Langage et politique

À propos de Provincialiser la langue. Langage et colonialisme de Cécile Canut et Le ministère des contes publics de Sandra Lucbert.
[Notes de lecture]

Ivan Segré - paru dans lundimatin#310, le 29 octobre 2021

A l’occasion de la parution de deux ouvrages, Provincialiser la langue. Langage et colonialisme de Cécile Canut (Amsterdam), et Le ministère des contes publics de Sandra Lucbert (Verdier), Ivan Segré propose quelques réflexions sur les rapports complexes qu’entretiennent les questions de linguistique avec la pensée politique.

On considère d’ordinaire Ferdinand de Saussure comme le père de la linguistique, discipline qu’il a fondée en affirmant que « la langue est un système qui ne connaît que son ordre propre », et en concluant que « la linguistique a pour unique et véritable objet la langue envisagée en elle-même et pour elle-même ». Mais comme l’observe Louis-Jean Calvet en introduction d’un livre consacré à la sociolinguistique, « les langues n’existent pas sans les gens qui les parlent, et l’histoire d’une langue est l’histoire de ses locuteurs », d’où il conclut que la linguistique saussurienne, matrice du structuralisme en sciences humaines, « s’est donc construit sur le refus de prendre en compte ce qu’il y a de social dans la langue [1] ».

On pourrait dès lors définir la sociologuistique comme une approche du langage du biais des déterminations sociales. Le problème est que cela suggèrerait aussitôt qu’elle ne représente qu’un champ restreint de la linguistique. Or, c’est ce que conteste l’un des fondateurs de la discipline, William Labov, dans un ouvrage paru en 1966 et précisément intitulé « Sociologuistique » : « Pour nous, notre objet d’étude est la structure et l’évolution du langage au sein du contexte social formé par la communauté linguistique. […] S’il n’était pas nécessaire de marquer le contraste entre ce travail et l’étude du langage hors de tout contexte social, je dirais volontiers qu’il s’agit là tout simplement de linguistique [2] ». Plutôt qu’un biais, ou une approche du langage, la sociologuistique est donc une prise de position théorique et, en outre, polémique, en ce sens qu’elle reproche à la linguistique saussurienne de concevoir l’étude du langage abstraction faite de son ancrage dans un contexte social qui, pourtant, pourrait seul rendre raison des principaux phénomènes linguistiques.

C’est dès les fondations de la linguistique moderne, au début du XXe siècle, qu’Antoine Meillet, tirant notamment les leçons de Durkheim, aurait posé les bases de la sociolinguistique : « Du fait que la langue est un fait social il résulte que la linguistique est une science sociale, et le seul élément variable auquel on puisse recourir pour rendre compte du changement linguistique est le changement social [3] ». C’est le point que souligne Labov un demi-siècle plus tard, opposant d’une part un courant (hégémonique) de la linguistique qui va de Saussure à Martinet, de l’autre un courant (marginal) qui va de Meillet à lui-même : « Meillet, contemporain de Saussure, pensait que le XXe siècle verrait s’élaborer une procédure d’explication historique fondée sur l’examen du changement linguistique en tant qu’il s’insère dans les transformations sociales (1921). Mais les disciples de Saussure, tel Martinet (1961), se sont attachés aux interactions des facteurs structuraux internes. Par là ils ne faisaient d’ailleurs que suivre l’esprit de l’enseignement saussurien. En effet, un examen approfondi des écrits de Saussure montre que, chez lui, le terme ‘‘social’’ signifie simplement ‘‘pluri-individuel’’ et ne suggère rien de l’interaction sociale sous ses aspects plus étendus [4] ».

Apparaissent donc deux orientations dans l’étude du langage, selon qu’on privilégie avec Saussure les « facteurs structuraux internes » ou avec Meillet « l’interaction sociale ». Pour le dire autrement, la linguistique saussurienne s’intéresse principalement au fonctionnement autonome de la langue, à la manière dont elle assujettit celui qui parle en le soumettant aux lois phonétiques, sémantiques et syntaxiques qui ordonnent une langue naturelle et régissent ses transformations, tandis que la sociolinguistique privilégierait les facteurs externes, soit la manière dont les pratiques sociales du langage déterminent tant l’usage d’une langue que ses transformations. En ce sens, Roland Barthes aurait, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, tiré toutes les conséquences du primat des « facteurs structuraux internes » en qualifiant de « fasciste » l’ordre imposé par la langue : « Mais la langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire ni progressiste ; elle est tout simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire ». Mais est-ce « la langue » qui oblige à dire ou une construction socialement déterminée de ses usages ?

