Le grand retour des guerres inter-impérialistes

À supposer qu’elles aient cessé un jour

Jacques Fradin - paru dans lundimatin#329, le 7 mars 2022

Nous voilà donc projetés « en arrière », quelque part vers 1914.
L’avantage de l’histoire, par rapport à une vie singulière « de passant », est que, dans l’histoire, on peut « refaire sa vie », c’est-à-dire que l’on peut recommencer en ayant en mémoire « les événements » passés ; on peut alors imaginer corriger ce qu’il ne fallait pas faire (ce qui est impossible pour une vie singulière).
Malheureusement, cela, la possibilité de recommencer, ne signifie pas que les mêmes erreurs ou errances ne vont pas se reproduire ; la compulsion de répétition, décisive pour « le passant », se retrouve dans l’histoire.

Article mis à jour le 10/03/2022.
L’humain et son histoire, c’est sans doute ce qui n’apprend rien ; l’expérience ne se transmet pas ; chacun imagine que le passé ne compte pas, ou « que du passé il faut faire table rase ».
Essayons néanmoins de repenser Le Siècle (depuis 1880, et 1914).
Étant entendu que la pensée est la première victime de la guerre ; pensée qui succombe instantanément au déferlement de la propagande qui accompagne toujours la guerre (et comme la propagande ne cesse jamais, on peut penser que la guerre ne cesse pas plus).
Reprenons la structure, « l’essence », en la distinguant bien des répétitions, « les avatars » sur lesquels la propagande nous colle.
Le Siècle, depuis 1880, avec cette date charnière de 1914, est celui des guerres inter-impérialistes, entre des impérialismes « concurrents ».
Pour bien penser et définir cette structure, immobile ou répétitive, il faut d’abord éliminer les termes de la propagande qui masquent les éléments structuraux.
Partons d’un cliché : Le Siècle serait celui de la lutte « des démocraties » contre « les dictatures », dictatures souvent nommées tyrannies ou totalitarismes ; la grande guerre du « bien » contre « le mal », ce combat épique ou cette gigantomachie que l’on avait cru achevée (avec « la victoire » des « démocraties libérales »).
Déjà la Grande Guerre a été présentée (par la propagande des Alliés) comme le combat de « la démocratie », en France, en Grande Bretagne, aux États-Unis, contre « les empires tyranniques », en Allemagne et en Autriche.
Première occurrence du Mensonge Déconcertant.
Mensonge de la propagande ayant pour seul objet « la mobilisation idéologique », la défense de la vraie foi – et la fabrication de collections de perroquets idéologiques.
Notons, alors, que, déjà, « les empires centraux » se sentant encerclés, voire menacés d’étouffement (par des blocus), se sont justifiés au titre de « la légitime défense » ; tout en affirmant qu’ils étaient aussi « démocratiques » que les Alliés (occidentaux). Cet « aussi démocratique » pouvant se lire, par décalage, « aussi peu démocratiques » : les Alliés sont « aussi peu » démocratiques que nous.
Il est nécessaire de sortir de cette trappe, qui est une attrape.
Il faut affirmer : il n’y a jamais eu de démocratie, ni à l’occident, ni au centre, ni à l’orient.
Le premier élément de la structure, qu’il faut dévoiler est le despotisme.
Le Siècle se définit par des guerres entre des despotismes « concurrents ».
Et exactement, puisque nous parlons de « concurrence », ces despotismes, en France, en Grande Bretagne, aux États-Unis, en Allemagne, en Autriche, de l’ouest entier à l’orient complet, ces despotismes sont des despotismes économiques.
Le nœud de la guerre, c’est l’économie.
Exactement, la défense de l’ordre économique.
Nous n’avons donc pas une guerre, religieuse, une croisade, de la démocratie contre la tyrannie, mais une guerre entre des despotismes ; qui peuvent « utiliser » la guerre externe pour des raisons « internes », de cohésion (le cas de la Grande Guerre étant symptomatique).
C’est une très vieille guerre qui renouvelle les plus anciennes guerres entre « les maisons » ; il suffit que « la maison royale » soit bien pensée en termes économiques.
Inutile, donc, de revenir sur « l’intérêt » de la guerre, l’union sacrée, l’élimination de toute opposition, le matraquage de propagande, d’un point de vue interne au despotisme.
Depuis un siècle, tout est trop bien connu (et oublié).
Comme est bien connu l’impossibilité de ressusciter « une internationale » contre la guerre ; car le problème n’est pas exactement celui de la guerre, mais celui de l’économie comme guerre coloniale permanente ; guerre coloniale qui a généré tant de divisions insurmontables.
Du reste « les internationales » de tous genres (« les non-alignés ») se sont toutes terminées en catastrophes, par trahison généralement ; comme la trahison, ni la première ni la dernière, des « socialistes ».
Mais il y a longtemps, pendant cette Grande Guerre, il pouvait y avoir encore de l’espoir : « l’espoir communiste » de la paix entre « les peuples » (les peuples : cette entité qui n’existe pas autrement que comme production de guerre).
Le Siècle a été le cimetière de cette espérance ; un cimetière bien occupé par « toutes les espérances » profondément enterrées (inutile de reprendre l’histoire des années terribles de la guerre contre « le communisme », depuis 1920 et l’intervention Alliée en Russie).
