De la prise de corps à la prise de tête (et retour)

L’objectif comme projet
[Qu’est-ce que la cybernétique ? 5/∞]

paru dans lundimatin#454, le 2 décembre 2024

Les « Nourritures temporelles » nous ont montré que le feedback, moteur actif du systémisme, procède des théories économiques ultralibérales. Sa temporalité rétroactive relève d’une course en avant continue, celle des obligations qui nous sont faites d’être en conformité avec les normes totalisées par la systémique et par les normes ISO : les normes du Vivant, qui sont traduites en choses concrètes ou conceptuelles. La course à l’argent en est d’autant plus pressante et la propagande florissante. Cet article est une prolongation et la conclusion des “Nourritures temporelles“. Parfaitement abstraites, elles se sont montrées métaphysiques, voire religieuses. Quelques raisonnements politiques vont pouvoir s’en déduire ici, puis le feedback – qui est éco-managérial et cyber-systémique comme nous l’avons vu –, sera déshabillé dans sa version la plus commune et quotidienne. Le feedback n’étant rien d’autre que ce que l’on nomme communément un « objectif ». [1]

« Le soupçon ou la présence de vies qui pourraient encore ne pas être réduites au Travail, c’est-à-dire au Temps, qui est la véritable monnaie du Capital, seront un motif mortel d’inquiétude pour l’État : seules les vies réduites au Temps peuvent compter dans l’organisation et la vie du Capital, et constituer ces âmes que l’on compte dans les Statistiques de l’État. »

Augustin Garcia Calvo, Qu’est-ce que l’État ? [2]

Cette citation repose sur l’analyse marxiste qui fait du Temps une valeur cardinale du Capitalisme. L’Argent l’équivaut, le temps de travail étant l’étalon sur lequel est basé le salaire. Cette valeur abstraite est traduite en objets, qui deviennent objet de désir, comme l’argent lui-même devient la finalité du travail. Les objets deviennent supports à des phénomènes fétichistes, concept dont David Graeber montre que son advenue est liée à une problématique occidentale très pragmatique, celle des premiers temps du commerce avec des africains [3].

Les analyses fondées sur celles de la Valeur, du fétichisme, de la société du spectacle, sont bien souvent éclairantes pour l’époque que nous vivons, elles sont par ailleurs sous-jacentes à quelques-uns des raisonnements proposés dans ces lignes. Mais dans cette introduction, le raisonnement va être avant tout systémique. Ses ressorts sont simplistes et pourtant puissamment efficaces, d’une part car ils sont difficilement accessibles, noyés qu’ils sont dans les théories du « complexe », d’autre part car ils sont absolument réductionnistes, simplificateurs et totalisants. Le modèle systémique fait en effet fi de ce que nous ne vivons pas en tant qu’abstractions agissantes et calculantes, mais dans une durée aléatoire inscrite pour chacun dans des relations affectives, une relation aux joies et aux fragilités, aux nécessités et à la mort. Autant d’expériences sensibles, qui trouvent des traductions concrètes dans nos pratiques communes, lesquelles ne sont pas réductibles à des logiques économiques et processuelles. Elles sont variables selon les personnes, les époques, et les lieux d’existence.

Ontologie du Vivant 

Le Vivant, tout comme l’argent et le temps, est une abstraction générique. La vie n’est pas, elle non plus, une chose en soi.

Tout comme l’argent, le modèle systémique du Vivant a partie liée avec le temps (rétroaction), qu’il transforme, non plus seulement en travail/argent, mais en concepts ou en objets commercialisables qui sont autant de miroirs aux alouettes (augmentation des performances, autonomie, intelligence artificielle, virtualité, etc.), miroirs qui sont soutenus par des crédos à connotation messianique et religieuse. Devenu productif grâce à la cybernétique et à la théorie de l’information, le modèle systémique, dont le moteur actif est le feedback, est une entreprise économique et politique totalisante, qui s’impose en tant qu’évolution ontologique.

La propagande pose le Vivant en tant que Tout Systémique  : tout le Vivant est bio-systémique. Ainsi, le Vivant est un Tout analogique, tout est « même », à la différence près de petites différences. Le terme « analogie » se retrouve dans pléthores de travaux de recherche contemporains, en particuliers ceux travaillant sur des analogies biopsychologiques animaux humains / non humains. Avec la cybernétique, les machines fonctionnent par analogie selon la même approche systémique que les corps biologiques (animaux humains / non humains).

Selon l’anthropologue fort médiatisé Philippe Descola, l’analogisme relève d’une ontologie [4] : « L’analogisme est un rêve herméneutique [5] de complétude qui procède d’un constat d’insatisfaction : prenant acte de la segmentation générale des composantes du monde sur une échelle de petits écarts, il nourrit l’espoir de tisser ces éléments faiblement hétérogènes en une trame d’affinités et d’attractions signifiantes ayant toutes les apparences de la continuité. » [6] L’analogisme contemporain provient de petites différences statistiques entre les vivants et de leur continuité systémique potentielle. Cette ontologie nécessite de se mettre d’accord sur des catégories classant par genre la diversité des petites différences, c’est ce que précise Descola, qui avance par ailleurs, qu’actuellement, la Chine ou l’Inde fonctionnerait selon une ontologie analogique, laquelle avait également cours en Europe jusqu’à la Renaissance avec les notions d’ordre (des chevaliers, des compagnons etc.) ou de caste. [7]

L’ontologie analogique nécessite de se mettre d’accord sur ce qui fait tenir ensemble les petites différences, de se mettre d’accord sur des catégories. Ce qui est notoirement, dans nos contrées, LA question politique.

Dans un contexte où l’argent siège au sommet des politiques sous la forme du Marché, ce Tout analogique numéraire (économique), la définition de catégories s’est traduite, pas à pas, en regroupements affinitaires (goûts communs pour un code vestimentaire, une jeu, un crédo religieux, des pratiques alimentaires, sexuelles, etc.). Cette catégorisation d’un Tout en une myriade de « mêmes » différenciés par des traits identitaires, c’est l’effet d’une logique stricte de marchés, effectifs et potentiels ; c’est également l’effet de l’humain « auto » voulu par le néolibéralisme, qui a fait exploser les solidarités professionnelles, puis a éclaté bien des sentiments d’appartenance en une multitude de possibles (on le voit par exemple sur les messageries). En particulier sur le socle culturel individualiste, le néolibéralisme a ainsi procédé à une intériorisation privatisée des dimensions relationnelles, devenues de fait « affinitaires » (en informatique on parle de « gestion des identités »). Dans ce contexte, où les affinités se décomposent et se recomposent sur des bases individualisées, économiques, existentielles et identitaires, faire tenir ensemble politiquement des masses relève du tour de force. Et, quelle autre force que celle de la puissance techno-économique servie par des idéologies ?

Un Tout systémique est réputé être supérieur à la somme de ses parties, on retrouve là, par exemple, la tentation d’une gouvernance mondiale des Tous que sont les États Nations. Cette tentation a volé en éclats. Les valeurs Droit de l’Hommistes ont fait long feu et les Briks, par exemple, réfléchissent à l’établissement d’un marché séparé du dollar, ce Tout monétaire. Dans ce contexte, qu’un Trump déclare qu’il va ouvrir un grand parapluie pour circonscrire le ciel des États-Unis n’est pas différent de ce que proposent actuellement, d’une façon presque généralisée, les gouvernements, que ce soit sur une base nationaliste et/ou religieuse. Fondé sur la valeur abstraite et analogique de l’argent, le Tout de la planète voulue comme Globale s’identitarise à la façon d’un « auto », et inversement.

Accepter de faire la guerre se traduit, en Russie, par de vastes campagnes publicitaires promettant d’obtenir quinze fois son salaire. L’argent est l’étalon des élections américaines, dans leur organisation et dans leurs résultats (Trump en a beaucoup, et Musk est réputé être l’homme le plus riche sur terre). Ce duo brandit l’étalon mondial du rouleau compresseur néolibéral en tant que trait distinctif (qui les caractérise), et au niveau de l’État, l’identité, c’est le nationaliste. L’argent constitue un trésor national à partager, et il revient aux gouvernants de tout entreprendre pour le faire fructifier au mieux. Dans un contexte où il vient à manquer toujours un peu plus à bien des gens, et dans les prolongements de la catégorisations de « mêmes » en identités, les habitants qui ne sont pas de la bonne couleur, du bon pays, ou qui sont tout simplement pauvres, sont les premiers boucs émissaires visés, les premiers dont le Tout national doit se séparer s’il veut rester en bonne santé. Trump a prévu de construire des camps, à distance du regard des citadins, pour le surnuméraires. Sa richesse, adossé, avec Musk, à ce qui est consommé et vendu quotidiennement comme valeur d’avenir, les technologies, devient en somme le choix le plus raisonnable : lorsque l’argent est Roi, ne reste plus qu’à l’élire. Les valeurs de sécurité économique et matérielle, nationale et individuelle, sont promues en tant que Vitales, dans un monde où il n’y aurait plus de futur possible pour chacun. Et Trump se targue de ne pas prendre au sérieux les question climatiques, ce qui constitue un prolongement purement logique de son «  America first  » : “Nous d’abord“, et au diable les victimes. C’est aussi, et peut-être avant tout, un crédo électoral que l’on peut qualifier de chrétien : par le déni des catastrophes climatiques, Trump publicise des perspectives de futur extra-ordinaire. Musk étant un fort digne représentant d’un futur à la fois efficace et prophétique [8], les promesses de rédemption s’appuient sur des perspectives de voyages sidéraux réservés aux élus, d’augmentation de soi et de virtualité. Une « réalité alternative » dont Trump ne manque pas de se réclamer. Tout en étant poussée à son extrême, la double temporalité messianique occidentale contemporaine (linéaire et cyclique) est ainsi fort communément maniée.