Pierre Bourdieu, dans Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, remet en cause, à son tour, l’hégémonie de la linguistique saussurienne en lui opposant une approche de « la langue » instruite par une sociologie elle-même affranchie du paradigme linguistique (ou structuraliste) en sciences humaines : « La sociologie ne peut échapper à toutes les formes de domination que la linguistique et ses concepts exercent encore aujourd’hui sur les sciences sociales qu’à condition de porter au jour les opérations de construction d’objet par lesquelles cette science s’est fondée, et les conditions sociales de la production et de la circulation de ses concepts fondamentaux [5] ». Bourdieu identifie en effet, à l’origine de la linguistique moderne et de ses avatars structuraux en sciences humaines, « un coup de force inaugural par lequel Saussure sépare la ‘‘linguistique externe’’ de la ‘‘linguistique interne’’, et, réservant à cette dernière le titre de linguistique, en exclut toutes les recherches qui mettent la langue en rapport avec l’ethnologie, l’histoire politique de ceux qui la parlent, ou encore la géographie du domaine où elle est parlée, parce qu’elles n’apporteraient rien à la connaissance de la langue prise en elle-même [6] ». Contre l’abstraction structuraliste, bâtie sur le refoulement des rapports de force qui modèlent les échanges linguistiques, Bourdieu se propose donc de recentrer l’étude du langage sur ses conditions sociales de production. Et à le suivre, l’opération est analogue, dans le champ linguistique, à la critique marxienne de l’abstraction libérale du marché : dans l’un et l’autre cas, le refoulement des conditions sociales de l’échange, qu’il s’agisse d’échange marchand ou linguistique, occulte les rapports de forces inégalitaires qui le sous-tendent.

Et ce n’est pas seulement la linguistique de Saussure mais également celle de Noam Chomsky que vise Bourdieu, notamment lorsqu’il conclut : « Ce qui est rare, donc, ce n’est pas la capacité de parler qui, étant inscrite dans le patrimoine biologique, est universelle, donc essentiellement non distinctive, mais la compétence nécessaire pour parler la langue légitime qui, dépendant du patrimoine social, retraduit des distinctions sociales dans la logique proprement symbolique des écarts différentiels ou, en un mot, de la distinction [7] ».

Il est dès lors tentant d’interpréter politiquement ces deux orientations en situant Bourdieu et la sociolinguistique du côté de la critique des formes hégémoniques tandis que la linguistique saussurienne et chomskyenne abriteraient, malgré elles, une science « bourgeoise » en ceci qu’elle abstrairait l’étude du langage de son ancrage dans les rapports sociaux, pourtant en dernière analyse déterminants. Ce serait toutefois aller un peu vite en besogne. Et si Chomsky a toujours considéré avec beaucoup de circonspection l’existence possible d’un lien entre sa théorie linguistique et son activisme militant d’inspiration anarchiste, l’universelle disposition du petit d’homme au langage est néanmoins un phénomène probant qui assure à l’égalitarisme un fondement solide. Reconduire aussitôt l’abstraction linguistique - et/ou mathématique - à l’impérialisme d’une raison bourgeoise ou occidentale risque donc davantage de nous précipiter dans une impasse particulariste ou relativiste plutôt que de nous orienter vers une révolution sociale. C’est pourquoi on conclura que l’approche bourdieusienne complète les théories de Saussure, Martinet ou Chomsky plutôt qu’elle ne les réfute.

Par ailleurs, réarticuler la question de la normativité linguistique à ses conditions sociales de production est une directive qui nous ramène très en amont des débats de Meillet ou Bourdieu avec Saussure ou Chomsky. Ainsi Luther, au XVIe siècle, lorsqu’il entreprend de traduire la Bible en allemand afin d’affranchir la chrétienté de l’hégémonie de la Vulgate et, au-delà, de l’institution pontificale, pose en ces termes la philosophie du langage qui oriente sa démarche : « Ce ne sont pas les lettres de la langue latine qu’il faut examiner [fragen] pour savoir comment on doit parler allemand, comme font ces ânes, mais il faut interroger la mère dans sa maison, les enfants dans les ruelles, l’homme du peuple [den gemeinen man] sur le marché, et considérer leur gueule [maud] pour savoir comment ils parlent, afin de traduire d’après cela [8] ». Et dans une veine identique le mot du poète Malherbe est célèbre : « les crocheteurs du port au foin sont nos maîtres en fait de langage ». La manière dont Malherbe s’en remet au langage des crocheteurs, humbles parmi les humbles, pour déterminer la norme linguistique, ou le bon usage du français, n’oriente pas aussitôt vers Bourdieu ou Labov plutôt que vers Saussure ou Chomsky, elle prend acte de l’égalitarisme intrinsèque à la disposition au langage, la chose du monde la mieux partagée. Et cet égalitarisme linguistique prend aussitôt une valeur politique. En témoigne le mémorialiste Gédéon Tallemant des Réaux (1619-1692) lorsqu’il rapporte, dans ses Historiettes, l’hommage du poète au parler populaire :