Inutile de relire Lénine ou les textes fondateurs de « la nouvelle internationale ».
Nous sommes après.
Malgré les nouveaux appels à un nouvel internationalisme, tout ce bruissement, écrasé par les grandes orgues de la guerre, restera vain.
Il est temps de penser.
Et d’abord de se désengager des ordres du Grand Mensonge.
NON, « l’occident » n’est pas « démocratique » ;
NON, « l’orient », ce qui se substitue au « centre », n’est pas « tyrannique » ou « totalitaire ».
Le capitalisme russe est même le modèle parfait du capitalisme, le modèle qu’il faut étudier si l’on veut comprendre le capitalisme occidental (le capitalisme « de chez nous ») ; pour analyser l’économie occidentale, il faut toujours partie de l’exemple russe, plus transparent (et qui place bien l’oligarchie comme pivot : la concurrence monopolistique).
PENSER, c’est engager le combat contre la propagande « démocratique » et, donc, contre les officines américaines (où sont formées « les élites françaises », voir les cours du soir de Macron aux États-Unis).
Ne rien céder sur la mise en accusation du despotisme économique, cette forme de domination « ploutocratique » qui s’étend de l’occident à l’orient (de l’occident vers l’orient par la guerre ; pensons au triste sort de la Russie d’Eltsine, ce trauma décisif, trauma qui renouvelle celui de l’intervention Alliée en 1920).
Le capitalisme, despotique en soi, est le seul régime politique qui gouverne le monde, en occident comme en orient et ailleurs ; il ne peut donc y avoir de croisade « pour la démocratie », cette chose, « la démocratie », n’existant pas (il peut y avoir des nationalismes, c’est-à-dire des « formes nationales » du capitalisme, mais il ne peut y avoir de « démocratie capitaliste »).
Le capitalisme, c’est l’ennemi.
Surtout lorsqu’il se pavane dans l’uniforme de « la démocratie libérale ».
Kleptocrates, ploutocrates, oligarques, de « l’ouest » comme de « l’est », voilà les ennemis.
La guerre entre « les maisons » ne concerne pas les ennemis du capitalisme.
Se laisser embrigader dans le combat « pour la défense de la liberté », c’est abdiquer, se soumettre ; c’est reproduire le schéma de la trahison « socialiste » de 1914 : « social nationaliste » puis « social occidental » (intéressons-nous à l’éducation idéologique de François Hollande, nourri au biberon de « l’anti-communisme »).
Les colonies américaines, « les protectorats » des États-Unis, doivent soit se soulever contre « l’occupation américaine », soit devenir des bergeries compradores ; les États-Unis se substituant à l’Allemagne d’avant-guerre, puis agissant, avec « la nouvelle Allemagne », pour formater l’Europe (l’Europe comme machine « anti-communiste » de propagation du despotisme).
Il n’y aura pas de nouvelle internationale ! Trop tard !
Mais il peut y avoir un combat DANS la guerre (que constitue l’économie) CONTRE cette guerre inter-impérialiste (entre « des maisons » et leur nationalisme de guerre).
Le combat est bien connu : dénoncer sans cesse, CONTRE la propagande, le discours « démocratique » (du : « nous, les gentils démocrates moraux »).
Retourner toujours à la source du despotisme, l’économie.
Ne jamais « revenir au peuple » (ou à la nation), puisque ce peuple est une construction oligarchique. On sait bien, depuis un siècle, comment se termine « la lutte pour la liberté des peuples » (les termes du Président Wilson, à l’aurore de l’impérialisme américain).
Non pas le pacifisme, puisque nous sommes déjà de toujours en guerre ; mais cette guerre éternelle n’est pas là où on l’imagine !
Dénoncer, alors, cette guerre factice comme un nouveau moyen de cacher la véritable guerre, celle contre les oligarchies (il n’y a pas qu’en Russie qu’il y a des oligarques : parlons de Bolloré !).
« L’occident » est aussi kleptocratique et despotique que « l’orient ».
La corruption est si généralement développée (d’abord en « occident ») qu’elle est un élément central du système despotique (de l’économie du capitalisme).
Ni Ni !
Appeler à l’insurrection, non pas seulement en Russie ou en Chine (ça ne mange pas de pain, et ce serait tomber dans l’attrape), mais aux États-Unis, en France, en Grande Bretagne, en Allemagne (en occident).
Combien d’hypocrites !
La grande guerre de « l’occident » contre « l’orient » semble inévitable ; mais l’occident, les États-Unis en tête, sont aussi « responsables », si l’on peut parler de responsabilité dans le jeu de la force (ou dans le cercle de la souveraineté), que les Russes de cette guerre.
Ni les uns ni les autres ne peuvent se prévaloir de « la morale » ou du « droit ».
Pourquoi tant parler des « crimes de guerre » et du Tribunal International, alors même que les États-Unis ont refusé d’accepter ce droit balbutiant (et surtout orienté politiquement) ?
Pourquoi tant parler de l’accueil des réfugiés (Ukrainiens) mais ne jamais parler de l’accueil des « autres réfugiés », des Yéménites, par exemple, alors même que nous nourrissons la guerre au Yémen ?