Si l’analogisme à cours, il semble que ce soit avant tout celui permis par les chiffres, ceux de l’économie. Il suffit de lire une définition de l’ontologie [9] pour voir en quoi elle provient de l’ontologie même qui la défini. User du modèle systémique pour essayer de comprendre ce que nous nommons les autres ontologies s’apparente à une forme de colonisation mentale, ce qui est précisément ce dont nous nous efforçons de sortir pour nous-mêmes. Ainsi, les analogismes du Vivant ne sont pas analogues aux relations qui ont cours ailleurs, dans d’autres modes de relations entre les personnes, avec les animaux, avec le milieu. Et, même si nous éprouvons encore quelques difficultés à nous en persuader, le paradis humain n’est nulle part.

De l’autonomie à l’infantilisation

Contrairement à ce que prétendent les postulats cybernétiques, la condition humaine n’est pas analogue à celle des machines, car celles-ci sont conçues grâce à des abstractions humaines, et non l’inverse. Les fantasmes adossés à des inversions de cette réalité font fit de ce que les machines n’ont ni rapports sexuels et sociaux, ni pratiques politiques. Les fantasmes scientistes, typiquement occidentaux, qui font des machines des sortes de dieux ou de monstres possiblement dévorants relèvent de visées politico-économiques délétères. Les machines, quant à elles, sont beaucoup plus stupides que ce que la propagande s’attache à faire croire, et le terme d’intelligence attribué aux IA est, comme on le sait, de pure propagande [10].

Les animaux, sur des bases biopsychologiques, sont eux aussi mis en miroir de nos agissements par les approches du Vivant, de la cybernétique, des neurosciences, etc.. Cependant ils n’ont inventé ni horloge, ni fusil, ni rituels sophistiqués comportant des objets et des dimensions symboliques plus ou moins conscientes. Cette différence – sur laquelle campent de longue date des échelles de valeur formalisées à leur plus grand avantage par des humains –, ce besoin que nous avons d’inventer des concepts et des choses sophistiquées relève du fait que nous sommes des animaux parlant des langages lexicaux (et non des langages mathématiques) et, que sur le plancher des vaches et des lions, nous sommes les animaux les plus nus de tous. En effet, quel autre animal met au bas mots quatorze ans pour devenir autonome  ?

Si l’on compare nos nécessités et nos perceptions de base avec celles des animaux non humains, on constate qu’avec la grande foire planétaire des lois du marché et de l’argent, notre autonomie alimentaire a été captée. La conscience des dangers et de la mort sont intriqués dans la morbidité du tout sécuritaire et des scandales (Ehpad, contrats foireux de certaines entreprises de pompes funèbres) et, dans un contexte d’éclatement des relations, la mort étant de moins en moins ritualisée, les fantasmes de vie augmentée, voire d‘éternité de soi dans quelque cloud gagnent en puissance. Pour clore ces comparaisons des plus rapides, qui suggèrent une captation toujours plus grande des nécessités premières par l’économie, reste les émotions et la sexualité. C’est-à-dire ce qui relève de ce qu’il y a de plus intime, et, d’une liberté… de nature privée. Les émotions constituent à présent une pointe avancée des recherches en neuroscience et en cognitivisme, et, s’agissant de la sexualité, si l’on considère l’imagerie managériale dévolue aux « objectifs », on en arrive à conclure que le marketing néolibéral se fait promoteur d’un débridage libidinal et guerrier.

Plus qu’une entreprise visant à faire vendre, la publicité campe l’état d’esprit du capitalisme néolibéral en donnant à lire les crédos qui lui donnent son assise, les murs d’une station de Métro suffisent à s’en faire une idée : « Vous êtes ingérable, et en plus vous êtes beau » « Bonne nuit, sauf si vous la passez avec moi » « 24 jours pour se faire plaisir » » « Il va nous mettre une raclette », etc. Qu’est-ce d’autre qu’un tripatouillage de pulsions ?

Le concept d’autonomie résulte, en première instance, de notre incomparable dépendance inaugurale en regard des autres animaux. L’autonomie porte communément pour nom « âge adulte ». Si l’on considère que celui-ci correspond, en bonne part, à l’âge où les pulsions de l’enfance ont supposément été canalisées par l’autorité parentale (définie selon des traits culturels variables), si de plus on considère que, dans nos contrées, l’âge adulte, particulièrement tardif, se confond avec celui de l’autonomie financière et de la majorité politique, on en arrive à quelques déductions enfantines : le pulsionnel ça occupe, et tout aussi bien, ça excite. Or maintenir les adultes, grâce aux pulsionnel, dans une forme d’enfance, permet à l’autorité de légitimer son auto-renforcement. Car soit les enfants sont suffisamment occupés et sages grâces aux dérivatifs fournis, soit ces dérivatifs les agitent, ils peuvent même en venir à se disputer, auquel cas l’autorité à légitimement son mot à dire. Ainsi, plus l’incitation à devenir radin ou à rejoindre la grande foire du slip sont mises en partage, plus l’autorité trouve à s’épanouir.

Ces considérations fort générales étant posées, reste à nouveau à souligner, qu’évidement, tous les humains n’ont pas le même rapport aux nécessitées, ni avec leur milieu, ou avec leur semblables. En d’autres termes, tous n’ont pas les mêmes expériences et ne font pas les mêmes choix habituellement qualifiés de politiques. Cependant, « ce qu’il est possible de faire pour que les communautés et les traditions restent vivantes, c’est d’attaquer ce qui les tue […] Pour nous, enfants de la vieille Europe, cela signifie ne pas répéter béatement les sagesses ancestrales d’autres mondes, mais au contraire, dénoncer l’ineffable idiotie des idées qui dominent le nôtre. » [11]

L’objectif : l’art du guerrier

Le principe modulateur du « salaire au mérite » n’est pas sans tenter l’Éducation nationale elle-même : en effet, de même que l’entreprise remplace l’usine, la formation permanente tend à̀ remplacer l’école, et le contrôle continu remplace l’examen. Ce qui est le plus sûr moyen de livrer l’école à l’entreprise. 
Gilles Deleuze, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle [12]

Comme évoqué précédemment, la temporalité cyclique du feedback correspond à une optimisation ad libitum de données, et d’objectifs finalisés, les objectifs de l’économie. Or les cycles rétroactifs, ceux qui sont omniprésents en management (formes A et B) [13], servent avant tout pour les méthodes de travail encadrées, les processus de prise de décision, les grandes démarches d’entreprise et les politiques publiques, ce qui reste assez abstrait, et parfois lointain, dans le quotidien des ’petites mains’. Un précepte en revanche fait, lui, l’objet d’un martelage absolument ’démocratisé’, c’est l’objectif.

Si l’on synthétise la définition du terme grâce à un dictionnaire de philosophie [14], un objectif est un but déterminé : ce que l’on cherche à atteindre. Anciennement, c’était une chose en tant que posée par l’esprit, mais, dans le sens moderne, un objectif est ce qui a une réalité en soi, indépendamment de la connaissance par un sujet.

En science, est objectif ce qui repose sur l’observation et l’étude impartiale des phénomènes, sur l’expérimentation systématique, ce qui renvoie au fait que, ce qui est objectif est impartial et ne tient pas compte des préférences personnelles. Ce qui est objectif est vrai, ou réel, universellement valable.

Enfin, dans le registre militaire, une ligne objective tend vers le point constituant le but d’une opération militaire, la cible.

L’objectif est donc passé d’une vue de l’esprit à une réalité en soi, indépendamment de la connaissance que l’on en a, l’objectif est objectif ! Et avec la mondialisation des approches managériales, ce qui pourrait bien être en passe de devenir universel, c’est l’objectif en tant que but concret et mesurable à atteindre : un objectif est ce qui peut se vérifier, une action prévue a bien eu lieu ; un nouvel objet, résultant d’une analyse de besoins, d’un étude de marché ou d’une recherche, existe ; une façon de faire, de se comporter, ou un résultat chiffré, ont bel et bien évolué : l’objectif est un résultat prévu et voulu. Ce n’est rien moins qu’une modalité de mise en production.

Puisqu’il y a également un registre militaire pour définir la chose, voici un exemple parmi une infinité de possibles : le comité qui présida à la décision de larguer la bombe atomique sur le Japon à la fin de la seconde guerre mondiale se nommait Target committee, ce qui, traduit en français, donne « comité des objectifs ». En anglais, le terme goal est celui qui est le plus utilisé pour dire indifféremment « objectif » ou « but ». On dit aussi fréquemment target, qui veut dire cible.

Dans le champ professionnel, l’objectif est symbolisé par une flèche, auquel une cible est, ou non, associée. Revoici donc les deux sempiternelles mêmes formes, les conjoints cercle et flèche, ceux de la boucle de rétroaction. Mais dans la symbolique des objectifs ils sont moins fermement imbriqués.

Ici les deux termes sont distincts (les objectifs dessinent les contours de leurs 169 cibles) :

Tout en un :

La cible symbolise l’objet auquel on veut aboutir dans le futur.

Le trajet temporel, imperceptible, de la flèche, symbolise le processus à mettre en œuvre pour y parvenir.

La flèche de l’objectif, plantée toujours au centre, symbolise la réussite.

  • La cible, c’est donc l’objectif à atteindre.
  • Le trajet de la flèche symbolise les actions qui s’enchaînent vers ce but (processus, plan d’action, feuille de route etc.).
  • Les actions seront suivies d’une rétroaction (évaluation, retour d’expérience, etc.), rétroaction qui est ce qui “garantit“ la réussite : par un contrôle des actions passées et des moyens utilisés, de leur conformité, ou non, avec le but pré-vu, on pourra mettre en place des actions correctives et faire encore mieux la prochaine fois (amélioration continue).

Objectif, plan d’action, évaluation, ces trois termes sont devenus indissociables : ramassé en quelques notions simples, sous un vocable unique, l’objectif n’est rien d’autre qu’une boucle de feedback.

Boucle de rétroaction
Forme (A)

Mais, pour qu’au mieux l’on y adhère, sa symbolique nous est plus familière : l’objectif est figuré par une simple flèche… du temps linéaire.