« Il y eut grande contestation entre ceux qu’il appeloit du pays d’A-Dieu-Sias (ce sont ceux de delà la rivière de Loire) et ceux deçà, qu’il appeloit du pays de Dieu vous conduise, pour savoir s’il falloit dire une cueiller ou une cueillere. Le roi et M. de Bellegarde, tous deux du pays d’A-Dieu-Sias, étoient pour cueillère, et disoient que ce mot étant féminin, devoit avoir une terminaison féminine. Le pays de Dieu vous conduise alléguoit, outre l’usage, que cela n’étoit pas sans exemple, et que perdrix, met (1), mer et autres étoient féminins et avoient pourtant une terminaison masculine. Le Roi demanda à Malherbe de quel avis il étoit. Malherbe le renvoya aux crocheteurs du Port-au-Foin comme il avoit accoutumé ; et comme le Roi ne se tenoit pas bien convaincu, il lui dit à peu près ce qu’on dit autrefois à un empereur romain : ‘‘Quelque absolu que vous soyez, vous ne sauriez, Sire, ni abolir ni établir un mot, si l’usage ne l’autorise’’ [9]. »

L’absolutisme royal est impuissant à déterminer le bon usage de la langue, parce qu’il ne peut contraindre les corps à parler sous sa loi. Cela dit, de la manière dont Luther ou Malherbe puisent dans la praxis populaire le bon usage de la langue, il ne peut s’en inférer aussitôt une conception populaire de la politique : Luther fut un partisan féroce de la réaction féodale contre les soulèvements paysans et Malherbe fut un admirateur de Richelieu. Il n’empêche, confrontés à la question de la loi en matière de langage, c’est au parler populaire que l’un et l’autre écrivain s’en remettent plutôt qu’à une normativité issue d’un savoir académique, étatique ou plus largement institutionnalisé.

A ce sujet, la pratique et la diffusion de l’écriture dite « inclusive » est un bon exemple des paradoxes que peuvent abriter les décisions normatives en apparence les plus « progressistes ». La prolifération des « autrices », des « auteur-e-s », des « celleux », « elleux », « iel » ou « illes / ielles / iels », etc., n’a en effet guère à voir avec le parler des crocheteurs du Port au foin ou de ceux que Luther appelle « la mère dans sa maison, les enfants dans les ruelles, l’homme du peuple sur le marché », mais davantage avec, sinon un absolutisme royal, du moins un appareil doctrinal issu d’un savoir académique, appareil auquel s’appliquent certainement les analyses de Foucault dans L’ordre du discours, notamment lorsqu’il assure que « l’hérésie et l’orthodoxie ne relèvent point d’une exagération fanatique des mécanismes doctrinaux ; elles leur appartiennent fondamentalement [10] ». Mais on peut également songer aux Précieuses ridicules de Molière.

Ces considérations sur les rapports complexes entre la linguistique et la politique me serviront d’introduction à deux livres récemment parus, l’un aux éditions Amsterdam, Provincialiser la langue. Langage et colonialisme de Cécile Canut, réalisatrice et sociolinguiste ; l’autre aux éditions Verdier, Le ministère des contes publics de Sandra Lucbert, autrice qu’on ne présente plus aux lecteur-e-s de LM.

* * *

Le livre de Cécile Canut est consacré aux pratiques coloniales et néocoloniales en matière de langage et, au-delà, aux fondements de la linguistique. L’approche historique et politique croise donc l’interrogation épistémologique. Son champ d’étude est l’Afrique, principalement l’Afrique de l’Ouest dite « francophone ». Elle analyse notamment la manière dont l’apprentissage du français en Afrique a servi les desseins de la puissance coloniale, ainsi que la manière dont une génération de penseurs africains, notamment emmenés par Senghor, a pu, souvent malgré elle, véhiculé « l’ordre de la langue » imposé par la puissance coloniale, enfin la manière dont d’autres penseurs africains, inspirés ou confortés par les praxis populaires, ont opposés à la linguistique coloniale et néocoloniale ce que nous pourrions appeler un « dés-ordre de la langue », lequel, et c’est là le principal apport tant épistémologique que politique de son propos, n’est pas seulement une résistance à l’ordre colonial mais, plus essentiellement, une mise au jour des fondements du langage humain.

Si, comme on l’a vu, le Roi, quel que soit sa forme historique, depuis la monarchie de droit divin jusqu’à l’écriture inclusive, est nu devant la praxis populaire, il n’en demeure pas moins que l’appareil d’Etat a pu imposer « sa » langue à des locuteurs pourtant récalcitrants. C’est ainsi que le Français s’est imposé comme langue nationale contre des formes régionales vouées à devenir des « dialectes ». Bourdieu ne manque pas de le souligner : « L’imposition de la langue légitime contre les idiomes et les patois fait partie des stratégies politiques destinées à assurer l’éternisation des acquis de la Révolution par la production et la reproduction de l’homme nouveau [11] ». Interroger la manière dont les Africains s’affranchissent de l’emprise coloniale dans le champs des pratiques linguistiques suppose dès lors, pour Cécile Canut, de partir d’un constat historique : « Si les élites africaines, arrivées avec les Indépendances, ont prolongé les rapports de pouvoir conditionnés par l’usage de la langue française, elles ont continué à utiliser les langues nationales : de fait, le peuple n’a pas été astreint à l’obligation de parler une langue unique. La supposée ‘‘glottophagie’’ n’a pas eu lieu, à la différence de ce qui s’est passé dans la France hexagonale, où les locuteurs bretons, occitans, saintongeais ou encore alsaciens ont adopté presque en totalité ‘‘la’’ langue comme seul et unique langage » (p. 82). Ce rapprochement entre l’homogénéisation de la nation française par l’imposition d’un « ordre de la langue » et la stratégie linguistique coloniale en Afrique permet à l’auteur d’articuler ces deux notions : la « langue » et la « nation ». Les classifications ethniques et linguistiques auraient eu pour enjeu de nationaliser l’Afrique, c’est-à-dire de la soumettre à un ordonnancement à la fois linguistique et ethnique servant de support à une gouvernementalité. Disons qu’il s’agit, pour la puissance coloniale, de produire un « Africain nouveau ».

