En Syrie, le crible d’un séisme

Hamza Esmili et Montassir Sakhi

paru dans lundimatin#371, le 20 février 2023

Le double tremblement de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie le 6 février et dont on continue d’additionner les victimes par dizaines de milliers a suscité effroi et stupeur. Par la bande et non sans cynisme, la catastrophe a aussi été l’enjeu d’une offensive politique et médiatique de la part de celles et ceux qui, consciemment ou non, souhaitent réhabiliter la légitimité de Bachar al-Assad. Des amis syriens nous ont signalé la publication de cet excellent article d’Hamza Esmili et Montassir Sakhi d’abord paru dans la revue conditions, il décortique les éléments de langage, l’aveuglement, le cynisme ou les manipulations que se partagent certaines tendances « anti-impérialistes », l’extrême-droite et quelques opportunistes.

Les séismes qui ont eu lieu à proximité des villes de Gaziantep et d’Ekinözü [1] sont à l’origine d’un désastre humain de rare ampleur. Tant la Turquie que la Syrie voisine déplorent des dizaines de milliers de morts – selon un décompte toujours provisoire à l’heure où ce texte est rédigé –, bien plus de blessés et une dévastation matérielle considérable. Certaines villes, comme Antakya ou Kahramanmaraş, ont été détruites à grande échelle. S’agissant de la Syrie, pays singulièrement ravagé par une décennie de bombardements gouvernementaux et russes, plus de cinq millions de personnes ont perdu leur logement à la suite de la succession des tremblements de terre [2].

La catastrophe est arrivée au sein de l’une des zones géographiques les plus conflictuelles au monde. Loin d’autoriser la trêve, elle accentue les polarisations parmi les parties en présence. À son corps défendant, le drame agit ainsi comme un crible efficace pour donner à voir les enjeux collectifs qui trouvent leur foyer dans la région. Aussi un célèbre journal satirique français – connu pour sa position intransigeante à l’égard de l’islam et des musulmans – ne s’y est-il pas trompé en se réjouissant de la survenue du tremblement de terre – laquelle supplée d’hypothétiques « chars ». Comme souvent s’agissant du Moyen-Orient, le transfert agit à plein : on se gausse de la mort là-bas de ceux que l’on désigne comme adversaires ici.

Quoique déplorable, la caricature demeure pourtant inoffensive. Il en est tout autrement de la campagne orchestrée par le régime de Bachar al-Assad [3] à l’occasion du séisme. Sans surprise, l’État du Baath – soit le parti panarabe qui gouverne la Syrie depuis 1963 –prend appui sur la catastrophe pour réclamer la fin de sa mise au ban internationale, laquelle avait été décrétée à la suite de l’impitoyable répression qu’il a opposée au soulèvement populaire de 2011. L’argument parait simple : il s’agit ainsi d’alléger le fardeau des Syriens, en supprimant les verrous juridiques qui entravent la solidarité internationale à l’heure la plus tragique. Hormis la généreuse raison humanitaire, toute forme de politisation de l’évènement parait aussi malvenue qu’hors de propos.

Le récit est efficace. Quelques jours après le séisme, il est repris à l’unisson par la gauche anti-impérialiste – par-delà la diversité de ses variantes nationales [4] –, l’extrême-droite européenne [5] – historiquement favorable à la dynastie Assad [6] –, le mouvement décolonial [7], les restes du nationalisme arabe [8] et de nombreuses instances internationales. Comme depuis une décennie, la tragédie syrienne sert ainsi de terre de projection – le psychanalyste dirait de sublimation – à des formes politiques issues de tout autres configurations socio-historiques .

Même répétée à l’infini, la mystification que tous font leur demeure cependant de part en part trompeuse. Euphémisé – « il faut lever les sanctions pour raison humanitaire » – ou explicite – « elles étaient dès le départ indues » –, le soutien à Bachar al-Assad s’exprimant à l’heure de la catastrophe repose ainsi sur la méconnaissance de la situation historique syrienne et une longue série de mensonges que ses affidés répandent dans le débat public en même temps que la politique de normalisation avec le régime du Baath à laquelle ils invitent. En miroir, la réalité des zones libérées de son emprise – qui ont été durement touchées par le séisme – sont complètement privées d’aide internationale et ignorées des relais du régime syrien, ce qui finit ainsi de convaincre que l’enjeu de la fin des sanctions pour ceux qui la défendent sitôt la survenue du séisme n’est guère d’essence humanitaire.

