Reportage au 4e sous-sol de la sous-direction antiterroriste

Des nouvelles de l’enquête sur le désarmement d’une usine Lafarge

paru dans lundimatin#394, le 11 septembre 2023

Le 10 décembre 2022, à Bouc-Bel-Air dans la périphérie marseillaise, 150 personnes en combinaisons blanches s’introduisent sur un vaste site Lafarge, le plus gros producteur mondial de ciment [1]. En un bref laps de temps elles mettent le site hors de fonctionnement à l’aide d’outils en tout genre puis repartent au soleil couchant. L’usine, classée comme l’une des 50 plus polluantes du pays – 17 sont des cimenteries – restera à l’arrêt plusieurs jours. Elle faisait l’objet de plaintes des riverains – regroupés en association - depuis de nombreuses années [2]. Si les auteurs des faits s’évanouissent alors dans la nature, les photos de l’action feront le tour des médias français et internationaux. Elles sont alors emblématiques de la montée en puissance d’une écologie conséquente et de nouvelles formes d’interventions collectives face au ravage environnemental et aux criminels climatiques. Cette action se verra relayée, entre autres, par les Soulèvements de la Terre. 6 mois plus tard, le 5 juin, 15 personnes sont interpellées dans diverses villes du pays, notamment par la sous-direction antiterroriste (SDAT). Placées 96 heures en garde à vue pour leur participation présumée à cette action, elles seront relâchées sans mise en examen. Le 20 juin 2023 un nouvelle vague d’arrestation débute. L’une des personnes interpellées nous raconte cette plongée soudaine au 4e sous-sol de la sous-direction antiterroriste.

Notre-Dame-des-Landes, mardi 20 juin, il est 6h du matin. L’heure des mauvaises nouvelles en uniformes, des colonnes de fourgons blindés et des destructions. L’instant où se sont froissées de trop nombreuses fois les aubes de la ZAD ces quinze dernières années, sans pour autant nous décourager de nous y ancrer.

La nuit a déjà été brève. Je dois prendre un train tôt en direction de Paris et y retrouver mes camarades pour faire front face à la dissolution, annoncée pour le lendemain, des Soulèvements de la Terre. Ma compagne est réveillée par une série de cris, nous entrouvrons précipitamment la porte de la caravane pour vérifier. Des policiers cagoulés courent en braquant des armes partout dans le jardin. Ils hurlent « cible » en nous apercevant avant de nous mettre à terre à moitié nus et menottés dans l’herbe. Le seul homme dont on voit le visage, et qui semble diriger les opérations, m’annonce que je pars pour 96h en garde à vue pour « association de malfaiteurs et dégradation aggravée en bande organisée d’une usine Lafarge à Marseille ».

Trois hommes lourdement équipés m’entraînent menottés dans la caravane pour procéder à sa perquisition. Ils trouvent sous leurs yeux des téléphones et un ordinateur qui mobilisent tout leur intérêt et sont immédiatement mis sous scellés. Ils fouillent rapidement quelques placards, sans s’attarder plus que ça sur les piles de livres et la foule d’objets. Lorsque l’un d’eux ouvre un lanterneau au plafond, celui-ci révèle un nid de guêpes qui plongent dans son uniforme. Nous sortons rapidement de l’habitacle après cette confrontation subite aux alliances interspécifiques qu’affectionnent les habitant.es du bocage.

S’ensuit une perquisition tout aussi sommaire de notre maison commune. Un autre téléphone est trouvé dans le bureau et embarqué. Des fragments de nos vies punaisés aux murs sont pris en photo. Les nouveaux scellés ne sont même pas finis que certains policiers s’agitent pour faire repartir la troupe. L’officier qui m’interrogera par la suite ne cessera de se plaindre que les « bourrins cagoulés » de la BRI aient poussé à « bâcler » la perquisition de peur que des « ZADistes » hostiles ne débarquent à n’importe quel moment de par les champs et fassent dérailler l’opération. Comme quoi, mieux vaut parfois maintenir une petite réputation de ne pas toujours accueillir les bras ouverts certains types de visite.

On m’emmène dans une voiture entre 3 policiers qui me me bandent les yeux. Une fois la ceinture attachée avec les menottes les mains dans le dos, il m’appliquent, en bonus, un masque chirurgical sur le visage. Je refuse sachant qu’il s’agit pour eux de prendre mon adn « par ruse » [3] et tente un geste de la tête pour les en empêcher. Ils m’en couvrent de force en arguant que « c’est la procédure ». Il est 6h 30. Un mince fil résiduel de bocage défile sous mes yeux et je me demande bien pour combien de temps ce kidnapping m’en éloigne, et qui d’autres, ami .es ou inconnu.es, ont été pris au saut du lit ce matin.