Mais il n’est plus temps de reparcourir l’histoire des impérialismes : au Chili, à Cuba, en Israël, et l’Irak ! le Kosovo ! et la guerre de Yougoslavie déchaînée par l’Allemagne !
Il est temps d’affirmer : il faut dénoncer TOUS les impérialismes, ceux qui s’habillent en « démocratie » et ont comme fonds de commerce « l’anti-communisme », ceux qui s’habillent en « socialisme » ou « communisme » mais ne sont que des capitalismes débutants (comme l’occident au 19e siècle).
Dénoncer TOUS les impérialismes ; à commencer par celui qui nous concerne, là où nous sommes (il est trop facile de dénoncer « les autres », déclarés tyranniques, pour ne pas avoir à effectuer d’auto-critique, pour ne pas mettre en cause le socle religieux, économique, du conformisme).
Dénoncer la propagande de guerre qui permet d’effacer toute critique (toute pensée).
Dénoncer ce titre de « chef de guerre » que Macron s’attribue si facilement (grâce à cette constitution monarchique qu’il faut condamner sans relâche : où se trouve « la tyrannie » ? demander aux Gilets Jaunes !).
Rejeter le Grand Mensonge.
Et SURTOUT, ne pas succomber au « réalisme », à cette nécessité de prendre parti AVEC « sa maison » et pour une « liberté » réduite à l’économie (la volonté des peuples de s’accrocher à l’occident).
Encore et toujours marteler : nous ne sommes pas en démocratie !
Le thème mensonger de « la défense de la démocratie » (et des peuples qui veulent être libres) est ce qui écrase la pensée.
Nous écrase dans le choix cowboy à la Bush, soit tu es avec nous (sans discussion ni critique ni pensée) soit tu es contre nous (et file alors en Russie).
Nous ne combattrons pas avec les armées de la foi économique : nous serons contre la liberté, contre la démocratie, contre l’Europe, contre tous les slogans mensongers.
Destituer l’Europe !
Insistons : il faut se centrer sur ce qui « nous » concerne, le despotisme de « notre » maison, avant que de gesticuler pour « la défense de la liberté d’un peuple opprimé » ; puisque cette gesticulation n’engage à rien, sinon à exprimer notre adhésion à ce despotisme que nous devrions combattre.
Cette gesticulation de propagande, forme renouvelée de « l’union sacrée », contre le terrorisme, par exemple (Hollande, 2015), est une pièce d’un montage de capture.
Le Mensonge Déconcertant se lie toujours à un Prétexte Imparable.
L’union sacrée est un devoir civique (fondé sur le grand mensonge) qui exprime le Prétexte Imparable (la guerre extérieure qui cache la guerre intérieure), le prétexte pour remettre de l’ordre « dans la maison ».
Et Macron sera réélu !
Après le terrorisme, l’épidémie, puis la guerre : combien de moyens de redressement ?
Méditons encore 1914.
Et le gigantesque détournement kleptocratique.
Et critiquons sans relâche les termes de la propagande : Europe, Démocratie, Violence (« taboue » – il n’y a pas de violences policières), Peuple Libre, etc.

Le double langage et la langue du serpent.
Partons d’un principe universel : lorsqu’une nation ou une région est attaquée, il n’y a qu’un devoir, il n’y a qu’une nécessité, soutenir le peuple attaqué.
Par nécessité, il faut donc soutenir le peuple ukrainien.
Mais, pour que ce soutien ait une validité morale et ne soit pas un calcul (militaire) hypocrite, il doit être universel.
Le jour même où l’Ukraine était envahie, Israël poursuivait sa colonisation en détruisant des villages palestiniens, et tuait des résistants palestiniens.
Le jour même où l’Ukraine était envahie et alors que la résistance ukrainienne à l’invasion était célébrée, la résistance palestinienne à l’invasion israélienne était déclarée « terroriste ».
Deux poids deux mesures qui annulent la valeur morale du soutien à l’Ukraine.
Une manifestation de soutien à l’Ukraine doit être « en même temps » une manifestation de soutien à la Palestine.
Sinon ce n’est que de l’hypocrisie.
Le vieux retour de l’atlantisme et du soutien inconditionnel à l’OTAN, le vieil « anti-communisme » de propagande, parfaitement mensonger, puisque la Russie n’a jamais été « communiste » (le sens originel du Mensonge Déconcertant, sens renversé pour justifier l’existence d’une « menace communiste » – encore une fois, il s’agit détourner la menace de la guerre civile, où le terme « communiste » pourrait avoir un sens, et de transformer cette menace interne en guerre « patriotique » externe ; toujours le schéma 1914).
Le jour même où l’Ukraine était envahie, en une seule journée, l’Arabie Saoudite bombardait le Yémen 37 fois ; mais qui se soucie des Yéménites révoltés ?
Et ce bombardement était réalisé avec des moyens militaires français, principalement, ou américains, sans susciter la moindre réaction. Alors que le nombre des civils yéménites tués était sans commune mesure avec les pertes civiles ukrainiennes.
Qui a entendu parler d’une manifestation contre la livraison d’armes françaises ?
Deux poids deux mesures qui expriment le racisme latent des soutiens à l’Ukraine.