Objectifs et hiérarchisation systémique

Devenu banal et quotidien – ’notre objectif c’est que les enfants réussissent leur scolarité’ –, l’objectif loge en maître au cœur des organisations. On peut même avancer, sans craindre de se tromper, que toute organisation qui est au prise avec des questions de nature économique fonctionne à présent selon une approche par objectif. Soit un modèle de systèmes et de sous-systèmes imbriqués : les objectifs se déclinent depuis le sommet – les politiques et stratégies – jusque vers chacun des acteurs – directions, services, etc. – qui en reçoit sa quote-part, puis la décline à son tour jusqu’aux subordonnés. Les objectifs sont des systèmes qui s’agencent entre eux en se démultipliant sous forme de pyramide :

… ou sous forme d’arborescence [15] :

Cette démultiplication – principe de déclinaison des objectifs – est omniprésente en entreprise sous le vocable de Direction par objectifs (DPO), et, plus récemment, Management par objectifs (MPO). En tant que mode d’organisation, et même lorsque ces termes ne sont pas utilisés, on retrouve le principe de déclinaison des objectifs dans toutes les politiques publiques, en entreprise, dans la pédagogie par objectif, etc., mais aussi, tout en bas de l’échelle des possibles, dans la structuration d’une réunion par exemple.

Dans le cas notamment du Management par objectifs (MPO), et donc des modalités d’organisation du travail, les étages de la déclinaison portent des noms récurrents : « politique, stratégie, tactique, moyens, programmation », un modèle issu de l’art de la guerre. Un article, ayant pour sous-titre Les pyramides des stratégies, nous l’explique : « Pour Clausewitz [16], “la tactique est la théorie relative à l’usage des forces armées dans l’engagement, la stratégie est la théorie relative à l’usage des engagements au service de la guerre”. C’est un système de poupées russes s’emboîtant les unes dans les autres : la stratégie est l’englobant, la tactique est l’englobé, un moyen pour une fin, celle de l’englobant. L’englobant ultime étant naturellement la finalité politique. » [17]

Dans les politiques publiques ou en entreprise, ce que la citation qualifie de « politique » se nomme le plus souvent objectif général. Il est défini par les sommets de la pyramide hiérarchique, laquelle le décline en stratégies, qui seront à leur tour déclinées en tactiques, lesquelles seront à leur tours déclinées, etc. On voit par-là que ce type de structure est extrêmement bien charpentée. Les objectifs communs proviennent de la déclinaison des objectifs formulés par les niveaux supérieurs et prennent la forme d’un projet de service par exemple. Les objectifs individuels sont une quote-part des objectifs déclinés, et ceux, plus individualisés, liés aux routines et aux compétences ou incompétences de chacun. Les objectifs individuels sont formalisés dans les fiches de poste et formulés lors de divers entretiens hiérarchiques, notamment d’évaluation.

Inutile d’y insister, une structure en poupées russes est hiérarchisée, chaque niveau supérieur englobant le niveau inférieur. La déclinaison des objectifs est hiérarchisée et, systémique, il s’agit d’un Tout supérieur à la somme de ses parties, qui s’y rapportent. Ce que représente parfaitement une structure de poupées russes, lesquelles, par nécessité, sont traduites sous formes pyramidales ou arborescentes. [18] La pyramide vue plus haut, par exemple, est typique d’une approche par « systèmes de mangement » (forme B) [19]. En effet, les processus et projets, tels que formalisés par le comité de direction, chapotent le personnel (directions et services).

« Un processus est un ensemble structuré d’activités conçues pour réaliser un objectif spécifique […] Un projet est une organisation temporaire créée dans le but de livrer un ou plusieurs produits d’affaires définis dans un cas d’affaire approuvé » [20]. « Les produits d’affaire peuvent aller d’articles physiques tels que des biens manufacturés à des services professionnels tels que le conseil ou des solutions logicielles. » La conduite d’un projet vise à fournir de nouvelles prestations matérielles ou conceptuelles (humaines ou machinique), elle est formalisée par une déclinaison de processus multiples.

Il semble qu’il n’y ait plus une structure, un collectif, un individu au travail, qui ne soient guidés ou corsetés par des objectifs, car de leur objet dépendra l’octroi de financements, de moyens alloués, de primes, d’obligations, ou de promesses faites aux salariés. La perversion de cette approche est particulièrement perceptible au niveau de la recherche scientifique : puisque l’objectif pré-voit ce qui sera atteint dans le futur, de façon à obtenir les subsides nécessaires à la poursuite de l’activité de leur laboratoire, les chercheurs se voient sommés de produire des énoncés qui définissent, par avance, ce qu’ils vont trouver ! Car le crédo du progrès continu des connaissances, celles de la science, a lui-même évolué depuis la temporalité linéaire (cause → effet) vers une temporalité cyclique, où l’effet pré-vu (l’objectif à finalité économico-politique) est agencé selon les lois de la rétroactivité, qui sont celles de l’objectif. Ces mêmes lois qui font tourner les outils informatiques et les IA utilisés pour réaliser les recherches … tout comme en entreprise.

Cyberobjectivité

Le monde plat des flèches linéaires correspond à une manière de nous parler au ras des pâquerettes, c’est-à-dire selon la temporalité familière du progrès parousiaque [21]. Les objectifs sont des agencements systémiques comme nous venons de le voir, et ces agencements hiérarchisés sont conceptuels, ceci dans un contexte où le Corps Un ne parle pas seulement le langage biologique des organes, il parle ! Le cerveau étant lui aussi un organe, il parlerait selon les canons du langage de l’information, lequel peut être textuel, mathématique, biologique, électrique, etc. L’unité du langage de l’information fonctionne en bonne part selon les canons de l’homéostasie, dans l’apprentissage par renforcement des IA notamment. L’homéostasie est le processus commun aux organes physiques et à la pensée calculante (celle d’auto). L’homéostasie, c’est le fameux feedback négatif cher à Hayek, celui “découvert“ par la cybernétique et la systémique. Comme évoqué plus haut, ce feedback, ou boucle de rétroaction, est précisément ce qui est conceptualisé sous la forme de l’objectif.

« Je crois que cette idée brillante d’Ashby, d’un mécanisme agissant au hasard et sans but et qui recherche sa propre fin à travers un processus d’apprentissage, est non seulement l’une des plus grandes contributions à la philosophie actuelle, mais va conduire à des développements techniques très utiles dans le domaine de l’automatisation. »

Norbert Wiener [22]

Pour expliquer ces propos un peu étranges – sans but, mais cherchant sa propre fin en lui-même par la grâce de l’apprentissage (c’est un auto) – revoici donc ce cher Norbert Wiener, qui nous donne sa définition de l’objectif : « Dans la classification du comportement, le terme de téléologie a été utilisé comme synonyme d’un objectif contrôlé par le feed-back  ».

La téléologie [23] concerne l’étude des fins et des finalités, ce serait même la « science des fins humaines (bonheur, justice) ». Wiener, quant à lui, place cette fin dans la nébuleuse d’un hasard sans but, en un lieu privatif (sa propre fin). Il reconnaissait « le rôle joué par le contrôle de tir et la prédiction dans sa réflexion. À partir de Behavior, Purpose and Teleology (Comportement, but et téléologie) la cybernétique a refondu le contrôle militaire dans un moule civil. » [24] Suivons quelques instants la piste de cette affirmation somme toute non négligeable : l’article Comportement, but et téléologie date de 1943, et en 1945, Wiener fonde la « Société de téléologie », avec notamment John von Neumann, mathématicien et physicien hongrois qui a apporté d’importantes contributions à la mécanique quantique, à la logique mathématique et aux sciences économiques (il est l’un des deux concepteurs de la « théorie des jeux » contemporaine), il a également donné son nom à l’architecture matérielle utilisée dans la quasi-totalité des ordinateurs, et, en tant que membre du comité de sélection des cibles – le « Target Committee » qui fit le choix des villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki –, il a supervisé les calculs liés à la taille attendue des explosions de bombes, du nombre estimé de morts et de la distance au-dessus du sol à laquelle les bombes devaient exploser pour avoir un effet maximal » [25] . Bien, ce rappel un peu sentimental étant fait, revenons à cette « Société de téléologie », dont « Wiener affirmait que l’assemblée serait nécessairement non publique, car de nombreux développements pertinents étaient directement liés à l’effort de guerre. C’est une nouvelle vision du monde qui devait émerger de cette confluence secrète des sciences de la guerre, une vision qui engloberait les questions ’d’ingénierie, de physique et même d’intérêt économique et social ’. La première réunion de cette Société a eu lieu les 6 et 7 janvier 1945, et Wiener était ravi de ses résultats. Rafael Lorente et Warren McCulloch, deux physiologistes spécialisés dans l’organisation fonctionnelle du système nerveux central y ont présenté leurs travaux sur l’organisation du cerveau. ’En fin de compte, se réjouit Wiener auprès de Rosenblueth, nous étions tous convaincus que le sujet qui englobe à la fois l’ingénierie et la neurologie est essentiellement le même.’ Il était temps, affirmait Wiener, de transformer des activités distinctes en un programme de recherche intégré et permanent, qui serait soutenu par de nombreuses sources. Celles-ci comprenaient la Fondation Rockefeller, avec le soutien de Warren Weaver, ainsi que ’des mots mystérieux de von Neumann concernant . . . une trentaine de méga-dollars’. De son côté, von Neumann a profité de la réunion pour mettre en place une division du travail : Wiener et Walter Pitts (un étudiant qui avait utilisé la logique pour analyser les propriétés de commutation des neurones) couvriraient les problèmes de filtrage et de prédiction ; le statisticien mathématique W. Edwards Deming (qui deviendra l’un des principaux conseillers du Japon lors de son miracle économique d’après-guerre), von Neurnann et plusieurs autres couvriront l’application des méthodes de calcul rapide et mécanisé aux problèmes statistiques ; l’application aux équations différentielles (astronomie, hydrodynamique, balistique, etc.) sera confiée à Aiken, H. H. Goldstine et von Neumann ; et les caractéristiques neurologiques iraient à McCulloch, et Pitt. »

Outre le plaisir de retrouver Edwards Deming dans ces lignes, on constate que quatre-vingt ans plus tard, les incomparables découvertes du Président du conseil scientifique de l’Éducation Nationale (Dehaene) – qui nous ont éclairés pour comprendre l’approche contemporaine du cerveau computationnel – sont quelque peu redevables à cette Société de téléologie. De fait, l’approche computationnelle n’a cessé de s’étendre en faisant de nombreux émules. Ils n’ont fait que naturaliser toujours un peu plus les “découvertes“ inaugurales, menant ainsi la logique à son terme, tout en s’y réservant une place de choix :

En un mot, le mystère de l’expérience subjective est aujourd’hui éventé. Au cours de la perception consciente, les neurophysiologistes n’ont aucune difficulté à enregistrer des décharges neuronales spécifiques d’une image ou d’un concept, et ce dans plusieurs régions du cerveau… Nos états cérébraux sont nécessairement déterminés par des causes physiques, car rien de ce qui est matériel n’échappe aux lois de la nature.

