Histoire d’une comète oubliée : le maître des rêves Nicolae Vaschide

Mircea Cărtărescu

paru dans lundimatin#362, le 5 décembre 2022

Voici l’histoire fabulée, donc véritable, d’une comète oubliée. Voici l’histoire du plus obstiné maître des rêves de tous les temps. Voici l’histoire du fabuleux Nicolae Vaschide.

« Nuit après nuit, nous nous endormons et ensuite nous rêvons. » (Cărtărescu) Et quand au matin, nous ouvrons les yeux pour faire face à ce que nous avons pris l’habitude de nommer « réalité », persiste toujours un temps d’incertitude sur la consistance véritable de cette réalité : où suis-je ? Suis-je seulement ? et alors quoi ? Et même après que la réalité se fut recomposée par l’effort, parfois laborieux, de ce que nous considérons être notre mémoire, le credo en notre monde reste, dès qu’on y pense, fragile et précaire : car nous savons être descendus là-bas, au pays des rêves ; nous savons de source sûre y avoir été traversés et poursuivis par des émotions. Et quoique leur souvenir ne nous parvient pas toujours, nous persistons à savoir que ces émotions ont bien eu lieu. Mais quel est ce lieu ?

Voici l’histoire fabulée, donc véritable, d’une comète oubliée. Voici l’histoire du plus obstiné maître des rêves de tous les temps. Voici l’histoire du fabuleux Nicolae Vaschide.

Par cette lecture d’extraits choisis du chapitre 37 du Solénoïde de Mircea Cărtărescu (tr. L. Hinckel), accompagnée ici et là de sa B.O.I (Bande Originale Imaginaire), on voudrait approcher de l’expérience de « l’oniromancie radiophonique ». Les habitués de l’Atelier y retrouveront une autre forme de ce que nous avons déjà expérimenté sous le nom de « chamanisme du péril ». Bref, un livre audio pour ne jamais dormir, c’est-à-dire – on le comprend maintenant seulement – un livre audio pour rêver. #LAPNJD #LAPR

Car il est temps, avec Cărtărescu et tous les autres, de remettre le fragment d’Héraclite sur ses pieds. Héraclite dit en effet qu’il y a pour les éveillés un monde unique et commun (koinon kosmon), mais que chacun des endormis se détourne dans un monde particulier (idion). Or c’est l’inverse qui est vrai : le seul possible monde commun (koinos) est aux rêveurs, le monde privé (idios) est aux éveillés. Qui ne le voit pas ? Qui croit encore au monde, à l’idée de monde commun ici ? Y a-t-on d’ailleurs jamais cru ? Et qui sont ces éveillés ? Mais en rêve, c’est tout autre : le monde existe, universellement. Le rêve est comme la pensée, c’est le contraire d’une chose particulière - autre manière de donner raison au fou d’Éphèse.

Illustration : Bernard Chevalier

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