Comment défendre une forêt ?

Mener des enquêtes, cramer des bulldozers et cueillir des champignons
Entretien avec des activistes du mouvement Defend the Atlanta Forest

paru dans lundimatin#360, le 21 novembre 2022

Cet été, notre reporter Greta Kaczynski était allée interroger une participante au mouvement de Défense de la Forêt d’Atlanta. Depuis le printemps 2021, des milliers d’activistes ont œuvré, en usant de stratégies, tactiques et moyens divers à démanteler pas à pas deux projets parfaitement abjects : un immense camp d’entrainement pour policiers, et un studio d’enregistrement pour l’industrie cinématographique Hollywoodienne.
Le mois dernier, à l’occasion des discussions organisées par la Cantine Syrienne de Montreuil, nous nous sommes entretenus avec trois des participants au mouvement.

Bonsoir et bienvenue. Nous vous avons invité ici ce soir parce que vous participez aux discussions organisées à Montreuil dans le cadre des « Peuples Veulent ». Vous prenez part à ce que nous considérons comme une lutte importante aux États-Unis en ce moment, appelée Defend the Atlanta Forest. Pouvez-vous commencer par nous donner un aperçu de ce qu’est cette lutte, comment elle a commencé et où elle en est aujourd’hui ?
Robin : Le mouvement a commencé il y a un an et demi, pour protéger une forêt à Atlanta. Pour expliquer un peu le contexte : Atlanta se trouve dans la partie sud-est des États-Unis et c’est la ville avec le plus grand espace arboré de toutes les grandes villes américaines. Et donc, dans cette zone, il y a une forêt. Elle fait environ 200 hectares. Et cette forêt est menacée par deux projets. Le premier est un projet qui est censé être le plus grand studio d’enregistrement d’Hollywood en Amérique. Le second est un projet qui est censé être le plus grand centre de formation de la police en Amérique. Et donc, ce qu’ils veulent faire, c’est diviser la forêt en deux, pour construire ces deux projets – qui fonctionnent ensemble - pour créer ce que nous appelons, « Hollywood Dystopia » et « Cop City ».

Nous l’appelons une Cop City parce que le plan consiste à créer non seulement une académie de formation, mais aussi un complexe militarisé où la police s’entraînera dans de faux immeubles d’habitation, de fausses stations-service, de fausses boîtes de nuit, et disposera d’un terrain où elle pourra pratiquer des techniques de maintien de l’ordre en milieu urbain. Et nous voyons cela comme une réponse directe au soulèvement qui a eu lieu en 2020. Donc, à Atlanta, le soulèvement a s’est terminé à la fin de l’été, et a commencé en mai.

Donc, ça a duré assez longtemps par rapport à beaucoup d’autres endroits en Amérique. Évidemment, dans beaucoup d’endroits, ça a duré longtemps. Mais, c’est fou parce qu’en 2020, après que George Floyd ait été tué, il y a eu ce soulèvement dans tout le pays. Chaque ville d’Amérique. Plus d’un millier de villes et de villages ont connu ces protestations massives. Le pays entier est en feu. Et la façon dont cela s’articule à la fin du mouvement, c’est à travers cette demande de défaire la police. Et ce que nous avons vu en Amérique après 2020 est en fait le contraire. Aucun département de police en Amérique n’a vu sa police démantelée ou définancée. En fait, à Atlanta, il y a eu la plus forte augmentation du budget de la police de toutes les villes américaines. Ce qui est d’autant plus fou qu’Atlanta est l’une des rares villes américaines à être majoritairement noire. Donc, Atlanta connaît ce soulèvement massif. Surtout dans le sud d’Atlanta, où se trouve cette forêt. Il y a eu une reprise du mouvement quand un homme nommé Rayshard Brooks, noir, a été tué par la police. Il y a eu une occupation sur le lieu où il a été tué qui a duré un mois. La ville n’avait aucune idée de la façon de répondre à cela. La police a été complètement prise par surprise par ce soulèvement. Ça explique pourquoi ils veulent mettre tout cet argent et toutes ces ressources dans la construction de ces projets.