Le Code la conscience, Stanislas Dehaene [26]

La pensée – enregistrée en décharges neuronales – est matérielle. L’expérience subjective – évaluée statistiquement – n’a plus rien à cacher à ses observateurs. Dès l’advenue de ces conceptions des auteurs tels que Lewis Mumford ou Günter Anders ont largement et finement analysé le genre de dérives qui s’en déduisent.

Mais revenons à l’objectif, et pour mieux comprendre comment les fins peuvent en quelques sorte s’y fondre, revenons à l’article Comportement, but et téléologie [27]. Ses auteurs « étaient heureux d’avoir mis en lumière la catégorie de “comportement prédictif“, laquelle suggère la possibilité de systématiser des tests de plus en plus complexes du comportement des organismes. Ils ont soutenu que leur classification place l’“objectif“ et la “téléologie“ sous l’égide d’une “analyse comportementale uniforme“, prédictive, applicable tant aux organismes vivants qu’aux machines ». Téléologie et objectifs s’unifient dans des comportements qui sont analogues, quel que soit le système concerné (humain et non humain, machine.)

Wiener expliquai sa vision d’un but et des finalités de façon détournée, en se basant comme à son habitude sur le pilote d’avion militaire :

« La superstition semi-humoristique du Gremlin parmi les aviateurs, était probablement due autant que toute autre chose à l’habitude de traiter avec une machine comportant un grand nombre de rétroactions intégrées qui peuvent être interprétées comme amicales ou hostiles. Par exemple, les ailes d’un avion sont délibérément construites de manière à stabiliser l’appareil, et cette stabilisation, qui est de la nature d’une rétroaction, peut facilement être ressentie comme une personnalité à contrarier lorsque l’avion est contraint d’effectuer des manœuvres inhabituelles. En fournissant une telle résistance auto-stabilisante, l’avion agit comme s’il avait un but, en bref, comme s’il était habité par un Gremlin. »

Dans la classification des comportements communs aux aviateurs et à leurs avions (habités de conserve par un Gremlin [28],), les notions de fin, de finalité (téléologie) ont été décrétées synonyme d’un objectif contrôlé par le feed-back  (rétroaction). C’est le moteur d’« auto » cher à Hayek, l’objectif finalisé selon les lois du feedback/homéostasie. Le corps, par exemple, revient quoi qu’il arrive à 37°, son objectif de santé est finalisé et son retour à la santé provient du feedback homéostasique (feedback négatif). Ce principe relève de la nature (biologie) et, analogiquement, il est aussi celui des machines.

La finalité, l’objectif et le feedback sont un seul et même principe agissant : pré-voir et corriger, qui sont une seule et même action continue.

Dit autrement, c’est « rechercher sa propre fin à travers un processus d’apprentissage ». L’objectif n’a pas d’autre but que d’atteindre sa fin initiale : l’objectif finalisé, dont l’atteinte s’améliore à chaque tour de manège (optimisation des connaissances, ou rétablissement de la température à 37°).

Comme déjà évoqué, dans la circularité temporelle du feedback, les finalités tout comme le futur, deviennent la capacité biologique et informationnelle à anticiper et à réagir. Le temps cyclique rétroactif est en effet un principe d’adaptation permanente, comme l’indique Wiener : «  Information est un nom pour désigner le contenu de ce qui est échangé avec le monde extérieur à mesure que nous nous y adaptons et que nous lui appliquons les résultats de notre adaptation. » [29]

Il s’agit là, pour nous autres occidentaux, d’une révolution : la fin de la séparation imaginaire corps/esprit. Le Corps Un est un Tout composé d’organes, qui fonctionnent tous selon les lois de la rétroaction (bio-informationnelle). Ce Corps Un est analogue à celui des animaux et au fonctionnement des machines. Dans cette approche, l’imaginaire “fonctionne“, comme tout le reste, selon les lois de la nature.

Cette révolution précède d’une dizaine d’année celle-ci : l’objet est placé “à l’intérieur“ du système. Le chercheur n’observe plus des objets placé devant lui (la lune ou tout corps autre que lui), il est partie agissante du système qu’il observe. C’est ce qui a été conceptualisé par la seconde cybernétique, et c’est par exemple ce qui se passe en physique quantique : pour une même expérience, deux chercheurs n’obtiendront pas nécessairement les mêmes résultats. Les variations proviennent de la présence des chercheurs eux-mêmes “à l’intérieur“ de l’expérience, avec laquelle ils font système.

Le scientifique, Homme suprême occidental, descend ainsi imaginairement de son piédestal : tout ce qui est agissant, lui compris, procède d’un même principe. S’en serait donc fini de la séparation sujet/objet, de la suprématie de l’esprit sur le corps, de la culture (suprématie occidentale de la science ) sur la nature.… L’Homme, en tant que suprême, s’est fondu dans le Tout Naturel agissant, ainsi, en tant qu’Homme, il est évanescent. Ce qui fait un peu oublier, au passage, que ses moyens d’agir son techno-économiques (et eux-aussi systémiques). Or à l’endroit des moyens, tout le monde – du monde EXISTANT [30] comme Tout – n’est pas logé à la même enseigne.

Les systèmes économiques et managériaux, qui font de ces “révolutions“ le socle de leur propagande et de leurs politiques, n’oublient cependant pas d’exalter l’Homme soi-disant évanescent. Comme nous allons le voir, il n’a pas dit son dernier mot.

Homme générique : the concurrent

Si les objectifs correspondent à un résultat prédéfini à atteindre, ils sont avant tout des phrases qu’il faut savoir formuler. Malgré la multitude d’objectifs affichés en flèches et en formules convenues, on peut constater que cette notion reste abstraite pour bon nombre de personnes. Elle est pourtant abordée dans d’innombrables formations : management, conduite de projet, de réunions, d’entretiens d’évaluation, de marketing etc. Malgré ce martelage, malgré le recours récurrent à la symbolique des flèches et des cibles, cette notion reste souvent floue dans les esprits, car, se projeter dans le futur… ma foi, tout est possible : ce peut être une espérance, ou ce que l’on imagine que l’on devrait vouloir, ou l’angoisse de ne pas y parvenir, ou encore, une orientation générale, une étape intermédiaire, et tant d’autres possibles, et puis, les symboles en eux-mêmes peuvent être quelque peu troublants. Car à quoi peut bien faire rêver une flèche éventuellement fichée dans une cible ?

À Mars, dieu de la guerre et symbole du masculin ?

À l’amour, et donc à Cupidon ?

Planté au cœur d’espérances des plus profondes (parfois un peu ingouvernables), l’objectif symbolise la perspective d’atteindre la cible, de jouir ainsi de l’objet désiré (de l’espérer en tout cas, voire de l’anticiper, ce qui peut parfois, malheureusement, occasionner quelques pannes) :

Hors imagerie officielle
Imagerie managériale courante
« Système de gestion de la qualité »
En bas à droite, auto-réplication pénétrante

L’organe phallique, imaginairement plus autonome encore qu’une main (ce qui parfois lui confère une puissance – de fascination), lorsqu’il est symbolisé par des flèches autonomes, est rouge : couleur du sang, symbole de la vie.

Pénis vert (de terre) DD

Quelles que soient les rêveries possibles et les troubles éventuels qu’elles engendrent, pour devenir opérationnels les objectifs nécessitent que l’on maîtrise une certaine méthode, laquelle se révèle fort rébarbative à acquérir. En effet, au-delà du but à atteindre qu’il faut savoir pré-voir, on a bien souvent le sentiment de s’y perdre et d’avoir à couper les cheveux en quatre lorsqu’il s’agit de trouver les bons mots, soit nécessairement des « verbes actifs » qui se doivent d’introduire ces maîtresses phrases (si, si, c’est bien comme ça :) Ce qui n’empêche en rien de s’y pencher avec soin, car de nombreuses promesses sont attachées à l’idée d’une bonne maîtrise des objectifs, et sont puissantes : rêver que le futur dépend de notre volonté, gagner en reconnaissance, en pouvoir de contrôler les autres, obtenir une prime, etc.

Mais si l’objectif représente la chose désirée, ce désir a un coût, celui des engagements pris et des contrôles rendus ’objectifs’ grâce à la mesure des indicateurs – respect du timing, du plan d’action, des moyens, des coûts, des critères qualité –, engagements qui vont prendre la forme d’un contrat à partir duquel seront évalués et éventuellement récompensés les acteurs (les cas de divorce existent mais sont rarement à l’avantage de la ou du salarié).

Biologisme et injonctions contradictoires

L’objectif est un trait de pouvoir. C’est l’art de la guerre banalisé sous forme de désir de (la) gagner. Vendu en tant qu’art de la performance et de l’efficience, sa forme symbolique campe une promesse de virilité démocratiquement partagée par toustes.

Avec les objectifs déclinés, par la démultiplication de l’objectif maître en sous-objectifs imbriqués, l’éclate promise s’inscrit dans un cadre collectif, mais hautement concurrentiel, fortement hiérarchisé et contrôlé.

