection), à reconstituer technologiquement (ou à imiter) pour délivrer un objet stratégique du point de vue commercial (de la valorisation), la domination de la bioéconomie (la biotechnologie) et de sa branche la plus prometteuse, le biomimétisme industriel, donc, avant d’explorer ces exemples, énonçons « les principes », les idées dogmatiques qui président à l’incorporation totale de l’écologie dans l’économie :

L’économie verte est l’avenir de l’économie ; réciproquement aucune écologie n’est possible hors du champ économique (de la mesure, de l’évaluation, de la comptabilité) ;

Cette économie verte repose sur la définition de la nature comme un capital « précieux », capitalqu’il faut mesurer correctement, bien évaluer, puis accroître, de manière technologique ou de manière financière (ou les deux à la fois) ; Et, sans doute, l’axiome essentiel : la nature est et n’est que de la monnaie. Restons-en là, d’assez significatif ; nous préciserons en regardant les exemples de « réalisation » de ces dogmes économistes.

La définition NORMATIVE (éco-Nomique) de la nature (de l’environnement) comme capital (au sens de l’économie, technique & financier)s’adosse à un système d’organisations politiques, organisations politiques unies dans ce qui est nommé World Forum on Natural Capital. Forum auquel adhèrent de nombreux États, des ONG environnementales (ou écologistes) comme WWF (World Wildlife Fund - notons l’humour de la vie sauvage évaluée), de nombreuses multinationales extractivistes, Rio Tinto, BP, Shell, ou du luxe, Kering, des agences comptables ou d’audit, PWC, KPMG, Standard and Poor, des institutions financières internationales, comme la Banque Européenne d’Investissement. Ce Forum est donc une sorte de Davos du capital naturel et de l’économie verte (on commence à bien rire !).

Ce capital naturel (à « protéger »), mis à la base de l’économie verte, entendue comme gestion de ce capital naturel, ce capital naturel vert est vite devenu un département, très prometteur, de la finance globalisée. Car c’est à la finance que revient, à la fin, « l’entretien et la protection » de ce nouveau capital ; la finance exhibant ses capacités séculaires à « développer et protéger » l’épargne ou le capital.

C’est donc à la finance (aux départements spécialisés des institutions financières) que revient la mesure évaluation de ce capital ; mesure qui passe par l’évaluation des « services environnementaux » que peut rendre ce capital vert, par exemple la valeur commerciale d’un paysage en termes touristiques, mesure évaluation qui permet une gestion économique en termes classiques de coûts / bénéfices des externalités à internaliser.

C’est cela qui caractérise l’économie verte, le transport des règles économiques classiques (mesure, évaluation, calcul de rentabilité) dans le domaine environnemental ou écologique, avec le dogme : seul ce transport isomorphique des règles économiques (de la logique du marché) à l’écologie est capable de promouvoir « la protection de la nature » ; la protection sera de forme économique ou ne sera pas.

Bien entendu, la définition axiomatique ou dogmatique de la nature comme un objet comptable à inscrire en compte n’est que le prolongement à l’environnement ou à l’écologie des principes habituels de l’économie ; l’économie verte désigne l’hégémonie de la logique économique. Les Nations Unies (UN), colonisées par les mégacorporations (avec le sourire des États qui composent l’arène des Nations Unies), ont même créé une Banque du Capital Naturel, Bank of Natural Capital (on meurt de rire !). Regardons le site de ce département financier des Nations Unies : tout l’esprit de l’économie verte se trouve résumé en quelques slogans explicites :
Penser toujours qu’il est impossible de gérer ce que l’on ne peut mesurer ;
L’évaluation permettant l’investissement (et ses calculs de rentabilité) est nécessaire à l’amélioration de la nature (possiblement par sa recréation artificielle) ;
L’investissement financier est la clé de la protection de la nature ;
Il est impossible de protéger la nature si cette nature n’est pas évaluée et inscrite dans des comptes ;
Sur cette base de l’évaluation (mesure du capital naturel) il convient de construire, ouvrir, le plus grand nombre de marchés, intermédiaires mécaniques de la gestion optimale ;
La gestion au moyen de marchés est le seul moyen d’assurer « la protection optimale » [5].

Arrêtons-nous, alors, sur l’un des plus célèbres marchés écologiques, le marché du carbone. Célèbre pour ses scandales (seconde référence de la note 3).

Marché du carbone et dogmatique économique.

