C’est une éthique de la résistance, c’est une affaire de rythme. Les innombrables cachettes sont les lieux de cette résistance qui délivrent à leur manière, la seule manière : elles délivrent du délire du désir d’être délivré. Elles délivrent de la seule manière la seule matière de sa destinée dans une forme – ou pire encore : un livre bien formé. DÉ-LIVRER : on n’avait pas compris ce que ça signifiait. Il s’agissait simplement d’en finir avec le livre. Comme on serait heureux… !
Le texte n’aurait jamais dû être une carte qu’on superpose au monde. Tout au plus, s’il tient vraiment à persévérer d’exister, le texte sera une carte pour sortir des territoires. Oui ! Tout cela, je le sais très-clairement et très-distinctement, non parce que je l’ai vu ou lu, mais parce que je l’ai entendu comme en échos dans les galeries que j’ai frayées ! Ce qui est clair et distinct, c’est le timbre des voix qu’on entend dans ces galeries. Le timbre des cris bannis ! ÉCHO-ÉCHO-ÉCHO ! « viens vers moi, rejoignons-nous ! »
Le peuple qui manque est un peuple de termites. Il vit sous terre sans être damné. Il a appris à détruire les ponts en surface et à construire des tunnels en profondeur. C’est là qu’il respire. Une vieille tradition raconte que nous sommes nés aveugles aux choses dans leur lumière, noyés dans l’obscurité. Elle a instillé dans l’âme de chacun le poison de l’espoir et de l’élection. Depuis, nous cherchons le chemin qui nous élèvera. Et nous vivons dans l’attente infinie d’une forme qui nous élucidera, s’emparera enfin de notre vie pour nous faire voir le soleil. Mais ce chemin élévateur n’existe pas ! De quoi avons-nous peur ? Moi, je n’ai plus peur de Junon puisque je veux qu’elle meure.
Nous ne sommes pas nés aveugles aux choses, nous voyons parfaitement tout ce que nous voyons. Nous sommes nés sourds au bruit de leur vicissitude essentielle. Écoute le crépitement des métamorphoses. Et tu participeras à ton tour à la grande métamorphose. Et tu verras différemment. Et voyant différemment, tu verras autre chose, tu verras tout et tu pourras tout contempler… par l’oreille ! Regarde, il n’y a plus d’horizon qui borne ta perspective. Tu es arrivé à destination – il n’y a pas de destination. Te voilà enfin au cœur de la vérité : une image acoustique du mouvement des choses !
Nous voulons toujours sortir de la caverne alors qu’il faudrait creuser les cavités que nous habitons en héritage. Les ancêtres le savaient. Mais nous n’avons pas compris le sens profond de l’art pariétal. Nous n’entendons plus sa musique ! Celle du geste, des caresses et des chocs de la matière pigmentée. Nous n’entendons plus que le bruit du sable sous la dent, et une tempête de poussière qui ravage notre cervelle. —Ça chatouille ! Or, tout dernièrement, quand j’ai voulu ouvrir mon crâne, je n’ai plus vu aucun désert ni calvaire, mais une forêt de cactus animés. J’ai retourné mon oreille vers l’intérieur et j’ai entendu cette fête.
Tu me diras : — Si tout cela est faux et si Dieu existe ? — Eh bien, soit ! Si Dieu existe, je me suis sûrement caché dans une de ses pensées suicidaires ! Lui aussi il en a. Il doit en avoir. C’est seulement lui qui les a. Il les a toutes nécessairement puisqu’il a tout. Si Dieu existe, il n’est pas en bonne forme ! Mais il n’y a eu ni meurtre, ni assassinat. Et donc il n’y a aucun Coupable. C’est pour ça qu’il n’y a pas de chemin pour la rédemption. On n’a jamais tué Dieu, comment le pourrait-t-on ? sa puissance est in-fi-nie ! C’est lui qui se suicide, infiniment, depuis toujours et depuis qu’il n’y a pas de commencement, il se suicide dans tous les sens et selon toutes les variétés individuelles, par nous, à chaque de nos pensées puantes ou bel-odorantes comme à chaque de nos actes qui suppurent de se réaliser – seule parade qu’on a trouvée pour croire en soi ; il se suicide sous toutes les latitudes et dans tous les corps qui persévèrent à exister, par la moindre punaise, le moindre brimborion, mais aussi, comme on sait, par : la guerre, Israël, le génocide ou l’élection présidentielle.
Tu demanderas peut-être : et nous, comment va-t-on dans ce terrier ? Ça va comme d’habitude. On joue à cache-cache avec le suicide de Dieu. Et, crois-moi, on ne le laissera pas tranquille.
« tes pensées sont difficiles, ô Dieu !
Et que la somme en est imposante !
Je les compte, il en est plus que des grains de sable
ai-je fini, je m’éveille, et je suis encore avec toi. »
Le moment hyper-baroque de la chute du monde que nous traversons n’appelle plus la dignité d’un modeste « adieu au langage », mais l’expansion irrévérencieuse d’un langage d’adieu au monde. À ce jour, on ne voit guère que les Palestiniens qui sont capables d’une telle prière, que dit-on ! D’une telle poésie. Ils sont à l’avant-garde de la poésie d’épouvante : épouvante du monde, épouvante au monde. Si tu ne comprends pas ça, c’est que tu n’es pas poète. Et si tu écris encore tes choses sans penser à la Palestine, tu ferais mieux de commencer, toi, par dire adieu au langage ! Il n’est pas plus de poète qui ne soit pour la Palestine, qu’il n’est de révolutionnaire qui ne soit pour la Poésie.
Et ne dis pas que c’est jôôôôliiii : je t’entends d’ici, GPT ! Mon lyrisme, c’est le cri du concept. Ma « rêverie poétique » est plus proche du manuel de stratégie politique que leur manuel de stratégie politique. Moi, le seul TPI que je reconnais et que j’écoute, c’est le Tao du Prince Insurgé ! Un autre nom pour la Saison d’Arthur. Qu’importe que tu n’y comprennes rien. Si tu es arrivé jusqu’ici, tu sais assez qu’il importe seulement de prêter l’oreille aux cris bruissant de tout ce qui échappe aux siècles ! Il faut partir, viens !
Atelier Oncléo
P.S. : Reste maigre et répète après-moi ta graissophobie des âmes qui empestent l’empire : je suis de confession palestinienne je suis de confession palestinienne je suis de confession palestinienne. Et pourquoi ? Parce qu’en dépit de tous tes efforts, apparemment, le monde veut encore une suite… Soit ! Eh bien : qu’elle soit palestinienne ou rien ! Je suis de confession palestinienne je suis de confession palestinienne je suis de confession palestinienne je suis de confession palestinienne