Dire « bonjour Thééthète » à Théodore qui passe...

(Deleuze, insulté, répond à Gérald Bronner et à ses amis de l’« esprit critique » – grande cause nationale...)

paru dans lundimatin#356, le 24 octobre 2022

En cette rentrée 2022/2023, Pontcerq fait des descentes à la cloche dans les amphithéâtres, et passe agiter en psychologie cognitive et en sciences de l’éducation. Les premières interventions ont eu lieu à Rennes les 28 et 29 septembre derniers (et se poursuivent actuellement, à Nantes notamment).

Le but est d’ouvrir une ligne de front à l’intérieur de l’université : bien des enseignantes et enseignants du supérieur peuvent être hostiles à l’entrée du discours néo-libéral dans l’institution (école comme université) – mais parmi eux certains n’osent encore critiquer ouvertement le « travail de recherche » de ceux qui restent, malgré tout, leurs « collègues »... L’action qu’initie Pontcerq avec ces descentes voudrait aider à sortir de cet état de torpeur, en dessinant une ligne de partage un peu nette : appeler au refus systématique de la notion de « compétence » est un moyen de fédérer la résistance à la pénétration du discours néo-libéral – conjointement dans les universités et dans les écoles. Car ce discours (et tout ce qui va avec...) est en train d’y entrer, et d’y entrer rapidement : il le fait sous couvert des concepts mièvres et attractifs qu’on lui connaît – avec la complicité, plus ou moins consciente, des pédagogues et des scientifiques de l’éducation, qui expliquent depuis quinze ans que la « compétence » a un sens « très » ou « un peu » différent « en pédagogie », de celui qu’il a en management de la ressource, d’où il vient cependant… (Et il faudrait croire alors que c’est presque un hasard si ces pédagogues et scientifiques de l’éducation se sont mis à parler de « compétences », de « soft skills » et de « savoir-être », subitement eux aussi il y a quinze ans, et qu’ils ne cessent plus depuis). Pendant ce temps, dans les écoles, le régime de gouvernement néolibéral n’entre pas seulement avec ces formules attractives et mièvres – mais, au besoin, avec les moyens de répression froide ou glaciale qu’on lui connaît aussi (les rectorats ne prenant plus de gants désormais pour « déplacer », « épuiser » ou « casser » administrativement des enseignants résistant à ces politiques).

Est reproduit ci-dessous le tract distribué à la cloche par Pontcerq, dans les amphithéâtres.

N. B. Les professeurs dont les travaux sont attaqués en ce tract n’ont pour l’instant pas répondu à la demande de Pontcerq de venir discuter publiquement avec elle des thèses en question. Des enseignants ont en revanche fait appel aux services juridiques de leur université – Rennes 2 – pour réclamer une intimidation judiciaire. Voir ici.

Rennes, octobre 2022. Université. « Königsberger Krug ».

La philosophie (insultée) répond à la psychologie cognitive et aux sciences de l’éducation – par exemple à Sylvain Delouvée (Université de Rennes 2), et à ses amis, ici et là en France.

PONTCERQ, EN CETTE RENTRÉE 2022/2023, DESCEND DANS LES AMPHITHÉÂTRES, ET PASSE AGITER DANS DIVERS DÉPARTEMENTS, PUIS AILLEURS...

Dans l’Éducation nationale, on cherche – par directives ministérielles produites parallèlement à l’enseignement des disciplines (jugées trop lourdes à manœuvrer) – à faire entrer dans les classes, du CP au baccalauréat, un certain « esprit critique » : centré sur (et obsédé par) la seule question de l’information vraie. Une nouvelle discipline (EMI) (adaptation de l’IML anglo-saxonne) a été mise en place. On apprend aux enfants de six ans à chercher les hoax, les fake news, à faire du fact-checking, à debunker le faux. On combat (courageusement) ceux qui osent prétendre que la Terre est plate ; ou que nul, sur la Lune, n’a jamais mis le pied...

