Intermittents du désordre, sous les pavés la scène !

Patrick Condé

paru dans lundimatin#156, le 10 septembre 2018

Au printemps dernier, les intermittents du désordre se constituaient en groupe d’intervention destiné à interrompre ou transformer le cours de certaines représentations théâtrales : le 7 mai, ils faisaient irruption au théâtre de l’Odéon pour protester contre la célébration « sénile et embourgeoisée » de l’esprit de mai ; refoulés par les CRS, ils ne tardèrent pas à se venger lors de la représentation de Tristesses, toujours à l’Odéon, le 25 mai dernier (lundimatin avait alors relayé leur texte et la vidéo de l’interruption) ; quelques jours plus tard, le 12 juin, ils empêchaient la représentation de Je suis un pays de Vincent Macaigne. Fiers de leurs succès, les intermittents ont alors écrit une lettre à leurs fans et ces mêmes fans ne tardèrent pas à nous faire parvenir des réflexions sur le théâtre et sa subversion. Nous publions aujourd’hui une analyse critique des différentes formes de spectacle qui prolonge les remous printanniers des intermittents du désordre.

Si devant les scènes de théâtre et de danse on assiste depuis des lustres à un silence religieux, comme à la messe, ce n’est pas dû qu’à la nature Spectaculaire du rituel de la représentation, ce n’est pas le Spectacle debordien qui est en question, du moins pas tel qu’on le perçoit communément. Celui-ci rejoue, dans une critique à nouveaux frais certes, le refus platonicien de la mimesis, cette scène où l’un–acteur parle à la place de l’autre–poète, et où l’action y est une fabrique d’illusions destinées à envoûter le spectateur passif, séparé de lui-même. On sait que Platon préférait la chorégraphie chantante comme image juste et vraie de la communauté. Mais Debord aura inauguré le soupçon porté sur le renversement contemporain de cette posture, où le poète ou le philosophe sont toujours en passe de voler dans et par le simulacre la parole et l’acte de l’insurgé : « En France, il n’y a pas assez de Turi et trop d’Alain Badiou de toutes sortes. Des penseurs-panseurs interchangeables, prêts à exhorter la jeunesse à monter sur les barricades tout en restant sur leur divan, tisant leur tisane  » (Eloge du Turisme, lundimatin#154). Debord ne m’aurait peut-être pas démenti toutefois lorsque je suggérais il y a peu que LE Spectacle est mille fois, dix mille fois plus présent, étouffant, oppressant dans la Coupe du Monde de foot que sur les scènes de théâtre ou de danse.

Evoquons par exemple le Living théâtre de Julian Beck et Judith Malina (que la saison passée on a célébré de mémoire morte), ou Tadeusz Kantor et son Théâtre de la mort, pour ne citer que ces deux percées foudroyantes des années 70 : on mesure alors qu’à l’heure même où Debord écrit La société du spectacle, la scène est le lieu où le sanctuaire commence à être détruit ou sévèrement attaqué. Un rappel donc pour ne pas rester amnésique, que l’on complètera en se souvenant que bon nombre des découvertes fulgurantes et marquantes de cette époque eurent lieu au Festival de Nancy et non au Festival d’Avignon. Que seul le Festival d’Avignon ait perduré, que le vivier de Nancy internationalement reconnu se soit éteint (de sa belle mort ?), c’est un pan significatif de l’histoire qui reste à écrire. Souvenons-nous encore de l’interdiction, par la municipalité d’Avignon et les responsables du festival, de présenter dans la rue (soit hors du sanctuaire) « Paradise now » du Living théâtre en juillet 1968, et de la décision prise par la troupe en conséquence de quitter Avignon, non sans avoir prononcé au préalable une déclaration publique expliquant leurs raisons, et où l’on pouvait entendre notamment :

« … parce qu’on ne peut servir à la fois le peuple et l’État, parce qu’on ne peut à la fois dire la vérité et mentir… ».