J’apprendrai plus tard que certain.es de mes voisin.es ont aussi été réveillées brutalement dans plusieurs autres maisons de la ZAD. Dans l’une d’elles, la Brigade Antigang s’est illustrée en attaquant laborieusement au bélier pneumatique une porte dont l’ouverture aurait simplement nécessité d’en tourner la poignée. Après plusieurs mauvais rebonds sur le bois réfractaire de la forêt de Rohanne, une chute de bélier sur le pied et une entrée de maison défoncée, les cadors se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas envahi la bonne maison. Ce qui n’a pas empêché l’un d’entre eux de mettre un coup de poing à son habitante et de la projeter à terre avant de l’enfermer dans une pièce avec son enfant de 4 ans, sous la garde d’un flic armé. Ils trouveront finalement leur proie ailleurs dans le hameau - celle-ci s’apprêtait à emmener son fils de 10 ans à l’école avant une journée de menuiserie - et l’enlèveront à son foyer avec un autre de ses co-habitants.

Après un arrêt sur un parking de centre commercial nantais où se regroupent bruyamment les dizaines d’agents de différents corps d’élite déployés pour l’opération, je comprends vite que je pars en fait pour un voyage prolongé jusqu’en périphérie parisienne. Je conserve les mains menottés derrière le dos, la bouche et les yeux bandés pendant les 5 heures qui suivent. Il faut être bien sûr que je ne puisse ainsi voir quoi que ce soit des 15 dernières minutes du voyage et de mon absorption à l’intérieur du bunker – classé secret défense - de la SDAT et de la DGSI à Levallois-Perret. « Ici si quelqu’un marche sans autorisation, on a le droit de tirer » me feront remarquer fièrement mes accompagnateurs, avant de me faire descendre au 4e sous-sol de l’édifice.

Ce que l’on apprend du silence

Quand on me démasque les yeux, je suis sous un néon dans une cellule immaculée, un univers de métal plein étouffé jusqu’auquel ne parviendront jamais ni la lumière du jour ni son extérieur. Quasi aucun bruit ne filtre non plus des autres personnes dont je découvrirai pourtant au fil du séjour qu’elles sont mes voisines de cellules. La configuration des lieux est sans doute propre à exacerber un sentiment d’impuissance et d’isolement. Tout semble ici tellement éloigné du monde qu’on ne doit pas s’imaginer un instant pouvoir sortir de ce caveau sans collaborer aux desseins de ses interrogateurs. Les 96 heures de garde à vue sont d’ailleurs toutes orientées autour d’un seul objectif : créer les conditions propres à extirper des aveux, en tout cas ce que les enquêteurs pourront considérer comme tels. Je comprendrai rapidement que la méthode pour y parvenir est l’alternance entre des moments d’isolement complet propres à susciter une longue introspection rédemptrice et un feu nourri de questions 1 ou 2 fois par jours. On vous a préalablement bien fait comprendre que si vous étiez ici c’était sérieux, d’ailleurs la qualification des faits pouvait vous valoir 20 ans en prison. Et puisque comme l’affirmera bientôt sans relâche mon interrogateur, la matérialité des preuves réunies dans l’enquête pour prouver ma culpabilité et celle des autres gardé.es à vue est désormais incontestable, la seul option valable sera dorénavant de discuter de la façon de l’admettre. Et de se concentrer après coup sur un « programme de réhabilitation individuelle » qui permette éventuellement à un juge d’envisager de réduire la peine.

Ceci étant, toute l’ironie de cette situation inhospitalière tient à la manière dont certains des rôles attendus peuvent finalement s’y inverser. La première des dignités quand on se retrouve emmené par des hommes cagoulés au 4e sous-sol de Levallois-Perret - mis en cause pour un supposé lien avec l’invasion retentissante d’une des usines les plus toxiques du pays - est en effet sans doute de garder le silence. Surtout quand on a pas accès au dossier d’instruction et qu’il n’y a pas la moindre confiance à avoir dans ce qui va être affirmé par les agents qui vous font face. Et quand on garde le silence, il se trouve que la seule personne qui, 4 jours durant, apporte à l’autre des informations nouvelles est finalement celle qui nous questionne en vain et se voit ainsi interrogée. Voilà que l’on se retrouve alors embarqué à son tour et à son corps défendant dans une sorte d’étrange contre-enquête : sur la Sous-Direction-Anti-Terroriste ses outils, son langage, sa lecture du monde et de ses victimes, ses mutations et ses prétentions du moment.

L’anti-terrorisme en quête de nouveau débouchés - écologie et violences extrêmes

En guise de préambule et peu de temps après mon arrivée à Levallois, je suis d’abord autorisé à retrouver brièvement mon avocat. J’ai le droit de m’entretenir avec lui quotidiennement 30 minutes. D’abord séparé par une double vitrage et un hygiaphone défaillant. Puis dans une même pièce suite aux protestations véhémentes et lettres de plaintes de nos avocats respectifs à l’intention de la juge d’instruction.

Je suis interrogé, de même que pendant tout le reste de ma garde à vue, par une seule personne : le capitaine Z. Chaque audition est filmée et enregistrée. Elles se font, à ma demande, en présence de mon avocat. Mon mutisme pendant l’ensemble des auditions ne fait pas l’objet de pressions particulières ni d’une grande surprise même si il paraît cependant sujet à une déception reconduite. Z. écrit de lui même « silence » après chaque question en me jetant néanmoins régulièrement un petit coup d’oeil, dès fois que... Il exprime « devoir meubler » dans les nombreux moments de blancs qui accompagnent les entrées en matière et les ajustements logistiques de la caméra, de l’ordinateur ou de l’imprimante parce qu’il a sinon « l’impression d’être regardé comme un extra-terrestre » . D’autant qu’il « s’attendait ce que l’on soit trois bavards dans la pièce », que ce soit l’« occasion de parler philosophie ou politique » et « d’apprendre des choses ». Z. est effectivement prolixe et donne des signes d’une forme de passion assez préoccupante pour son métier et cette affaire : « s’il ne pouvait plus enquêter », comme certains collègues « qui bossaient sur les islamistes, personnellement [il] en mourrai[t] ».