Aussi est-il nécessaire de défaire le fil logique qui parait mener de la catastrophe à la revendication au retour du régime de Bachar al-Assad parmi le concert des nations respectable [9]

Retour sur une révolution

À l’évidence, le régime syrien a intérêt à la levée de sa mise au ban internationale. Celle-ci est subséquente à la répression systématique qu’il a opposée à la mobilisation massive de 2011. À l’heure des révolutions arabes, l’État du Baath répond par un crédo de terrible vérité : « Assad, ou nous brûlons le pays » (الأسد أو نحرق البلد). La contestation populaire ne faiblit pourtant pas : elle débouche rapidement sur la formation de zones libérées (مناطق محررة), d’où le régime se retire avant d’en entamer le bombardement constant, notamment par l’usage des bombes-barils [10].

Manifestation à Idlib, 2021

Au sein des zones libérées – qui couvrent en 2013 près de la moitié du pays –, l’autorité centrale n’est pas reformée. L’ordre révolutionnaire est ainsi composite : par-delà le slogan populaire « un, un, un, le peuple syrien est un » (واحد واحد واحد، الشعب السوري واحد) qui affirme l’existence de conventions collectives plus sacrées que l’abîme sectaire dans laquelle le régime de Bachar précipite le pays, les zones libérées sont discontinues tant sur le plan territorial que sur celui politique. Leur réalité est ainsi fondée sur celle des collectifs localisés qui les composent. Pour autant, l’aspiration existentielle à la solidarité collective et à la justice face à un régime extraordinairement violent [11] demeure permanente tant à Homs, Hama, Deraa, Alep, Idlib qu’au sein de la Ghouta orientale – soit quelques-unes des principales zones libérées du pays. Cet unanimisme autour de l’impératif de dé-faire le régime est figuré par la constitution de l’Armée libre. En miroir de la nature décentralisée de la révolution, celle-ci est formée par l’alliance hétérogène de soldats et d’officiers mutinés et de brigades situées parmi la multitude de zones libérées. Son drapeau – repris à la Syrie pré-Baath – devient ainsi le symbole révolutionnaire par excellence.

Distribution des morts confirmés entre 2011 et 2018. Plus de de 92% sont ainsi attribuables au régime de Bachar al-Assad et à son parrain russe.

D’abord en échec – il est ainsi au bord de l’écroulement en 2013 -, le régime de Bachar al-Assad donne cependant à la politique de destruction du pays un sens neuf à mesure qu’il fait appel au soutien militaire d’États étrangers. Dès 2012, des milices liées à l’Iran – Hezbollah libanais, celui iraqien, Afghans hazaras recrutés de force de force dans la structure paramilitaire du Corps des gardiens de la révolution etc. – combattent en Syrie, avant que la Russie n’engage à son tour son aviation et ses troupes en soutien au régime syrien. Permise par une succession de massacres quant auxquels les historiens du futur auront à statuer s’ils furent bien génocidaires – par exemple, le blocus et la famine subséquente du camp palestinien du Yarmouk [12], l’attaque chimique de la Ghouta orientale [13] ou la politique de bombardements intensifs des zones libérées [14], notamment des hôpitaux [15] –, la reprise en main du pays est continue à partir de 2014. En miroir, les régions qui retournent à l’autorité du régime sont violemment punies ; leurs populations font face à l’épuration et à un autoritarisme renouvelé du Baath et de son sponsor russe [16].

Un homme essuise ses larmes devant le slogan « Vive la Syrie d’Assad. Assad ou nous brûlons les pays », que des miliciens loyalistes ont laissé sur un mur de la ville après l’avoir dévastée.