 

La perspective historique manque trop souvent pour comprendre comment on en arrive là, de nos jours, et surtout pour s’entendre. Mais en deçà de cette perspective, il importe de voir que la représentation, ce n’est pas simplement le fait qu’il se passe quelque chose sur une scène, à quoi des spectateurs assistent passivement, dans un rapport frontal ou bi-frontal. La situation réduite à cette perception est un leurre qu’on s’acharne alors à détruire, en bousillant le 4e mur, et en renouant avec la fusion acteurs/spectateurs (cette vieille tentative a pu trouver ses formes les plus militantes dans le Théâtre Forum d’Augusto Boal par exemple, voir sur le site de la revue Période La radicalité du théâtre de l’opprimé, par Sophie Coudray).

Je suis plus sensible à la figure du spectateur émancipé que décrit Jacques Rancière, dans ce qu’il perçoit d’un régime esthétique maintenant séparés l’art et la vie bien que confrontant et assemblant à égalité des éléments de réel et de fiction, contre la position des tendances avant-gardistes qui ont presque toujours nourri l’utopie de fusionner l’art et la vie. Le spectateur n’est pas cet éternel crétin qu’il faut réveiller à coup d’éclats de réel irruptifs. Le rapport scène/salle est un rapport entre deux regards, entre le regard du spectateur et celui qui rend visible sur scène. Cet acte de rendre visible est déterminant, contre la reproduction du visible ou représentation ordonnée d’une hiérarchie des figures et des motifs. Or rendre visible implique chez le spectateur un effort sensible et intellectuel pour saisir l’entre deux où tout se joue, de sorte que ce qui est rendu visible demeure actif et non rabattu sur un énième produit du visible. On a pu dire « pour que le processus prime sur le produit », mais il n’est pas sûr que cela relève encore de la production. Il ne s’agit pas non plus d’épiphanie. Bref, si le spectateur n’est pas actif dans ce sens, au sens de sensible pensant plus encore que critique, rien ne marche. Si de son côté la proposition scénique ne rend pas visible mais reproduit ou singe le visible (par exemple la catastrophe comme maints spectacles assez niais l’ont fait au lendemain du 11 septembre 2001), alors oui on a affaire à du spectaculaire, très souvent à l’humanité qui contemple son propre désastre comme le suggérait déjà W. Benjamin.

Il ne suffit donc pas qu’il y ait une scène pour qu’il y ait du spectaculaire, celui-ci se joue la plupart du temps hors scène, et la scène « traditionnelle » de théâtre ou de danse est encore le lieu où des résistances les plus farouches lui sont opposées. Mais c’est à la condition de ne pas considérer que « l’art est résistance en lui-même », commodité consensuelle revendiquée encore en 2003 par les opposants notoires à l’annulation du Festival d’Avignon lors de la lutte des intermittents du spectacle. L’annulation, interruption majeure s’il en fut, c’était pour ces messieurs-dames « scier la branche sur laquelle on est assis…, se tirer une balle dans le pied », etc.

À Eymoutiers où se déroulait du 11 au 14 août le magnifique petit festival « Le théâtre rate », organisé par le Singe, compagnie de Sylvain Creuzevault, et tou(te)s les ami(e)s alentour qui ont chaleureusement filé le coup de main, j’ai pu éprouver cet enjeu en toute clarté. Je retiendrai surtout les créations de la compagnie elle-même : la reprise du « Banquet Capital » sous le chapiteau, et « Les tourmentes », associant un travail encore en chantier sur le poème de Mallarmé « Un coup de dés jamais n’abolira le hasard » puis sur le texte de Jack London « Construire un feu ». Devant ces deux scènes, je crois que le spectateur, s’il le veut bien, s’il s’y dispose, est mis en éveil pour fournir son propre travail de perception sensible. Aucun piège ne l’enferme dans une adhésion communiante. « Les tourmentes » le portent sur ce seuil d’une solitude de l’acte de créer, comme acte en danger de vie ou de mort en milieu hostile, acte qui ne triche pas, s’expose comme vérité face au vide plus encore que devant la page blanche, laquelle n’est jamais tout à fait blanche, mais toujours déjà écrite, raturée, « ratée », effacée, reprise. Solitude périlleuse, à peine métaphorique, du blanc de la banquise arctique à la page du Livre, renvoyant le spectateur à sa propre solitude sans parapet ni miroir, sans fusion dans l’image d’une communauté d’attente. L’émotion naît de cela, de cet entre deux du rapport sans rapport, du partage qui partage, comme pendant le « Banquet Capital » où l’humour féroce nous accroche, nous emporte certes, mais avec la vigilance du rappel à ce qui eut lieu et nous taraude encore - les insurrections et leurs (dé)raisons. « Rien n’aura eu lieu que le lieu », et « Toute pensée émet un coup de dès » sont des injonctions rendues littérales et sensibles au-delà même du poème, sans pour autant se confondre avec la vie bien qu’ouvrant sur des formes de vie incontestablement autres, autrement politiques.