Pour parler en chiffres : le département de police d’Atlanta reçoit environ 200 millions de dollars par an, et ils ont augmenté ce montant de 30 millions de dollars supplémentaires. Et maintenant, ils veulent construire ce centre de formation de 90 millions de dollars, où ils ne formeront probablement pas seulement la police d’Atlanta, mais aussi celle de tout l’État de Géorgie et du Sud-Est. Potentiellement, même au niveau international. Le département de police d’Atlanta a un programme d’échange avec les forces de défense israéliennes, pour développer ces techniques, fondamentalement, de ségrégation.

Patrick : Et, dans le département de police d’Atlanta, beaucoup d’officiers ont démissionné pendant le soulèvement, surtout après que Rayshard Brooks ait été tué. Les gens se sont révoltés dans les rues pendant des jours après sa mort. Et beaucoup d’officiers de police ont démissionné et c’est en partie pour cela qu’ils veulent construire cette Cop City. Ce centre d’entraînement à la guerre urbaine doit remonter le moral de la police d’Atlanta. Le projet s’appelait à l’origine « l’Institut pour la justice sociale. » Et une fois que le mouvement Defend the ATLANTA FOREST a été annoncé aux habitants d’Atlanta et au public, le projet a été rebaptisé Cop City. Et depuis, même les politiciens d’Atlanta l’appellent Cop City.

Robin : C’est presque comme s’ils avaient voulu répondre à l’appel qui venait des Démocrates, le parti de gauche, qui a dit en gros : la police a besoin de plus d’argent parce que si nous leur donnons plus d’argent, nous pouvons les former à être moins racistes et à tuer moins de gens. De toute évidence, ce n’est pas le cas.

Agathe : De plus, Garrett Rolfe, qui a tué Rayshard Brooks, avait suivi des centaines d’heures de formation sur les questions du racisme dans la police, à Uvlade. Tous ces policiers à Uvlade, après la fusillade de l’école, qui ont réagi lamentablement, avaient tous récemment suivi un entraînement. Donc, clairement, plus d’entraînement pour ces trucs ne sert à rien. [1] Tout le monde sait qu’ils ont déjà toutes les armes qu’ils désirent.

Je pense que la raison pour laquelle la lutte à Atlanta a pu décoller de la façon dont elle l’a fait, c’est parce qu’elle est offensive. C’est comme une gifle dans le visage. 20 millions de personnes sont sorties dans les rues pour abolir la police. Pour trouver une forme de justice ou quelque chose comme ça. Et la réponse que nous obtenons est une augmentation massive de la militarisation de la police.

Ce projet de la ville d’Atlanta rassemble différents types de lutte qui sont habituellement assez séparés. Il y a une longue histoire de luttes radicales et écologiques aux États-Unis. Il y a la rébellion de George Floyd en juin, la campagne pour l’abolition de la police...Pouvez-vous nous expliquer comment la lutte a commencé ? Il y a pas mal de raisons de détester cette destruction de la forêt et la construction de toutes ces autres choses. Il y a aussi une diversité de moyens pour la combattre. Et il semble que le début de la défense de la forêt ait été assez particulier. Pouvez-vous nous dire comment cela a commencé à Atlanta ?
Agathe  : Il y avait une personne qui se tenait informée des réunions du conseil municipal. Ils essayaient de faire passer le projet sans annonce publique. Il n’y avait aucune publicité du département de la police ou de Shadowbox ou Blackhall Studios sur ces projets. Nous avons été les premières personnes à vraiment établir un récit, ce qui a été extrêmement utile. Et puis, il y a eu la présentation à ce petit festival, la création de médias sociaux. Et en quelques semaines, il y avait des milliers de personnes qui suivaient les réseaux sociaux et il y avait déjà eu des incendies criminels d’équipements de construction.
Ce qui est important de souligner, c’est que vous avez réalisé qu’ils avaient ce projet avant qu’ils ne le rendent public ?
Agathe : Ouais. Et puis aussi, je pense qu’après l’expulsion du Wendy’s, tout le monde a été extrêmement déprimé pendant un long moment parce que personne ne savait vraiment quoi faire, et tout le monde avait l’impression d’avoir perdu. Ils ont démoli le bâtiment et tout le reste. Le Wendy’s c’est l’endroit où Rayshard Brooks a été tué. Il a été occupé. Puis démoli. Et donc, après la fin de l’été, quand tout le monde était extrêmement triste, les gens cherchaient tous des choses dans lesquelles mettre leur énergie. Beaucoup de gens se sont impliqués dans des actions d’entraide, puis se sont épuisés à force de faire ça tous les jours. Et aussi, ils n’ont pas vraiment eu le plaisir de manifester. Et donc beaucoup de ces projets se sont éteints. Donc, je pense qu’il y avait aussi un public disposé à s’engager dans la lutte.