« Cet ajustement mutuel des plans individuels est provoqué par un processus que nous avons appris à appeler rétroaction négative… » [31]
Friedrich Hayek

L’objectif est une forme de mise en concurrence intériorisée, biologisante. Celle voulue en tant que dispositif de contrôle par Hayek pour les « auto » : autocontrôle homéostasique (rétroaction négative) de chacun des « auto », leur ensemble étant chapoté par le Marché. Soit une forme théorique de mise en concurrence biologisée des personnes, selon les lois de la liberté d’entreprendre, les lois du Marché. À cet égard, le terme « autoentrepreneur » ne saurait être plus parlant. Mais la liberté d’entreprendre, ramenée à un processus “naturel“ finalisé, qu’est-ce d’autre qu’une tyrannie, celle des lois du Marché ? C’est, à tout le moins, une forme voulue, et mise en oeuvre par le management, de rivalité de toustes contre toustes. Et bien évidement, elle est promue comme positive, car it is très bon pour le business.

Projection usuelle vers le futur, l’objectif n’est en fait qu’un retour sempiternel vers une évaluation des actions déjà réalisées et prédéfinies. Objet d’un martelage pervers masquant habilement des contraintes, l’objectif néolibéral joue et se joue… de l’espérance d’atteindre des fins désirées.

L’innovation objective

Outillé par les notions de processus (actions), de feed-back/contrôle (évaluation), le ’futur objectif ’ est celui du progrès continu, il se veut efficacement atteignable. L’objectif est une forme de garantie contractuelle sur le temps, et derrière cette pratique conservatrice de réplication de l’expérience optimisée, les discours vantant l’innovation ne sont que propagande. La « marche en avant » n’est qu’un pur mouvement rétroactif systématisé, un idéal de reproduction du Même/Matériel augmenté.

« La flèche représente la croissance continue et la persévérance dans la réalisation des objectifs. »

Ce logo représente « un sourire caché » [32] (celui d’un Gremlin, qui sait ?). La phrase qui le décrit ressasse toute la banalité de l’innovation, elle est sans autre horizon que sa propre finalité. Scindée en deux énoncés, cette phrase dit deux fois la même chose, sa visée unique est la croissance. Et si l’on y regarde bien, le terme « continue » relève du temps cyclique, « persévérance » du temps “Biblique“, terme qui est rattaché à l’objectif, lequel est… cyclique (rétroactif).

L’imagination, ramenée au matérialisme “naturel“ de la pensée, ne saurait que tourner en rond sur elle-même. Les productions matérielles sont quant à elles presque hallucinatoires en ce qu’elles singent des réalités à la fois fondamentales et familières. Des miroirs qui, de fasciner leurs concepteurs s’y mirant pour eux-mêmes, sont vendus sous des formes pouvant être aveuglantes : réalité virtuelle, intelligence artificielle. Les réalités effectives sont bien plus triviales : exploitation des travailleurs du click ; coûts exorbitants en vies humaines, en énergie, en eau ; modèles efficaces pour produire des abstractions fascinantes, pourtant fondées sur une systématisation de schémas réductionnistes et totalisants : systèmes et boucles de rétroaction, langage rabattu sur le mathématisable.

Un régime de vérités “naturelles“/mathématisées ferait passer du règne de l’ontologie naturaliste à celui de l’analogisme ? Le second n’est qu’une prolongation jusqu’au-boutiste du premier : un régime hyper matérialiste.

Ses supports idéologiques (matérialisables) relèvent du fantastique ubiquitaire d’un Gremlin.

« Phénomène nouveau, produit de l’ère de la machine - l’ère de l’air, le concept de gremlins a été popularisé pendant la Seconde Guerre mondiale parmi les aviateurs des unités de la Royal Air Force (RAF). Les équipages attribuaient aux gremlins les accidents, par ailleurs inexplicables, qui se produisaient parfois au cours de leurs vols. Les gremlins ont également été considérés comme ayant des sympathies ennemies, mais les enquêtes ont révélé que les avions ennemis avaient des problèmes mécaniques similaires et tout aussi inexplicables. Ainsi, les gremlins étaient décrits comme des falsificateurs qui ne prenaient pas parti dans le conflit, mais qui agissaient dans leur propre intérêt. En réalité, les gremlins étaient une forme de ’renvoi de la balle’ ou de détournement du blâme. Selon l’auteur et historien Marlin Bressi, le concept de gremlins, en tant que bouc émissaire, était important pour le moral des pilotes :

"Les histoires de gremlins ont contribué à remonter le moral des pilotes, ce qui les a aidés à repousser l’invasion de la Luftwaffe pendant la bataille d’Angleterre, au cours de l’été 1940. L’issue de la guerre aurait pu être très différente si les pilotes de la R.A.F. avaient perdu le moral et laissé se développer les plans de l’Allemagne pour l’opération Sea Lion (l’invasion prévue du Royaume-Uni). D’une certaine manière, on pourrait dire que les gremlins, aussi gênants soient-ils, ont finalement aidé les Alliés à gagner la guerre".

"Le moral des pilotes de la R.A.F. aurait souffert s’ils s’étaient accusés les uns les autres. Il était de loin préférable de faire du bouc émissaire une créature fantastique plutôt qu’un autre membre de sa propre escadrille" »

Pro Jet

Quittons les objectifs qui se sont révélés un brin rébarbatifs, pour nous intéresser au bien plus inspirant projet. Et chacun semble pouvoir être concerné car se projeter, avoir des désirs, être créatif, ma foi, quoi de plus beau ? Beauté qui peut trouver à s’incarner dans un projet de vie, un projet professionnel ou personnel : devenir sportif de haut niveau, créer un nouveau produit, une solution innovante, une œuvre d’art, avoir des enfants [33].

Sportive/Salariée
Continuité/transformation tracée par des flèches objectives

Mais en fait, tout serait conceptualisable sous forme de projet, c’est ce qu’affirme l’ISO lorsqu’elle précise ce qu’il en est des entreprises systémiques : « Les entreprises telles que décrites dans la norme ISO 15704, c’est-à-dire les entreprises humaines [ !] qui ont une mission, des buts et des objectifs pour offrir des produits ou des services, ou pour atteindre un résultat de projet ou un résultat commercial désiré. » [34] Un projet, c’est tout concept novateur transposable en agir, soit en actions (pas nécessairement celles de la bourse :) débouchant sur une innovation : un nouveau produit ou service.

Cycle de vie du « Management des projets, programmes et portefeuilles »
Norme ISO 21500

Dans un régime hyper déterministe, le projet fait rêver, car si dans son acception courante, il est lui aussi une projection vers le futur, il se révèle bien moins martial que l’objectif. En effet, sa définition le fait relever d’un aléatoire possible puisque le terme « projet » possède trois sens :

1. Intention ;
2. Entreprise et moyens y afférents ;
3. À l’état de projet : aspiration suspendue dans le temps.

Communauté créative

Le projet a fait, et fait de plus en plus florès dans les entreprises, mais également dans le domaine de la recherche scientifiques, à l’école, etc. Son principe est de permettre à des personnes de se retrouver hors logique trop hiérarchisée, car ce sont avant tout les compétences et la créativité qui comptent. On se choisit ou l’on est choisi, on se coopte.

En entreprise, constituée autour d’un objet réputé utile à la collectivité ou pour faire advenir le changement, l’équipe projet va fonctionner de façon autonome et sortir ainsi de la temporalité de la routine. Si son objet est important pour la communauté ou pour la hiérarchie, le nom qu’elle porte – celui du projet – constituera pour ses membres un signe de reconnaissance à faire valoir, d’autant que le projet a nécessairement une dimension créative puisqu’il va s’agir d’innover ou d’optimiser l’existant.

Gilles Clément, jardinier poète, nous dit en quelques phrases ce qui devrait permettre d’aller au-delà de ces plates évidences motivationnelles : « Lorsque nous sommes sollicités pour concevoir un projet, faire une proposition, développer un concept (…) je commence toujours par en revenir à la question de ce que nous connaissons vraiment. Car une fois le projet réalisé, il continue à se transformer. Ça se transforme dans le temps et c’est là que commence ce que j’appelle le partage de la signature. Même si les échanges ont généralement commencé en amont, c’est-à-dire au moment où l’auteur initie le travail avec d’autres personnes. Au niveau même de la conception, le travail se fait en équipe. » [35]

Toute rétroactive que soit cette approche, on le voit bien :

  • Le projet, c’est du sens :
    On va réfléchir, brasser des idées, revenir à ses connaissances, utiliser ou même développer des concepts, inventer ses propres réponses.
  • Le projet redonne de la labilité au temps :
    Au diable le corsetage par les objectifs, le projet voyage, il se peut même qu’il se transforme dans le temps (surtout lorsqu’il s’agit d’un projet ou les fleurs, les bosquets et l’herbe cyclent de concert avec les saisons).
  • Le projet fait signature, il a un nom :
    Prenons l’exemple d’un projet artistique : ’Exposer la Quadrature du cercle au Grand Palais en octobre 2025’, ce qui est un énoncé normalisé : un objectif. Mais le titre du dossier de demande de subvention pourra avantageusement être plus flou et poétique, par exemple : ’Mise sur orbite de la Quadrature du cercle’.

Le projet, c’est un nom donné pour la seule beauté du geste. Et si le projet à un nom, il a forcément un auteur reconnaissable, et, donc, une signature.

  • Le projet est collectif. Il est l’objet d’une conception, de créations, et sa signature est partagée.
    Le projet c’est cette petite équipée à taille humaine qui, soudée par son objet et son nom communs, s’achemine vers la réussite qui la fera sortir de l’anonymat. Quelque chose d’un nom de famille, presque une histoire d’amour, on se choisit, ensemble on fait œuvre de conception, on espère aller ainsi de l’avant le plus loin possible.
Chef de projet en artiste de rue

Rembobinons : l’objectif est martial et sa formulation est normalisée. De plus, si l’objectif est collectif, il s’inscrit dans une structure pyramidale hiérarchisée. Le projet, quant à lui, offre (définitions 1 et 3) des perspectives plus vastes en termes de possibles – presque de liberté –, c’est un dessein, une aspiration, sa temporalité même est ouverte sur l’indéterminé ; par ailleurs, le projet nomme, or le choix de son nom est ouvert lui aussi, et par ce nom, le projet offre une identité ; collectif, le projet est à taille humaine, son équipe fonctionne telle une cellule intimiste et autonome, une sorte de famille recomposée qui fera usage de son intelligence collective et de sa créativité.