Z. travaille habituellement sur les incendies, menés selon lui par des « groupes anarchistes insurrectionalistes », sur des structures de type antenne 5G et dont il relate diverses occurrences ces dernières années à travers le pays. Il nous raconte la coupure une nuit de l’ensemble des réceptions numériques d’une bonne partie de Marseille après la destruction discrète d’un dispositif clé sur une espèce de belvédère. Ils ont malheureusement, selon lui, bien de la peine à attraper qui que ce soit pour l’instant dans les enquêtes en cours à ce sujet. Dans son univers bien classé, il dit d’ailleurs que dans un premier temps, après l’action ayant visé l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air, il partait plutôt « sur la piste des anarchistes , d’autant plus avec les tags de A cerclés vus sur le site ». Mais les communiqués les auraient amené ensuite « vers les écologistes radicaux et les Soulèvements de la Terre ».

Le capitaine nous affirme d’ailleurs que justement la SDAT « cherche aujourd’hui de nouveaux débouchés » du côté de l’« écologie » et « des violences extrêmes ». Mon avocat lui fait remarquer que quand il ne s’agit pas d’actes dirigés contre des personnes, on ne peut pas parler, en droit, de « violence ». Le terme de « violence », qui plus est « extrêmes » est donc parfaitement inapproprié pour qualifier les dégradations matérielles ayant visés l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air. Sur le coup, Z. semble donner raison à mon avocat à ce sujet, histoire de montrer qu’il a malgré tout le sens des proportions et qu’il connaît bien, lui aussi, le droit. Mais le terme de « violences extrêmes » reviendra néanmoins régulièrement par la suite au cours des auditions, comme la case dans laquelle il s’agit - malgré tout - de faire rentrer tout ça pour assurer l’avenir de la maison.

Je lui fais observer plus tard hors audition que la crise climatique est pour le coup sans nul doute « une violence extrême », et que la SDAT n’a pourtant pas trop l’air de chercher ses « nouveaux débouchés » dans la poursuite des responsables de ce qui est d’ores et déjà la cause d’un nombre ahurissant de morts et de vie mutilées à l’échelle de la planète. Il admet qu’il y a sans nul doute des progrès à faire à ce sujet. Et je m’aperçois après un échange entre lui et mon avocat sur qui prend le plus souvent le vélo pour se rendre à Levallois, puis une remarque à ses collègues sur la clim’ dans leur véhicule, que Z. tient à nous montrer qu’il n’est lui-même pas avare de petits gestes pour sauver la planète.

Z. dira à plusieurs reprises que la seule raison pour laquelle la SDAT a pu « lever le doigt » pour être chargée de l’affaire était les « tentatives d’incendies sur des véhicules de l’usine », et que « sans le feu » tout ceci serait sans doute resté dans une catégorie de délit inférieur sans bénéficier de leur attention. Il m’offre alors toute une leçon sur le fait que quand on se lance dans une telle action il faut bien être conscient des catégories et des moyens qui se mettent en œuvre après coup pour chacun.e de ces catégories, afin de pouvoir faire les évaluations adéquates.

Au long des 4 jours, on constate que Z. oscille quant à lui maladroitement entre une surqualification des faits incriminés seule à même de justifier que les moyens de la SDAT soit employée dans cette affaire, et une posture opposée visant à déjouer les critiques sur l’emploi des moyens de l’anti-terrorisme à l’encontre d’actions écologistes qui peuvent difficilement être qualifiée comme telles. Il estime d’un côté que notre mise en cause de l’emploi de la SDAT dans la presse est déplacée puisque la qualification « terroriste » n’est pas retenue dans le classement de cette affaire et que la SDAT agirait ici comme un « simple corps de police ». Mais il nous exposera par ailleurs dans le détail comment seuls les moyens exceptionnels de l’anti-terrorisme ont pu permettre de mener une telle enquête et que « nul autre qu’eux » aurait été capable de fournir ce travail.

Il faut dire que la taille du dossier d’instruction encore incomplet est de 14 000 pages, ce qui représente à ce que l’on en comprend six mois de plein emploi pour un nombre significatif de policiers, et donne une idée du sens des priorités dans l’exercice de la justice dans ce pays. A sa lecture ultérieure et en y explorant dans le détail l’amplitude des moyens qu’ont jugé bon de déployer les enquêteurs pour venir à la rescousse de Lafarge, les mis en examen constateront qu’ils avaient effectivement carte blanche. L’officier concède d’ailleurs à mon avocat que la police est, ces dernières années, une des institutions les mieux dotées financièrement du pays, et admet que leurs syndicats font quand même bien du cinéma. En l’occurrence cette manne a été mise au service de ce qui paraît être devenu ces derniers mois deux impératifs catégoriques pour le gouvernement français et les entreprises qui comptent sur sa loyauté à leur égard. En premier lieu produire une secousse répressive suffisante pour décourager toute velléité de reproduction d’un telle intrusion. Il doit demeurer absolument inconcevable que la population fasse le nécessaire et mette elle-même à l’arrêt les infrastructures qui ravagent ses milieux de vie. En second lieu, étendre encore le travail de surveillance et de fichage déjà à l’œuvre sur un ensemble de cercles jugés suspects en s’appuyant sur les moyens débridés offerts par l’enquête.