Pourtant je ne m’en tiens pas là. La messe existe et domine bel et bien comme poisse pieuse et sanctuarisée, et je suis d’accord que foutre le zbeul est parfois une réaction saine dans le décor officiel du spectaculaire, ces salles de spectacle si grasses de velours, de lambris ou de design high-tech, où la communauté citoyenne se mire « telle qu’en elle-même l’éternité la change ». Mais alors, admettons que la question brûlante n’est pas d’interrompre le rituel, en laissant intact le spectacle, mais d’engager par l’interruption une critique en live et physique de la forme elle-même. Thibaud Croisy, dans un article récent (Interférences critiques, lundimatin), ne peut en effet manquer de souligner que c’est surtout l’hypocrisie perçue dans le spectacle de Vincent Macaigne qui est d’abord l’objet de la critique et de l’intervention « artiviste », soit la forme elle-même, finalement convenue, qui enveloppe un propos ou un geste apparemment incendiaire. Le « bordel », la « bonne dose de défonce » auxquels prétend le metteur en scène punk, c’est de la daube, nous disent les Intermittents du désordre.

La messe ne tient pas non plus au seul fait qu’elle est célébrée dans des salles obscures comme destinées à cet effet de sacralité. Bien que la Cour d’honneur à Avignon contient de fait et exemplairement une telle charge de sacré lorsque vient la nuit, en raison de l’histoire du site, et de la consécration des formes qui y sont présentées. La dernière en date, le Thyeste de Sénèque par Thomas Jolly mériterait selon divers échos une bonne critique de derrière les fagots, qui n’a pas eu lieu (les louanges décernées, surtout pour la traduction du texte, par J.P. Thibaudat sur Médiapart ne forment pas une critique, elles l’évitent plutôt poliment). N’oublions pas que depuis une bonne trentaine d’années, Avignon est considéré comme un « pôle d’excellence », selon les termes de l’un de ses anciens directeurs, Alain Crombecque. Voilà ce qui éclaire en partie l’atmosphère religieuse qui plane autour des Œuvres, et des lieux d’excellence que sont devenus officiellement un grand nombre de Scènes nationales, Théâtres Nationaux, Centres chorégraphiques, Opéras.

Face à ce fléau de l’excellence des produits finis, finis au double sens du terme –petits objets dans leur écrin et gestes artistiques déjà faits avant d’être faits, si vieux si jeunes, il est scabreux d’invoquer le théâtre de rue comme juste réplique, où l’on serait « exposé aux réactions du tout venant, comme les musiciens qui jouent en première partie et essuient les quolibets d’un public qui ne se gêne pas pour réclamer son idole », selon Thibaud Croisy. On prête le flanc très vite dans ce cas à l’affreuse distinction entre formes d’élite, ou élitistes, et formes populaires où le spectacle serait diffus, dans et par la rue, fondu dans la vie, sans barrières entre acteurs, circassiens, musiciens et spectateurs. Le vrai Off contre le In sanctuarisé. Opposer ce que l’on perçoit comme chaleur, générosité, proximité des spectacles de rue (qui ne sont pas les plus exempts parfois d’esbroufe spectaculaire) aux idoles, ou encore à des formes jugées « élitistes » parce qu’à une certaine distance du public ou incompréhensibles au premier abord, voilà la catastrophe bien dans l’air du temps. Un acteur culturel un peu lucide me confiait qu’il y a 50 ans le spectateur de théâtre payait pour être surpris, aujourd’hui il paye pour comprendre. Le prémâché, la pédagogie de rigueur dans la présentation des saisons, qui contribuent à la passivité du public autant que les effets faciles et réducteurs dans la fabrication des objets scéniques bâclés en un temps record, tous ces artifices de vente effondrent la scène plus qu’ils n’en font un « produit porteur ». Seule la nouveauté à tout prix, le hit parade où l’on est monté au pinacle pour 5 minutes puis descendu et démoli aussitôt après semble être la règle mortifère, conforme à l’ensemble des produits de l’industrie culturelle. 