La linguistique ayant été enrégimentée au service d’un projet colonial, il s’est donc agi d’assujettir les Africains au bon usage du langage, le Français (en Afrique dite « francophone ») servant de véhicule à la civilisation tandis que les pratiques autochtones étaient réduites à des « dialectes » dont l’usage devait être strictement confiné à l’espace domestique, celui du folklore. De même que les « ethnologues » ont classifié les « ethnies » africaines à partir de présupposés au mieux académiques, mais plus encore en fonction d’impératifs gouvernementaux, les linguistes ont assujetti les pratiques autochtones à des classifications déconnectées des locuteurs. Ils ont, en quelque sorte, ignoré les conseils de Luther et Malherbe, convaincus qu’ils étaient que l’absolutisme colonial pouvait et devait instruire le langage des colonisés.

Au travers d’une étude qui témoigne d’une solide connaissance des cultures d’Afrique de l’Ouest, du Mali à la Côte d’Ivoire, depuis les productions d’intellectuels africains jusqu’à « la mère dans sa maison, les enfants dans les ruelles, l’homme du peuple sur le marché », ainsi que d’une intelligence aigüe des enjeux politiques des théories du langage, Cécile Canut produit un travail à bien des égards exemplaire : d’abord parce qu’il permet au lecteur d’entrevoir le dynamisme et la vitalité de la résistance continue des peuples africains aux pouvoirs coloniaux et néocoloniaux, ensuite parce qu’il vérifie l’intimité des liens entre praxis populaires et théories de l’émancipation, enfin parce qu’il introduit la contradiction au cœur même de l’intellectualité africaine plutôt que d’en idéaliser certaines figures historiques. Bref, son livre illustre à merveille le mot d’ordre qui tenait tant au cœur de Cécile Winter, militante maoïste dont la flamme s’est éteinte le 24 août dernier : « l’Afrique est au centre » ; entendez : loin d’être un continent périphérique, il est plus qu’aucune autre région du monde au centre d’une pensée contemporaine de l’émancipation.

Mais surtout, la force du propos de Canut, nous l’avons dit, c’est de viser à repenser les fondements du langage, ce qui suppose de réagencer les postulats de la linguistique. Elle prend notamment pour exemple le « nouchi », une « pratique sémiotique constitutivement plurielle née dans les quartiers populaires d’Abidjan » (p. 223). A mi-chemin entre l’argot, subvertissant le « bon usage » du français, et le créole, l’analyse du « nouchi » lui permet de poser les bases d’une autre approche de l’étude du langage :

« Il n’est donc pas intéressant de se pencher sur les éléments linguistiques que l’on peut reconnaître une fois les interactions transcrites sur le papier, puisque leur réduction à des formes linguistiques figées ne dit rien de la praxis, et que les énoncés coupés des contextes de production de discours ne permettent aucune analyse pertinente. Comprendre ce qui se passe nécessite au contraire de se focaliser d’une part sur les éléments rythmiques, et d’autre part sur une construction des significations que l’on appelle indexicales, c’est-à-dire conduite à la faveur du rapport que le sujet opère entre l’énoncé et la situation sociale au sein de laquelle il s’inscrit. La fonction indexicale du sens, celle qui fait que la signification dépend essentiellement d’un contexte sémiotique et plus largement sociopolitique, est constitutive de la construction toujours renouvelée du sens en nouchi. Si cette fonction opère dans toute société, elle est ici exacerbée à tel point que les énoncés ne renvoient à aucune fixité possible du sens, aucun référent stable. Leur particularité repose au contraire sur la labilité des significations dont le locuteur doit se faire l’orfèvre et dont l’interlocuteur est invité à deviner les finesses et malices en fonction du contexte énonciatif et social. Car il ne s’agit pas de dire tout et n’importe quoi : au sein de ce processus d’invention continuellement renouvelé, des règles de transformations régissent les pratiques » (p. 229).