Ici, on ne fait pas de politique

Pour l’heure, les deux premières journées d’auditions sont consacrées à creuser mon identité, le contexte général dans lequel est survenu l’action...et les antinomies de la SDAT. Z a tenu à nous prévenir à cette occasion que la « police politique » ce n’était pas eux mais « plutôt leurs voisins de la DGSI » , que eux « les mobiles ce n’est pas leur problème, qu’ils s’intéressent uniquement aux faits ». Cette clarification était sans doute nécessaire pour que je n’aille pas non plus me faire d’idées erronées. D’autant que l’audition qui suit consiste en une salve de questions sur mes auteurs préférés , mon rapport aux écrits de notre supposé « maître à penser » Andreas Malm , à ceux de Jacques Ellul, à la théorie du désarmement. Il me demande ce que je pense des dissensus au sein du mouvement écologiste, des notions d’éco-terrorisme et d’éco-résistance, de l’action du gouvernement en matière d’écologie, et dans quelle mesure les Soulèvements de la Terre auraient choisit de dépoussiérer le champ lexical de la « propagande par le fait, de la théorie de la reprise, du sabotage, et de l’action directe »…Entre autres sujets d’intérêt dépolitisés.

Je me contente de lui faire brièvement remarquer hors audition qu’étant, comme un autre de mes camarades détenus, ciblé nominativement par le décret de dissolution, notre enfermement par la SDAT a en tout cas un indéniable effet politique. Il fait manifestement obstruction à la possibilité que nous nous défendions publiquement des mesures prises à notre encontre et à l’encontre du mouvement. Il me jure que ce n’était pas leur souhait. Il n’empêche que le fait que des opérations de cette ampleur - certaines diligentées par le parquet et donc le ministère de l’intérieur pour arrêter des manifestant.es de Sainte-Soline, d’autres commandées par une juge d’instruction censée être indépendante – arrivent simultanément et à la veille d’une dissolution a nécessairement fait l’objet d’un arbitrage gouvernemental. Certains là-haut se sont forcément dit que c’était la bonne idée pour désarmer l’adversaire et faire passer un message que d’autoriser à la coordination de 21 arrestations et perquisitions dans 13 lieux différents par un combo de corps de police « d’élite ». Mais à l’extérieur du 4e sous-sol de Levallois-Perret, l’arrogance et les collusions grossières ne passent pas forcément inaperçue. Mon avocat me rapporte à chaque entretien l’attention médiatique soutenue sur la répression en cours. Des députés EELV et LFI, ayant déjà pris position contre la dissolution, décident de faire le déplacement chaque jour jusque dans les arcanes de Levallois pour venir vérifier, comme la loi les y autorise, les conditions de détention. 180 manifestations ont lieu au lendemain des arrestations, contre la dissolution, en soutien aux interpellé.es et débordent des frontières du pays. On est décidément seul.es dans sa cellule mais nombreux.ses au dehors

Les moyens de l’enquête

Au 2e jour, je suis emmené dans une nouvelle pièce pour le prélèvement de l’ADN et des empreintes. Ils me préviennent que quel que soit le résultat de l’affaire en cours et l’avis de la juge d’instruction, la coutume à Levallois est que le refus d’ADN soit systématiquement poursuivi par le parquet local et condamnable théoriquement à 1 an de prison. On m’a déjà annoncé la veille que je serais également poursuivi pour avoir refusé de donner les codes d’accès à mes appareils numériques avec la promesse de 3 années de plus. Là encore, on doit bien comprendre que si l’on refuse d’obtempérer, coupable ou non, les poursuites prennent en ces lieux leur autonomie propre et vont s’accumuler. Mes empreintes sont bien malheureusement déjà dans leur fichier de longue date mais je refuse une nouvelle fois de donner mon ADN. Les menaces à ce sujet se révèlent de toute façon ultérieurement avoir été une nouvelle mise en scène. Grand prince au royaume de l’absurde, l’officier me fait en effet savoir lors d’une audition qui suit que je ne serais finalement « pas poursuivi » pour refus puisqu’ils m’ont effectivement « de toute façon déjà pris mon adn avec le masque chirurgical dans la voiture » . Il s’agissait simplement de maquiller d’un vernis de consentement ce qui a déjà été obtenu par la contrainte ou la ruse.

Le troisième jour est attendu. Z. nous avait prévenu, merci : les deux premiers jours « d’entrée en matière n’allaient pas nous offrir les auditions du siècle ». Mais on allait voir ce qu’on allait voir le troisième – une fois la viande attendrie - avec le déploiement de la « matérialité des faits » et de « preuves » de ce qu’il estimait être la qualité imparable de l’enquête.