Le déni de la politique

Parallèlement aux succès militaires de la puissance impériale russe – dont la nature de l’intervention s’affirme de plus en plus coloniale [17] –, le régime d’Assad renoue progressivement ses relations diplomatiques avec de nombreux parties : l’Algérie, Émirats Arabes Unis, l’Inde, le Bangladesh, Oman, l’Arabie Saoudite, l’Autriche, la Jordanie, le Hamas [18] etc. Les Nations-Unies [19] et des organisations réputées indépendantes comme le Croissant rouge [20] sacrifient également au retour de flamme du régime de Bachar al-Assad, leur action en Syrie est ainsi intégralement déterminée par les intérêts de celui-ci.
Face à l’expansion russo-syrienne, laquelle est parallèle de la normalisation internationale du régime de Bachar al-Assad [21], il subsiste cependant les zones libérées de la région d’Idlib et du nord-ouest du pays – en sus des territoires sous administration du Parti des travailleurs du Kurdistan à l’est du pays [22]. Mais l’argument de la souveraineté étatique joue à plein : les relations internationales ne peuvent lier entre eux que des États. C’est le sens logique de la réadmission de l’État du Baath parmi le concert des nations : qu’importe que celui-ci soit durablement affaibli et administre moins d’un tiers de la population syrienne originelle, le régime de Bachar al-Assad demeure néanmoins le seul interlocuteur légitime pour les partisans de la souveraineté étatique à tout prix – tant ceux anti-impérialistes que conservateurs.

C’est dans ce contexte que survient le séisme. En Syrie, celui-ci affecte tant des zones sous contrôle gouvernemental que d’autres demeurant libérées. Sitôt que la catastrophe survient, elle permet au régime de Bachar al-Assad de réclamer la fin des sanctions décrétées à son encontre à la suite de la répression de grande échelle opposée au soulèvement populaire. À son tour, la critique anti-impérialiste pointe « l’embargo » qui aurait été imposé à la Syrie [23]. Qu’importe que cette mesure – réclamée par les révolutionnaires syriens pour mettre un terme aux bombardements russes – n’ait jamais été accordée, l’image permet de renvoyer au blocus décrété tout au long des années 1990 contre l’Iraq voisin – selon un schème bien connu du discours anti-impérialiste, où une situation historique justifie nécessairement une autre.

Le Caesar Act [24] adopté par l’administration américaine en 2019 est particulièrement visé. Qu’importe également que celui-ci ait explicitement exclu l’aide humanitaire de son spectre de restrictions, le séisme permet à l’État du Baath et à ses soutiens d’y voir la cause originelle de la destruction du pays – plutôt que la guerre sans répit qu’il a menée à son propre peuple et l’économie de prédation mise en oeuvre par les dignitaires du Baath. Qu’importe enfin que le régime de Bachar al-Assad soit notoirement connu pour sa prédation à l’égard de l’aide humanitaire, ses dignitaires et thuriféraires affirment à l’unisson que le retour de sa souveraineté est une condition préalable à l’aide internationale. Toute opération de sauvetage tant en zone gouvernementale que s’agissant des zones libérées a ainsi pour condition de nécessité qu’elle soit conduite sous la stricte autorité de l’État du Baath.

Par-delà leur position souverainiste de principe, les soutiens du régime syrien – qu’ils soient anti-impérialistes, décoloniaux, nationalistes blancs ou arabes – ne répondent guère à la question béante à laquelle leur politique ne peut qu’aboutir : comment faire transiter l’aide par un régime aussi singulièrement violent à l’égard de son propre peuple que celui d’Assad ? La question est redoublée par la chronique connue de la prédation de l’aide internationale à laquelle l’État du Baath n’a eu de cesse de se livrer au cours de la dernière décennie. Toute ressource envoyée à Assad sera ainsi systématiquement détournée de son but [25] pour servir au raffermissement de l’autorité du régime et à son expansion au détriment des zones demeurant libérées.

En creux d’une position réputée justifiée par la raison humanitaire transparait ainsi un positionnement proprement politique en faveur du Baath, lequel prend appui sur le séisme sans s’embarrasser nullement de ses victimes et du secours qui doit leur être apporté. Comme Assad, ses soutiens n’ont cure du malheur syrien [26] : n’ont-ils pas couvert, nié ou soutenu [27] le massacre de centaine de milliers d’entre eux aux mains du même Assad qui affecte aujourd’hui d’être éploré face au désastre [28] ?

Le séisme et Bachar al-Assad réimpriment le drapeau du Baath sur les décombres de la Syrie.