Une manifestation de soutien à l’Ukraine, si elle est une manifestation « pour la paix », et non pas une manifestation pour la domination occidentale (démocratie, économie), doit être « en même temps » une manifestation contre l’aide militaire (et plus) que la France apporte à l’Arabie Saoudite.
Peut-être que Poutine est « un tueur » ; mais Mohammed ben Salmane (MBS) ne l’est-il pas ? Mais pour parler comme les Américains de la grande époque : MBS est « notre » tueur !
Quand verrons-nous une manifestation contre les projets d’extension de l’OTAN vers l’est ?
Car un tel projet, faire que l’Ukraine rejoigne l’OTAN, est une déclaration de guerre. À laquelle la Russie a répondu inévitablement ; le projet d’inclusion de l’Ukraine dans l’OTAN ne laissant aucun choix à la Russie, sauf la soumission rampante (que les Américains espéraient avec Eltsine – Eltsine, l’expérience traumatique de Poutine).
Soutenir l’Ukraine c’est exiger qu’elle soit « neutralisée », adopte le même statut que la Suisse, l’Autriche ou la Finlande. Avec une garantie commune des États-Unis d’abord, des Russes ensuite. Mais les Américains sont des menteurs tellement certains d’être « les meilleurs » que leur parole est sans doute inaudible par les Russes (qui ont dû affronter plusieurs fois les mensonges américains – les Américains ne veulent-ils pas la disparition de la Russie ?).
Il faut que l’OTAN s’engage à arrêter son expansion à l’Est ; alors même qu’elle s’était engagée à s’auto-dissoudre après la dissolution du pacte soviétique ; engagement mensonger non tenu (puisqu’il paraissait évident que « le communisme » était vaincu).
L’erreur occidentale, de l’OTAN et des États-Unis, la faute morale, a été d’imaginer qu’un gouvernement pro-occidental s’installerait à Moscou (le fantasme Eltsine). Tellement il paraissait évident que « l’American way of life » devait séduire les Russes (il avait bien séduit les Polonais). Laissant le champ libre à toutes les aventures militaires des États-Unis.
Mais la propagande pour l’American way of life (démocratie, consommation, tourisme) était un montage mensonger qui masquait une volonté de domination « totale ».
Et pour ceux qui sont les critiques résolus de cet American way of life (renvoyons aux bibliothèques entières de critique radicale, aux Livres Noirs du capitalisme, où à la critique de « la démocratie »), l’idée que l’occident serait démocratique ne pouvait être qu’un nouveau Mensonge Déconcertant (l’image en miroir du Mensonge Déconcertant scandant que la Russie aurait-été « communiste »).
L’invasion de l’Irak a été un tournant ; la volonté de domination impériale américaine devenait évidente. Il devenait évident que les Américains voulaient profiter « du vide » (de la déconfiture russe) pour ne plus respecter aucune règle et tenter d’étendre leur Empire à l’échelle mondiale (la fameuse « mondialisation » ou l’Empire de Negri étant des expressions de la volonté américaine d’étendre leurs « règles de droit » au monde entier).
Les faucons américains ont généré des faucons russes.
L’incapacité des États-Unis à garder une tenue morale, en arrêtant la colonisation israélienne, en bloquant la guerre contre l’Iran que mène l’Arabie Saoudite, cela a été le détonateur.
Le soutien à l’Ukraine, au nom de « la paix dans le monde », ne peut se convertir hypocritement en « défense de l’occident » (cet occident fantasmé dont rêveraient les Ukrainiens) et en soutien implicite à la colonisation israélienne.
Car ce soutien est entaché du pire racisme : seul ce qui se passe « près de chez nous » est important. Un enfant ukrainien vaut beaucoup plus qu’un enfant palestinien, et immensément plus qu’un enfant yéménite (ce dernier étant absolument invisible).
Il ne peut y avoir de manifestation pour l’Ukraine qui ne serait pas aussi une manifestation pour la Palestine ou pour le Yémen.
Le soutien UNIQUE à l’Ukraine manifeste le retour de la plus ancienne politique disciplinaire, celle de « l’anti-communisme », alors même que cela est délirant, Poutine n’est certainement pas « communiste » !
Contre toutes les oppositions internes (au capitalisme) est ressuscité le fantôme de « la défense de l’occident ».
Les soutiens à l’Ukraine, à l’Ukraine seulement, sans vouloir parler des autres conflits, sans vouloir soutenir, en un même mouvement, TOUTES les victimes, ces soutiens sont enfermés dans une prison temporelle ; ils continuent de psalmodier les hymnes anciens de la gloire américaine (démocratie, consommation) ; alors que les États-Unis ont depuis longtemps perdu toute valeur morale, faisant que leurs leçons de moralisme sonnent comme des provocations (et ne parlons pas de la France !).
L’Ukraine est le moyen de réactiver le pire imaginaire de « la supériorité morale occidentale ». Rien de plus hypocrite !
Alors que la critique de cet occident de propagande se déploie de partout.
Une manifestation POUR l’Ukraine doit être une manifestation POUR QUE les États-Unis arrêtent leurs projets désastreux d’expansion vers l’Est.
L’Ukraine doit devenir une zone démilitarisée qui ne peut prétendre ni à joindre l’OTAN ni à rejoindre l’Union Européenne (qui n’est qu’un prête nom de l’OTAN).