Le marché du carbone a été créé (ex nihilo) comme la mise en œuvre d’un dogme, le dogme de la bienfaisance par l’échange ou par le marché, ici l’échange des émissions de pollution. La dogmatique nous dit : pour réduire la pollution par les émissions de CO2, pour gérer optimalement cette pollution, il convient de construire un marché, le marché des émissions. On parle de Carbon Trading Dogma et de ses conséquences pratiques (implémentations) les Certified Emission Reductions.

Examiner ce néo-marché, construit artificiellement, permet de comprendre les relations qui unissent les catégories économiques (dogmatiques) et les problèmes environnementaux ou écologiques.

Le processus d’économicisation ou de marchandisation des questions écologiques, climatiques, virales ou autres, est lié à l’émergence d’une nouvelle modalité de génération de valeur et de profit, nouvelle modalité généralement nommée (par les négristes) « capitalisme cognitif » ; pour cette modalité, la valorisation est déplacée de la production matérielle standard (même si elle peut subsister là, de manière traditionnelle, par l’exploitation classique) vers l’innovation intellectuelle ou scientifique ; ainsi nous trouvons, comme formes nouvelles de valorisation, les nouvelles enclosures des droits de propriété intellectuelle, droits qui font l’objet de transactions financières denses,les marques, les inventions scientifiques (exactement technoscientifiques, biochimiques par exemple), les « concepts », l’innovation financière elle-même (dans un circuit itératif) ou la gestion financière (le cas Macron), tout ce qui ressort du fameux « general intellect ».

La gouvernance des circuits de valorisation est, alors, entièrement déplacée (même pour la valorisation classique par la production matérielle) dans la sphère financière ; cette sphère « immatérielle » est le poste de commandement de toute la valorisation capitaliste.

Comme on le sait bien, cette sphère financière est caractérisée par l’instabilité et l’incertitude (le risque, le capital risque auquel appartient la naturedéfinie comme capital), le risque étant l’horizon de la finance. Horizon d’instabilité qui pousse, circulairement, les innovations financières(des assurances contre le risque), cet élément essentiel de l’innovation intellectuelle valorisable. De manière générale, les protocoles de gestion des problèmes écologiques sont toujours développés dans le cadre de la logique financière.

Ainsi le Protocole de Kyoto et le Clean Development Mechanism ont-ils conduit à déployer un système de néo-marchés, les marchés du carbone ou marchés des émissions polluantes.

Insistons, la marchandisation des émissions de CO2a été prescrite dans un cadre politique, celui des accords internationaux(des Nations Unies) ; cadre politique dominé idéologiquement par la logique économique qui prescrivait de créer de toutes pièces ce néo-marché des Certified Emission Reductions.

Les propriétés physiques des émissions polluantes, dites marchandises « carbone », les émissions polluantes échangeables introduites par le marché du carbone, leur valeur d’usage (négative), ne sont jamais définies de manière intrinsèque, technique ou chimique ou autre, ne sont jamais définies par leurs dimensions écologiques négatives (des pollutions dangereuses), mais sont toujours définies à travers la condition exclusive d’accepter le caractère bienfaisant du marché, organisé sous le principe de la compétition ou de la concurrence totale.

La valeur d’usage désastreuse des pollutions au carbone est dissoute dans la valeur d’échange que génère le marché de concurrence (il n’est jamais question d’interdire, horreur, les pollutions, il n’est question que de les gérer économiquement selon les principes habituels de la théorie économique ; à commencer par une allocation de « droits à polluer » échangeables).

Alors, la valeur comptable générée dans les marchés globaux du carbone découle du dogme que l’échange marchand des émissions polluantes au carbone est la seule solution acceptable des problèmes écologiques, climatiques par exemple.

No market, no future.

Exemple, le changement climatique ou une épidémie virale, effets externes du développement économique, montrant que le marché n’est pas omniscient (market failure), ces effets externes ne peuvent être résolus ou traités rationnellement que par l’internalisation universelle (de tout), c’est-à-dire par l’extension du marché ou la création de néo-marchés artificiels, comme celui du carbone.

Les défaillances des marchés (ou de la logique économique) ne peuvent être corrigées que par un déploiement des marchés ou un renforcement de la logique économique. No market, no future ; carbon pricing is the only solution to global warming.

La marchandisation ou la financiarisation des services environnementaux, leur vente à la coupe, est inéluctable, pour des raisons dogmatiques ou idéologiques. On peut alors dire, pour insister, que l’économie verte est la tentative capitaliste de dépasser les crises socio-écologiques en incorporant, internalisant, les (fameuses) limites environnementales et en redéfinissant ces limites comme un nouvel espace à coloniser, comme une nouvelle frontière à toujours repousser.