Dans cette lutte contre la mauvaise information, des universitaires chercheurs de biais (en psychologie sociale, en sciences de l’éducation et de la communication, en sciences de la cognition ; sinon même en neurobiologie) viennent offrir en renfort le fruit de leurs recherches scientifiques (expérimentalement prouvées) : ils prétendent fournir aux enseignantes et enseignants du primaire et du secondaire les moyens d’enseigner enfin efficacement l’esprit critique véritable. (L’École, jusqu’à présent, n’enseignait que des disciplines...)

Or sous ce nom d’« esprit critique » est enseignée une « philosophie » cognitiviste et informationnelle, en réalité inapte à rien critiquer dans le monde (ne critiquant que la pensée elle-même...) – et tout juste bonne à reconduire l’existant, en répétant le vrai... Par exemple, Sylvain Delouvée, professeur de psychologie sociale à Rennes 2 (Associate Professor in Social Psychology), est le co-auteur de publications affligeantes sur le sujet, en collaboration avec Nicolas Gauvrit et sous la direction scientifique de Gérald Bronner – publications dans lesquelles la philosophie (par exemple Deleuze) est ouvertement insultée *.

Non seulement cet « esprit critique » est en train de prendre la place (et le nom) de l’esprit critique véritable : il se réclame de Socrate, des Lumières prérévolutionnaires, etc. Mais une lecture attentive des publications de ces chercheurs montre que les préconisations auxquelles ils aboutissent ne sont pour finir rien d’autre qu’une immense et anxieuse « prophylaxie * », une « hygiène mentale * » – une biopolitique parfaitement conforme à la logique inquiète et sécuritaire des gouvernements « démocratiques » actuels : soucieux de ramener les citoyens à la raison, au bon sens, à la vraie information, à la norme, soit au juste milieu de la structure sociale... « ... l’esprit critique, c’est un juste milieu en quelque sorte ** ».


Les raisons – détaillées – de notre intervention d’aujourd’hui, appelée à se poursuivre ici, et ailleurs en France – de même que la justification des énoncés peu amènes que nous croyons devoir produire à l’encontre de Sylvain Delouvée et de ses amis chercheurs (qui accouchent d’une pensée intellectuellement indigente et politiquement dangereuse : étant fondamentalement éloge de l’impuissance et de la soumission ***), sont contenues dans la publication suivante :
Pontcerq, De la faiblesse de l’esprit critique envisagé comme « compétence ». Esquisse d’une réponse aux sciences cognitives – faite depuis la philosophie , Rennes, 2022. ISBN : 978-2-919648-34-4. Ce livre n’est pas vendu. Il est à prendre en son format électronique sur le site de Pontcerq, à l’adresse suivante : http://www.pontcerq.fr/livres/de-la-faiblesse-de-lesprit-critique-envisage-comme-competence/. [Dans ce petit livre, Deleuze, depuis les années 1960 et les notes de bas de page, répond aux insultes des très-modernes spécialistes en cognition. Qui en effet dit « bonjour Thééthète » quand c’est Théodore qui passe ?]

PONTCERQ
(Éditeur. Fabricant et marchand de livres et de tracts variés – plus ou moins tenus)

* Cf. Des Têtes bien faites. Défense de l’esprit critique, dir. Nicolas Gauvrit et Sylvain Delouvée, sous la direction scientifique de G. Bronner, PUF, 2020.
** Nicolas Gauvrit, « La Grande Table », France-Culture, 17/01/2019, 32e min.
*** Si les professeurs d’université publiquement insultés par les jugements émis dans ce tract, ou ceux incriminés ailleurs dans le livre, souhaitent publiquement répondre, Pontcerq acceptera (joyeusement) une confrontation publique : à Rennes, dans l’université même, et dans l’amphithéâtre de leur choix. L’unique condition, sans doute inutile à mentionner au sein d’une université, est que toutes les étudiantes et étudiants et personnels le souhaitant puissent y assister librement.

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