Extrême-droite, hors des universités !

Dernières nouvelles judiciaires du doyen de la fac de Montpellier et de son commando d’extrême-droite

paru dans lundimatin#371, le 20 février 2023

L’affaire avait fait couler beaucoup d’encre : des étudiants mobilisés contre Parcoursup, une occupation de l’université de Montpellier et son expulsion violente par un commando d’extrême-droite mené par le doyen en personne. Nous publions cette tribune du collectif du 22 mars qui ne revient pas sur les faits [1] mais en expose les derniers développement et enjeux judiciaires alors qu’est attendu un important arrêt de la cour d’appel de Montpellier ce 28 février.

Le 22 mars 2018, à Montpellier, contestant la mise en œuvre de la loi d’Orientation et de Réussite relative aux Etudiants et de ParcoursSup au nom du rejet de toute forme de sélection à l’entrée de l’Université, une intersyndicale emmenée par le SNESUP-FSU a tenu une réunion d’information l’après-midi dans l’amphi A de la faculté de Droit, de par sa position centrale, après en avoir obtenu l’autorisation de mise à disposition par le président de l’Université de Montpellier.

En cours d’après-midi, la réunion va se transformer en Assemblée Générale qui, à la suite d’un vote à la fois massif et très majoritaire des plus de 700 personnes présentes, décide l’occupation de l’amphi jusqu’au lendemain matin 8h où se tiendra une nouvelle AG qui se prononcera sur la proposition de blocage pendant un mois, au soutien du mouvement en cours à travers tout le pays.

Soudain, peu avant minuit, un commando de 8 à 10 personnes, quasiment tous cagoulés et armées de planches cloutées et d’un taser, a fait irruption dans l’amphi, faisant preuve d’une violence inouïe, blessant plusieurs personnes, en état de sidération, parmi la cinquantaine encore présentes.

Il s’est avéré que ce commando, à la tête duquel se trouvait, tête nue, le professeur d’histoire du droit Jean-Luc Coronel, était intervenu à l’instigation du doyen de la Faculté, Philippe Pétel.

Renvoyés les 20 et 21 mai 2021 devant le tribunal correctionnel de Montpellier pour violences commises en réunion en ce qui concerne M. Coronel et les seuls 4 membres du commando poursuivis, et pour complicité de violences commises en réunion pour M. Pétel, instigateur de l’action, et Mme Margand, compagne de M. Coronel et agent recruteur du commando, ils ont tous été reconnus coupables des infractions reprochées au terme du délibéré rendu le 2 juillet.

M. Pétel a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et 2 ans d’interdiction de toute fonction ou emploi public, M. Coronel, déjà condamné, à 14 mois de prison dont 6 ferme aménageables et 8 avec sursis probatoire, et seulement 1 an d’interdiction de toute fonction ou emploi public, Mme Margand à 14 mois dont 6 ferme aménageables et 8 avec sursis simple, M. Roudier, multirécidiviste, à 1 an ferme, et les trois autres, MM. Vincent, Puech et Rolouis, à 12 mois dont 6 ferme aménageables et 6 avec sursis simple.

Seuls MM. Coronel, Roudier et Vincent, et Mme Margand, ont relevé appel et, lors de l’audience devant la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Montpellier qui s‘est tenue le 9 décembre 2022, l’Avocat général a requis la confirmation pure et simple de toutes les condamnations prononcées par le tribunal, le Président mettant l’affaire en délibéré au 28 février 2023.

Parallèlement s’est tenue l’instance disciplinaire concernant MM. Pétel et Coronel dans le cadre du Conseil National de l’Enseignement Supérieur Et de la Recherche fonctionnant comme juridiction administrative.