Le moment venu, le feu d’artifice déductif est d’abord un déballage technique. Je constate au fil des questions, et aurait la confirmation par un retour du dossier, que des dizaines de personnes ont fait l’objet de mesures d’espionnages soutenues de leurs vies et engagements. Tous les moyens à leur disposition reliés à la téléphonie et à l’univers numérique semblent avoir été mis en œuvre : écoute des appels et retranscriptions des SMS, prélèvements de tous les numéros composés et des antennes relais sur lesquels les téléphones ont borné, demande de géolocalisation en direct, étude du trafic internet et des sites visités par des téléphones, ordinateurs, boxs, demandes croisées auprès de Facebook, Twitter, Instagram pour connaître le type d’activités à des moments donnés, recherche de méta-données sur des photos publiées sur des sites, analyse de voix sur des vidéos, recoupements avec des écoutes demandées dans d’autres enquêtes politiques... Un logiciel espion classé secret défense a même été mis, avec la complicité de la DGSI, à l’intérieur d’un smartphone, probablement lors d’une intrusion dans l’appartement de la victime, afin d’accéder à son insu à ses conversations chiffrées sur Signal, au stockage de ses données et à ce qui apparaissait sur son écran. Des demandes de prise de contrôle de ce type ont été faites sur d’autres téléphones apparemment sans résultats. L’ensemble des téléphones, clés USB et ordinateurs saisis lors des perquisitions ont subit des tentatives de forçage avec plus ou moins de succès suivant les appareils et surtout la longueur des codes de chiffrement en protégeant l’accès. Des essais de déchiffrement vont probablement se poursuivre à la suite des gardes-à-vue avec des dispositifs plus poussés.

J’apprends, il faut bien le dire sans grande surprise, que ma ligne de téléphone personnelle et la ligne presse des Soulèvements de la Terre étaient sur écoute. Je me rends compte avec plus d’amusement, au moment où Z. s’en plaint, qu’ils ont dû écouter et retranscrire l’ensemble des entretiens donnés à des journalistes pendant cette période où la demande en la matière a été relativement pléthorique.

Au-delà du règne moderne de la téléphonie numérique et dans un périmètre de plusieurs kilomètres autour des lieux des faits, des objets et déchets en tout genre ont été ramassés, avec l’appui de la garde nationale, et mis en laboratoire pour y trouver traces d’ADN et empreintes. Dans ce même périmètre des demandes d’images de caméras de bus, commerces et caméras de rue privées ou publiques ont été faites puis analysées pour y déceler des comportements et dispositions corporelles jugées dissimulatoires, avant de faire des tentatives de recoupement avec des bases photographiques accessibles aux enquêteurs comme le TAJ (Traitement d’Antécédents Judiciaires). Des demandes de poses de bornes GPS sous des véhicules et de pauses de micros à l’intérieur de ceux-ci ont été effectuées, ainsi que des demandes de photos de certains passages de véhicules sur des péages, des observations des comportements de certain.es lors de rassemblements et réunions publiques, et une analyse minutieuse d’une foule de textes et autres posts sur les réseaux sociaux. Des filatures pédestres et motorisées quotidiennes avec photos à l’appui ont été mise en œuvre. Et comme le temps de la garde à vue leur offre encore de nouvelles opportunités, j’apprendrai par la suite qu’il a été proposé à une personne arrêtée que sa garde à vue se conclue immédiatement et de recevoir des sommes d’argents régulières si elle acceptait de devenir indic.

Le récit de la SDAT

Tout ces efforts cumulés leur aurait permis de considérer que certaines personnes se seraient trouvées à Marseille ce week-end là ,soit parce que leur téléphones ont borné dans la ville, soit parce qu’ils ne bornaient pas ou peu ce week-end là, et d’autant que certaines de ces personnes se connaîtraient par ailleurs au vu de leur arborescence téléphoniques. Certaines seraient même identifiables après l’heure des faits à quelques kilomètres de l’usine visée sur des photos de bus passant à proximité du plus grand centre commercial du pays deux semaines avant Noël. Elles feraient donc forcément partie des cents à deux-cents personnes qui se seraient introduites masquées en combinaisons blanches l’après-midi à l’intérieur de l’usine de Bouc-Bel-Air ce samedi 10 décembre. D’autres ou les mêmes auraient aussi planifié et documenté cette action en lien avec les Soulèvements de la Terre, formant ainsi une « association de malfaiteurs ». D’ailleurs, d’après Z. la première vague d’arrestation était celle « des simples participants » et la seconde « celle des organisateurs ».

Le raisonnement repose là aussi sur une ensemble de déductions pour le moins approximatives que l’on veux transformer en preuves et dont la prolifération imaginative est censée faire office de validation. La logique à l’œuvre peut se résumer ainsi : puisque seul ce mouvement serait aujourd’hui capable de réaliser une telle action, il ne l’a pas seulement relayée comme il le prétend, mais l’a à coup sûr organisée. La proximité géographique possible de certains de ses membres dont les téléphones bornent dans une même ville la semaine d’avant indique forcément une réunion. Le fait que les téléphones d’autres de ses membres ne bornent pas à ce moment là, prouve bien aussi leur présence à cette réunion. Et puisque ces personnes se seraient donc réunis 7 jours avant les faits et à 300km de ceux-ci, c’était forcément pour organiser cette action. Les enquêteurs ne disposent certes d’aucun élément sur ce qui aurait été discuté à cette réunion, mais il leur suffit de noter qu’à chaque fois que des réunions des soulèvements auraient lieu, une action surviendrait peu de temps après. Notons qu’avec une ou deux mobilisations organisées par mois par les Soulèvements de la terre depuis deux ans, il y a finalement peu de chance de se tromper quant à cette dernière observation.