Le projet… enfin du désir plein et noble.

Amour, recherche, créativité, conquête (espace et objectif), œil dechakra veillant dans les nuage, et pas de rigoureuse horloge linéaire à l’horizon

C’est quel système déjà ?

Je ne connais pas Gilles Clément, mais j’invente qu’il conçoit ses jardins d’une façon assez détachée des institutions, dans une forme de liberté liée à sa renommée, ce qui lui permet de choisir ce qu’il fait, et avec qui. Quoiqu’il en soit, il aura peut-être constaté que lorsqu’on parle projet, en entreprise, les bouches se mettent en rond autours des termes de créativité, d’autonomie, etc., en les suçant comme des bonbons, l’occasion de faire également savoir qu’un projet est potentiellement « ouvert », de citer les systèmes du même nom, ou ceux qui sont « auto-organisés », [36] ou encore de se réjouir de faire partie d’une communauté au sein d’une « entreprise agile ». « Si l’agilité en entreprise s’est au début illustrée dans un environnement très digital, elle est dorénavant revendiquée par toutes les entreprises, peu importe leur taille (une start-up ou une entreprise traditionnelle) ou leur domaine d’activité. Révolutionnaire pour certaines d’entre elles, car elle place la satisfaction du client au cœur de son organisation, l’agilité […] est la capacité à s’adapter rapidement et efficacement à des changements. » [37]

Revoici donc la bonne vieille qualité [38] (satisfaction client) placée au sommet de la révolution managériale actuelle, décidément, l’innovation n’est que recyclage de très vieilles lunes. En ce qui concerne les capacités d’adaptation efficace et rapide aux changements, il s’agit très précisément de termes qui campent le temps cyclique rétroactif.

Au plan de l’imagerie, les projets, en particulier ceux qui relèvent d’actions collectives, sont bel et bien figurés par des boucles de rétroaction, soit le cœur même des systèmes, non pas auto-nomes ou auto-organisés, mais auto-régulés (homéostasie).

Au plan des symboles, une roue de flèches est moins suggestive que les flèches linéaires de l’objectif. Une boucle de rétroaction n’en compose pas moins un ensemble de symboles possibles, une pièce de monnaie, les roues crantés d’un mécanisme, une horloge que l’on fait avancer soi-même, etc.

La boucle de rétroaction est fondamentalement le symbole de la mise en production/reproduction. La flèche peut donc y symboliser l’étalon maître, l’objectif structurant de la grande et belle boucle matricielle qu’il compose. C’est en quelque sorte un kit complet d’auto-engendrement (autopoïèse).

Ici la rétroaction est positive (flèches tournant vers la gauche), c’est celle de l’augmentation des phénomènes (et aussi celle qui provoque l’accouchement).

On peut également imaginer une génération de « Mêmes » en cascade : le feedback évaluer s’en va féconder la conception, qui s’en va féconder le développement, etc., ad libitum. La boîte noire centrale garde, hors la vue, sa gestation virginale des résultats féconds. Ce second déchiffrage renvoie tout aussi bien à ce que Kafka décrit à propos de l’enfer bureaucratique : la réponse à la question posée au bureau A est à chercher au bureau B, qui renverra au bureau C, etc… les fins de la boîte noire sont aveugles, mais elles peuvent tout aussi bien être riantes, Gremlinesques.

Au Top

S’agissant de l’esprit de la chose, les éléments dégagés plus haut à partir des propos de Gilles Clément étaient là pour apprécier quelques différences avec ce qui se passe en entreprise. Si l’équipe y partage bien un nom (celui du projet), c’est qu’il y a nécessairement un auteur, et donc un chef, qui est rarement le chef de projet lui-même. Ce dernier est réputé être avant tout au service de l’équipe et de la cause. Il a dûment été formé au pilotage de projet, il se doit donc d’être à l’écoute, de laisser un minimum d’autonomie aux membres de son équipe, et d’être empathique quoi qu’il arrive. Autrement dit, il lui revient de se comporter selon les canons de la flexibilité relationnelle, et la tâche lui est facilitée puisque, ayant été composée sur la base de compétences, son équipe tient nécessairement la route. Elle se réunit, discute, elle va parfois même jusqu’à inventer des choses, celles-ci étant encadrées par quelques méthodes modélisées, maîtrisées à tout le moins par le chef de projet (carte mentale, brainstorming, Métaplan, et l’infini des possibles en fonction de la nature du projet). Si le projet réussit, chaque participant pourra faire valoir qu’il en a été l’un des acteurs, cependant seul le manager du projet pourra revendiquer la paternité de la conduite de la démarche et en tirer les honneurs et avantages principaux. Et cela est bien normal, puisque dans le cadre d’une logique de contrat (par objectifs), c’est lui, au premier chef, qui a des comptes à rendre.

Dédié aux sportifs de haut niveau, l’INSEP : manager d’auto-projets

L’art comme projet

Vu l’utilisation courante du terme « projet » dans bien d’autres champs que celui du monde de l’entreprise, des chanceux doivent nécessairement échapper au carcan des boucles rétroactives. Voyons donc ce qu’il en est dans le monde de l’art par exemple. « Un projet présente les objectifs de l’artiste et la pertinence ou l’impact que la réalisation du projet aura sur sa carrière professionnelle ou l’évolution de sa pratique artistique. Ce texte retiendra les différentes étapes de réalisation, les matériaux utilisés, les déplacements prévus, l’assistance disponible, le budget nécessaire pour le réaliser. Il doit de préférence être rédigé dans un style direct, explicatif, étant destiné à être analysé dans un cadre très précis [39] ».

Pour obtenir des subsides ou exposer dans un lieu renommé, il n’est donc pas question d’envoyer un poème ou même une statuette imprimée en 3D, mais bien les éternels objectifs, prévisions de résultats, plans d’action, estimation de moyens et de coûts… en d’autres termes, le projet semble bien être le même pensum pour tous, celui qui correspond à sa seconde définition : une entreprise et des moyens y afférents. Mais d’où vient, alors, que le mode projet ait si bonne presse ? Sans doute est-ce dû au fait que le projet est devenu obligatoire si l’on espère obtenir quelque subvention. Et puis, le projet s’étant principalement ancré dans sa seconde signification, avoir un projet, c’est être sérieux dans ses intentions. Mais au bout des comptes, avec ou sans l’obtention d’une subvention, avoir un projet, aussi confidentiel soit-il, offre la possibilité de se nommer, et donc d’être reconnu. De se nommer artiste.

Avec des si…

Avoir des aspiration suspendue dans un temps indéterminé, se projeter dans le futur peuvent être des moment désirables, voire excitants, et c’est bien tout l’intérêt de la chose. La temporalité du projet étant dans les faits strictement programmatique, il va s’agir de redescendre sur le terrain de l’efficience, comme c’est le cas avec les objectifs, qui sont bel et bien l’étalon maître d’un projet. Cependant, avec la notion de projet l’illusion fonctionne mieux encore qu’avec l’objectif… Une très vieille histoire : être créatif et être reconnu, sortir de la masse en se faisant un nom, une « identité », puis passer à la postérité, qui sait  ?

Le projet fait rêver, précisément car il est en apparence opposé à la procédure. Objectifs et projets étant, dans les faits, des processus normalisés, une planification d’actions et de moyens, le projet est avant tout une modalité de rabattage de l’espérance sur les rigueurs déterministes de l’objectif. Ainsi, tout comme l’objectif, le projet est un mode de production d’injonctions contradictoires

Projet et objectifs constituent de belles petites machines à fantasmes, qui jouent sur l’ambiguïté entre le temps linéaire – espérance dans le futur – et la rationalité strictement déterministe de la rétroaction, tout comme ils jouent avec les rêveries convoquées par la créativité, la reconnaissance, l’autonomie, mais également par le pouvoir de maîtrise, voire de domination. Relevant de la captation des désirs et des pulsions, sous couvert d’efficacité et d’efficience, le virilisme guerrier des objectifs est, de fait, un ressort puissant du capitalisme néolibéral.

« Mécaniques du vivant »

En guise de conclusion, ce titre. Celui d’un podcast dont France Culture publicise l’intérêt. Son contenu doit apporter bien des éclairages effectivement intéressants sur les ravages que subit la « biodiversité », ou sur les liens étroits existant entre les animaux humains et non humains, en quoi l’aproche biologisante contemporaine se fait “égalitaire“. Elle fait ainsi fi de ce que le biologique n’a eut, n’a, et n’aura besoin de personne pour faire son œuvre quotidienne, comme il le fait depuis des millénaires. Tandis que les crédos biologisants ont, eux, une histoire, dont tout un chacun, en occident, a entendu parler à l’école. L’“égalitarisme“ biologisant relève en première instance de calculs électoralistes ou de propagande intéressée, qu’il s’agisse de l’égalité avec les animaux, entre hommes et femmes, etc., soit ce qui relève prioritairement des politiques dites de « non discrimination ».

