Le sionisme est une machine de guerre

Commentaires sur l̶a̶ ̶g̶u̶e̶r̶r̶e̶ le génocide en cours…

paru dans lundimatin#478, le 3 juin 2025

Si vous n’avez jamais lu le dialogue entre Gilles Deleuze et l’écrivain palestinien Elias Sanbar, intitulé Les indiens de Palestine, il est disponible ici. Dans cette continuité, nous avons reçu ces quelques brefs commentaires sur le génocide en cours, à parti du concept de machine de guerre développé par Deleuze.

Prétendant fuir l’exil, le sionisme devient l’exil des autres. Il rejette les flux nomades issus de la tradition qu’il revendique, pour imposer un ordre figé : des murs, un drapeau, un oubli dressé sur des ruines encore vivantes.

Il organise le territoire, les corps et les vérités selon une logique coloniale, maquillée en récit d’errance et de refuge. Il s’appuie sur un dispositif d’occupation planifié, technologique et brutal, qui efface les noms, expulse les habitants, rase les maisons, brûle les terres, redessine les cartes. De cette violence surgissent des zones interdites, des statuts illégaux, des enfants privés de droits.

Voilà quelques contradictions inhérentes au sionisme, qu’il n’a cessé d’approfondir. Pour les dissimuler, il produit une novlangue sécuritaire autoentretenue, destinée à justifier encore et toujours la dépossession permanente du peuple palestinien.

Aujourd’hui, Israël, qui fait du sionisme son idéologie d’État, fonctionne comme l’interface high-tech du vieux monde colonial. La modernité qu’il déploie en Palestine occupée, qu’elle soit militaire ou civile, trace l’esquisse de nouvelles dominations exportables ailleurs.

En ce sens, le soutien à la Palestine n’est pas qu’une cause ou une prise de parti en Occident : il incarne une altérité radicale face à « une civilisation à son terme, et sans doute au-delà », sclérosée dans la bêtise, le racisme et le contrôle généralisé.

Le sionisme assume ainsi l’une des fonctions centrales de la machine de guerre : opérer hors des cadres étatiques directs (ici européens et étasuniens), en construisant une frontière idéologique et militaire entre l’Occident et ses formes d’altérité ou de dissidence. Il n’est donc pas question d’anomalie liée à des conjectures politiques, mais bien d’un poste avancé du système. Financé, armé et justifié par ceux qui ont toujours voulu l’empire, c’est-à-dire là où « règne la situation normale », la léthargie.

Ce qui se joue à Gaza marque une nouvelle phase dans l’agonie de l’empire, engagé dans une lente séparation avec lui-même. La machine de guerre coloniale qu’il avait vassalisée pour contrôler ses marges ne répond plus à ses centres.

À l’image de Rome divisée, qui enfanta Constantinople comme sa sœur dissidente, Israël, d’abord positionné comme dispositif avancé de l’Occident, agit aujourd’hui selon une logique propre : non plus vassale, mais centrifuge, excessive. Gaza devient la ligne de fracture où s’ouvre cette dissociation. Là où l’Occident reste enferré dans sa rationalité morte, Israël pousse à son paroxysme une logique de guerre devenue sa propre fin. La machine de guerre, au lieu de retourner à l’empire, s’affole, devient monstrueuse, dans une clôture génocidaire autoalimentée.

La machine de guerre n’assure plus la protection de l’empire, mais produit sa déformation. À Gaza, c’est un génocide qui s’expose, et avec lui, la crise de ce qui liait encore la raison impériale à ses instruments.

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