En première instance, le 11 janvier 2019, M. Pétel s’est vu prononcée une sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement ou de recherche dans un établissement public d’enseignement supérieur pendant 5 ans, tenant la gravité des faits et des agissements incompatibles avec le comportement attendu d’un professeur des universités et les missions d’un doyen de faculté ; et M. Coronel, une sanction de révocation et l’interdiction définitive d’exercer toute fonction dans un établissement public, pour avoir participé à la préparation et à l’exécution d’actes violents dans l’enceinte de l’université, agissements incompatibles avec le comportement d’un professeur des université ; avec application immédiate.

Seul M. Coronel a fait appel et le 23 mars 2022 la sanction a été ramenée à une simple exclusion de 4 ans, son conseil ayant notamment fait valoir la condamnation à seulement 1 an d’interdiction prononcée par le tribunal correctionnel.

Un pourvoi en cassation a alors été déposé tant par l’Université - après le vote par le Conseil de la Faculté d’une motion adoptée le 2 juin par 31 voix sur 34 soulignant les risques de dysfonctionnement du service et de troubles à l’ordre public qui accompagneraient le retour sur site de M. Coronel - que par le ministère de l’Enseignement Supérieur en tant qu’autorité de tutelle.

Sachant qu’en la matière, le pourvoi n’est pas suspensif et qu’en conséquence M. Coronel pouvait prétendre reprendre ses activités d’enseignement ou de recherche à compter du mois de février 2023.

Mais dans le cadre d’une procédure accélérée, le Conseil d’État a, le 30 décembre 2022, annulé la décision rendue en appel.

En effet, après avoir rappelé que, si le choix de la sanction relève de l’appréciation du juge du fond au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il appartient au juge de cassation de vérifier que la sanction retenue n’est pas hors de proportion avec la faute commise, il a constaté le caractère prémédité des violences commises et la participation directe de M. Coronel à celles-ci.

Il a en conséquence jugé inappropriée la sanction d’interdiction de seulement 4 ans prise par application de l’article L 958-2, 5° du code de l’Education, et qu’aurait due être prononcée une des deux sanctions prévues par les 6° et 7° du dit article, à savoir la mise à la retraite d’office ou la révocation.

Le CNESER va donc être amené à statuer à nouveau sur ces bases, et on peut donc en déduire que M. Coronel ne remettra plus les pieds dans une faculté de droit, que ce soit à Montpellier ou ailleurs.

On attend donc avec impatience la décision qui va être rendue le 28 février par la Cour d’appel, laquelle ne pourra pas ne pas tenir compte à la fois de la décision rendue par le Conseil d’État et des faits tels qu’ils ont été rappelés à l’audience, sachant que les conseils de MM. Coronel et Roudier - ce dernier niant sa participation - et de Mme Margand ont plaidé la relaxe, et celui de M. Vincent une condamnation avec sursis.

En effet, profitant de l’absence des victimes à l’audience - les 8 d’entre elles qui s’étaient constituées partie civile s’étant désistées de façon spectaculaire au tout début de l’audience devant le tribunal correctionnel, dénonçant la partialité de la juge d’instruction refusant toutes leurs demandes d’actes et notamment la recherche des membres du commando manquants, rendant ainsi sans objet selon eux la poursuite de la procédure et la recherche de la vérité - ils ont soutenu avoir agi en quelques sorte en état de nécessité, au nom d’un pseudo intérêt supérieur, la violence dont ils ont fait preuve n’étant en quelque sorte qu’une contre-violence répondant à celle dont auraient fait preuve initialement les occupants de l’amphi A, nullement démontrée par l’examen des faits.

Dans le cadre de son délibéré la Cour ne manquera pas de revenir sur les déclarations de M. Roudier à l’audience, en écho à celles de M. Pétel au lendemain des faits objet des poursuites.

Il a en effet déclaré spontanément que des étudiants opposés au blocage ont participé physiquement à l’évacuation et n’ont jamais été identifiés. Et pour sa part M. Pétel avait évoqué lors de son interview par FR3 la volonté forte des étudiants en droit qui étaient présents de se défendre, se déclarant assez fier d’eux et les approuvant totalement. Et le journaliste lui demandant : « Jusqu’à la violence ? », de répondre : « Ecoutez, il faut ce qu’il faut, on ne fait pas d’omelette sans casser les œufs. »

Elle pourrait donc utilement ordonner un supplément d’information pour retrouver la trace des éléments manquants du commando, la prescription n’étant acquise a minima que le 22 mars 2024.