Toutes les considérations sur le tout en Un que sont l’objectif, le projet, le feedback et la boucle de rétroaction fermée, (un seul et même principe), ne peuvent faire oublier qu’il s’agit, en première instance, d’un dispositif biologique d’autocontrôle (homéostasie). Or dans un système social hiérarchisé, cet autocontrôle devient contrôle hiérarchique. C’est du reste ce qui constitue l’attrait premier de la chose pour l’économie et les pouvoirs politiques. Au plan du Marché, c’est, au sommet de la pyramide, la sacrosainte liberté d’entreprendre agie par les « auto », eux-mêmes agis par leur dispositif interne de contrôle : la boucle de rétroaction fermée de Bertalanffy et Wiener si chère à Hayek. Et ce sont bien les forces économiques et politiques qui veillent à ce que ce dispositif de contrôle soit intériorisé au mieux, quel qu’en soit le prix (tous les « bullshit jobs » managériaux, les formations continues de toutes sortes, les cabinets de conseils en organisation, etc.) Les organisations, en elles-mêmes, sont structurées dans ce même sens. Une structure en poupées russes est l’image la plus simple que l’on puisse donner des structures contemporaines hiérarchisées, étatiques, institutionnelles et économiques (entreprises), où le niveau supérieur formalise les objectifs des niveaux inférieurs, qui à leur tour, etc. Mais une structure en poupées russes, c’est tout aussi bien une « structure hiérarchisée, dominée à chaque niveau par le principe du Führer [Führerprinzip] » [40], définition systémique, biologisante, de Bertalanffy. Si suggérer une telle comparaison peut choquer, on ne peut oublier que les nazis étaient adeptes du corps communautaire et mécanique, dont le principe était celui de l’expulsion, en dehors de lui, des “nuisibles“. Le corps communautaire, c’était également la volonté de mettre à bas la séparation entre l’État et la société civile, en remplaçant l’État par des agences. De nos jours, on parle fréquemment d’un phénomène de re-féodalisation, soit la constitution de baronnies élitistes fondées sur les pouvoirs économiques et technologiques. L’époque n’est plus au racialisme ouvert, mais à la cooptation fondée sur la puissance de l’argent. Partant, on peut faire l’hypothèse que les nouveaux gouvernants américains, par exemple, vont capter le maximum possible de subsides étatiques au profit de leurs intérêts, et consolider ainsi leurs baronnies. Quelque chose qui fait inévitablement penser aux formes privilégiées par les mafias, lesquelles se sont par ailleurs organisées de façon mondialisée selon les canons de l’efficience transnationale, managériale et logistique.

Si les nazis constituent bien l’exemple le plus parlant d’une approche biologisante fondée sur la pureté du sang, les fascistes, quant à eux, ont fondé leur unité sur le nationalisme. D’abord fervents défenseurs des grèves qui ont eues cours, au début du XXᵉ siècle, sur fond de crise du capitalisme ultra libéral, foncièrement opportunistes, ils étaient capables « de lancer le mot ordre : “Faire payer les riches“ » [41]. Un fois au pouvoir, ils n’ont eus de cesse de les rallier à leur cause avec certains succès. Promoteurs, par voie de publicité, de l’achat des produits nationaux, ils ont mis en œuvre un État italien total, dont la vocation était d’absorber la société civile. « Le “peuple“ et les “masses“ ne doivent exister que par l’État, et le concept de “producteur“ englobe les travailleurs et les entrepreneurs : il nie l’existence des classes sociales. Le fascisme est le parti de ces “producteurs“, le parti des travailleurs atomisés organisés par l’État. » [42]

Qu’il s’agissent d’agences, de baronnies ou d’État total nationaliste, ceux qui dirigent ce type d’organisations fonctionnent selon les canons de l’entre-soi. Et, ceux qui sont désignés comme étrangers à l’organisation sont traités en tant que quantités négligeables, voire dangereuses.

Le terme « État » est une abstraction, autrement dit un mot valise, un signifiant Un pouvant désigner de multiples signifiés : des frontières géographiques, le peuple ET le gouvernement, l’État versus la Société Civile, la raison ou les crimes d’État, etc. On configure ou reconfigure la forme État en fonction des pouvoirs dont on dispose contre des personnes mises en minorité. Parler de « racisme d’État », ou de « racisme systémique » pourrait faire oublier que c’est la forme État, ou la forme systémique sociale, qui, en elles-mêmes, sont hiérarchisées et excluantes. Nous avons vu qu’avec le néolibéralisme, elles sont également adossées à la mise en concurrence individuelle.

« Dieu », lui aussi, est une valise : catholiques, orthodoxes, protestants, islam, judaïsme, religions qui peuvent avoir des sous-courants parfois antagonistes, pentecôtiste, évangéliste, sunnite, chiite, etc.

Si une forme valise est un vecteur puissant pour les idéologies, celles-ci tendent à s’y fractionner en courants visant à se distinguer à l’intérieur du Un (on ne comptent plus les guerres et luttes fratricides de ce genre.) Mais voilà que si un Tout tend à se fractionner, l’émiettement, lui, tend à faire désirer l’Unité. Or le déterminisme actuel, celui strictement “naturel“ (en fait mathématisable) du plancher des vaches, pousse à faire regretter le déterminisme d’un Dieu Un, celui qui décide du destin de chacun (un présence que l’on a en soi, en tant que phénomène bienveillant et protecteur chevillé au corps et à l’âme). Car le décryptage de plus en plus systématique et précis de nos cerveaux, de nos émotions, de ceux des autres animaux, quête qui semble ne jamais pouvoir finir et qui est nécessairement réalisée pour notre bien, notre sécurité médicale, le prolongement de notre durée de vie, l’optimisation de notre efficience cognitive, etc., cette quête relève d’un dérèglement qui émiette le sensible à l’infini. Il en va d’une sorte de transparence illimitée du “naturel“, quantifiable et optimisable, qui s’affiche en résultats factuels toujours renouvelables, et qui sont en cela captivant (dans tous les sens du terme). L’État produit par exemple des statistiques concernant ce qu’il y a de plus intime dans nos vies, nos pratiques sexuelles et leurs évolutions. Après nous avoir servi des pourcentages de chacune des positions possibles, les médias nous le disent, les rapports sexuels sont à la baisse tandis que les violences augmentes. La solitude, quant à elle, n’a jamais autant été à la hausse. Faudrait-il se réjouir d’être traduits en programmes audiovisuels agencés cycliquement en saisons, chacune d’entre elles se proposant d’aborder une dimension irréfutable, puisque statistique, des mécaniques de l’animal occidental en berne ? Où si l’on espère nous guérir grâce à une approche de type alcooliques anonymes : ah, finalement je ne suis pas seul à être seul, vraiment, ça fait du bien ! Si elles peuvent prêter à rire de leur ineffable bêtise, ce type d’entreprises ne sont que de sidération et d’asservissement.

Et la “blague“ est de taille, car voilà plus de quarante ans maintenant que c’est bien le régime hyper rationaliste du chiffrage économique qui n’a fait que renforcer son emprise de façon continue. À présent il prend une forme que l’on pourrait nommer “écototalibéralisme“ : des élections portent aux nues une marque (parfum Trump, thé Trump, vodka Trump, cravates Trump, matelas Trump), laquelle s’est hissée aux sommets grâce aux business de l’immobilier, de l’aviation, du golf, etc. Elle s’adjoint les services et les complicités d’un faiseur de satellites, de logiciels, de paiements en ligne, d’automobiles, de batteries au lithium, d’IA, etc., soit celui qui, en toute logique autototaléco, va être nommé « Ministre de l’efficience gouvernementale »

Comme tout un chacun le sait, ni les penchants pour la communauté de solidarité organique, ni le vitalisme, n’ont quoi que ce soit de riant à proposer en termes politiques. Le régime du rationalisme chiffré et du déterminisme naturalisant leur a ouvert quelques larges boulevards. À présent, le transhumanisme de la Sillicon Valley a pignon sur rue aux États-Unis, il fait inévitablement penser aux courants hygiénistes et malthusiens qui prétendaient eux aussi améliorer l’espèce, en n’hésitant pas à faire des déclarations nauséabondes sur les catégories de personnes dont se défaire. Musk va diriger The Department of Government Efficiency (DOGE), dont l’acronyme renvoie au mandat à vie, aux pouvoirs de décider de la guerre ou de la paix, de commander les armées, de nommer aux fonctions civiles et ecclésiastiques, de présider le sénat. La monnaie était frappée au nom du doge. Les résultats concrets n’auront peut-être rien à voir, mais la prétention affichée est, à elle seule, abjecte.

Pour conclure sur l’hyper matérialisme

Les évolutions économiques – de l’industrie (production physique d’objets) aux activités de service (conception et production abstraites) – ont croisé avec les évolutions bio-informationnelles, informatiques et technoscientifiques.

Le temps du cyclique “naturel“ continu est aussi celui, linéaire, d’une poursuite martiale du progrès.

La production capitaliste de concepts abstraits, des connaissances et des objets, relève de grands mots : conception, production, reproduction (aux processus équivalents). Les images de pureté virginale d’une Mère Une et de puissances viriles sont leur écho respectif. Leurs rapports mutuels s’inventent comme infiniment systémiques.

Des abstractions conceptuelles s’incarnent, toutes les variations idéologiques y sont possibles. La réalité elle-même possèderait son double virtuel, d’où provient la « réalité alternative » d’un Trump, une expression qui n’aurait eu aucune cohérence il n’y a pas si longtemps.

Mais si l’« auto » est actif, les personnes, elles, ne sont pas si “bêtes“ : « La Grèce a été paralysée ce mercredi 20 novembre, lorsqu’une grève générale de 24 heures a rassemblé des travailleurs de tous les secteurs, notamment l’éducation, la logistique, la construction, les transports publics et la santé, dans les rues de dizaines de villes. La mobilisation de masse, qui a commencé tôt le matin, a fait suite à une grève des médias mardi, à laquelle ont participé des médias publics et privés. » [43] L’approche par métiers tend à s’effacer derrière celle du management globalisé, les « travailleurs atomisés » par le fascisme le sont à présent par le Capitalisme néolibéral adossé aux États. Cependant, personne ne peut s’endormir sagement ou s’assoir sur les conditions qui nous sont faites. Celles-ci ne cessent d’empirer, les personnes concernées sont de plus en plus nombreuses.

Considérations formelles sur l’égalité

« Même » et « égalité » ne sont pas des analogies. Ils sont promus comme équivalents grâce au primat de l’argent. Le premier est abstrait et produit l’identitaire (puisqu’il nous est vital de nous distinguer), et si le second peut être quantifié, dans les faits, il est de pratiques et de reconnaissance communes. Et, fondamentalement, le plus grand nombre aspire à la bienveillance et à l’égalité. Tous les enfants le savent, même si des rivalités entre eux trouvent bien souvent à être exacerbée (notoirement par les approches pédagogiques par objectifs, les systèmes d’évaluation continue et d’accès scolaires).