Mais le récit est efficace. Plusieurs dizaines de convois d’aide humanitaire affluent en zones gouvernementales [29], dépêchés par l’Union européenne, l’Organisation des Nations-Unies et de nombreux pays. Le secrétaire général de l’ONU salue Bachar al-Assad ; son homologue de l’Organisation mondiale de la santé se rend lui-même à Alep sous le regard bienveillant des dignitaires du Baath. Contrairement au récit anti-impérialiste, lequel fait fond sur la division géopolitique du monde en bloc rivaux, la liste de ceux qui dépêchent l’aide humanitaire au régime russo-syrien est authentiquement œcuménique. Nulle division idéologique ou stratégique ne s’y donne ainsi à voir.

Face au Baath et à ses soutiens

Alors que le régime de Bachar al-Assad et ses soutiens internationaux font déjà étal de leur satisfaction quant à son retour programmé parmi le concert des nations, leque est obtenu grâce au séisme, les zones libérées – situées au plus près de l’épicentre – demeurent quant à elles complètement privées d’aide. Six millions d’habitants s’y concentrent – après y avoir été déplacés après la reconquête par l’État du Baath et sa tutelle russe des précédentes zones libérées. La surpopulation de la dernière région échappant au contrôle du régime de Bachar al-Assad est ainsi directement liée à la reconquête par celui-ci du reste du pays [30]. À Jindires par exemple, dans le nord-ouest d’Alep, 230 Syriens originaires de la région de Damas ont ainsi trouvé la mort lors du séisme après y avoir été relogés.

« Cette fois, c’est un bombardement d’en-bas »

Près d’une semaine après le séisme, nul convoi d’aide alimentaire n’a cependant pu entrer en zone libérée [31]. Le véto du régime syrien à l’ouverture des postes-frontières avec celles-ci [32] et celui russe s’agissant des points de passage contrôlés par l’État turc y ont efficacement empêché tout déploiement humanitaire d’urgence pendant la première semaine si cruciale pour retrouver des survivants sous les gravats. L’accord du régime de Bachar al-Assad – étrangement salué par les dignitaires internationaux – n’est ainsi accordé qu’au bout de la tragédie. Aussi la politique assumée d’entrave de l’aide au sein des zones libérées est-elle consubstantielle de la répression féroce que l’État baathiste a opposée à la mobilisation populaire depuis 2011. Le déni de solidarité face au désastre fait fond sur le jeu de massacre conduit au cours de la dernière décennie par l’État du Baath et sa tutelle russe et sur les déplacements internes et externes qui en ont résulté. Comme un symbole, les bâtiments habités mais déjà endommagés par les bombardements russes et gouvernementaux sont logiquementceux qui se sont écroulés le plus facilement à l’heure du séisme – même au sein de zones relativement éloignées de l’épicentre.
Le peuple du camp palestinien de Yarmouk, soumis au blocus par le régime d’Assad et en attente d’une distribution d’aide.
Face au cynisme du régime russo-syrien et de ses soutiens internationaux, quelles voies pour la solidarité à l’heure de la catastrophe ? La politique exterminatrice du Baath est aussi son point d’achoppement ; celle-ci ayant rompu l’ensemble des conventions et des formes de morale collective ayant cours au sein de la société syrienne, nul retour à la situation historique précédente n’est envisageable – tant au sein des zones libérées que s’agissant de celles qui ont été reconquises par le régime de Bachar al-Assad et la puissance coloniale russe.

Le peuple du camp palestinien de Yarmouk, soumis au blocus par le régime d’Assad et en attente d’une distribution d’aide.

À l’inverse, la solidarité interne à la société syrienne et largement autonome de l’État du Baath a permis de sauver des vies. En redonnant un éclat neuf à l’impératif de défendre le collectif et ses membres, la réponse syrienne au séisme montre simultanément la distance irréversible qui sépare la société du régime de Bachar al-Assad. Des représentants dépêchés par le Parti des travailleurs du Kurdistan – qui contrôle la région orientale du pays sous le nom des Forces syriennes démocratiques –, pourtant adversaire historique de la révolution, se sont ainsi joints au secours des zones libérées ; similairement, des habitants des zones sous le joug gouvernemental leur sont également venus en aide au péril de leur vie. Enfin, la solidarité de la diaspora syrienne dispersée après une décennie de guerre est également considérable.