Au-delà du cas particulier, en l’occurrence le « nouchi », ainsi que des formes analogues rencontrées en Afrique, Canut s’emploie ainsi à dégager les grandes lignes d’une praxis du langage dont la signification politique est féconde, d’autant qu’elle souligne son ancrage dans une forme de créativité populaire qui transcende les frontières : « Cette manière d’appréhender le langage n’est pas spécifique à l’Afrique. Elle est par contre très présente dans les milieux les plus populaires et les moins soumis à la puissance de la norme comme valeur sociale et à ses effets symboliques, producteurs de capital social » (p. 222). Et c’est bien sûr à Bourdieu que l’auteur renvoie alors en note, le « capital social » étant ce que la créativité populaire en matière de langage parvient précisément à désactiver.

Les postulats théoriques qui orientent les analyses de Canut sont cependant, et bien heureusement, discutables, non en ce sens qu’ils manqueraient de pertinence, mais parce qu’ils soulèvent des questions profondes, et ce n’est pas le moindre des mérites de son ouvrage. Pour résumer, disons que l’auteur reprend implicitement à son compte la critique de Labov ou Bourdieu à l’encontre de la linguistique saussurienne. En effet, « l’ordre de la langue » d’inspiration coloniale ou néocoloniale paraît prendre sa source dans Saussure, approche linguistique à laquelle Canut oppose une praxis populaire fondée sur « l’hétérogénéité », c’est-à-dire sur un « dés-ordre » anarchisant, et néanmoins réglé, qui privilégie le continu sur l’unité discrète, la transformation sur la norme, la détermination du sens par le contexte plutôt que par la grammaire, la labilité sur la fixité, etc. Et si elle cite volontiers Meschonnic, c’est finalement la pensée de Deleuze et Guattari qui paraît davantage nourrir ses analyses, outre la critique sociolinguistique de l’abstraction saussurienne : « C’est en ce sens que Gilles Deleuze et Félix Guattari affirment qu’il n’existe pas de langue homogène puisqu’elle est toujours travaillée, déterritorialisée pour la mettre ‘‘en état de variations continues’’. La notion de style permet de mettre en avant des ‘‘devenirs minoritaires’’ qui sans cesse déstabilisent l’unité supposée de la langue afin d’en faire jaillir la dimension créole, le côté disparate, conformément à l’idée qu’on est toujours étranger dans sa propre langue » (p. 269). Et l’intimité de la relation entre langage et politique est immédiatement perceptible à la lumière, par exemple, de ce propos du comité invisible : « Ce qui vient au jour dans tout surgissement politique, c’est l’irréductible pluralité humaine, l’insubmersible hétérogénéité des façons d’être et de faire – l’impossibilité de la moindre totalisation [12] ».

Revenons à Canut : la « dimension créole » est certainement la matrice de l’hétérogénéité qu’elle oppose à « l’ordre de la langue ». Et la force singulière de son propos me paraît résider dans sa capacité à penser la « dimension créole » non pas seulement comme une subversion de la norme instituée du bien dire, mais aussi, et d’abord, comme constitutif de l’émergence du langage : « Plutôt que d’envisager les devenirs langagiers et les déterritorialisations uniquement en fonction d’une langue majoritaire et dominante déjà-là, il s’agit de les envisager comme premiers dans l’ordre des processus langagiers. Le processus d’hétérogénéisation précède le processus d’homogénéisation » (p. 270). Cette ligne de crête, dans le travail de Canut, m’a d’autant plus frappé, et réjoui, que dans un ouvrage à paraître aux éditions Amsterdam (La Souveraineté adamique. Traité de mystique révolutionnaire), j’en viens par un tout autre chemin à cette même conclusion, à savoir que le créole est un exemple historique révélateur de l’émergence du langage, autrement dit de qui donne forme humaine à la foncière animalité du petit d’homme. Mais la « dimension créole », je la rapporte pour ma part plus volontiers à la philosophie du « générique » chez Badiou qu’à celle de « l’hétérogène » chez Deleuze. Et c’est donc un point en discussion : faut-il valoriser « l’hétérogène » dès lors qu’on se situe non plus dans une critique de l’idéologie dominante, ou de sa langue, mais dans une affirmation en quelque sorte auto-suffisante ? A mon sens, la force du concept de « générique » chez Badiou, c’est qu’il est une pensée de l’infini tandis que « l’hétérogène » chez Deleuze continue de se mouvoir dans l’horizon de la finitude. Mais c’est là une discussion philosophique qui nous écarte un peu du propos linguistique de Canut, auquel je reviens donc aussitôt.