Ce capitalisme vert ne connaît les limites que pour s’en nourrir. Et, finalement, la gouvernementalité économique, la gouvernance financière, ne conçoit l’environnement que comme un élément interne « intéressant » du processus de production de valeur.

Le changement climatique ou tout autre effet externe ne peut être abordé, puis résolu comme problème, que par l’internalisation, c’est-à-dire par l’extension du marché, par l’absorption de l’extériorité environnementale en intériorité financière : tout problème écologique est résolu par sa transformation en problème financier.

La financiarisation des services environnementaux, services à effets positifs ou négatifs, est la seule voie concevable pour résoudre la question écologique ; la seule voie « réaliste », c’est-à-dire pensable dans le cadre des rapports de force qui tiennent l’hégémonie néo-libérale.

Le dogme du marché du carbone dérive de la dogmatique économique et de toute la mythologie qui soutient la création des néo-marchés, imaginés comme des processus d’optimisation et rendus automatiques une fois qu’ils sont installés (tel est le mythe, pour lequel les market failures ne peuvent être corrigées que par encore plus de marchés).

Ce dogme de l’économicisation, mesure, évaluation, comptabilité, calcul, financiarisation, le dogme néolibéral du salut par la constitution de marchés, cette dogmatique est l’expression des tendances « irrépressibles » du développement capitaliste actuel, pour lequel l’environnement représente une source potentielle de profitabilité.

L’écologie, d’accord ! Mais à condition que son développement ou sa gestion soit effectuée dans le cadre de l’économie ; et soit managée par les entreprises auxquelles l’État dévolue le pouvoir d’agir, comme favoriser les startups bio-nano-info. Le dogme néolibéral domine l’écologie avec l’affirmation : préservation de l’environnement = production de valeur et de plus-value par la gestion écologique ou la croissance soutenable.

Pas question de limiter la croissance, le ressort fondamental du pouvoir politique, mais nécessité de définir une croissance « soutenable » pour laquelle le profit dérive des nouvelles technologies écologiques ou est lié à la « nouvelle révolution industrielle écologique » (dont Macron est le grand prêtre).

Il s’agit de cristalliser les imaginaires et les imaginations, les innovations et les inventions selon la ligne politique néolibérale de l’extension des marchés et du renforcement de la concurrence.

Transformer l’université en pouponnière technologique, transformer les chercheurs en gestionnaires financiers de leurs propres recherches, mais uniquement dans les startups de haute technologie bio-nano-info, qui doivent assurer à ces chercheurs fortune et renommée.

Marteler le dogme de la solution de marché : la préservation de l’environnement doit passer par l’accroissement du profit et du taux de croissance, dans et pour les nouvelles technologies.

Comme les technologies du biomimétisme qui consistent à imiter les systèmes naturels, puis les recomposer (la méthode de production des médicaments à partir des plantesen isolant les molécules utiles), pour réduire les impacts environnementaux négatifs sans jamais sacrifier la concurrence économique.

L’histoire des conceptions néolibérales de la croissance et celle des visions biotechnologiques de cette croissance, ces deux histoires doivent toujours être étudiées simultanément.

La cristallisation des imaginaires autour de l’enrichissement, autour des profits à obtenir dans la lutte économique contre la crise environnementale, cette cristallisation tourne autour du grand principe économique de la compétition bienfaisante.

Il s’agit d’un dogme indémontrable (on peut plutôt démontrer le contraire, la malfaisance de la compétition, dès que l’on introduit la répartition et l’inégalité). Et le fait est qu’il s’agisse d’un dogme rend les éléments de ce dogme, marché, compétition, profit, innovation, équilibre, harmonie, bien-être, totalement impénétrables à la critique.

L’économie est une religion ; et l’extension de sa dogmatique sotériologique à ce nouveau domaine écologique rend l’économie verte (la nouvelle extension économique) totalement incritiquable ; critiquer l’économie verte est un blasphème, puni par l’excommunication, l’interdiction de s’exprimer.

Macron I, le fanatique financier de l’économie, de la compétition, des innovations, des startups, des règles comptables et financières, peut donc, parfaitement et sans difficulté, se travestir en Macron II, le défenseur de l’écologie ou de l’environnement, à la condition que cette écologie se moule dans le corps dogmatique de l’économie, ou soit soumis aux règles normatives de la mesure comptable (pas d’écologie sans évaluation de l’environnement ou des services environnementaux).