A cela s’ajoute que le mode opératoire en combinaisons blanches leur semble proche d’autres manifestations initiées par les Soulèvements de la Terre, mouvement qui a, qui plus est, déjà visé l’industrie du béton à plusieurs reprises. Lafarge serait à ce titre notre bête noire, au point qu’on nous en accorderait presque l’exclusivité. Comme lors d’une action appelée publiquement par les Soulèvements de la Terre sur un site Monsanto quelque mois auparavant, la police était déjà présente sur les lieux nous aurions nécessairement ensuite organisé une « arrivée par surprise ». Cerise sur le gâteau, Andreas Malm, notre supposé « maître à penser », aurait laissé entendre dans une interview accordée à Mediapart que l’inventivité de l’action pourrait nous être attribuée.

En ce qui me concerne, ce qui m’est reproché tient au fait que j’aurai participé à cette supposée réunion de Saint-Étienne et qu’au vu du rôle qu’ils cherchent à m’attribuer dans ce mouvement, je devrais naturellement être le concepteur de ce qui s’est passé à Bouc-Bel-Air. Il faut dire que tout dans l’interrogatoire reflète une vision classiquement hiérarchisée, au-delà même du cliché, avec des « hommes de confiance », des « cadres », de « simples opérateurs » et sans laquelle les enquêteurs n’ont pas l’air d’imaginer que la terre puisse tourner. Là encore, c’est la fête de la déduction. Ainsi ma position spatialement centrale sur une photo de presse où j’apparais place Beauvau au milieu de la porte-parole d’Attac ou de Solidaires est censée définitivement prouver mon rôle de dirigeant. Si je n’avais pas fait vœu de silence, même face aux attaques tautologiques, j’aurai pu rétorquer que la raison pour laquelle je me retrouve sur cette photo est précisément parce que le ministre de l’Intérieur m’a demandé de venir sur place pour y remettre des observations sur la note de dissolution, note dans laquelle il a décidé unilatéralement de me désigner comme dirigeant. Mais je choisis, pour l’heure, de réserver la pédagogie élémentaire sur la différence entre prendre avec d’autres la parole publiquement pour un mouvement et le diriger, aux recours de contestations de la dissolution devant le Conseil d’État.

Z. alterne les considérations en apparence louangeuses sur l’efficacité du mouvement et les attaques plus fielleuses. Certaines questions tentent le prisme personnel « vous consacrez tout votre temps à ça, ne croyez vous pas qu’il faudrait redescendre un peu, trouver aussi d’autres occupations », d’autres se veulent plus dramatiques : « vous avez accompagné ce mouvement dans sa naissance, vous l’accompagnez maintenant dans sa mort  » Et puisque chacun lit le monde à travers ses propres lubies, il me demande si le fait d’avoir choisi de répondre publiquement par des pseudos est une référence aux noms des chefs de bandes du « milieu » comme Jacky le Mat et Francis le Belge, dont nous voudrions assurément nous inspirer.

Il veux savoir si j’ai lu les brochures visant à attaquer les Soulèvements de la Terre, de ceux qu’il qualifie d’« anarchistes individualistes ». Les accusations portées à notre égard y sont selon lui fort instructives et mettent en cause les faits et gestes de certaines personnes d’une manière qui s’avère sans doute pertinente pour l’enquête. C’est notamment à partir de ces fables intégralement versées au dossier que la SDAT justifie certaines des arrestations, et fonde une partie de la structure incriminante de son récit sur ces « cadres des Soulèvements » qui resteraient « au chaud » en envoyant d’autres personnes au charbon. Ce sont d’ailleurs ces mêmes pamphlets, publiées sur certains sites militants, que le ministère de l’Intérieur reprend avec application pour fournir des « preuves » de l’existence et de l’identité de certains soit-disant « dirigeants », et alimenter, dans son argumentaire sur la dissolution, l’idée d’un mouvement « en réalité vertical ». Z. est en même temps « bien conscient », dit-il, que ces écrits, sont « probablement l’expression de « guerres de chapelles », comme ils peuvent en avoir eux-même de services à service ». Cela ne l’empêche pas de proposer à une autre personne, arrêtée lors de la première vague, de prendre le temps de les lire pendant sa garde à vue « pour réaliser à quel point » elle se serait fait « manipuler ».