Les premières actions ont été des incendies criminels, ce qui n’est pas vraiment habituel, si ?
Agathe : Ce qui était fou à ce sujet, c’est que personne ne semblait s’y opposer. Même les mamans hippies. Il n’y avait pas vraiment de critique : ça a commencé avec une tactique super extrême qui serait typiquement controversée mais qui a été largement acceptée par les gens, qui se sont impliqués de diverses manières, soit par des voies légales, soit en occupant ou en organisant des événements culturels.
Donc vous parlez d’incendies criminels de...
Agathe : ...du genre, bulldozers.
Pensez-vous que cela a été accepté parce que les gens à ce moment-là voulaient vraiment défendre la forêt ou parce que le niveau de violence contre l’Etat était si élevé après les émeutes de George Floyd partout, qu’à un moment donné, brûler un bulldozer, ce n’est pas aussi méchant et mauvais que cela aurait semblé auparavant ? Est-ce que la définition même de ce qui était extrême ou acceptable a changé aux États-Unis ?

Robin : Le niveau de violence que la police utilise contre le peuple est extrême. En comparaison, brûler un bulldozer, c’est plutôt anodin. Je me souviens avoir lu un rapport d’une femme qui dirigeait une plateforme médiatique indépendante. Elle a écrit un article très intéressant sur cet incendie criminel. Et son argument de base était quelque chose comme, « vous savez, notre génération a essayé d’arrêter cette crise écologique et nous n’avons pas réussi, et n’avons pas pu, pour un million de raisons. Il n’est donc pas surprenant que les membres de la nouvelle génération, les jeunes qui ont le sentiment de n’avoir aucun avenir, se tournent immédiatement vers ce type de tactique. » Mais je pense que de manière générale, vous avez raison. En 2020, il y a quelque chose qui a brisé l’Amérique. La façon dont les gens ont compris comment répondre à l’extrême violence à laquelle les gens sont confrontés à vraiment changé.

Patrick : Une quantité écrasante de personnes vivant aux Etats-Unis ont soutenu l’incendie du bâtiment du département de police de Minneapolis. Je pense que les personnes sont vraiment fatiguées que des gens soient constamment tués par la police, que les gens n’aient pas assez d’argent pour acheter de la nourriture ou de l’essence, ou qu’ils doivent faire trois boulots pour exister dans une ville. Je pense que la plupart des gens commencent à voir l’inutilité d’essayer de demander ou d’exiger quelque chose de l’État. Prendre les choses en main, ça peut passer par la communication d’informations nécessaires sur un projet. Par exemple, en apprenant ce qui va réellement se passer dans la forêt. Ne pas simplement accepter ce que la ville va annoncer. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus d’autonomie dans la manière dont les gens agissent politiquement et pensent aux formes d’oppression aux États-Unis. Et je pense que c’est suite au Covid et à l’absence de réponse du gouvernement. Les millions et les millions de personnes qui meurent à cause du Covid, et toujours plus de personnes noires et sud américaines qui sont tuées par la police chaque jour.

Nous avons commencé à parler de la première campagne qui était essentiellement basée sur les incendies criminels. Mais, très vite, elle s’est développée vers d’autres pratiques. Pouvez-vous nous expliquer ?