La dogmatique économique, comme toute dogmatique religieuse appuyée par la foi, est impénétrable à la critique aussi bien qu’aux preuves empiriques de son absurdité ; la critique détaillée du fonctionnement des marchés du carbone n’a aucun effet sur la dynamique de ces marchés, dynamique impulsée par la foi et la dogmatique des marchés salvateurs.

Le fait que les marchés du carbone soient défaillants, et plutôt inefficaces ou nuisibles, que la défaillance soit même la logique interne de ces marchés (minés par la corruption rhizomatique, lire note 1 référence 2), tout cela n’a aucune conséquence (nous retrouvons l’irresponsabilité des politiques et des hommes politiques) ; le fait que ces marchés soient sans effet dans la lutte contre le réchauffement (facile à vérifier !) et sont dommageables en repoussant et diluant les responsabilités (transfert des méthodes de la finance comme la titrisation), encore une fois tout cela n’a aucune conséquence ; le dogme se renforce même de ses échecs concrets ! Jamais le phénomène de l’Inquisition n’a pu mettre en cause la foi catholique !

Revenons alors à notre maître Mario Tronti(renvoi à LM 108 du 13 juin 2017,Sur John Holloway et la révolution copernicienne opéraïste) :

Nous avons toujours réfléchi et agi, dirigés par une pensée qui plaçait le développement capitaliste en premier et la lutte en second ; c’était une lourde erreur ; nous devons inverser le problème et partir du commencement ; et au commencement se trouve la lutte.

On connaît bien l’interprétation négriste de cette formule, formule entendue comme une sorte de clé sociologique ou méthodologique pour expliquer l’histoire (voir notre interprétation, opposée à celle de Negri,in article cité, LM 108). De manière négriste on pourrait dire : autant le nouveau rôle central du « general intellect » ou du travail immatériel comme principe d’organisation de la production, que la nouvelle gouvernementalité économique néolibérale dominée par la finance, l’un et l’autre ont leurs racines dans la réaction (créatrice) aux luttes, écologistes, anti-consuméristes, anti-capitalistes des années 1960-1970. On peut même dire que l’écologie « réaliste » réformiste opportuniste du futur premier ministre de l’écologie gouvernementale, que va coopter Macron pour son simulacre de virage écologiste, que cette écologie ministérielle trouve sa source dans la lutte interne aux écologistes et dans la réaction « réaliste » à l’écologie radicale ; le combat realos / fundisqui ressuscite le plus vieux conflit entre les socialistes réformistes et les communistes révolutionnaires.

Sans mouvements combatifs et sans lutte maintenue, il ne peut exister qu’une écologie de gouvernement, soumise à l’hégémonie économique.
Sans un combat radical contre cette hégémonie, nous ne trouverons que des écologistes réalistes opportunistes, piaffant devant le palais royal et attendant avec impatience que le roi les appelle, ce nouveau roi écologiste.

Le rôle crucial de la lutte est toujours à souligner : la lutte d’abord ; au-delà du sociologisme négriste.

L’hégémonie économique ou celle de l’écologie comptable est comme une forteresse qu’il faut sans cesse attaquer.

C’est à ce niveau d’abstraction qu’il faut se placer : déployer une lutte anti-économique qui est aussi anti-écologiste, autant que l’écologie réaliste est soumise à l’impératif de la croissance économique et à l’ordre capitaliste du profit.

Il faut rejeter en bloc la rationalité économique : la mesure, l’évaluation, la comptabilité, la finance (lire LM 242 du 11 mai 2020, Déconfinement).

Il faut un mouvement politique de rejet de l’économie pour désarticuler la dogmatique économique, qui a capturé l’écologie.

Green economy, New Green Deal.

Le capitalisme néolibéral est en train d’essayer de transformer les crises, dont les crises environnementales, en des opportunités pour un business profitable (pour un nouvel usage de la crise épidémique, transformée en entreprise hautement profitable, voir l’article de Martine Orange, Médiapart, cité en note 2 ; mais la figure du « profiteur de guerre » ou de crise ou du malheur est une figure qui traverse les millénaires).

L’écologie économicisée, soumise à l’hégémonie économique, transformée en green economy (avec, sans doute, un new green deal) n’est en aucune manière une rupture ; ce que comprend bien Macron qui peut ainsi effectuer un virage écologiste, sans changer de position idéologique.

