D’un printemps à l’autre, {faire mouvement} !

« Etre gouverné c’est insultant. »

paru dans lundimatin#103, le 9 mai 2017

Quoi qu’on en dise, du printemps 2016 à aujourd’hui, il y a une constante dans la rue : la présence déterminée de la jeunesse. Si la jeunesse n’a bien évidemment pas fait toute seule le mouvement contre la loi Travail, c’est son irruption récurrente, incontrôlable qui a posé la signature singulière de cette lutte. Une fois l’été passé, c’est encore la jeunesse qui a tenté de s’organiser pratiquement à partir d’un constat devenu entre-temps flagrant : l’inanité du spectacle électoral. Ce fut la tentative initiée par « Génération ingouvernable ». Quand est survenu le viol de Théo, c’est encore elle qui, presque seule, dans les banlieues comme dans les centres-villes, a refusé de laisser passer cette ignominie. Face à la passivité générale, elle a littéralement sauvé l’honneur. Alors que tout le monde est bien forcé de constater l’absurdité de mois entiers de farce présidentielle, il n’y a que la jeunesse, et quelques sections syndicales, qui ont jugé impossible de ne pas prendre la rue au moment du premier tour et de l’entre-deux tours.

Lors de la manifestation du 1er Mai à Paris, la police a fait une manœuvre qui mérite d’être comprise politiquement. Elle a tenté de séparer le « cortège de tête » du corps de la manifestation en vue de le nasser. Il n’a tenu qu’à la solidarité de certains syndicats et de tous ceux qui tentèrent alors de rejoindre la tête de cortège que la police ait dû renoncer à embarquer 300 personnes d’une traite. Cette manœuvre policière illustre parfaitement ce que les gouvernements redoutent politiquement : que s’établisse entre la jeunesse politisée et tous ceux qui n’en peuvent plus de l’aberration régnante une complicité pratique.

Avec Macron, chacun sait à quoi s’attendre. Quelque chose entre Margaret Thatcher et Tony Blair. C’est pour cela qu’il faut, plus que jamais, agir sans attendre. Que Macron n’ait même pas le temps de commencer à dérouler son programme, avant que ça bloque, avant que ça grève, avant que ça charcle. Macron, c’est le jeune idéal d’un monde de vieux. C’est le dernier masque en date du vieux monde. Un simple pantin du capital. Nous préférons devenir autonomes plutôt que nos propres patrons. Nous préférons monter des barricades plutôt que des start-up. Nous préférons occuper une Maison du Peuple à Rennes plutôt que de nous laisser occuper par le travail et les distractions prescrites. Nous préférons toujours construire la Commune à Notre-Dame-des-Landes ou à Bure plutôt que de tenir les murs d’uns société capitaliste qui s’effondre. Nous préférerons toujours brûler les palais plutôt que de crever de burn out.

Nous sommes assez lucides pour voir que, face à Macron, la jeunesse qui s’est formée politiquement dans les dernières années n’a aucune chance, si elle reste seule. Elle serait un fer de lance auquel manquerait le manche. Nous voyons aussi toute la puissance révolutionnaire qui pourrait se dégager d’une composition offensive de tout ce qui ne se retrouve pas dans le projet néo-libéral de Macron. On a déjà vu une esquisse de cette puissance dans le conflit parti de la loi Travail. Ce qui a manqué alors, ce sont des voies de communication et des possibilités d’organisation commune entre syndicats, cortège de tête, jeunes précaires, banlieusards, retraités, étudiants ou simples mécontents. C’est cela qu’il nous faut bâtir de toute urgence. Il nous faut nous donner des formes communes, des lieux communs, des temps partagés. Il nous faudrait, pour nous organiser correctement, des équivalents de ce que furent les bourses du travail, des moments aussi éphémères et forts que des matinées passées sur des blocages, des débats stratégiques comme en a connu, en son temps, le mouvement ouvrier. Il nous faut trouver l’intelligence tactique qui s’exprime si régulièrement à la ZAD de Notre-dame-des-Landes, et qui fut si rare dans les AG de Nuit Debout.

Une forme qui nous parle et qui a fait ses preuves historiquement est celle des comités d’action. Le comité d’action, dans la mesure où il part des possibilités pratiques qu’offre une situation, est par principe ouvert à tous ceux qui veulent se battre. Dans l’action on ne te demande pas ce que tu es, mais ce que tu fais, et ce qu’il y a à faire. Face aux prévisibles restructurations macronistes, des comités d’action dans les hôpitaux, dans les quartiers, dans les écoles, dans les gares, dans les entreprises, dans les universités. Partout, des gens qui s’organisent pour reprendre leur vie, et ne pas subir seul le sort auquel ils sont promis. Il s’agit de s’organiser par-delà les statuts et les hiérarchies à partir des possibles contenus dans la situation, et de la joie de ne plus être le jouet de la politique.

Être gouverné, c’est insultant.

Des interdits de manifestation parisiens

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