A la fin de la 3e audition et lorsqu’il me demande si je veux parapher mes non-réponses à son fleuve de questions, mon avocat lui fait remarquer que l’on ne va quand même pas manquer de relire le futur prix Goncourt. Mais malgré l’inventivité des enquêteurs, le temps des auditions reste fort minime par rapport à celui des cellules. Hors audition, il faut alors trouver à se saisir du vide pour ne pas laisser le caractère quelque peu anxiogène de la situation prendre le dessus. D’autant que tout est fait pour obstruer les signes d’autres présences enfermées mais ami.es, et ne pas permettre d’apaiser les inquiétudes sur la manière dont elles vivent elles-même leur détention. Un chant lointain parvient à mes oreilles un soir, à une autre moment des éclat de voix dans le couloir entre une camarade et un policier. J’apprendrai à ma sortie de garde à vue que Z. qui aurait coordonné l’enquête, ne s’est pas embarrassé des mêmes démonstrations de « professionnalisme » avec d’autres. Fort de son implication dans le dossier, il réitère les insinuations sournoises sur la vie privée de certaines entre leurs auditions, les harcèle quant à leur refus de donner leur ADN ou hurle sur un avocat qui faisait simplement valoir le droit a la confidentialité des échanges avec son client. D’autres OPJ sont par ailleurs plus pressants face au refus de parler pendant les auditions. Un matin je comprends avec soulagement que K, arrêté alors qu’il est gravement malade, a fini par être libéré sous la pression des avocats. Il y a bien des stores fermés pris entre deux vitres renforcées qui pourraient laisser entrevoir quelques fragments des allées et venues du couloir. Mais quand on cherche à s’y coller, l’homme qui nous regarde en permanence à travers sa caméra vient nous informer que l’on a pas le droit d’essayer de regarder à travers. Le pire de ce que produit l’agro-industrie nous est servi 3 fois par jour dans une barquette et risque peu d’entamer nos convictions à ce sujet. Le médecin par qui j’ai l’obligation d’être examiné au 3e jour me confie qu’il évite le plus possible de devoir se retrouver dans les arcanes de ce blockaus où tout est « infiniment pesant ». L’ensemble des personnes qui interviennent ici, policiers enquêteurs d’élites, policiers matons, avocats, paraissent d’ailleurs pour une fois unanimes quant à leur répugnance à venir travailler en ces lieux ou chaque ouverture de porte est sujet à une demande d’autorisation et le moindre déplacement de l’une d’entre nous d’une porte à l’autre à une fouille au corps. Mais même si l’issue du séjour est incertaine, et la suspension forcée d’abord dure à avaler, alors que tout s’accélère dehors, les heures finissent par se laisser aller aux bons souvenirs et à s’ouvrir aux plans pour la suite.

On n’est pas à l’abri d’une déception

Progressivement, le capitaine nous tease sur l’issue logique de cette garde à vue : le déferrement à Aix-en-Provence devant le juge d’instruction qui peut alors nous mettre en examen et nous placer sous contrôle judiciaire ou en détention préventive. Mon avocat lui rétorque que nous n’allons pas nous envoler, qu’il n’y a déjà plus de places de trains pour que lui même et les autres avocats se rendent à Aix vendredi afin d’accompagner leurs clients, et que la juge pourra bien nous convoquer ultérieurement si elle le souhaite. Mais Z. n’en démord pas : dans leur culture d’enquêteur la vraie reconnaissance du travail bien fait et de la fiabilité de l’enquête, et bien c’est le déferrement.

Tant et si bien que, malgré les dysfonctionnements évidents de l’enquête, je m’attendais quand même plus ou moins, au matin du 4e jour, à me faire sortir du sous-sol à 6h du mat’ avec d’autres camarades pour un voyage express vers le sud de la France. Sauf que la matinée du vendredi a commencé à s’étirer comme les précédentes. La veille encore il me citait fièrement Chirac en m’assurant que « les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». Quand je suis emmené pour la dernière fois dans son bureau pour l’audition finale, il ne nous cache cette fois pas sa forte déception et l’étonnement des enquêteurs de ne pas avoir été suivis par la juge. L’un deux soufflera d’ailleurs à une autre personne que celle-ci est « à moitié en burn out ». Lui confirme en tout cas qu’elle a estimé que « les conditions de sérénité des débats n’étaient pas réunies ». On peut imaginer, au-delà de toute autres considérations guidant cette décision, que la juge doit à minima répugner à ce que son indépendance soit publiquement mise en débat et à ce que le doute continue à se distiller sur son instrumentalisation au profit d’une urgence gouvernementale à mettre fin aux Soulèvements de la Terre. D’autant que depuis l’affaire Tarnac, les juges d’instruction savent bien que la fragnolite [4] peut toujours les attendre au tournant, et depuis Bure que les associations de malfaiteurs trop enflées politiquement peuvent finir en relaxe. Je suggère en off à l’OPJ que certaines personnes ont peut-être fait des erreurs et mon avocat lui indique que s’ils avaient laissé ne serait-ce qu’une simple semaine entre les arrestations et la dissolution, l’effet de collusion n’aurait sans doute pas été si flagrant. Z. ne cache alors pas sa rancœur vis-à-vis du manque de lucidité de ceux du gouvernement qui ont gâché l’affaire, « enfermés dans leur tour d’ivoire ».