De même, concernant l’épineuse question du fric accordé à la production des créations, on ne dira pas sans se retrouver soi-même censeur auto-institué que telle création ne mérite pas le fric qu’elle dépense. Certes, ce qui compte avec le fric, ce n’est pas pourquoi on en a (quand on en a ! car c’est tout un développement critique spécifique qu’il faudrait entamer sur l’économie actuelle du spectacle vivant), mais ce que l’on en fait. Ici à Toulouse par exemple, les quelques spectacles de Laurent Pelly (pour ne pas le nommer) que j’ai pu voir au Théâtre de la Cité quand il le dirigeait, auraient provoqué en moi cette même réaction si je ne m’étais rendu compte que sans cette débauche stupide de fric et de moyens sur scène (sur un Grandeur et décadence de Mahagonny, de Brecht par exemple), Pelly n’aurait pas fait mieux. Fric et effets de scène luxueux ne venaient que combler le vide total de sa démarche qu’il pensait (peut-être, j’en doute) sincèrement ajustée : Mahagonny comme la grande Babylone libérale où règne la prostitution et la violence en guise de monnaie courante des rapports quotidiens dans notre société. Alors il fallait renvoyer à la gueule du public l’image provocante du luxe, de la luxure, et s’y vautrer soi-même en tant que metteur en scène. Toujours ce vieux reflet.

Le résultat de tout ce confinement, cet air vicié, où même Thibaudat relevait cette année à Avignon une somme considérable de spectacles accablants, décourageant toute critique, ce peut être la colère, et je la partage avec les Intermittents du désordre, leurs inventions verbales et leurs gestes physiques. Mais il faut encore, pour cela, pousser le bouchon de la question (de vie ou de mort pour les arts concernés). Car en effet, il y a un piège à éviter à tout prix : celui de se retrouver à soutenir solidairement des esthétiques du choc, des formes authentiquement spectaculaires dans l’ordre du symbolique ou de l’orgie des corps sacrifiés comme Sur le concept du visage du fils de Dieu de Castellucci, ou Golgota Picnic de Rodrigo Garcia contre des cathos intégristes voulant les censurer, bref soutenir des faiseurs contre des cons (ce n’est que ma perception personnelle bien sûr, mais que j’engagerais volontiers dans la tenue d’un espace critique public manquant).

« Modules Dada. Une irruption est-elle encore possible », c’est le titre d’un article assez récent paru sur lundimatin, et qui rendait compte d’une « représentation » (le terme est-il encore approprié ?) d’un travail de l’ami Alexis Forestier avec sa compagnie Les endimanchés. Regrettant toujours de n’avoir pas vu ce boulot (car j’apprécie beaucoup la démarche d’Alexis en général), je m’intéressai à ce compte rendu partageant plus d’un atome crochu avec le geste de celles et ceux qui l’ont porté à la scène. Il fouille en effet, et remue le couteau dans la plaie, même si au final on se demande si ce n’est pas un couteau sans manche dont il manque la lame. Mais toute illusion dissipée, l’article témoigne d’une tentative ou plutôt du jeu de cette tentative, encore une fois chère aux avant-gardes, de fusionner l’art et la vie, plus exactement de faire passer l’art dans la vie, et réciproquement.

Modules dada from cie les endimanch&eacute ;s on Vimeo.