Dans un passage clé de son ouvrage, elle dresse les grandes lignes d’une sorte de refondation de la philosophie du langage contre une axiomatique saussurienne assurant que « la langue est un système qui ne connaît que son ordre propre ». Elle écrit :

« Il s’agit, dans une optique contraire, de réexaminer les pratiques constitutives hétérogènes afin de réfuter l’idée d’une nocivité des pratiques plurielles, indécises, négociables, qui forment un hétérogène linguistique. Cet hétérogène n’est pas le fruit de deux systèmes homogènes, deux codes, deux objets distincts qui se construisent, se mélangent ou se différencient. Elle n’a rien à voir avec le pluri- ou multilinguisme, qui ressortit à la même vision de l’ordre-de-la-langue. C’est, au contraire, le principe de la constitution même du langage en dehors de toute unité qui s’inscrit dans un autre mouvement du regard et de l’écoute : plutôt que de chercher l’homogène, le similaire, le même, il s’agit au contraire de se laisser imprégner par ce qui vient, sans préjuger de l’ordre qui le constitue. Alors la pluralité ne cesse de se faire entendre : plutôt que de normaliser les créoles, il s’agit au contraire de partir d’eux comme principe constitutif des pratiques langagières » (p. 168).

L’orientation de Canut, insistons-y, me paraît absolument féconde et juste. Et je la rapprocherais volontiers d’un texte de Fernand Braudel relatif au « second servage », lorsque les paysans d’Europe de l’Est, au début du XVIe siècle, sont réassujettis à des seigneurs féodaux, et ceci de manière d’autant plus implacable et coercitive que ces seigneurs sont dorénavant connectés aux marchés européens de l’Ouest. Braudel explique que pour imposer aux paysans une agriculture d’exportation, il a fallu les contraindre, c’est-à-dire reféodaliser les campagnes. En effet : « Les paysans préféreraient manger leur blé ou l’échanger sur le marché contre d’autres bien, si, d’une part, le seigneur n’avait accaparé tous les moyens de production, et si, d’autre part, il n’avait bel et bien tué une économie de marché vivace, se réservant pour lui-même tous les moyens d’échange [13] ». L’ordre du marché imposé par les féodaux d’Europe de l’Est, dorénavant connectés à la logique capitaliste émergente en Europe de l’Ouest, me paraît rigoureusement analogue à « l’ordre de la langue » décrit par Canut : dans les deux cas, il s’agit de normaliser, c’est-à-dire d’assujettir les praxis populaires, marchandes ou linguistiques, à un ordonnancement qui en malmène la créativité, la vivacité, la labilité, ceci afin de servir les intérêts d’un pouvoir économique ou politique. (Et bien entendu, dans cet éloge braudélien des « jeux de l’échange » à une échelle paysanne et artisanale, on situe ce qui peut me séparer du maoïsme. Mais c’est là un autre problème). En outre, rapprocher les praxis populaires en matière de langage avec ces mêmes praxis en matière d’échanges marchands me semble d’autant plus pertinent que Bourdieu, pour sa part, n’hésite pas à écrire : « La grammaire ne définit que très partiellement le sens, et c’est dans la relation avec un marché que s’opère la détermination complète de la signification du discours [14] ».

La question, sinon la critique que j’adresserais cependant à l’auteur, Cécile Canut, concerne la manière dont son propos est articulé d’une part à la critique de la linguistique saussurienne et de son prolongement chomskyen, d’autre part à l’essai de Dipesh Chakrabarty, auquel elle emprunte la notion de « provincialisation » d’une Europe envisagée par elle sous l’angle linguistique, essai de Chakrabarty dont des citations sont placées en exergue de chaque chapitre. L’une d’elles, en exergue du troisième chapitre, commence comme suit : « Il ne s’agit pas de dire que le rationalisme européen est toujours déraisonnable en soi, mais plutôt de démontrer comment – par quel processus historique – il a été possible de conférer à sa ‘‘raison’’, qui n’a pas toujours été unanimement considérée comme allant de soi, l’aspect d’une évidence, bien au-delà de son sol d’origine [15] ». Mais que faut-il entendre par « rationalisme européen » ? S’agit-il de la rationalité marchande qui préside au « second servage » ou des praxis populaires, non moins rationnelles et non moins marchandes, que cette rationalité écrase ? Et importe-t-il de critiquer la linguistique saussurienne et ses prolongements chomskyens ou la manière dont un absolutisme colonial ou néocolonial prétend régir le bon usage de la parole ?