Aussi s’agit-il de soutenir les organisations indépendantes et directement issues de la société syrienne – au premier chef desquels la défense civile des Casques blancs. Hélas, l’impressionnante solidarité syrienne ne peut suffire à parer à la catastrophe ; il faut lui adjoindre le plaidoyer auprès des institutions européennes et internationales, lequel est nécessaire pour obtenir l’ouverture de l’ensemble des postes-frontières turcs et l’acheminement massif de l’aide au sein des zones libérées qui manquent pour l’heure de tous les produits de première nécessité – tentes, nourriture, groupes électrogènes etc.

À l’encontre du récit anti-impérialiste, nécessité est également démontrée de rappeler inlassablement la situation historique dans laquelle vient s’insérer le séisme. Par-delà le négationnisme de circonstance, les soutiens de Bachar al-Assad ne peuvent offrir de réponse au paradoxe qui consiste à ériger celui-ci en garant de la réponse humanitaire à la catastrophe quand son régime est responsable de l’une des pires guerres exterminatrices menées par un État contre son propre peuple. La revendication de levée des sanctions – qui loin de l’exemple iraqien visent essentiellement des dignitaires du régime [33] – doit également être lue à cette lumière : face à un pouvoir aussi singulièrement désintéressé du bien-être de ses administrés, quel sens peut-il y avoir à sa remise en selle politique et économique [34] ? On peut raisonner par l’absurde : au nom de la nécessaire souveraineté des États, fallait-il normaliser les relations avec un gouvernement aussi cruel que celui de l’État islamique ? Quoique d’essence singulièrement violente, ce dernier a pourtant été à l’origine d’un nombre de victimes civiles incomparablement inférieur à celui du régime de Bachar al-Assad.

La problématique de l’aide humanitaire à l’heure de la catastrophe ne peut guère se dispenser de l’interrogation proprement politique – à laquelle elle n’échappe pas de facto s’agissant de l’opportunité que le séisme représente pour les thuriféraires de Bachar al-Assad – des voies de résolution potentielles de la trame historique née du soulèvement populaire. Les révolutionnaires syriens insistent sur la nécessité de la justice [35] : les crimes du régime russo-syrien demeurés impunis sont le ferment de la destruction de plus en plus attestée de la société syrienne et des liens qui la composent. Similairement, alors que les parrains internationaux ne cessent de trahir, il s’agit de retrouver l’élan unitaire des débuts de la révolution. À ce titre, l’auto-critique du Parti des travailleurs du Kurdistan – qui a hélas collaboré avec le régime de Bachar al-Assad – est nécessaire s’il faut aboutir à l’alliance des forces indépendantes de l’État du Baath. Cette perspective est pour l’heure illusoire. Elle peut néanmoins être ouverte comme une réponse politique – cette fois solidaire – au séisme.

Quant aux anti-impérialistes, décoloniaux et aux nationalistes blancs, c’est-à-dire le spectre large de ceux qui n’aiment les Arabes que morts ou réduits à l’état de pions qu’ils bougent sur l’échiquier de leurs chimères, ceux-là doivent assumer de se faire complice d’un régime d’essence génocidaire aux seules fins de transfert de la pathologie identitaire dont ils sont le symptôme. Hélas, celle-ci ne peut être résolue que sur la scène de son incubation – c’est-à-dire en Europe.

Liste d’associations à soutenir :

Les Casques blancs (défense civile de la Syrie)

Molham Volunteering Team e.V.
REVIVRE
MEHAD (Ex UOSSM)

[1Le 6 février 2023, deux séismes de magnitude 7,8 et 7,5 touchent le sud de la Turquie.

[4Jean-Luc Mélenchon en France, Die Linke en Allemagne, le Parti des travailleurs de Belgique sont à l’unisson sur la position de la levée des sanctions.

[5SOS Chrétiens d’Orient, qui fait office de pont entre l’ensemble des variétés de la droite française et le régime de Bachar al-Assad, a aussitôt commencé son plaidoyer en faveur sitôt après la survenue du régime.

[6Le régime de Baath a ainsi accueilli nombre de nazis de premier plan. L’un d’entre eux – Aloïs Brunner, ancien commandant du camp de Drancy – joua un rôle majeur dans la structuration des services secrets syriens aux côtés de Hafez al-Assad.