La personne qui rend compte parle d’abord de son attrait immédiat pour la baston, le coup de poing dans la gueule du public que les actants sur le plateau provoquent. Partant de « l’inadmissibilté du théâtre, et de l’inadmissibilité du spectateur », l’auteur de l’article déclare avoir été saisi d’emblée par les Modules Dada au point même où tout peut arriver d’un renversement possible de la disposition aliénée au spectacle. Au point qu’il accepte la proposition de fomenter une apparition sur scène, le soir d’après, à l’aide de quelques potes, de jouer l’intrusion dans le rapport convenu scène/salle, avec la complicité des auteurs. Un moment, ils quittent donc leurs sièges, dévalent à 35 les gradins et se retrouvent sur le plateau, comme pour « incarner, le temps d’un pogo, l’ébullition insurrectionnelle ». On avoue aussitôt le flop, l’échec prévisible en terme de provocation. Le public reste globalement inerte, intègre l’irruption au spectacle, qui la récupère. La grande Bouche d’ombre, la gueule du Monstre avale et digère tout.

Echec encore à tenter au final de fuir le théâtre en faisant fuir le public, l’invitant à rejoindre le réel, au dehors ; les 35 sont bien sortis du théâtre du Parvis de Dijon, mais apparemment aucun spectateur ne les a suivis. Toutefois, restait d’un côté la question soulevée physiquement, en acte, d’une interruption possible brisant la « complaisance douteuse » des spectateurs, et de l’autre la parole proliférante du metteur en scène repassant en boucle l’exégèse de son geste, dans ce cabaret devenu « le ring (tel qu’à l’origine, dit-on) d’un peuple bigarré et de son auto-démolition ».

Le cabaret Voltaire, de Zurich, fait donc encore rêver, et on le comprend ; sa vitalité de l’époque qui n’aurait pas pris une ride, est littéralement reprise, comme une relève mais sans le poids de la dialectique. Je pense aussitôt à un autre partisan de l’art de « la gifle et du coup de poing », le futuriste Marinetti, qui traversa furtivement la scène du cabaret Voltaire. Et je me dis que gifle et coup de poing n’étaient pas seulement destinés au public de l’époque, mais s’échangeaient aussi entre révolutionnaires Dada ou pas Dada et futuristes fascistes, sur des enjeux fondamentaux de la destination humaine dans l’art, et de l’art dans la communauté humaine divisée et en proie alors aux évènements politiques les plus violents. Or cela se produisait à l’horizon disputé des avant-gardes. Celles-ci ont péri, emportées dans le flot du réel qui dépassa de loin leurs espérances, du moins côté futuriste. Et le peuple du cabaret… manque.

Quand on identifie la scène de théâtre ou de danse comme l’endroit de l’apathie, du regard anémié, consensuel, passif, est-ce alors parce que l’on veut voir « la vraie scène », celle de l’affrontement, se dérouler désormais exclusivement dans la rue ? En tant qu’acteur de théâtre, je suggère que la messe tient tout autant à des tendances esthétiques qui s’abreuvent de la Catastrophe, du sombre destin de « l’Humanité », que sur le versant opposé à une forme de gaudriole critico-kitsch qui voudrait danser au dessus de l’abîme, toutes formes immédiatement rattrapées par le Spectacle. Il faudrait préciser bien sûr, entamer une véritable expérimentation de la critique des formes.

Car c’est en réalité, comme l’avance encore Rancière, d’abord une idée de l’art qui est en jeu, dans les formes elles-mêmes, leur critique et leur mode d’exposition, soit dans leur matérialité et leur pensée, et non la seule position du spectateur et bien avant le respect du rituel. Une idée de l’art à disputer même violemment dans des espaces à inventer, et à laquelle bien peu s’exposent aujourd’hui, confiné(e)s que l’on est, bon gré mal gré, dans la grande vitrine éclectique des Œuvres. Ce que le bouleversement du rituel par les Intermittents du désordre réveille peut-être, ce qui pourrait arriver de mieux, si on s’engage bien au-delà dans ce risque réel à quoi nous expose l’interruption.

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