EZLN, « Sixième partie : Une montagne en haute mer », 20 octobre 2020 [1] .
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Un petit matin, à l’aube du 1er janvier de l’année 1994, quatre lettres, devenues un espoir d’avenir, apparaissaient au grand jour : EZLN.
Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain, le murmure de la dignité rebelle se faisait cri. Le « Ya Basta ! » de la première Déclaration de la forêt lacandon [2] résonna par-delà la fragmentation étatique du monde. Une petite lueur anima nos cœurs. Dans le mur de l’Histoire sans futur, une fissure.
Depuis, le mouvement zapatiste n’a cessé de nous interpeller. Une armée qui parle pour ne plus tirer. Qui se couvre le visage pour être regardée. Une montagne en haute mer, lancée dans un voyage planétaire [3]. A la rencontre des « nombreux mondes qui peuplent le monde », Les zapatistes nous convoquent régulièrement dans les territoires rebelles du Chiapas, Pour échanger autour des arts et des sciences, partager nos pensées critiques et profiter de festivités culturelles.
En-mouvement depuis plus de trente ans, La lutte zapatiste a ouvert un chemin, sans fin. Celui d’une autonomie civile et territoriale, en marge du Capitalisme et sans Etat.
Un autre monde, loin d’être parfait, mais bien meilleur. Une petite étincelle dans l’obscurité.
En rébellion, pour détruire le système-monde de la Modernité capitaliste, coloniale et patriarcale, et des États-Nations. Contre la globalisation néolibérale, l’homogénéisation des faire-monde et l’uniformisation des être-terrestres, la destruction des territoires et le dépeuplement généralisé.
Parce que ce système est criminel, meurtrier et mortifère.
En résistance, pour construire les conditions d’une vie digne et libre pour l’ensemble de la bio- communauté terrestre. Pour habiter la terre en commun et que prolifèrent des autonomies coopérantes, libertaires et écologiques. Ici et maintenant, partout et toujours.
Parce que nous sommes la vie qui se défend. Un horizon post-capitaliste.
« Un monde dans lequel il y ait place pour de nombreux mondes ».
Pour traverser ensemble les terribles tempêtes déjà-là, et celles à-venir, Et arriver à ce petit matin, peut être dans 120 ans. Où « le monde de la destruction des mondes » n’est plus. Où chacun•e est vivant•e, digne et libre. Mais aussi, et surtout, responsable des conséquences de sa liberté.
Notre avenir interroge leur présent perpétuel. Les devenirs du monde s’entrechoquent. Et le mouvement zapatiste, lentement mais sûrement, chemine en s’interrogeant...
vers le Jour d’Après.
Aujourd’hui, nous sommes nombreuses et nombreux, en bas, dans les interstices et depuis les marges, des périphéries aux centres, depuis chaque partie jusqu’au tout, à continuer de hurler : « Ça suffit ! ».
Notre apparent silence est cacophonique.
En haut, ceux qui refusaient d’écouter, savent désormais que nos complicités fleurissent et que nos luttes, petit à petit, coïncident. Qu’à bien des égards, leur monde vacille et pourrait disparaître.
La menace du front de fascisation est bien réelle. Il ne faut pas la négliger, ni la minimiser. Le devenir-tempête du monde et le fascisme qui vient nous interrogent et nous inquiètent.
Mais les graines que nous semons, finiront par germer, bourgeonner et fleurir.
Parce que nous ne nous arrêterons pas d’agrandir la brèche. Infime et gigantesque.
De relier nos territoires, de nous rencontrer, de nous écouter et de nous comprendre, de nous coordonner.
Pour qu’enfin, la dignité soit un quotidien terrestre.
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En juin 2025, nous célébrons les vingt ans de la Sixième et dernière - à ce jour - Déclaration de la forêt lacandone : la Sexta [4]. Constituant un réseau planétaire de personnes, de mouvements, de collectifs, d’organisations et de luttes anticapitalistes situées en bas et à gauche, la Sexta contribue largement aux tentatives de résolution collective des crises éco-géologiques et anthropo-systémiques contemporaines.
Renforcée par la dénommée Déclaration pour la vie [5], publiée le 1er janvier 2021, notre réseau s’agrandit. Composé de celles et ceux qui, depuis chaque géographie, résistent et se rebellent, chacun•e à sa manière et selon son rythme, le maillage planétaire de nos luttes antisystémiques est précieux.
Nous pouvons encore l’approfondir.
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Cette année, le mouvement zapatiste nous convoque aux Rencontres internationales des rebellions et des résistances 2024-2025 dans les territoires autonomes du Chiapas [6]. La prochaine session intitulée « Quelques parties du tout », présentée comme « centrale », aura lieu du 2 au 17 août 2025 dans le Caracol de Morelia (Chiapas, Mexique) [7].
Dans le sillage du Voyage pour la vie, les communautés zapatistes nous invitent à partager nos expériences de lutte, nos réussites et nos difficultés. À échanger nos rythmes et nos chemins, nos compagnies et nos horizons, pour le Jour d’Après.
Celles et ceux qui souhaiteraient y participer, peuvent d’ores et déjà s’inscrire ici :
Assistant•e•s : participantesencuentroagosto25@gmail.com
Participant•e•s : asistentesencuentroagosto25@gmail.com
Depuis chaque géographie, et en fonction des calendriers de chacun.e, il est probablement possible d’envisager la rédaction ou la délégation d’une parole collective.
Nous vous invitons à consulter la page officielle du mouvement zapatiste, dont les communiqués sont régulièrement traduits dans de nombreuses langues.
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PS. Nous remercions particulièrement le collectif de la Sexta francophone Flor de la Palabra et les collectifs-comités de solidarité avec le mouvement zapatiste pour leur engagement constant et leurs précieuses contributions à la diffusion de la parole et de la pratique zapatiste.
Lupa serra