Robin : Les incendies criminels étaient le premier signe majeur que beaucoup de gens se soucient et sont vraiment prêts à se battre. Mais, au départ, l’idée était de se dire, ok, il y a ces projets de développement fous qui vont détruire cette énorme forêt. C’est en fait la plus grande forêt urbaine restante à Atlanta, dans le Sud de la ville, qui est un quartier ouvrier majoritairement noir. Et donc, je pense qu’au début on se disait, ’ok, c’est un projet diabolique.’ Construire ce centre de police massif après 2020, construire ce studio hollywoodien massif qui entraînera toute cette gentrification parce que beaucoup de sociétés cinématographiques hollywoodiennes quittent la Californie pour l’État de Géorgie parce que les impôts y sont moins élevés et que la Californie est en feu. Tout le monde était contrarié par cela mais, au départ, la stratégie était un peu classique. Il y avait des campagnes légales, certaines déjà en cours depuis des années, de la part de petits groupes de citoyens qui avaient un intérêt dans la préservation écologique. Cela, mélangé avec une campagne culturelle. D’une certaine manière, c’était une forêt négligée et oubliée. Comment pouvons-nous - cela peut sembler un peu stupide à dire - sensibiliser les habitants ? Ils doivent savoir que ça existe. Les gens ont besoin d’y aller. Les gens ont besoin de vivre des expériences dans la forêt qui leur donnent un sentiment d’attachement à celle-ci. Qui leur donne un sentiment d’appartenance.

Ainsi, par exemple, une grande partie de la campagne initiale consistait à organiser des barbecues dans la forêt. Faire des fêtes. Des raves, des soirées dansantes. Des promenades et des visites de la forêt. Il s’agissait d’organiser suffisamment d’événements réguliers pour que les gens puissent avoir l’impression que s’ils perdaient cette forêt, ils perdraient quelque chose d’important pour eux. Et je pense que cela a vraiment fonctionné. Je pense qu’au cours des 18 mois d’existence de la lutte, des milliers de personnes sont venues dans cette forêt alors qu’elles n’y seraient jamais allées.

Jusqu’à présent, ces différents aspects du mouvement, les trucs culturels, l’action directe militante, les campagnes légales, les campagnes politiques traditionnelles de base, faire du porte à porte chez les gens pour leur demander de signer une pétition, appeler leur politicien local…étaient segmentées. Je pense que ce qui est unique à propos de l’époque dans laquelle nous vivons maintenant, c’est que ces différentes parties du mouvement ne sont pas divisées, dans le sens où personne n’essaie de dire « ok, ceci n’est pas acceptable, ce n’est pas la façon de faire, nous devons être hyper-militants. » Non. Je pense que tout le monde a compris qu’il va nous falloir tous nous engager, dans dans toutes les directions, pour faire échouer ce projet. En termes pratiques, je vois ça comme un bricolage pour dé-financer la police, ou quelque chose comme ça.

Agathe : Aussi, il n’y a pas vraiment eu de campagne centralisée. Avant les premiers incendies criminels, il n’y avait que des dépôts de documents. Avec une petite brochure d’information sur la forêt et sur ce que les policiers et Hollywood voulaient lui faire. Et puis, après ça, il y a eu des semaines d’action, qui n’étaient dirigées par aucune sorte d’organisation hiérarchique. Des invitations, en gros. Chaque campagne a surtout consisté à encourager les gens à faire ce qu’ils voulaient. C’est pourquoi nous avons une telle diversité d’actions - les gens ont fait des piquetages d’arbres, des concerts, des comptages de lucioles, des dîners - mais la seule véritable campagne est celle qui consiste à inviter les gens dans la forêt sur les médias sociaux et à leur faire sentir qu’ils sont les bienvenus pour faire ce qu’ils veulent.