Canut conclut, avec une rare acuité : « plutôt que de normaliser les créoles, il s’agit au contraire de partir d’eux comme principe constitutif des pratiques langagières ». Mais précisément, la question que pose l’émergence de langues créoles dans des contextes historiques et linguistiques radicalement hétérogènes pourrait, selon certains linguistes, mettre en évidence la pertinence des concepts chomskyens de « compétence linguistique » ou de « grammaire universelle », soit ce que Bourdieu désigne, visant Chomsky, comme « une certaine capacité de parler définie inséparablement comme capacité linguistique d’engendrement infini de discours grammaticalement conformes et comme capacité sociale permettant d’utiliser adéquatement cette compétence dans une situation déterminée ». Mais l’universelle compétence linguistique, telle que l’entend Chomsky, n’est pas seulement une capacité de se conformer à un usage correct de la langue, correction qui peut en effet dépendre de déterminations sociales foncièrement inégalitaires et oppressives, elle est aussi une capacité égalitaire et créative. Car si les langues créoles partagent certaines structures syntaxiques sans pourtant avoir pu puiser empiriquement dans un même fond linguistique, c’est qu’elles relèvent d’une même disposition universelle au langage, sorte d’a priori linguistique qui, par ailleurs, assurerait aux démonstrations mathématiques leur universalité et leur nécessité, qu’on soit européen, africain, chinois ou hindou. Et à suivre Bourdieu sur la nécessité de prendre en compte les conditions sociales de la production et de la circulation des concepts fondamentaux d’une science quelconque, on s’aperçoit bien vite, au vu des études sociologiques portant sur la question, que les disciplines les plus « a prioriques », exemplairement les mathématiques, sont celles qui résistent le mieux à l’analyse de l’école en termes de reproduction des inégalités sociales. Les origines sociales des plus grands mathématiciens en témoignent, qu’on songe à Gauss ou à Riemann. Et la raison en est la suivante : plus une pratique est rigoureusement rationaliste, au sens mathématique et conceptuel du terme, moins elle est susceptible de dépendre d’un « capital social ». A l’inverse, plus elle est rhétorique, plus elle repose sur un tel « capital social ». Or l’abstraction structurale voisine avec les mathématiques, par où elle s’avèrerait, en dernière analyse, plus égalitaire que « bourgeoise ». Concluons donc que reconnaître sans réserve l’intérêt, la pertinence et la force des analyses de Cécile Canut ne suppose pas pour autant de trancher en faveur de Labov, Bourdieu et Deleuze contre Saussure, Chomsky et Badiou.

En outre, s’il est un penseur qui s’est attaché à subvertir « l’ordre de la langue », c’est incontestablement Jacques Lacan, dont « lalangue » n’est précisément pas un « ordre », mais davantage un dés-ordre. Or, tirant les enseignements de la linguistique de Saussure, à savoir que la langue ne consiste pas en un ensemble de valeurs positives et absolues, « mais dans un ensemble de valeurs négatives ou de valeurs relatives n’ayant d’existence que par leur opposition » (Eléments de linguistique générale), Lacan poursuivait plus qu’aucun autre, dans sa pratique analytique comme dans son enseignement, ce que Canut appelle « la labilité des significations dont le locuteur doit se faire l’orfèvre et dont l’interlocuteur est invité à deviner les finesses et malices en fonction du contexte énonciatif ».

C’est pourquoi, concernant « l’ordre-de-la-langue » dont il s’agit de s’affranchir, je conclurai par une remarque d’inspiration lacanienne, puisqu’elle me vient d’un psychanalyste lacanien, René Lew, pour ne pas le nommer, qui m’expliqua un beau jour qu’un japonais pouvait avoir un rapport à sa propre langue, le japonais, plus semblable à celui d’un français à sa propre langue, le français, qu’à celui d’un autre japonais, de même que la grammaire inconsciente de ce français serait plus semblable à celle de ce japonais qu’à un autre français. En effet, les affinités électives ne procèdent pas des structures syntaxiques mais de la manière dont une parole singularise un désir de parler, par où la littérature s’avère, comme la psychanalyse, à même de déjouer « l’ordre de la langue », ainsi que Sandra Lucbert s’emploie à le démontrer dans Le ministère des contes publics.

* * *

Après avoir pris pour objet d’étude le procès de France-Télécom dans Personne ne sort les fusils, Lucbert s’intéresse cette fois non pas à la dette publique en tant que telle mais plutôt à la manière dont elle sert d’argument imparable à un discours gouvernemental : « LaDettePubliqueC’estMal ». Il s’agit donc de convoquer la littérature afin de s’affranchir d’une logorée hégémonique qui écrase les existences. A cette fin, elle puise dans Montaigne, Pascal, Flaubert ou Lewis Caroll plus encore que dans Gramsci, et son usage des grands noms de la littérature française, ou anglaise, témoigne, s’il était besoin, de la puissance subversive inentamée de ces auteurs, du moins une fois tombé, grâce au talent d’analyste de Lucbert, le vernis académique dont l’institution les recouvre inlassablement.

L’un des énoncés les plus saillants de son livre me semble intervenir page 21 : « La langue se charge du service d’ordre ». On aperçoit aussitôt ce qui rapproche les préoccupations de Lucbert de celles de Canut. Et cette convergence m’intéresse d’autant plus qu’elle rejoint la thèse de Xavier Ricard Lanata dans La Tropicalisation du monde, à savoir que « l’expérience coloniale est préfiguratrice ». En effet, qu’il s’agisse d’assujettir les populations africaines à une gouvernementalité coloniale ou néocoloniale, ou les populations européennes aux impératifs budgétaires d’une austérité libérale ou néolibérale, il s’agit toujours d’opposer une rationalité bien ordonnée à un désordre prétendument chaotique. Page 34, Lucbert décrit la scène en ces termes : « d’un côté il y a les mécontents – on est bien tenu de les montrer -, ils sont pourtant moins des personnes que des désordres affectifs. De l’autre, la raison réaliste et ses incarnations ». Le dispositif est semblable dans l’Afrique du XXe siècle, où les « désordres affectifs » sont les praxis langagières hétérogènes à « l’ordre de la langue » imposé par le colonisateur, comme il est semblable dans l’Europe orientale du XVIe siècle décrite par Braudel, où les jeux de l’échange développés par les praxis populaires sont écrasés par l’émergence d’un capitalisme bourgeois sur un versant (à l’Ouest), féodal sur un autre (à l’Est) : « Une conjoncture à double ou triple effet a rejeté, avec les débuts du XVIe siècle, l’Europe orientale vers un destin colonial de producteurs de matières premières, destin dont le second servage n’est que l’aspect le plus visible [16] ».