[8Voir la lettre ouverte signée à cet effet par une série d’organisations marxistes et panarabes : https://annahjaddimocrati.org/ar/11694

[9L’État français suit également la pente de la normalisation. Voir https://www.lefigaro.fr/vox/monde/emmanuel-macron-tente-par-un-rapprochement-avec-bachar-el-assad-20230207?fbclid=IwAR2fGO36ftsOFXstfqOfqYDdDRRjRIxGgFt-pSbFwGS01B2bJ4Zj5SnPjNM}]. Simultanément, il s’agit d’interroger les possibilités de l’aide humanitaire à l’heure du séisme – lesquelles ne peuvent être déliées de la trame authentiquement politique que celui-ci redouble.

[10Affaibli, le régime syrien a recours à l’arme du baril largué sans téléguidage sur les zones libérées. Cette bombe particulièrement meurtrière est remplie de TNT, de potassium et de ferrailles. L’explosion disperse ainsi à la fois des gaz meurtriers et des micro-obus susceptibles faire de nombreux blessés.

[11Catherine Coquio (dir.), Syrie, le pays brûlé (1970-2021). Le livre noir des Assad, Paris, Seuil, 2021. Voir également Ridouan Ziada, La destruction de la Syrie. Comment la stratégie « Assad ou nous brûlons le pays » a réussi, non traduit.

[12Sachant le lien de la position anti-impérialiste à la solidarité de façade à l’égard des Palestiniens, la négation de ce crime est particulièrement saisissante. Voir le rapport en date de 2014 d’Amnesty International, https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2014/03/syria-yarmouk-under-siege-horror-story-war-crimes-starvation-and-death/

[13Le massacre à l’arme chimique dans la Ghouta orientale a fait plus de 2000 morts. Voir https://newlinesmag.com/review/the-day-the-world-stood-still/

[14Alep, par exemple, est complètement détruite par les bombardements russes.

[17À mesure que le régime syrien devient un Etat fantôche, la Russie s’octroie de larges concessions au sein du pays, au sein même du fief historique de la famille Assad de Lattaquié et Tartous.

[18En 2022, le Hamas a renoué ses liens avec le régime de Bachar al-Assad – après les avoir rompus en 2011.

[21Même la Turquie, vue comme un allié des révolutionnaires syriens, a entamé le rapprochement avec Bachar al-Assad. Voir https://www.courrierinternational.com/article/rapprochement-syrie-turquie-pourquoi-erdogan-courtise-t-il-assad

[22Ces territoires ont été conquis à travers la lutte contre l’État islamique, organisation contre-révolutionnaire largement épargnée par Bachar al-Assad et ses parrains russes.

[24Promulgué par l’administration américaine en 2019 – c’est-à-dire longtemps après l’éclatement de la révolution et la ruine du pays par le régime de Bachar al-Assad –, le Caesar Act impose une série de restrictions à l’importation et à l’exportation pour l’État syrien. Son nom est lié aux « photos de Caeser », soit les images de plusieurs milliers de détenus syriens morts sous la torture dans les geôles de Saednaya. Voir https://www.hrw.org/fr/video-photos/photo-essay/2015/12/16/syrie-les-photos-de-cesar-images-de-lhorreur. Les soutiens anti-impérialistes de Bachar al-Assad ne font jamais mention de ce qui donné son nom aux sanctions.

[27Militant décolonial, Youssef Boussoumah a ainsi pu écrire en 2022 : « Quoi que l’on pense du régime syrien et des terribles bombardements contre les civils, sans la Russie contre Daesh et AL Nosra, Daesh prenait la Syrie car qui pouvait lui résister, personne ! Après ça les EU ne pouvaient pas ne pas intervenir ! ». Tout dans cette position est faux : d’abord, la lutte contre Daech conduite par la Russie n’a jamais eu lieu. Les bombardements russes se sont systématiquement concentrés sur les zones libérées dont a été expulsé Daech dès janvier 2014. La reprise d’Alep en 2017 par le régime syrien a par exemple été précédé par une campagne de bombardements russes comparable à celle de Grozhny en Tchétchénie, alors même que Daech n’existait pas à Alep. Notons par ailleurs le substrat islamophobe qui permet de justifier de la destruction d’un peuple au nom de la menace paroxysmique représentée par Daech.

[32L’accord donné par le régime de Bachar al-Assad à l’acheminent de l’aide internationale vers les zones libérées a ainsi eu lieu plus d’une semaine après le séisme – alors que les chances de retrouver des survivants sont quasi-nulles.

[35Yassin Haj Saleh, Lettres à Samira, Nyon, éditions des Lisières, 2021.

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