La nouvelle écologie de marché réalise un rêve biopolitique. Si du moins on prend, ici, biopolitique au sens des cours et leçons de Foucault : la nature internalisée dans le calcul économique. Suivons Foucault pour compléter nos analyses [6].

Le marché est devenu un principe de véridiction qui permet au gouvernement d’agir efficacement, en se contentant de construire et planifier des marchés, puis en laissant agir ces machineries automatiques (que le gouvernement monte et remonte) ; le marché est le centre d’un nouveau régime de vérité, d’une nouvelle religion.

Le régime biopolitique qui place l’environnement et la nature comme des préoccupations économiques essentielles (hygiéniques, productives) va chercher à contrôler cette nature, d’abord pensée comme simple extériorité puis transformée en catégorie clé, intériorisée.

On pourrait même dire, toujours en suivant Foucault, qu’un élément central qui a provoqué le glissement du libéralisme classique au néolibéralisme consiste en une modification de la relation entre le gouvernement biopolitique(ou économique, de gestion des populations) et la nature.

D’objet extérieur « gratuit », ou indifférent, la nature devient un objet économique internalisé, évalué, mesuré, comptabilisé, « pris en compte ».

La nature n’est plus pensée comme une limite externe, mais devient un bloc comptable intégré à la comptabilité générale, un nouveau bloc comptable qui, comme toute chose mesurée, permet le calcul, le profit, l’investissement.

Le dépassement économique des limites écologiques supposées se produit lorsque la nature est entièrement mesurée.

Le marché étant l’unique site de véridiction, lorsque la nature est reconstruite comme nature comptable elle passe sous le contrôle du marché ; la seconde nature mesurable est inscrite dans le mécanisme de véridiction du marché ou dans le régime de vérité (religieuse) défini par l’économie ; régime de vérité ou dogme religieux qui est le support du gouvernement néolibéral (ce pourquoi Macron paraît comme un fanatique ou un intégriste religieux ; son virage écologiste ne changeant rien).

Nous l’avons dit et redit, c’est ce dogme religieux (de la véridiction par le marché) qu’il faut abattre ; et pour abattre le dogme il faut se mettre en lutte.

Le pilier biopolitique ou économique de la soumission à la compétition, ce pilier qui, désormais, porte la nature et la transforme en nouvelle source de croissance, c’est ce pilier qu’il faut abattre : refuser la concurrence (et tout le narcissisme qui va avec).

Mais qu’est-ce que la compétition ?

La compétition est un formalisme ou un principe de formalisation, un principe de calcul, celui de l’optimisation. La compétition est le nom que l’on donne au cœur de la logique du calcul économique, celui de la maximisation. La compétition se place dans un champ entièrement rendu calculable ou mesurable. La compétition est une lutte entre des unités comptables dans le champ uniforme de la valeur comptable.

Mais la compétition, comme noyau de la logique économique, ne peut s’effectuer, se réaliser, produire ses effets (supposés bienfaisants), que si elle est placée au centre d’une construction politique totalement artificielle (comme la communauté économique européenne), construction politique normative capable d’ingérer la nature comme élément économique profitable.

Le nom de l’absorption, internalisation, de la nature comme élément profitable, lorsque la biopolitique ou l’économie (physiocrate) ingère l’écologie, est Green Economy, avec son article phare, le New Green Deal.

Le New Green Deal, un grand projet économique pour la nature, un projet qui peut parfaitement être géré par des financiers (même pas repentis, comme Macron).

Nous pouvons alors pronostiquer (pour revenir au thème de la politique anticipation) :

La Green Economy et le New Green Deal seront les socles politiques du gouvernement Macron II écologiste ; sans que l’aspect comptable financier austéritaire inégalitaire du gouvernement Macron I ne change en quoi que ce soit.

L’indifférence de l’écologie économique « réaliste » à tout problème social, de répartition, d’égalité, de démocratie, est sa marque de fabrique.

Il existe beaucoup d’écologistes « de droite » pro-capitalistes.

Le combat doit se situer là : dans la dénonciation de l’écologie « réaliste » ; qui collabore avec le néolibéralisme, qui envisage l’écologie comme une nouvelle force compétitive, un nouveau moyen de croissance appuyé sur de nouveaux objets (les produits de la fameuse nouvelle révolution biotech).

La rhétorique de la soutenabilité exprime cette synergie nouvelle écolo-économiste, cette nouvelle harmonie économique entre des éléments posés jusqu’alors comme antithétiques, la croissance et la protection de la nature.

L’économie verte est un nouvel élément de la reconfiguration biotechdes pratiques du gouvernement économique : toujours la compétition, mais avec de nouveaux éléments écologiques.

