Défendre la zad

un livre-appel pour étendre la lutte

paru dans lundimatin#45, le 25 janvier 2016

Dans un contexte où la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est ouvertement menacée par le gouvernement, le collectif mauvaise troupe publie un livre-appel : Défendre la ZAD.

Denièrement

Le 9 janvier dernier à Nantes, 400 tracteurs et 20 000 manifestants inauguraient une nouvelle forme de manifestation promise à un bel avenir : le défilé sur rocade. 10 jours auparavant, avait été annoncé le procès d’habitants historiques de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il s’agissait de bloquer la métropole afin que l’État renonce aux expulsions.

Mauvaise joueuse, comme à son habitude, la préfecture dépêchait une intervention policière musclée. S’ensuivit une semaine d’actions de soutien dans toute la France. Le procès des habitants dits « historiques » eut donc lieu le 13 janvier : l’État réclame qu’ils soient expulsables sur le champs et astreints à payer chacun plusieurs centaines d’euros par jour en cas de refus. Derrière cette procédure judiciaire originale, c’est le gouvernement qui joue son va-tout : une expulsion de la zone n’est envisageable qu’à la condition d’avoir désarticulées les différentes composantes du mouvement. Il s’agit ici, d’endetter les paysans réfractaires jusqu’à ce qu’ils cèdent et s’en aillent pour n’avoir plus que de jeunes zadistes à déloger. Les bases de cette narration sont posées depuis plusieurs semaines dans l’espace médiatique : des habitants de Notre-Dame-des-Landes aiguillés par la préfecture animent les matinales de la radio public en expliquant qu’ils sont contre l’aéroport mais veulent le rétablissement de l’Etat de Droit et donc le nettoyage de la zone. On reconnaîtra à ces habitants, aussi téléguidés soient-ils, d’avoir répondu à l’une des plus grandes questions métaphysiques du XXe siècle : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Parce qu’il existe un état de fait et non un État de Droit.

De leur côté, les ZADistes ne sont pas moins fins stratèges. Plutôt que de patienter, suspendus à d’improbables tergiversations juridiques, le mouvement semble résolu à agir préventivement. Une invitation à un gigantesque week-end de chantier pour un avenir sans aéroport sur la ZAD est lancée pour les 30 et 31 janvier. Une manifestation de masse aura aussi lieu le 27 février afin de clore un mois d’actions en tous genres.

Il se pourrait que la résistance de Notre-Dame-des-Landes déborde grandement les enjeux écologiques, climatiques et naturalistes qui l’ont fait naître et devienne le point d’agrégation de tous ceux qui se sentent trahis par le gouvernement ; et qui ne manquerait pas de poser de graves problèmes de surpopulation sur la zone.

Un livre appel

"Défendre la zad", signé par le collectif mauvaise troupe et publié aux éditions de l’éclat, revient sur la victoire de la ZAD en 2012 contre la si bien nommée « opération César ». Mais c’est aussi le récit du cheminement vers la constitution d’un Commune, c’est-à-dire l’élaboration d’une pensée et d’une pratique politique qui rende la victoire non seulement possible mais nécessaire.

Nous reproduisons ici un extrait du texte, disponible dans son intégralité sur le site du collectif ainsi que dans toutes les bonnes librairies (n’hésitez pas à en commander pour les faire circuler).

Extraits

Nous sommes désormais des centaines à nous retrouver au milieu de la brume et de la fumée. On se tient ensemble. Au pied des arbres où se cramponnent nos camarades, nous harcelons en une ronde endiablée l’escorte policière des machines à broyer la forêt. Elle frôle, provoque et désoriente les gendarmes mobiles sur un air traditionnel breton, ou au rythme d’invectives qui tiennent plus du cri du cœur que du slogan. On chante, on hurle, on se bat, on pleure, on discute, on s’étreint.

En face, la consigne est claire : il faut marquer les chairs pour faire passer le goût de cette irrépressible disposition à l’insoumission. Nous compterons, après la bataille, nos blessés : une centaine, dont près d’une trentaine de plaies et lésions sérieuses pour la seule journée du samedi. Les éclats des grenades, du même genre que celle qui tuera Rémi Fraisse deux ans plus tard sur une autre zad, à Sivens, pénètrent nos
corps et restent fichés sous notre peau. Comme pour qu’à l’avenir leur présence douloureuse nous enjoigne de baisser la tête. Mais cette fois, il n’était de toute façon pas question de reculer, et chaque coup n’a fait que renforcer notre résolution. Pour longtemps.

« Voilà, c’était le jour où il y avait le bordel dans la forêt de Rohanne. Et ce que j’y ai vu, la violence des flics, ça m’a énervée propre et net. Et depuis, ça n’a pas arrêté de m’énerver. Ça ne m’a pas lâchée. »Anne-Claude du comité local de Blain.

Hors de la forêt, le conflit s’amplifie et contamine. Le vendredi soir, des dizaines de tracteurs convergent vers les quatre points de franchissement de la Loire en aval de Nantes. Le Pont de Cheviré à Nantes, celui de Saint-Nazaire, ainsi que les bacs du Pellerin et de Basse-Indre sont bloqués dès la fin d’après-midi. Le samedi, devant la
préfecture de Nantes, 10 000 personnes battent le pavé et se heurtent au canon à eau mobilisé pour l’occasion.

La nuit finit par tomber sur la forêt de Rohanne. Nous assistons au retrait désordonné des forces de l’ordre, sous les projectiles et les hurlements de loup. Tout à nos conjectures sur le sens de ce repli, nous apprenons par la radio que le gouvernement annonce la fin de l’opération César.

Nous savons que ce n’est qu’une bataille et que le projet n’est pas encore enterré. Nous devons maintenant faire face à une stratégie plus fine de la part du gouvernement : la mise en place d’une « commission du dialogue », une instance de négociation à l’image de celles qui sont venues à bout de tant de luttes sociales par le passé. Elle cherche avant tout à diviser le mouvement, à défaut de pouvoir lui arracher le territoire qu’il habite. Mais l’acipa refuse de participer à la mascarade et de s’enfermer sagement dans un salon entre « personnes raisonnables ». Qu’y aurait-il à négocier au juste ? L’équation est simple : soit l’aéroport est abandonné, soit le bocage est détruit et ses habitants expulsés.

En parallèle, et ce à peine quelques heures après la déroute de César, des fourgons reviennent se positionner aux carrefours de la Saulce et à celui des Ardillières. Ces checkpoints, qui coupent la zone en deux et visent à en contrôler les entrées, seront permanents pendant près de cinq mois. Les flics resteront là, figés autour de leurs camions, sans rien à attaquer et sans rien d’autre à défendre que la vacuité de leur
propre présence. Ils contempleront, impuissants, la foule qui chaque jour les contourne. Ils subiront le mépris, les quolibets et des attaques diverses et variées. Les matériaux de construction, interdits de circulation sur la zone par un absurde arrêté préfectoral, seront malgré tout acheminés par des chemins détournés. Un gendarme spécialiste du maintien de l’ordre confiera, dépité, à un journaliste du Télégramme : « Évacuer, c’est toujours possible, même sur une zone aussi importante et difficile. Il suffit d’y mettre les moyens. Mais tenir c’est impossible. »

  • le texte est aussi disponible en castillan et bientôt en anglais
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