Une manifestation hypocrite de soutien « au peuple ukrainien » (un tel peuple existe-t-il ?), sans référence aux autres guerres menées par les occidentaux, une telle manifestation doit être dénoncée comme l’expression réactionnaire de la croyance en la supériorité morale de l’occident, « de la démocratie contre la tyrannie » (consommation, tourisme).
Comment appelle-t-on un croyant hypocrite ? Un bigot ?
Les bigots de la démocratie (consommation, tourisme) sont bel et bien des hypocrites (ou des perroquets idéologiques) qui dénient l’envers obscène de leur supposée démocratie, démocratie qui mène la guerre contre les Palestiniens, contre les Iraniens, contre les Irakiens, contre les Libyens, etc. Mais tout cela c’est hors de l’Europe !
Il faut donc d’abord balayer devant sa porte.

Guerre et propagande, démocratie et violence.
Toujours le Grand Mensonge Déconcertant : il faut défendre les valeurs de l’occident.
Mais quelles valeurs ?
La démocratie ?
Alors qu’il faut crier que « nous » ne sommes PAS « en démocratie » (comme Paul criait que « Jésus était ressuscité »).
« Nous » ne sommes PAS en démocratie, mais cette guerre (inter-impérialiste, entre des maisons oligarchiques – vais-je me battre pour que Bolloré s’enrichisse encore plus ?) à l’insigne avantage de faire croire, de nouveau, que « nous devons défendre la démocratie » (dont l’Ukraine serait l’avant-poste, comme Israël).
Faire croire, effet d’une propagande massive (style Guerre Froide contre « le communisme ») ; propagande en contradiction avec ce que semble signifier « démocratie » (mais il est interdit de se soulever contre le capitalisme).
Toute la critique détaillée de cette si fameuse « démocratie » (le despotisme ou l’oligarchie à tendance autoritaire) est rendue inaudible (« cause toujours »).
Clouer le bec ! Grâces soient rendues à Poutine !
Et si vous n’êtes pas contents, émigrez en Russie (vieux réflexe Guerre Froide). L’opposant intérieur (sauf s’il est inoffensif) est rejeté comme émigrant extérieur « privé de sa nationalité », voire déclaré « traître » (comme le Duc d’Enghien qui a trahi « sa maison » par haine de Mazarin, ou comme les militants de la RAF qui ont trahi « leur patrie » par haine du capitalisme).
Reprenons alors le montage du Grand Mensonge, celui de la démocratie (le bien) contre la dictature (le mal).
Et insistons sur un point de propagande (« démocratique »), celui des rapports entre démocratie et violence.
La démocratie serait la pacification de la violence/
En démocratie il n’y a plus de violence (« pas de violences policières ») : la violence est « taboue ».
L’interdiction essentielle de la violence (de la légitime défense contre l’oppression capitaliste) est ce qui permet de maintenir l’ordre (monopole étatique de la violence, cependant concédé aux entreprises – c’est la violence journalière, habituelle, des entreprises, le despotisme d’entreprise, qui tient, de manière instable, l’ordre économique).
Soit la violence est convertie (de force) en « débat démocratique » ou en négociations diplomatiques ; soit la violence, réservée aux « forces de l’ordre », peut être déchaînée.
Le monopole étatique de la violence peut s’étendre en monopole impérial.
Alors les puissances impériales démocratiques (comme si elles étaient des forces de l’ordre au niveau mondial) s’octroient le monopole de la violence (style cowboy américain), mais de la violence non violente (« pas de violences de la part des démocraties »).
Et, bien sûr, par réciprocité, seuls les « dictateurs » sont « véritablement » violents : non pas des parias, mais des hors la loi (qu’il faut réprimer).
Mais nous savons que la violence structurelle (de l’économie) reste cachée, convertie en normes juridiques, les normes du despotisme.
Et le despotisme n’a pas besoin d’être violent tant qu’il y a soumission. À l’envers, toute réaction d’insoumission sera sauvagement réprimée.
Et ce qui vaut au niveau national (du despotisme d’entreprise) est transposable au niveau international (du despotisme impérial).
Encore une fois, il faut toujours partir d’une critique déconstruction des termes de la propagande impériale : Europe « pacifique », Démocratie « sans violence », Violence « interdite ».
Il y a toujours la violence structurelle de la pacification : constitution économique, exportation de la démocratie, la nouvelle colonisation de conversion au capitalisme.
C’est même cette prétention à l’extension universelle de la démocratie (alors que cette fameuse démocratie est un leurre, et n’existe même pas en occident) qui est la source des conflits : l’occident missionnaire propage la violence « au nom de la paix ».
La violence structurelle, qui commence dans l’entreprise (où il n’y a pas de démocratie), s’étend à toute la société (l’usine universelle en fonctionnement efficace) puis au monde (colonisé pour « la liberté »).
La violence est surtout « taboue » parce qu’il est interdit d’en parler, parce qu’il est interdit d’expliciter son rôle central (depuis l’entreprise). La violence est « taboue » parce qu’il est interdit d’en parler, non pas parce qu’elle n’existerait plus.
La violence est plutôt invasive, elle colorie toutes les relations humaines.
