Communiqué officiel de l’Équipe Terrestre d’Écologie (ÉTÉ)

« Dilater la richesse, le sens et la portée du geste sportif pour l’arracher aux serres appauvrissantes et polluantes du capitalisme. »

paru dans lundimatin#345, le 27 juin 2022

Depuis leur annonce, l’organisation de la coupe du monde de football au Qatar en 2022 et des Jeux Olympiques à Paris en 2024, suscitent de très nombreuses critiques et mobilisations. Pour beaucoup, ces évènements sportifs mondiaux sont d’abord d’immenses machines de propagande, de gentrification et de profits. Et les scandales les entourant ne manquent pas : corruption, mort de milliers d’ouvriers sur les chantiers du Qatar, destruction de pans entiers de l’agglomération parisienne pour y construire des infrastructures dont la population n’a que faire. Cependant, cette indignation s’accompagne souvent d’une critique superficielle du sport, de ce qui dans sa pratique reste irréductible au capitalisme. Ce texte, en forme de manifeste, propose un contrepied, notamment au communiqué officiel de l’équipe de France de football paru le 1er avril chez nos amis de la revue Terrestres. Il s’agit de former une autre équipe qui prendra au sérieux l’écrasement capitaliste du monde, l’écologie, mais aussi « le sens et la portée du geste sportif ».

Nous, membres de l’Équipe Terrestre d’Écologie, champions des mondes naturels, annonçons que nous ne participerons plus à la Critique de la Coupe du monde de football 2022 au QATAR et à celle des Jeux Olympiques 2024 à PARIS.

Cette décision nous met probablement un peu à l’écart, vu les tendances antisportives de certaines branches écologistes. Mais nous la pensons juste, et nous espérons qu’elle conduira d’autres amis de la nature à prendre conscience de ce qui nous pousse à prendre la parole.

Nous nous sommes en effet aperçus que nous nous laissions aller à parler de sport en occultant ce qu’il y a d’irréductible au capitalisme. Nous dénoncions la destruction des sols et des arbres, du corps des athlètes et des ouvriers des stades – et il fallait le faire, mais nous restions aveugles à la contestation proprement sportive de l’espace et du temps capitalistes.

Nous laissions entendre que les sportifs sont incapables d’arrêter leur folle course vers la réussite, qu’ils sacrifient leur vie et le jeu au profit de la compétition, mais nous n’apercevions pas que la quête de victoire les amène au contraire à se délester du poids des efforts consentis, à dépasser les lourds enjeux pour réussir à bien jouer.

Nous nous séparions aussi à bon compte des masses sportives et de leurs comportements déraisonnables pour nous apparaître plus sains et intelligents, et nous avions oublié notre aversion habituelle pour l’élitisme et les postures professorales manifestes.

En résumé nous qui voulions accorder lucidité et ludicité, nous ne faisions que marier méprise et mépris. Nous qui voulions parler concrètement pour retrouver l’accord du pied et de la terre, nous ne faisions qu’abstraire la réalité du terrain, et renforcions finalement la sinistre accointance entre sport et capitalisme.

Nous avons donc récemment pris conscience de la nécessité d’accorder notre geste théorique avec le geste sportif. Fini de ventriloquer les joueurs : mettre des mots improbables dans leur bouche n’était qu’une façon d’entériner l’inefficience de la critique. Alors place au silence : il nous permettra peut-être d’entrer en résonance avec l’intelligence pratique des athlètes.

Il est temps en tout cas de se rappeler que celui qui sait ce qu’il va faire s’il gagne, et qui le dit, celui-là perd. Or puisque nous voulons faire gagner le monde naturel, il vaut mieux chercher à savoir ce que nous ferons en cas de défaite – c’est-à-dire si QATAR 2022 et PARIS 2024 ont effectivement lieu, et éviter d’en parler.

Voici donc : si nous annonçons ne plus participer à la critique antisportive, c’est parce que nous voulons vraiment œuvrer pour l’écologie. Nous nous appliquerons désormais à dilater la richesse, le sens et la portée du geste sportif pour l’arracher aux serres appauvrissantes et polluantes du capitalisme.

L’Équipe Terrestre d’Écologie

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