Robin : Je pense que c’est une autre chose qui a changé depuis 2020. Je pense que tout le monde a en quelque sorte compris qu’il y a une organisation qui s’appelle Black Lives Matter, mais ce n’est pas ce que cela signifie réellement pour tout le monde. Je pense que tout le monde sait que c’est un mouvement. Et il s’agit de toutes sortes de personnes qui ont toutes sortes d’idées et toutes sortes de tactiques et de techniques. Je pense que le concept d’un mouvement décentralisé et autonome est beaucoup plus intuitif qu’il ne l’était auparavant. Donc, je pense que les gens l’ont très vite compris et se sont dit, ok, je vais avoir un cours de yoga dans les bois ou je vais installer une cabane dans les arbres ou autre. Je pense que ce qui a permis que cela se produise, c’est que n’importe qui peut faire n’importe quel type d’action qu’il veut et revendiquer cette bannière de ’Défense de la forêt’ et avoir cette plate-forme pour parler.

C’est comme si le centre du mouvement était la forêt elle-même. Donc, d’une certaine manière, il n’y a pas de part du gâteau à prendre.

Robin : Nous nous inspirons beaucoup de ce groupe dans les années 70 appelé The Republic of New Afrika (RNA) et ils avaient cette idée vraiment insistante qui était genre, ’libérer la terre, libérer la terre, libérer la terre.’ Et l’idée est que si vous partez de la terre, de la terre elle-même, alors vous avez un territoire très clair sur lequel travailler et vous pouvez construire un mode de vie différent à travers lui. C’est la terre elle-même qui unit la lutte, les luttes de gentrification, d’Hollywood. C’est la terre qui unit cela avec la lutte contre la police. Et c’est comme si c’était directement lié à la façon dont les gens d’Atlanta Sud vivent. Ou du moins, c’est l’idée derrière tout ça. Après 2020, tout le monde voulait rester dans les rues, mais c’est devenu tellement répressif, après quelques mois, il n’y a plus que quelques centaines de personnes, et un char vous poursuit dans la rue. Et donc, je pense que le formuler en termes de ’nous voulons que cette forêt reste une forêt’ a permis d’insuffler une nouvelle énergie à beaucoup de gens qui étaient investis dans les manifestations après la mort de George Floyd. Et puis, cela nous a aussi permis d’accéder à un tout autre ensemble d’idées et de tactiques - je veux dire, souvent les mêmes personnes - et à des gens intéressés par le fait d’avoir, de cadrer cela comme une sorte de chose environnementale. Et je pense que c’est le caractère vraiment unique de ce mouvement : avoir fait apparaître ensemble la lutte abolitionniste et la lutte environnementale.

Agathe : Aussi, deux choses. D’abord, en 2020, une des choses que les gens appréciaient vraiment, que ce soit à Minneapolis après l’incendie du troisième commissariat ou autour du Wendy’s après son incendie, c’était cette zone sans policiers, où les gens existaient. Et la forêt, c’est pareil, vu que le mouvement Defend the Forest a été lancé avant toute construction ou annonce publique. Pendant longtemps, les policiers n’étaient pas dans la forêt. Ils n’avaient aucune idée de ce qui se passait. Les cabanes dans les arbres ont été construites avant même qu’ils ne viennent dans la forêt. Mais aussi, pour les personnes qui étaient soit des enfants, soit trop âgées pour être dans les rues en 2020, c’était un endroit plus sûr. Il n’y avait pas vraiment de risque que la police vienne tirer des balles en caoutchouc. C’était une zone sans police. C’est pourquoi nous avons maintenant des enfants d’âge préscolaire impliqués. Je pense que la diversité des tactiques est acceptée parce qu’il n’y a pas de division dans les objectifs : tout le monde souhaite que les projets soient abandonnés. La forêt ne doit pas être privatisée, tous les arbres doivent rester.