Ce qui pour l’égalité est complexe, c’est la puissance, son attrait (toujours un peu plus publicisé) ; la propriété, en particulier la propriété morale qui est immortelle, forme la plus abstraite et aboutie de la propriété ; l’État, abstraction qui mêle « peuple » et « gouvernement » au plus grand profit du second, qui ne saurait pourtant disparaitre sans provoquer l’émergence de milices armées et prédatrices, et sans laisser derrière lui des produits hautement toxiques nécessitant une maintenance complexe et coûteuse, de long terme.

Lorsqu’elles sont utilisées par des détenteurs de pouvoirs concrets et/ou symboliques (qui peuvent être individualisés), les échelles de valeurs relatives aux personnes sont irrecevables, quelles que soient les catégories dépréciatives ou appréciatives utilisées ; de même, le nationalisme est irrecevable, tout comme l’appropriation du Droit par des minorités de gouvernement, et encore, la prédation et l’extractivisme qui sont nécessaires aux capitalisme (nos objets numériques, par exemple, ont couté et coutent d’innombrables vies aux Congolais [44]).

L’égalité concerne tout être doté d’un langage lexical – aussi minoritaire ou individuellement défaillant que ce langage puisse être –, ses liens avec ses égaux et avec son milieu (physique). Elle s’exprime et s’expérimente dans la proximité et vise à l’essaimage mutuel entre proximités de plus en plus lointaines. Ce qui ne constitue pas pour autant un Réseau. Ne confondant pas ses fins avec des formes d’organisation promues comme efficientes, en horizontalité vague, les contours organisationnels de l’égalité sont de vagues. Si les responsabilités y sont définies et pleinement assumées, s’en dessaisir est possible ; elles sont révocables et nécessairement transitoires. La remise en question toujours possible des buts et des modes d’organisation inscrit les discussions dans une temporalité lente, où le vote fait partie des problèmes plutôt que d’être une solution. La prise de décision n’est pas un dogme, on s’en passe pour revenir plus tard sur ce qui n’est pas passé, si le sujet insiste. Si les discussions sont parfois lentes, les actions sont promptes.
Le temps il est à qui ? Il est à nous.

Ces considérations fort pragmatiques ont été concoctées dans un face à face solitaire avec l’écran, en quoi elles sont nécessairement formelles et, inabouties. De plus, elles proviennent de réflexions formulées et traduites dans les faits depuis maintenant des siècles, et tout le monde sait bien qu’il n’y pas d’autres réponses que celles du tissage et du retissage de liens, de l’action commune et du serrage intense de coudes.

À suivre… quelques considérations sur les « comportements », tels que resservis par le cognitivisme et développement personnel.

Amitiés,

Natalie

[2Augustin Garcia Calvo, Qu’est-ce que l’État ? Atelier de Création Libertaire (2021)

[3David Graeber, Possibilités. Essai sur la hiérarchie, la rebellion et le désir. Rivages Poches (2007)

[4Ontologie :
A/ Définition du Robert :
1/ Philosophie : Partie de la métaphysique qui traite de l’être indépendamment de ses déterminations particulières.
2/ Informatique : Ensemble structuré de concepts permettant de donner un sens aux informations.

B/ Définition de Wikipédia :
L’ontologie est, en philosophie, « l’étude de l’être ». Le terme est composé d’onto, tiré du grec ancien ὤν (ôn, ontos) « étant, ce qui est », et de logia, tiré du grec ancien λόγος (logos) « discours, traité ».
Mais on le trouve utilisé dans d’autres domaines. En anthropologie, l’ontologie se réfère aussi à « la nature de la réalité, à la nature des choses (êtres humains et non-humains, objets) et à la nature de leurs relations (incluant leur existence, leur enchevêtrement et leur devenir communs) telles que conçues, vécues et mises en actes par les acteurs culturels / agents sociaux ».

C/ Définition de Philippe Descola : « systèmes de propriétés des existants, lesquels servent de point d’ancrage à des formes contrastées de cosmologies, de modèles du lien social et de théories de l’identité et de l’altérité. » Par-delà nature et culture, op. cit.

[5Théorie des opérations de la compréhension impliquées dans l’interprétation, l’herméneutique concerne l’art d’interpréter les textes, les lois, les rêves, des actions, des événements, etc

[6Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard (2005).

[7Descola précise que les ontologies ne sont pas nécessairement “pures“ et peuvent être empruntes de quelques mélanges, au cours du temps notamment.

[8Thibault Prévost, Les prophètes de l’IA. Pourquoi la Silicon Valley nous vend l’apocalypse, Lux (2024)

[9Voir note 3

[10Voir note 4

[11Luis Andrès Bredlow, Notes sur la résistance, la tradition et l’indigénisme, in Augustin Garcia Calvo, Histoire contre tradition. Tradition contre Histoire. Éditions la Tempête (2019)

[12Gilles Deleuze, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle, L’Autre Journal (1990), consultable sur 1libertaire.free.fr

[14Presque textuellement, d’après : Objectif, Dictionnaire de philosophie. www.dicophilo.fr

[15Forme identique aux organigrammes, ou à certains logigrammes de processus, en particulier informatiques.

[16Carl von Clausewitz (1780 - 1831) « ’La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens.’ Cette maxime de Clausewitz est devenue l’une des phrases les plus célèbres de notre temps. Clausewitz a été lu et médité par les militaires prussiens, Lénine, Mao, Eisenhower, Henry Kissinger, Raymond Aron. Son traité De la Guerre (Vom Kriege) est au programme des Académies militaires américaines. L’image de Clausewitz est aujourd’hui ambivalente. Considéré, à l’égal d’un Thucydide, comme la plus grande référence de l’histoire de la pensée stratégique, il est aussi un auteur contesté, parfois envisagé comme celui qui ouvre la porte aux guerres totales du XXe siècle. » www.herodote.net

[17Rock Desportes, La stratégie en théories, Politique étrangère (2014). Consultable sur CAIRN

[18Le sommet de la pyramide, ou de l’arborescence, représente le niveau le plus puissant et englobant : le petit nombre des personnes décisionnaires, ou l’objectif général d’où les autres découlent . Ce sommet est équivalent à la plus grande poupée russe, dont le graphisme est impossible à utiliser puisque la plus grande poupée masquerait le reste de la structure que l’on voudrait représenter. D’où l’utilité des pyramides et des arborescences qui donnent à voir chaque étage d’une structure hiérarchisée.

[20PRINCE2 « méthode promue par le gouvernement britannique, qui se positionne comme méthode mettant en œuvre des principes de gestion de projet avec des concepts compatibles avec ISO 21500, et se voit donc complémentaire avec ISO 21500 ».

[21Ce chapitre repart de notions abordées et expliquées dans Cyberbasiques et dans Nourritures temporelles

[22Sauf indication contraires, dans ce chapitre, les phrases en italique sont des citations de Wiener, dans un extrait de l’incontournable article de Peter Galison, The Ontology of the Enemy : Norbert Wiener and the Cybernetic Vision (1994), www.journals.uchicago.edu

[23Téléologie : « Étude des fins, de la finalité. Science des fins humaines (bonheur, justice).

Doctrine qui considère que dans le monde tout être a une fin, qui conçoit le monde comme un système de relations, de rapports entre des moyens et des fins. « Cette détermination intentionnelle paraît surtout évidente dans les êtres vivants qui forment un tout fini ; elle le paraît moins pour le physicien et le chimiste qui ne voient que des fragments des phénomènes généraux du grand tout. (Claude Bernard, Notes, 1860). »

Extrait de la définition du CNRTL. www.cnrtl.fr

[24David A. Mindell, Datum for its Own Annihilation’ : Feedback, Control, and Computing, 1916-1945, Massachusetts Institute of Technology (1996)

[25John von Neumann, Atomic Heritage Foundation. www.atomicheritage.org

[26Cité par René Misslin, Les cercles fonctionnels de von Uexküll en tant que modes existentiels. Sur la question des fonctions statistiques et prédictives du cerveau, voir Stanislas Dehaene, Psychologie cognitive expérimentale.

[27« Purpose » peut également être traduit par « finalité » ou « objectif ».

[28« Un gremlin est une créature fictive et malicieuse inventée au début du 20e siècle, à l’origine pour expliquer les dysfonctionnements des avions, puis d’autres machines, processus et leurs opérateurs. Les représentations de ces créatures varient considérablement. Les histoires à leur sujet et les références aux gremlins comme causes de problèmes techniques et mentaux particulièrement inexplicables des pilotes ont été spécialement populaires pendant et après la Seconde Guerre mondiale » en.wikipedia.org

[29Norbert Wiener, Cybernétique et société. L’usage humain des êtres humains. (1950)

[30Terme maître de l’ontologie.

[31Hayek (1968), cité in Hannah Bensussan, Entre spontanéité et contrôle : ce qu’Hayek se refusait de penser, Cahier d’économie politique n°82 (2023)

[33« Projet de naissance  » proposé notamment dans certaines maternités.

[34Logiciel, systèmes et entreprise — Description de l’architecture. Norme ISO/ IEC/IEEE 42010 2022-11

[35Gilles Clément, Le partage de la signature et l’art involontaire. Les Limites du vivant (ouvrage collectif), Éditions Dehors (2016)

[37Mathilde Hardy, Qu’est-ce qu’une entreprise agile ? Cadremploi

[39Guide pratique à l’intention des artistes en arts plastiques et visuels en Belgique, Conseil National belge des Arts Plastiques, UNESCO

[40Citation déjà donnée et commentée dans « Nourritures temporelles ». Bertalanffy cité par David Pouvreau, Une histoire de la ”systémologie générale” de Ludwig von Bertalanffy - Généalogie, genèse, actualisation et postérité d’un projet herméneutique, Histoire, Philosophie et Sociologie des sciences. École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) (2013).

[41Charles Reeve, L’éducation à l’assujettissement. Le socialisme autoritaire et le fascisme. Revue Brasero n°4 (2024)

[42Ibidem

[44Voir par exemple The Conversation ou Herodote, et pour se rassurer après ces lectures, voir sur le blog du PNUD (organisme U.N. pour l’éradication de la pauvreté, la réduction des inégalités et de l’exclusion) sur le Congo, un peu d’égalité entre les sexes, un peu de DD et de politique numérique.

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