Suivons l’exemple du développement de la bioéconomie (Melinda Cooper, note 3, première référence).

La bioéconomie est un nouvel attribut de la biopolitique.

La bioéconomie désigne l’introduction de la logique économique (mesure, comptabilité, profit) dans le champ de « la vie », « vie » reconfigurée de manière technologique (biotech) par des industries ou des laboratoires biotechnologiques qui organisent un nouage technoscientifique et financier, indistinctement techno et financier, le modèle startup, modèle si chéri par Macron.

Contrairement à une idée fausse,les dirigeants politiques et industriels n’ont jamais dénié l’existence d’un problème écologique. Plutôt, ils étaient en attente d’une réponse qui s’inscrive dans le schéma économique. Et, maintenant que cette réponse est apportée (par la green economy) il est possible aux gouvernements et aux industriels se présenter comme écologistes, « les meilleurs écologistes ».

La biotechnologie, pour suivre l’exemple, est un nœud biotech-finance, est, à la fois, inscrite dans l’ensemble des circuits financiers (le financement des startups)et soutenue techno-scientifiquement par les gouvernements, à travers les universités et les centres publics de recherche ; déplacement du schéma militaro-industriel.

L’inscription technique de « la vie » dans un schéma financier transforme cette « vie » en quelque chose de totalement calculable, modélisable, contrôlable, artificiel, découpable en programmes de recherche ; la « molécularisation » de la vie transforme cette vie en une collection d’objets techniques standardisés et, ainsi, vendables, marchandisables.

Et la dernière innovation, « disruptive », celle du biomimétisme, l’imitation reconstruction hyper technologique des processus naturels, invention qui étend le champ de la bioéconomie, cette innovation de la biomimétique technologique désigne un nouvel espace industriel ou d’ingénierie biomoléculaire (bio-nano), nouvel espace, nouvelle frontière qui est espéréedevenirun nouveau moteur de croissance économique.

Les produits « bio-inspirés » et les services associés devraient générer plusieurs milliards de chiffre, très rapidement [7].

Ainsi se déploie économiquement la politique écologique.

L’idée de biomimétisme est travaillée, scientifiquement, industriellement et financièrement, depuis le début de ce nouveau siècle. Et cette idée a été présentée, dans les cercles biotechnologiques, financiers et politiques (une idée pour Macron II), comme une critique du système industriel ancien, carboné et dissipatif, extractif et polluant, et, en particulier, comme une attaque contre le lobby pétrolier.

Les lobbyistes du biomimétisme industriel ont même obtenu un grand succès, celui du vote, aux États-Unis de la fameuse loi American Clean Energy and Security Act (2009) ; l’industrie du biomimétisme devenant, grâce à cette loi, et toujours avec Trump, un élément central de la sécurité technologique américaine et de la green economy (mise au centre du dispositif de sécurité nationale) ; élément central qui continue son chemin par Trump (le négationniste climatique, en public, mais qui défend la green economy de haute technologie, en privé).

Renvoyons à la prophétesse de la révolution bioéconomique et biomimétique,Janine Benyus, Biomimicry, innovations inspired by nature.

Et résumons ses thèses les plus connues :
La nature fonctionne grâce à l’énergie solaire ;
La nature est économe (sinon économiste) et n’utilise que l’énergie dont elle a besoin ;
La nature est fonctionnelle et ne produit que des formes efficaces ; la nature est leibnizienne ;
La nature sait tout recycler ;
La nature se déploie par la diversité la plus grande ;
L’étude de cette nature exige une expertise spécialisée, expertise technoscientifique qui est la clé du développement économique futur ;
Les systèmes productifs bioéconomiques sont des systèmes vivants ou des imitations du vivant, circulaires (l’économie circulaire), efficaces ;
L’idée de déchet ou de pollution disparaît (la circularité) ;
La nature, recréée technologiquement (par imitation), est intégrée à l’économie (par cette reconstitution même) ; la nature ne constitue plus ni un problème, ni une limite ;
L’économie devient écologique dès lors que l’écologie est économe (ou économique) ; le principe de Maupertuis organise cette fusion écologie économie ;
L’économie verte est destinée à devenir intégralement bioéconomie de haute technologie.

Comme l’a bien senti Trump (même lui, alors Macron !) l’économie verte devient un réseau d’opérations technoscientifiques de la plus haute importance stratégique, déjà comme source d’une immense valeur compétitive.

