Les jours d’après

Vivre et lutter dans un monde pandémique
[REPORTÉ]

paru dans lundimatin#330, le 14 mars 2022

[L’organisation de la journée a rencontré quelques contretemps inattendus et fâcheux. Comme nous tenons à organiser une discussion à la hauteur des enjeux et du bilan nécessaire, nous préférons, tout en le regrettant, reporter cette journée à une date ultérieure. Avec toutes nos excuses.]

Après deux ans de pandémie, de tout et surtout de n’importe quoi, nous étions nombreux à nous dire qu’il fallait impérativement nous retrouver. Pour penser, mettre à plat ou en relief nos expériences, nous défaire de nos crispations, mettre en jeu nos certitudes. Nous avions donc convenu de ce rendez-vous, le 20 mars à La Parole Errante à Montreuil, pour reprendre pied et pourquoi pas repartir à l’assaut. Entretemps, nous sommes passés d’une crise à une autre, du Covid à la Russie, de la guerre au virus à une possible nouvelle guerre mondiale. L’urgence à laquelle nous nous accoutumons a ceci de remarquable : elle nous accule à chaque fois à l’impuissance et au commentaire. C’est déjà-là qu’il faut rompre. Au risque d’être à contretemps, il nous faut faire le pari du contre-pied. Il nous faut commencer à faire le bilan de ce que nous avons vécu ces deux dernières années. Ceci est une invitation, il y aura même un programme.

Contaminer ou être contaminé. Se confiner, s’enfermer soi-même. Fuir le contact. Remplir des attestations, s’autoriser, sortir son passe, sanitaire puis vaccinal. Se faire tester-tracer-isoler. S’entendre dire «  couvre-feu  », «  nous sommes en guerre  ». Voir l’ennemi surgir dans un toussotement. Se calfeutrer entre ce que l’on nous dit à la télé et ce qui se dit sur internet. Démêler, douter, zigzaguer, vriller.

Un nouveau régime d’urgence s’est dévoilé sous la menace d’un virus comme de son instrumentalisation par le pouvoir.
Des certitudes crispées et souvent creuses, des analyses et du décryptage à gogo, des centaines de milliers d’articles, des milliards d’heures passées derrière nos écrans… Nous voilà noyés dans le détestable, un flux de discours qui n’ont prise sur rien, des paroles et des pensées qui tournent en boucle et à vide. Nous voilà pris dans les pièges sémantiques du pouvoir. Nous voilà coupés de nos actions et de nos désirs, stupéfaits, isolés parfois, déboussolés.
Ce monde dans lequel nous devons vivre, dans lequel commence si bien l’année 2022, n’a jamais été aussi étouffant, aussi opaque, aussi incompréhensible. Ce monde nous l’appelons la catastrophe.

La fin annoncée du passe sanitaire signe peut-être la disparition de la Pandémie dans ce que l’on nomme l’actualité. Elle reste néanmoins ancrée dans nos corps, nos gestes et nos mémoires. On sait d’ailleurs que le coronavirus pourrait n’être que le premier avatar d’une longue série de fléaux du même acabit. Et le modèle de gouvernementalité qu’il a imposé, la passivité ainsi révélée et les réactions éparses qu’il a suscitées pourraient devenir les ingrédients de futurs désastres, notamment écologiques. Nous assistons, masque sous le menton, avec pour nouvel horizon la guerre, à l’établissement de ce qui ressemble à la pire des dystopies capitalistes, à l’avènement d’une société de contrôle totale et terminale. Ou presque.

Quelques irréductibilités, quelques résistances, quelques phénomènes étranges et déroutants ont également vu le jour. Des voisins qui déposent des courses sur un palier, des animaux qui reviennent en ville, des médecins qui prennent le contre-pied des injonctions gouvernementales, des camping-cars à l’assaut de l’Arc de Triomphe… On ne croit plus en rien ou presque à tout mais on tient à quelques certitudes tout de même. La première et la plus intangible : notre salut ne viendra que de nous-mêmes.

Il nous faut partir de là. De ce désarroi et de nos doutes, de la vie qui continue et des résistances qu’il s’agit d’amplifier. Quoi que l’on en dise, nous avons appris à survivre dans ce monde-ci, à le subir mais aussi à l’affronter. La confusion comme la stupeur, le déni autant que l’évitement, nous nous y sommes confrontés. Il est plus que temps de nous en ressaisir ensemble, de nous remettre à penser collectivement, de reprendre pied. C’est une certitude, pas un pari : l’époque n’a jamais été aussi ouverte. Qui serait encore prêt à se suicider pour le triomphe du monde de l’économie ?

Nous proposons ainsi un point de départ et de ralliement, la Parole errante à Montreuil, et une journée, le dimanche 20 mars, pour commencer à tout reprendre ensemble, humblement. Quelles théories nous éclairent ? Et lesquelles nous embourbent ? Quels sont les champs de bataille ? Où sont nos amis ? À l’heure du bilan, tirons les conclusions qui s’imposent pour de nouvelles introductions.

Le programme détaillé de la journée sera publié la semaine prochaine.

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