Patrick : Et le truc, c’est qu’après le début de la pandémie, beaucoup de bricolage, d’espaces indépendants possédés ou loués, à Atlanta, ont fermé. Les propriétaires augmentaient trop les loyers pour que les gens puissent les payer. Pour les gens qui bricolent, qui font partie de la scène artistique, il n’y avait pas beaucoup d’espaces où exister librement, s’exprimer et organiser des spectacles. Il n’y a pas beaucoup d’espaces pour les gens. La forêt est une zone libre où les gens peuvent aller jusqu’au ruisseau. Ils peuvent aller dans une zone appelée le Living Room, qui est l’endroit où beaucoup de gens se réunissent. C’est là que les gens se rendent souvent en premier après être entrés dans le parking du parc. Il y a de nombreuses zones où les gens peuvent aller et installer une table de DJ ou organiser une discussion ou un cours de danse. Il n’y a aucun contrôle sur qui peut faire quoi dans la forêt. Vous pouvez y aller et poster un flyer. Il y a une acceptation et une excitation de toutes les différentes choses qui se passent dans la forêt. Alors que le nombre de policiers à Atlanta augmente de plus en plus chaque année, que la quantité d’argent qu’ils reçoivent augmente de plus en plus chaque année, qu’un grand nombre de personnes venant d’Hollywood y emménage et rend plus difficile de trouver des endroits pour vivre. Alors que la ville continue de couper de petites parcelles de bois autour de la forêt pour construire de nouveaux immeubles d’appartements laids et merdiques, il devient de plus en plus difficile d’exister dans la ville, et la forêt est une zone où les gens peuvent aller et être eux-mêmes et être libres, d’une certaine manière. Et partager cela avec d’autres personnes. C’est comme un combat pour une zone libérée. Complètement.

On a parlé des incendies criminels. Il y a eu des occupations de la forêt, ce qui ici en France va résonner avec l’occupation de la ZAD pour beaucoup de gens. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la manière dont elle a été occupée ? Vous décrivez la forêt comme un espace où tout peut arriver. Pourquoi la police n’intervient-elle pas directement, pour vider les lieux ?

Agathe  : Premièrement, la police ne connaît pas le chemin de la forêt.

Robin : Ce sont des policiers de la ville. Ils savent comment se déplacer dans la ville.

Agathe : Aussi, les policiers, parce que beaucoup ont démissionné après 2020, maintenant ils ont les agents de l’ATF (Alcohol, Tobacco, and Firearms). Ils ont des gars en costume qui viennent, les policiers de l’ATF veulent pas être là. Ils sont censés faire des descentes de drogue. Aucun d’entre eux ne veut être ici, et aucun ne sait vraiment ce qu’il fait en arrivant dans la forêt et savoir ce qu’il fait.

L’occupation à Atlanta est très différente de toutes les occupations européennes : il y a beaucoup moins de gens, et la concentration de personnes se fait surtout pendant les semaines d’action. Et en dehors des semaines d’action, il n’y a qu’une poignée de personnes. Les policiers ne savent pas où on est, et on sait très bien comment se déplacer dans la forêt. Par ailleurs, pendant les semaines d’action, il y a une tonne de gens, dont beaucoup viennent avec leurs enfants. Les policiers hésitent à entrer dans la forêt parce que ce serait très mal vu s’ils venaient attaquer un parent et ses enfants et aussi les Muskogee en visite.

Patrick  : Ou une réunion des AA.

Agathe : Ou comme une réunion des AA dans la forêt. Donc, les policiers, pendant les semaines d’action, n’ont vraiment aucune idée de quand un événement est en fait une protestation ou un événement culturel. Et donc je pense qu’ils ont plutôt peur d’agir. Et puis, même quand ils parvenaient à détruire quelques camps, les gens en installaient d’autres, ailleurs. Donc toutes les tentatives d’expulsion n’ont pas vraiment été couronnées de succès.

Robin : La police d’Atlanta fait une chose très bien, c’est défoncer la porte de quelqu’un à six heures du matin et faire une saisie de drogue ou autre. Quand il s’agit d’autre chose, ils sont comme, ’Je ne vais pas là-dedans. Quelqu’un va me jeter une pierre.’

Je veux dire, lors de leur première grande tentative d’expulsion, ils ont fouillé dans les tentes de tout le monde et pris des trucs. Mais, aussi, il y avait deux juridictions différentes là-bas. Parce qu’il y a un groupe d’officiers de police pour lequel ce centre de formation est destiné et il y a un autre groupe d’officiers qui ont les prérogatives juridiques pour agir sur ce terrain. Ce qui signifie que, qui peut arrêter les gens est un peu plus discutable que qui se soucie d’arrêter les gens.