La nation, États-Unis ou Chine, qui saura mettre ces technologies bioéconomiques au centre de ses préoccupations et de ses investissements acquerra ou possédera un immense avantage stratégique, nécessaire, par exemple, à la terraformation des planètes à coloniser (la course à la colonisation de Mars étant lancée). Macron ne peut être que sensible à de tels arguments.

Stratégie, intelligence, rapidité de décision, capaciter de mobiliser de lourds investissements financiers, voilà ce qui caractérise l’économie verte, comme direction stratégique. L’économie verte est certainement la meilleure manière de défendre l’idée (maintenue) de croissance économique nécessaire ; c’est aussi une manière nécessaire de se positionner dans un espace compétitif et militarisé.

Ce qui est derrière l’économie verte, la transformation de la nature en une gigantesque machine biotechnologique, par récupération industrielle, par copie transformation technoscientifique, ou par création pure en laboratoire, nature reconfigurée et, ainsi, pourvoyeuse de services biologiques ou écologiques vendables (grâce à l’extension sans limite des brevets), cette transformation techno-industrielle correspond exactement à une nouvelle accumulation primitive, la transformation d’un espace vierge,voire inconnu (comme les virus !),en un espace connaissable scientifiquement (par des experts spécialisés, disons des biochimistes organisés en entreprises) et, ainsi, rendu mesurable et calculable.

Ce qu’il y a derrière le projet vert du règne écologique de Macron II est une nouvelle accumulation primitive, une nouvelle colonisation par expropriation ou par appropriation technoscientifique (l’inclusion par exclusion d’Agamben).

Nous avons là un exemple parfait de la manière dont l’économie s’empare des externalités ou des extériorités pour les transformer en objets commerciaux ; ici nous avons toute la nature, scientifiquement recréée, comme champ adapté au développement économique.

Le fameux « retour à la nature » dont se vante cette écologie économique est une plaisanterie d’initiés. En effet, la dite nature est reconstituée dans des laboratoires de recherche de haute technologie ; le « retour à la nature » exige de passer les combinaisons protectrices deslaboratoires de haute sécurité (comme les P4). La nature est décomposée jusqu’au niveau nanométrique ou subatomique, puis recomposée en un gigantesque mécano surréaliste, selon la méthode typique de l’ingénierie génétique. L’idée néo-prométhéenne d’un contrôle de l’évolution, voire de son accélération, suscite une danse effrénée autour des profits espérés. La grande fantasia des savants fous est lancée.

La nature est transformée en entreprise ou en usine.

Cette nouvelle accumulation primitive implique au moins deux processus d’appropriation privée de la nature (les nouvelles enclosures) :
Celle de la propriété intellectuelle de toutes les productions artificielles, bien que mimétiques (phénomène déjà connu dans le domaine des médicaments) ; soulignons l’importance de cette privatisation de la recherche scientifique ;
Celle de la génération de nouveaux domaines « néo-naturels » qui cessent, par construction, d’être extérieurs (selon l’ancien sens de la nature, son extériorité) pour devenir des produits industriels (appropriés comme des marchandises ordinaires) ; notons que ces produits « néo-naturels » correspondent à des « néo-marchés » qui permettent de les valoriser.

Il est même instructif de noter que, selon les plus fanatiques supporters du biomimétisme ou de l’industrie bioéconomique en général, ce qui est le plus décisif, dans cette nouvelle branche industrielle (qui se substitue à la nature), est que cette industrie est immédiatement génératrice de chiffre (et de chiffres en tout genre).

Il ne s’agit pas seulement de donner un prix à la nature, il s’agit de reconstituer une nature artificielle technologique immédiatement mesurable en termes financiers. Les politiques vertes peuvent ainsi devenir la pierre de touche d’un nouveau modèle de développement économique. Et notre ami le roi vert Macron II ne fait, une fois de plus, que chausser les bottes du Sarkozy du Grenelle de l’environnement.

Toute la trajectoire du règne Macron est tenue dans le champ d’attraction du sarkozysme (depuis la commission Attali) ; le passage du Macron I tentant l’ordo-libéralisme au Macron II virant écologiste confirme cette capture.

Fini les services écologiques « gratuits » ; directs, sans transformation biochimique, ou indirects, reconstitués en laboratoire, ils doivent être évalués, puis payés, impliquant la démultiplication de nouveaux marchés (comme celui du carbone, dont nous avons parlé au début de cette note).

L’économie verte étant entièrement absorbée dans le champ de la logique économique, passer d’une économie traditionnelle, carbonée, à une nouvelle économie verte, biochimique, ne peut donc poser aucun problème à un financier comme Macron.