L’interdiction interne de la violence (sauf celle des pouvoirs constitués) s’étend en interdiction des guerres inter-étatiques (sauf celles des pouvoirs impériaux, « la police n’est jamais violente »).
Mais chacun sait que le pays de plus haute violence, interne et externe, sont les États-Unis : violences policières racistes, guerres étrangères permanentes.
En établissant un parallèle entre la violence interne (« policière ») et la violence externe (« impériale »), on peut dire : cette guerre, l’invasion de l’Ukraine libre par les armées d’un État dictatorial (avec son dictateur « stalinien ») est l’expression du refoulé, face à la violence structurelle, qui avance masquée, la violence du « passage à l’acte ».
C’est parce que la violence n’a jamais été éliminée, mais qu’au contraire elle s’est maintenue « en tâche de fond », rendue invisible, néanmoins effective, qu’à un moment donné, ce qui est soumis à la violence structurelle n’a plus que deux possibilités :
Soit accepter la soumission, voire, même, forclore la violence structurelle, s’intégrer et se dissoudre sans reste (ce qui est « impossible ») ;
Soit se soulever, et crier, maintenant ça suffit, je refuse ma dissolution progressive ; et, alors, opposer à la violence secrète et silencieuse la violence explicite du passage à l’acte.
Ce modèle, valable pour les Gilets Jaunes, s’applique à ceux que les États-Unis veulent redresser (convertir à la démocratie).
Les États-Unis, le représentant officiel de la démocratie (et qui est l’État le plus violent), tente d’étendre son Empire (démocratique) par grignotage ; et finit par l’étendre sans cesse par la guerre. Ces États-Unis ont pensé que leur « victoire impérialiste » leur permettrait de « policer » le monde, d’étendre la démocratie. Et, petit à petit, ils ont supprimé tous les accords datant de la Guerre Froide, qu’ils pensaient avoir gagnée. Refus de participer à la Cour Pénale Internationale (« on ne peut juger les soldats américains »), non renouvellement des accords de désarmement, relance de la course aux armements.
Les États-Unis ont cru qu’ils étaient victorieux et qu’ils pouvaient imposer leur ordre, nécessairement libre, démocratique et pacifique.
Les États-Unis exercent la plus grande violence ; mais ont la capacité « communicationnelle » de CACHER cette violence (ou de la légitimer comme « violence policière », donc violence non violente).
Et alors, les tenants du « monde libre » veulent profiter de cette violence cachée pour poursuivre leurs opérations de répression. L’occident est aussi répressif que l’orient ; mais sa longue expérience en matière répressive lui permet d’être capable de paralyser la critique, de la méduser, en jouant sans cesse sur le détournement d’attention (détourner l’attention des violences internes permanentes vers les violences externes des « dictateurs »).

Quel est alors le différend ?
Ceux qui veulent maintenir l’ordre, l’ordre économique, la consommation, le tourisme, en cachant cet ordre (violent, colonial) sous la cape de lumière de la démocratie. Et refusent, absolument, que l’on puisse questionner, critiquer le mode de vie impérial.
Ce mode de vie qui fascine tant (et attire de l’est à l’ouest, et au sud).
Mais comment le capitalisme pourrait-il être démocratique, dès lors que son centre, l’entreprise est despotique ? Comment la démocratie (supposée) pourrait-elle être pacifique dès lors qu’elle repose sur la violence institutionnelle ?
Les partisans hypocrites de la démocratie s’opposent alors frontalement aux adversaires du capitalisme (qui affirment que la démocratie chantée n’existe pas : il n’y a qu’un ordre institutionnel autoritaire). La haine du capitalisme (inégalitaire par construction) doit se déployer en rejet de ce qui se nomme démocratie (« capitalo-parlementarisme »).
Arrive alors un nouveau miracle : et Poutine sauvera le monde occidental !

La question nationale et de l’autodétermination.
Il est absolument nécessaire de dissiper la confusion entre « la liberté » et « l’autodétermination nationale ».
Il faut refuser le vieux slogan (que l’on sait mensonger à l’usage) : nous sommes libres parce que nous avons été « libérés » de l’occupation étrangère.
Ce qui est peut-être nécessaire (la libération de l’occupation) est cependant bien loin d’être suffisant. Toute l’histoire depuis plus de cent ans démontre la fausseté du slogan : « la libération » de la France a conduit d’une occupation à un protectorat, et, finalement, « au retour » des pires oligarchies d’avant-guerre, « la libération » de l’Algérie a conduit de la colonisation à un régime militaire (le régime des vainqueurs de la guerre), etc., sans limite.
L’erreur est d’avoir confondu « libération nationale » et « liberté » (c’est le même problème que celui de la confusion de « la liberté économique » et de « la liberté », qui est d’abord « libération » HORS DE l’économie).
L’opérateur de cette erreur se nommant « le peuple ».
La libération nationale concerne « un peuple » ; mais comme ce peuple (imaginaire) est une construction despotique (unitarienne, unifiante), parler de « liberté du peuple » est un non-sens (une nouvelle attrape).
Il est absolument nécessaire de déconstruire « le national », « la liberté du peuple » (et donc, de nouveau, la démocratie), et cette identification : nation – peuple – indépendance (nationale) – liberté.