Mais, plus fondamentalement, il convient de revenir sur le pedigree de M. Coronel et de Mme Margand ainsi que des membres du commando.

M. Coronel est proche de la Manif Pour Tous, mouvement ultra-conservateur demandant notamment l’abrogation de la loi Taubira sur le mariage pour tous et opposant à la PMA et la GPA ; il a enseigné en 2019 à l’Institut des Sciences Sociales et Etudes Politiques de Lyon dirigé par Marion Maréchal, et est intervenu le 3 décembre 2022 en tant que conférencier au 8° Forum de la Dissidence organisé à Paris par le site identitaire Polemia où était présente la fine fleur de l’extrême-droite, à l’instar de Jean-Yves Le Gallou, Renaud Camus et autres Thaïs d’Escufon.

Mme Margand, juste avant les faits objet des poursuites, animait au château de Flaugergues une réunion de la Manif pour Tous ; elle a été candidate pour l’Alliance Royale aux élections législatives de juin 2012 et directrice de campagne de Myriam Roques, candidate FN sur la circonscription de Sète aux élections législatives de juin 2017.

M. Vincent est membre de la Manif Pour Tous et a signé la pétition de militaires « pour un retour à l’honneur de nos gouvernants » publiée le 21 avril 2021 dans « Valeurs Actuelles ».

M. Roudier, fils du fondateur du mouvement identitaire La Ligue du Midi, anime le site identitaire Lengadoc Info actuellement en sommeil, et est très proche de Mme Margand qu’il a qualifié, sur l’audience, de confidente.

M. Puech est considéré comme un sympathisant de la Ligue du Midi.

M. Rolouis a été colleur d’affiches pour la candidate du FN sur Sète aux élections législatives de juin 2017 ; il a déclaré partager les idées d’extrême-droite de Mme Margand, et lors de son audition les policiers ont trouvé dans son téléphone des photos de casques du III° Reich.

Ce que l’on constate ainsi, c’est l’hybridation entre droite tradi, extrême-droite institutionnelle et extrême-droite extra-parlementaire. Ce qui devrait faire réfléchir...

Et pour en revenir à M. Coronel, c’est son droit le plus strict de professer des idées d’extrême-droite, mais celles-ci restent fondamentalement ancrées dans un discours raciste, xénophobe, de rejet de l’Autre, radicalement contraires aux valeurs humanistes mentionnées notamment dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, socle de la formation des esprits des étudiants.

Extrême-droite, Hors des Universités !

Jean-Jacques Gandini pour le collectif du 22 mars : Ligue des Droits de l’Homme 34, SNESUP-FSU UM, Solidaires 34, Union Départementale CGT 34, Jeune Garde Montpellier, NPA 34.

Sources :
Vidéo FR3 23 mars 2018 interview du doyen Petel
Section disciplinaire Sorbonne Université 11 janvier 2019 concernant le professeur Coronel
Tribunal Correctionnel Montpellier 20-21 mai 2021 notes d’audience personnelles
Tribunal Correctionnel Montpellier jugement 2 juillet 2021
CNESER 23 mars 2022 sanction disciplinaire en appel concernant le professeur Coronel
Conseil de la Faculté de Droit de Montpellier 2 juin 2022 décision concernant le professeur Coronel
Vidéo 8° Forum Dissidence-Polémia 3 décembre 2022 intervention du professeur Coronel
Cour d’appel de Montpellier chambre correctionnelle 9 décembre 2022 notes d’audience personnelles
Conseil d’État 30 décembre 2022 n° 465304 Ministère de l’Enseignement Supérieur vs professeur Coronel
Cour d’appel de Montpellier chambre correctionnelle 28 février 2022 délibéré

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