Quelques heures plus tard, mon séjour ici doit alors bien se clore. Histoire de ne pas me laisser repartir les mains vides Z. me transmet, ainsi qu’à un autre de mes camarades de couloir, une convocation pour une nouvelle garde à vue la semaine suivante – cette fois pour l’organisation de deux manifestations interdites à Sainte-Soline [5] . Trois policiers me bandent les yeux, me font remonter les étages et me fourrent de nouveau dans une voiture pour me déposer seul devant un bouche de métro. Le jour m’apparaît enfin brutalement. Les rires et étreintes des ami.es, les rues vibrantes de la ville et la fête dans le bocage. Bientôt .

Epilogue pascalien et refus d’obtempérer

Lors de la dernière audition, à court de nouvelles déductions, Z. avait finit par me questionner à propos d’un billet de France Culture sur la dissolution des Soulèvements de la Terre, écouté le matin même dans sa voiture. Il me précise que l’éditorialiste Jean Leymarie y critique la dissolution mais interroge la « radicalisation du mouvement » : « Leymarie cite le philosophe Pascal et son adage - la justice sans la force est impuissante mais la force sans la justice est tyrannique ? Continuerez vous malgré votre mesure de garde à vue à légitimer l’usage de la violence ? N’avez vous pas peur que votre mouvement devienne tyrannique ? Allez vous vous ranger du côté de la justice ? »

Ce qui est bien quand on est seul à faire les questions et à savoir que les réponses ne viendront pas, c’est que l’on a toujours la possibilité de se les poser à soi-même et à son corps de métier. Une semaine après nos sorties de garde à vue, des policiers tuaient une fois de plus dans la rue un adolescent des quartiers populaires, provoquant le soulèvement politique le plus fracassant qu’ait connu ce pays depuis les Gilets Jaunes, avant d’envoyer des centaines de nouvelles personnes en prison. Alors que la conséquence que les policiers en tirent quant à eux est de revendiquer aujourd’hui, avec l’appui du ministère de l’Intérieur, un statut d’exception à même de les faire échapper à la loi, la question de ce que devient la force sans la justice est tragiquement d’actualité.

Peu de temps après notre libération, deux des personnes arrêtées en même temps que moi, à Nantes et Tours sont finalement convoquée devant la juge d’instruction d’Aix-En-Provence le 11 juillet et mis en examen. D’autres pourraient l’être selon celle-ci à la rentrée. L’association de malfaiteurs entre le gouvernement, Lafarge et les autres entreprises les plus polluantes du pays se poursuit et doit urgemment être arrêtée. Comme l’a déclaré une des deux camarades le 11 juillet en sortant du bureau de la juge : « Je ne peux qu’appeler aujourd’hui à continuer de lutter. »  [6]

PS : à la lecture de ce récit, la débauche de moyens mis en œuvre à l’encontre de nos mouvements peut sembler décourageante. Malgré l’escalade répressive actuelle, on doit pourtant prendre en compte que le cumul des outils, du temps et de l’argent nécessaire à cette enquête est encore heureusement relativement exceptionnel au vu de ce qui ressort d’autres dossiers récents. A nous de faire en sorte qu’il le reste. Il faut par ailleurs garder en tête que la police ne pourra jamais contrôler l’ensemble de nos faits et gestes d’autant plus s’il se démultiplient. La police et les juges se trompent souvent quant aux personnes qu’ils prétendent pouvoir incriminer. Des actions collectives salutaires continuent de se déployer sans qu’ils parviennent à les en empêcher ni à mettre les personnes qui y ont participé derrière des barreaux. Il faut toujours avoir à l’esprit enfin qu’un ensemble de mesures de précautions simples et d’hygiène numérique peuvent grandement obstruer les mesures d’espionnages politiques et policiers visant à susciter l’effroi et décourager la contestation. Une analyse plus précise des différents moyens d’enquête que révèle ce dossier et des leçons à en tirer est en cours d’écriture.

[1Le béton représente 8% des émissions de Co2 mondiales. Quant au secteur du BTP c’est 39 % des émissions de CO2 au niveau mondial et de 33% des émissions françaises. L’entreprise Lafarge-Holcim semble cumuler les scandales environnementaux dans ses carrières, centrales à béton et cimenteries. C’est bien aussi Lafarge-Holcim qui a financé Daesh en Syrie, avec l’accord tacite de la DGSE et de l’État. L’entreprise a d’ailleurs été condamnée pour financement du terrorisme par la justice américaine en octobre 2022.

[2Grâce à des dérogations préfectorales, l’usine dépassait largement les seuils fixés par l’Europe en matière d’oxyde de soufre. L’association, les zones d’habitation et commerçantes autour de l’usine ont longuement témoigné et lutté pour prouver qu’elles ne pouvaient plus respirer correctement, par le biais d’articles, enquêtes, reportages, photographies de l’usine et des nuages de pollution. L’usine brûlait et brûle toujours des milliers de pneus pour alimenter ses fours.

[4Juge chargé de l’instruction de l’affaire de Tarnac qui finira par se dessaisir de du dossier après une suite de mises en causes publiques et d’erreurs de procédure.

[5Le procès faisant suite à cette garde à vue et impliquant 8 autres prévenus a démarré le vendredi 8 septembre. Fourre-tout fiasco pour le parquet, il a été suspendu après 7h de débats et se poursuivra le 28 novembre prochain. Voici la déclaration faite par l’auteur de ce texte au tribunal ce jour là : https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/declaration-benoit-feuillu

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