On ne peut être à la fois contre l’idée théologico-mystique de « nation » et soutenir une guerre de « libération nationale », sauf à ajouter systématiquement que cette guerre, peut-être nécessaire, devra toujours être suivie par une autre guerre, DANS « la nation libérée », une guerre civile, guerre civile qui explicite le fait que « le peuple n’existe pas » (personne ne peut parler au nom du peuple, ou parler au nom du peuple est « dictatorial »).
Toute guerre implique la mobilisation, l’unification : « le peuple uni se lève contre les envahisseurs ». Mais il s’agit bien de mobilisation, non pas de « libération ».
Le piège se referme de nouveau.
Repensons au cas algérien : la lutte des Français (en France) pour « l’indépendance algérienne » devait être une lutte CONTRE le pouvoir républicain.
L’indépendance algérienne, qui serait « la libération de peuple algérien », était un mythe mobilisateur ; mais l’insoumission au pouvoir républicain était une lutte bien différente de la guerre d’indépendance (qui se déroulait en Algérie).
Il fallait « trahir sa patrie » pour soutenir les Algériens en guerre.
Il fallait dévoiler la fracture qui brise l’unité supposée (du peuple français républicain).
La fracture, la guerre civile, vient toujours avant la guerre étrangère ; même si cette dernière recouvre toujours la première et la rend « inacceptable », une trahison.
Toute lutte POUR « la libération d’un peuple » doit savoir qu’elle s’appuie sur des mythologies, « le peuple uni », le peuple en lutte, le peuple en liesse, et que, donc, à supposer que la lutte de libération soit victorieuse, que « le peuple » est libéré et qu’il y a eu libération, cette lutte de libération (supposée victorieuse) se transformera en lutte DANS la nation « libérée » et pour l’ABOLITION du national.
Le mythe à déconstruire est celui de la nation libérée ou de la libération.
Une nation libérée est immédiatement en guerre civile ; la guerre CONTRE l’occupation étrangère n’étant qu’un PRÉTEXTE IMPARABLE pour exiger l’union (qui fait la force et défait toute puissance).
Comment mener la guerre civile DANS la guerre étrangère ?
Alors qu’il est nécessaire de résister à l’occupant ?
Alors que les entités massives, les substances nationales, sont encore plus écrasantes, exigeant encore plus la soumission, la mobilisation, l’union (sous peine de « trahison »).
Soutenir la lutte de libération d’un peuple, c’est se laisser prendre par des abstraction fétichistes (« le peuple »).
Mais cela est nécessaire : c’est du réformisme réaliste ; qui ne peut donc nous sortir des cercles vicieux du pouvoir : un pouvoir en remplace un autre.
Il fallait nécessairement, au moins, soutenir la lutte de libération du peuple ; mais le nécessaire n’est jamais suffisant et ne fait que renforcer l’emprise. Il fallait donc, également, prévoir la guerre du peuple contre lui-même. Et cette dernière est beaucoup plus difficile, qui brise l’unanimisme enthousiaste « du début ».
Maintenant, ce qui est énoncé comme « deuxième terme », la guerre civile, est, en fait, le terme principal ; la guerre civile permanente est simplement recouverte par la guerre de libération, l’union nécessaire ne peut jamais se maintenir dans la durée (quelle que soit cette durée).
Ce n’est pas « le choix » de la guerre civile CONTRE la guerre de libération, c’est simplement la manifestation de l’impossibilité de toute unité ; une libération nationale qui ne permet pas la guerre civile n’est pas une libération du tout, mais n’est que le passage vers un nouveau pouvoir despotique (l’exemple le plus parlant étant celui de « la libération » de la France).
Nous retrouvons toujours le thème essentiel du despotisme.
Despotisme toujours renforcé par le piège du national.
Insistons : la défense de la liberté nationale, l’indépendance, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à défendre leur nation, cette défense nationale est une condition nécessaire (une nécessité), c’est-à-dire un piège, le piège de l’unité défensive, le piège qui fait tourner la roue du pouvoir.
Nous ne pouvons SORTIR des cercles de la souveraineté par une guerre (de libération) nationale.
La défense nationale n’est JAMAIS une condition suffisante ; la liberté nationalisée n’est jamais une ouverture.
Il suffit de se reporter à deux exemples :
Celui de la Guerre d’Espagne, avec la nécessité de l’unité contre le fascisme, mais nécessité écrasante, et qui génère la guerre civile DANS la guerre de défense de la république ;
Celui de « la résistance » en France, dont on sait combien elle a été divisée ; toujours la nécessité de l’unité contre l’occupation, et toujours l’écrasement par cette nécessité ; nécessité écrasante qui se termine toujours mal : « la libération » appelle « la nécessité » de l’amnistie, pour empêcher la guerre civile.
Il est évident qu’il y a une nécessité de défense nationale face à l’occupation.
Mais cette évidence (qui se voit sans peine) n’est que l’expression de la domination, du réalisme, de l’efficacité – la nécessité c’est l’expression du pouvoir dominant.
La nécessité exprime un ordre : tous doivent se lever contre l’occupant, et s’unir obligatoirement.
L’union fait la force, mais défait la puissance (qui est toujours divisée) et emprisonne dans le réalisme de « la libération nationale ».