Et celui-ci peut se présenter comme « le meilleur écologiste », puisque dès que la nature est envisagée comme un objet économique, un objet de haute technologie stratégique, toute question écologique, pollution, réchauffement, épuisement, destruction, est effacée, réglée par avance (par la dissolution économique).

Et peu importe qu’en fait le déploiement des néo-marchés ou de l’économie verte hypertechnologique aggrave les problèmes écologiques (comme nous l’avons dit en suivant le cas du marché du carbone) ou les problèmes sociaux, par l’accroissement massif des inégalités lié à l’extension illimitée des droits de propriété intellectuelle (voir le cas pendable de la recherche des vaccins), le dogme économique de la comptabilité qui sauve ne peut jamais être mis en cause.

L’économie verte est une menace écologique, sociale et politique.

Ses affinités sélectives avec la finance, son rôle central dans le rajeunissement du capitalisme, par une nouvelle révolution des techniques, la rendent particulièrement nuisible.

Ce pourquoi Macron le destroyer peut s’en prévaloir pour effectuer un tournant sans changement.

[1Relire LM 102 du 4 mai 2017,Macronomie ; la longue note sur la commission Attali.

[2Nous allons étudier spécifiquement les relations d’ingestion entre écologie (environnement) et économie (finance).

Il aurait été possible de suivre une voie parallèle, celle de l’étude de l’absorption économique (financière) de « la santé » (la privatisation, la marchandisation). Le tout récent débat sur les vaccins et l’appropriation privée (via lesdroits intellectuels) de leur recherche, développement puis production en vue d’une vente (dont les bénéfices attendus paraissent colossaux) doit être considéré comme une illustration (supplémentaire) des thèses que nous allons soutenir (sur l’ingestion de l’écologie par l’économie).

Sur ce sujet des vaccins et de l’absorption de « la santé » par l’économie, renvoyons à l’excellent article de Martine Orange, Médiapart du 14 mai 2020,Vaccin contre le Covid-19, Sanofi ou la marchandisation extrême de la santé.

[3Notons que le brave Fabius n’a pas été contaminé par l’affaire du sang contaminé. Et que, comme un politique normal, donc irresponsable, il a pu continuer son train de sénateur jusqu’au conseil constitutionnel où il peut dormir en paix.

Il faudra un jour établir la liste de tous les politiques qui ont pu échapper à la justice. Sarkozy, encore lui, est certainement un modèle pour Macron, qui pourrait être mis en accusation pour incompétence notoire et mise en danger de la vie de ses sujets (mais n’est-ce pas le rôle du « chef » de mettre en danger la vie de ses subordonnés, sans conséquence aucune pour son statut, toujours protégé par l’irresponsabilité générique).

[4Cette note peut être lue comme un nouveau supplément à la sérieLa conspiration(Lundi Matin).

Renvoyons à cette série et, plus particulièrement, aux deux épisodes consacrés à l’écologie, l’épisode 7 du 1ernovembre 2015 et l’épisode 8 du 8 novembre 2015.

Mais il est possible de commencer à l’envers, par le post-scriptum, l’épisode 11 rajoutéle 29 décembre 2018.

[5Pour plus de détails :

Commencer par le magnifique ouvrage de Melinda Cooper,Life as Surplus, Biotechnology & Capitalism in the Neoliberal Era (livre à lire, absolument, et dont nous nous inspirons) ;

Marius-Cristian Frunza,Fraud and Carbon Markets, The Carbon Connection ;

Jorgen Wettestad,The Evolution of Carbon Markets, Design and Diffusion ;

Sandrine Feydel et Christophe Bonneuil,Prédation, Nature, Le Nouvel Eldorado de la Finance ;

OCDE, Politique de l’environnement, Comment appliquer les instruments économiques ;

Olivier Beaumais et Mireille Chiroleu-Assouline,Économie de l’Environnement.

[6Michel Foucault,Naissance de la biopolitique ;Sécurité, territoire, population ; Il faut défendre la Société.

[7Renvoyons à l’officine spécialisée de consultants en bioéconomie, Biomimicry 3.8,

“Biomimicry 3.8is the world’s leading bio-inspired consultancy offering biological intelligence consulting, professional training, and inspiration”

Jacques Fradin Économiste anti-économique, mathématicien en guerre contre l'évaluation, Jacques Fradin mène depuis 40 ans un minutieux travail de généalogie du capitalisme.
lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
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