G20 : Les habitants de Buenos Aires invités à partir de chez eux

« On se souvient du slogan "Que se vayan todos", et bien les dirigeants l’ont repris à leur compte, cette fois contre nous tous. »

paru dans lundimatin#166, le 21 novembre 2018

Alors que le prochain G20 se tiendra à Buenos Aires du 30 novembre au 1er décembre, le gouvernement argentin vient de lancer une vague de répression préventive tous azimuts dans les milieux contestataires. Voici le récit de notre correspondant sur place.

« Nous recommandons de profiter du long week-end pour vous en aller », voilà, la ministre de la Sécurité argentine l’a dit : les 3 millions d’habitants de Buenos Aires sont invités à dégager de chez eux durant la tenue du G20 (30 novembre et 1er décembre). On ne pouvait mieux exprimer ce qu’est un G20 dans la tête de ceux qui organisent ce genre de machin : le renvoi pur et simple des peuples. On se souvient du slogan de 2001, “que se vayan todos, y que no quede uno solo” [“qu’il s’en aillent tous, qu’il n’en reste pas un seul”, à l’adresse de tous les pouvoirs établis], et bien les dirigeants l’ont repris à leur compte, cette fois contre nous tous.

En attendant, la préparation de ce G20 n’offre pas beaucoup de surprises. Flics et gouvernement sont sur les dents, espionnage et persécution des organisations opposantes vont bon train. Police, Justice et Journalisme sont même parvenus à sortir Attac (section Argentine) de son insignifiance, en lui infligeant une enquête grotesque sur ses comptes bancaires et la présentant comme une source de dangereux activistes internationaux. Sa présidente, de 80 ans, se dit assez surprise et détaille les dépenses de l’association.

Dans le même temps, la chasse aux anarchistes est ouverte. Les commentateurs de télévision se délectent de « saisie de matériel explosif » dans un squat culturel et de la mise sous les verrous de plusieurs militants. Même le complexe sportif antifasciste et antipatriarcal (du quartier Villa Crespo) a subi une sauvage intervention policière, probablement pour y trouver de belliqueux gants de boxe. De nouveau, sur les chaînes d’info en continue, il a été question « d’armes et de détenus » sur des images de dispositif policier passés en boucle, jusqu’à ce que le show s’épuise, que flics et journalistes aillent foutre la pagaille ailleurs –-sans bien sûr qu’il ne soit plus question ni d’arme ni de détenus. Les animateurs du club ont pu retrouver leur lieu abîmé, avec un sentiment d’humiliation et de saccage

Difficile d’expliquer cette offensive tout azimut du gouvernement si ce n’est par sa volonté d’afficher un pays d’ordre, où les cérémonies d’autocélébration des puissants peuvent se dérouler sans anicroche. Derrière, c’est toujours la “pluie d’inversion” qui est attendue, selon le slogan du président Mauricio Macri qui, malgré trois ans de danse de la pluie autour du totem, a obtenu une fuite massive de capitaux, une désindustrialisation accélérée, une inflation galopante (la monnaie a perdu la moitié de sa valeur seulement cette année) et un endettement record, pour ne citer que quelques indices qui leurs sont chers.

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