Prenant pour objet-fétiche, ou totem, une émission télévisée qui met en scène l’ordre de la langue gouvernementale au travers de ses porte-paroles autorisés, Lucbert propose finalement, à la manière tant de Pascal que de Bourdieu, de donner à voir le skeptron qui, chez Homère, confère à l’orateur son autorité, et de l’en déposséder, par et dans la littérature, afin de le rouer de coups, tel Scapin mêlant coups de bâton et patois populaires dans une scène fameuse des Fourberies. L’analyse de Lucbert voisine par ailleurs avec celle de La Boétie. Et Bourdieu lui-même tend à revenir à l’argument de La Boétie, celui d’une « servitude volontaire », lorsqu’il explique : « L’efficacité symbolique des mots ne s’exerce jamais que dans la mesure où celui qui la subit reconnaît celui qui l’exerce comme fondé à l’exercer ou, ce qui revient au même, s’oublie et s’ignore, en s’y soumettant, comme ayant contribué, par la reconnaissance qu’il lui accorde, à la fonder [17] ». C’est l’enjeu stratégique du livre de Lucbert : mettre au jour ce qui fonde la légitimité du discours gouvernemental, afin de montrer que, décidément, le Roi est nu, du moins si nous cessons de nous oublier. Et son recours à Lewis Caroll est singulièrement percutant à cet égard : « L’opération littéraire de Caroll consiste à séparer des jeux de langage de leur raison sociale : et ce faisant, à faire apparaître un délire collectif – syn. une hégémonie » (p. 119).

Alice, sortie du pays des merveilles, conclut finalement, à destination des locuteurs d’une langue qui se charge du service d’ordre : « Vous n’êtes qu’un jeu de cartes ! » (P. 138). L’auteur du Ministère des contes publics conclut, quant à elle, que « retrouver taille collective et terminer leur jeu, ce n’est pas dans un livre » (ibid.). Mais en s’affranchissant d’un « ordre de la langue » qui néantise, un livre peut témoigner d’une autre vérité que celle de la Reine, le Léviathan d’Alice, ainsi que le formule le comité invisible à l’encontre de tous les Pharaons d’un « ordre de la langue » : « Le cours du langage est tombé à zéro, et pourtant nous écrivons. C’est qu’il y a un autre usage du langage. On peut parler de la vie, et on peut parler depuis la vie. On peut parler des conflits, et on peut parler depuis le conflit. Ce n’est pas la même langue, ni le même style. Ce n’est pas non plus la même idée de la vérité [18] ».

[1La Sociologuistique, Puf, 1993, p. 3-4.

[2Cité par Jean-Louis Calvet in La Sociologuistique, op. cit., p. 14.

[3Leçon inaugurale au Collège de France, 1906, cité par Jean-Louis Calvet, ibid., p. 8.

[4Cité par Jean-Louis Calvet, ibid., p. 13.

[5Fayard, 1982, p. 13.

[6Ibid., p. 8.

[7Ibid., p. 42.

[8Cité par Max Engammare, « Un siècle de publication de la Bible en Europe : la langue des éditions des Textes sacrés (1455-1555) », in Histoire et Civilisation du Livre. Revue International IV, Droz, 2008, p. 64. C’est également une pensée du poète chilien Nicanor Para  : « y perdonen si me he expresado en lengua vulgar / es que ésa es la lengua de la gente » (Poèmes et Antipoèmes. Anthologie, Seuil, 2017, p. 298).

[10Gallimard, 1971, p. 45.

[11Ce que parler veut dire, op. cit., p. 31.

[12Maintenant, La Fabrique, 2017, p. 62.

[13Civilisation matérielle, économie et capitalisme. II. Les jeux de l’échange, p. 317. Ce texte de Braudel constitue l’une des matrices de mon livre L’Occident, les indigènes et nous (Amsterdam, 2020).

[14Ce que parler veut dire, op. cit., p. 15.

[15Chakrabarty, Provincialiser l’Europe, cité p. 85.

[16Civilisation matérielle, économie et capitalisme. II. Les jeux de l’échange, p. 310-311, souligné dans le texte.

[17Ce que parler veut dire, op. cit., p. 119.

[18Maintenant, op. cit., p. 10.

Ivan Segré est philosophe et talmudiste
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