Impossible d’aller contre cette nécessité.
Mais impossible de ne pas savoir que cette obligation de résistance n’est qu’un piège mortel.
Voilà le piège qui est posé par l’occupation : le national, l’unité nationale, la défense de la patrie, le droit du peuple à être « libre » (et « choisir son destin ») tout cela ENFERME dans le réalisme (ici patriote) et ne constitue en aucune manière une possibilité de « libération ».
Tous les vieux réflexes unitaires, nationalistes, revanchards, reviennent au galop.
De nouveau le PRÉTEXTE IMPARABLE : vous devez « choisir » entre la fidélité, à la nation martyrisée, et la trahison, le refus de l’engagement, « le désœuvrement ».
Bien sûr, la trahison est impossible.

Comment devons-nous faire, « nous » qui refusons la mobilisation unitarienne et savons que cette unité nationale, à soutenir et défendre, cache la pire violence à venir ?

La violence structurelle du capitalisme.
Nous ne parlerons pas du meurtre à distance et déresponsabilisé, comme le jeu avec des drones tueurs, ce qui est plutôt le style technologique américain.
Nous parlerons des destructions « distanciées », anonymisées, que produit le capitalisme.
Comme ces destructions, jusqu’aux meurtres, sont bien documentées, nous ne prendrons qu’un exemple :
Supposons un système de retraites par capitalisation, avec des institutions de gestion de ce capital, placé pour les retraites, des fonds de pension, des sociétés d’assurance.
IL FAUT servir les retraites : c’est ce que demandent les retraités (du fonds).
Le fonds, une institution de concentration, gère le capital (pour répondre à l’attente des retraités) ; le fonds est l’actionnaire d’un grand nombre d’entreprises, un fonds luxembourgeois et un vignoble du bordelais, par exemple.
Ce fonds a des exigences de « retour » ou de rentabilité, AU NOM des retraités qu’il représente. Ces exigences descendent sur les entreprises ; si elles veulent conserver leurs actionnaires ; les entreprises sont donc obligées de conserver « un taux d’exploitation » maximum, par toutes les manières possible, par dégraissage ou par délocalisation (et le capital n’est jamais patriote).
La chaîne de commandement : retraités – fonds de gestion – entreprises – salariés (pressurés in fine), cette chaîne est totalement anonyme, déresponsabilisée.
Le retraité, et le fonds de pension, en son nom, ne se soucie pas des destructions qu’il peut générer à distance, « sans responsabilité » : chômage, suicides, misère, maladies.
La déresponsabilisation, l’anonymat, est une expression particulière du mode de vie impérial (ce mode de vie que désirent « les peuples »).
Une autre expression, bien documentée, est l’achat de produits à bas coûts, low cost, dans des conditions invisibles (ou déniées) d’exploitation meurtrière.
Le capitalisme est une MACHINE sans responsabilité ; mais une MACHINE de destruction massive.
Et ce que l’on nomme « démocratie » n’est rien d’autre que la face de propagande de cette machine.
Comment des gens qui, TOUS les jours, acceptent sans sourciller, en toute inconscience ou en tout cynisme, les destructions massives qui soutiennent le mode de vie impérial, les retraités, les consommateurs, les touristes, comment ces gens peuvent-ils brusquement se lever (sinon se soulever) pour « la liberté » – mais il ne s’agit que de la liberté économique, l’assurance de percevoir sa retraite et de continuer à pouvoir voyager à bas coûts.
Contrairement à un soulèvement anti-capitaliste, ce redressement (se lever pour la liberté économique ou pour ovationner un oligarque) POUR défendre le capitalisme et sa liberté économique, POUR défendre la démocratie (le cache sexe du capitalisme obscène), ce redressement n’est qu’un acte réflexe de la conformation et du conformisme : pour les Américains, pour l’OTAN, pour l’Europe, pour la démocratie, pour le capitalisme, pour conserver la capacité du désastre irresponsable.

C’est pour cela qu’il faut se battre ?
Pour cette démocratie du capitalisme des oligarques ?

Voilà le piège qui peut enfermer les anti-capitalistes : prendre part à une guerre inter-impérialiste, se lever pour la liberté d’un peuple opprimé, mais dans l’hypocrisie la plus totale.

Nous sommes bien jeté quelque part dans les années de la Grande Guerre.
Avec le dilemme : prendre partie pour les nationalismes (capitalistes démocrates), au nom frelaté de « l’humanité souffrante » (quelle hypocrisie !) ou trahir, préparer DANS la guerre « de libération » la guerre civile (du peuple contre lui-même).
Et il va de soi que cet impératif dangereux n’a de sens qu’à domicile.
Les Ukrainiens en Ukraine, les Russes en Russie, les Chinois en Chine, les Français en France.
L’aide humanitaire à l’Ukraine, si elle ne veut pas être plombée par l’hypocrisie et les calculs retors (défendre l’occident plutôt que l’Ukraine), doit se doubler, à domicile, d’un soulèvement anti-capitaliste.
Mais nous savons bien pourquoi Jaurès fut assassiné.

Jacques Fradin Économiste anti-économique, mathématicien en guerre contre l'évaluation, Jacques Fradin mène depuis 40 ans un minutieux travail de généalogie du capitalisme.
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