Le conseiller en communication digitale du ministère de l’Intérieur se déguise lui aussi en policier

#voyoux ou #cosplay

paru dans lundimatin#152, le 26 juillet 2018

Au vu du nombre de tiroirs que comporte désormais « l’affaire Benalla », il n’est pas simple de déterminer les faits, les mensonges et les postures qui font le plus scandale. De toute évidence, ce n’est pas la violence exercée par ce proche du président, — les images des manifestants brutalisés n’avaient pas suscité d’émoi particulier tant que le public pensait y voir l’œuvre de policiers en exercice —, il s’agit donc peut-être de cette même violence lorsqu’elle est exercée par un faux policier. En toute bonne logique, nous pouvons déduire que s’il est considéré comme scandaleux de tabasser des manifestants déguisé en force de l’ordre, le déguisement en lui-même fait partie du scandale.

Reste à définir ce qui fait le faux policier. Dans le cas de Benalla, ce n’est pas le casque car selon les déclarations des différents pontes de la préfecture de police et du ministère de l’Intérieur, il est de coutume d’en doter les observateurs invités, qu’ils soient conseillers du président, magistrats ou journalistes, cela afin d’assurer leur sécurité et leur intégrité céphalique. Que dire du talkie-walkie ? Dans la mesure où personne n’a pour le moment eu accès à la teneur des communications de Benalla, rien. En tant que tel, c’est un outil comme un autre et l’intéressé pourrait parfaitement plaider le babyphone.

Reste le brassard de police orange sur lequel ont peut lire l’indication… police. L’appel à se retrouver place de la contrescarpe le 1er mai évoquant un « apéro », on imagine difficilement M. Benalla jurer devant l’IGPN qu’il était persuadé de rejoindre un bal masqué. On peut donc établir que le brassard de police porté par une personne qui n’est pas policier constitue une usurpation. Les magistrats en charge des poursuites contre M. Benalla et ses amis de la police ne s’y sont d’ailleurs pas trompé étant donné que ce dernier est notamment mis en examen pour « immixtion dans l’exercice d’une fonction publique » et « port public et sans droit d’insignes réglementés ». Bref, il est interdit de se faire passer pour un policer et de se mêler à l’exercice de leur fonction, même lorsqu’on est conseiller du prince. Et si on se fait prendre, ça fait beaucoup d’histoires et d’ennuis.

Un lecteur de lundimatin a porté à notre attention la photographie ci-dessous. Au premier plan, Gerard Collomb, ministre de l’Intérieur, l’œil affuté et blouson de police sur le dos. C’est le « premier flic de France », on ne peut pas se tromper de fonction. Juste à sa droite, un jeune homme. Même vivacité dans le regard, gilet pare-balle siglé et brassard de police. Le concernant, par contre, la fonction est trompeuse.

Le jeune homme en question n’est pas du tout policier, il s’appelle Arthur Empereur et occupe depuis juillet 2017 le poste de conseiller communication digitale et affaires réservées auprès de M. Collomb au ministère de l’Intérieur. S’il est probablement grassement payé pour s’occuper de la communication sur internet de son ministère il est néanmoins peu précautionneux de sa propre activité sur les réseaux étant donné que cette photo a été postée sur son propre compte instagram. Publication qu’il commente lui-même d’un « #voyou ». « Lol » comme on dit dans la communication digitale.

On peut d’ailleurs voir les deux hommes sur cette vidéo (à 5’19) tournée le 8 octobre 2017 lors d’un déplacement de Gérard Collomb à Viry-Chatillon.

M. Arthur Empereur sur le site du ministère de l’Intérieur.

Notons que selon son profil Linkedin, Arthur Empereur a été collaborateur parlementaire de M. Collomb au Sénat de septembre 2011 à juin 2017 et conseiller du même maire de Lyon depuis octobre 2014. 7 ans de bons et loyaux services, ça doit bien valoir un déguisement de policier pour jouer les #voyoux.

Nous avons joint le service de communication du ministre de l’Intérieur et sommes toujours dans l’attente de leur réaction ou explications.

Addendum

Le pôle communication du cabinet de Gérard Collomb que nous avions sollicité nous a transmis cette réponse. Si les services du ministre n’évoquent pas le caractère illégal d’une telle usurpation, ils font valoir ici les avantages pratiques et sécuritaires de cet usage occasionnel du brassard.

En réponse à votre demande, nous vous informons que les collaborateurs du Ministre de l’intérieur peuvent avoir un usage très occasionnels de brassards « Police », « Ministère de l’intérieur » ou « Gendarmerie » strictement dans le cadre de leurs fonctions de conseillers et de collaborateurs auprès du ministre de l’intérieur et uniquement lors des déplacements du ministre le justifiant et dans le cadre de leur activité professionnelle.

Ces brassards peuvent, par exemple, être utilisés, ainsi que leur carte professionnelle formatés sur le modèle des cartes professionnelles de tous les agents du Ministère de l’Intérieur, pour faciliter leur circulation dans des zones faisant l’objet d’une protection accrue (types zones d’attentat ou zones particulièrement protégées). Ils permettent de passer des barrages de police lors des déplacements du ministre.

Cela a par exemple pu être le cas sur les attentats des Champs Elysée, de Marseille, de Trèbes ou de Paris.

Plus spécifiquement, les brassards sont utilisés lors des déplacements du ministre pour permettre l’identification des équipes du ministère, en particulier relevant de l’organisation et de la communication, par les autorités organisatrices, les autorités préfectorales, et les forces de sécurité présentes.

Pour pouvoir faire face à des situations d’urgences dans lesquelles ils pourraient être exposés aux côtés du Ministre, les conseillers sont également tous équipés d’un gilet pare-balles individuel.

Ce déplacement intervenait, à l’occasion de l’anniversaire du drame survenu un an plus tôt lors d’émeutes visant des policiers en service : la voiture dans laquelle ils patrouillaient avait été brulée, cible de cocktails molotov.

Trois jours plus tôt, le 5 octobre 2017, deux frères perdaient la vie dans le quartier de la Peupleraie de la Grande Borne, entre Grigny et Viry-Châtillon après avoir été ciblés par des tirs.

Cette situation imposait que les équipes du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur dont le rôle est d’assurer la sécurité des français, soient dotés de protections suffisantes pour parer à toute éventualité.

Nous avons tenté de joindre M. Empereur sur ses réseaux sociaux mais il n’a pas donné suite à nos sollicitations.

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