Il y a aussi les gens des parcs et loisirs. Et il y a aussi toutes les personnes qui vivaient dans la forêt. Donc, même pendant leur tentative d’expulsion, personne ne savait qui était en charge et les policiers ont même confondu une personne des parcs et loisirs et un occupant. Ils ont juste donné des tronçonneuses à deux personnes qui allaient construire trois maisons.

Patrick
 : Je pense que le statut légal est un point très important. On n’en parle peut-être pas beaucoup, mais je pense que c’est en partie ce qui fait que ça arrive, c’est comme une zone grise légale. Ils ne savent pas vraiment, personne ne sait vraiment qui possède la forêt. La forêt est divisée par une petite rivière. D’un côté de la rivière, ils veulent construire Cop City. De l’autre côté de la rivière, ils veulent construire Hollywood Dystopia. Le côté Hollywood, c’est vraiment intéressant parce que c’est techniquement un parc public. Mais la question de savoir si c’est encore légalement un parc public est sujette à débat. Fondamentalement, la ville d’Atlanta est juste extrêmement corrompue. Ce studio de cinéma a acheté 20 hectares de terrain qui était public. C’était un parc public, ils l’ont acheté. Ils ont tout coupé. Ils n’ont pas réalisé qu’ils avaient acheté une zone humide et qu’ils ne pouvaient pas construire dessus. Donc, ils ont dit à la ville « nous vous donnerons 50 acres contre 45 de vos autres acres de parc. »

Agathe  : Qui est aussi un marécage.

Robin : Donc, la ville a fait cet accord absurde. Le comté de Dekalb a dit que la construction a été arrêtée même s’ils l’ont donné à Ryan Millsap, qui est le propriétaire du studio. Ils lui ont techniquement échangé ce terrain. Cependant, c’est contesté. Donc, on ne sait pas s’il en est le propriétaire ou si c’est toujours un parc public ou ce qu’est l’autre terrain qu’ils ont déjà déboisé.
C’est pourquoi nous disons que c’est le parc du peuple de Weelaunee. Weelaunee est le nom traditionnel des Amérindiens. La forêt tient son nom de Muscogee Creek. Je pense que ça veut dire l’eau jaune-verte, en référence à la rivière qui la traverse. Le panneau quand vous entrez dans le parc n’est plus, ’Welcome to whatever it used to be called’ Maintenant, c’est ’Welcome to what it really used to be called’, which is Weelaunee People’s Park. Vous pouvez le trouver sur Google maps maintenant.

Au tout début de votre présentation, vous avez présenté ce double projet comme une sorte de réponse directe ou indirecte de la ville d’Atlanta après les émeutes de George Floyd, essentiellement un moyen d’embourgeoiser la ville. Quel est leur récit maintenant que la lutte est arrivée ? Comment réagissent-ils ? Quel est leur discours officiel pour dédaigner, pour rejeter ce que vous faites ?
Robin : Pathétique. C’est pathétique. Ils sont toujours un pas derrière ce que le mouvement établit comme récit. Ils doivent y répondre. Et c’est comme ça que ça devrait être. Et je pense qu’à cause de ça, ils sont toujours, ils manquent toujours leur coup quand ils essaient de répondre à la presse et ils ont toujours l’air incompétent.

Patrick : Ils ont essayé de donner le récit classique de l’agitateur extérieur. Mais ça n’a pas marché parce que les gens ont compris que c’est une forêt qui ne devrait pas être coupée. Tout le monde a un attachement ou, entre guillemets, un ’droit’ sur cette terre. Les gens devraient être en mesure d’utiliser ce morceau de terre, peu importe d’où ils viennent. Donc, à chaque fois qu’ils ont essayé d’utiliser ce récit contre le mouvement, de multiples aspects du mouvement et des personnes au sein du mouvement l’ont totalement rejeté.

Agathe : Les Muskogee ont aussi été chassés de cette terre. Et donc une partie des ’agitateurs extérieurs’, entre guillemets, sont des caravanes d’autochtones qui reviennent. On pourrait dire que ce ne sont pas des gens d’Atlanta mais, oui, c’est parce que beaucoup de ces gens ont été exterminés et colonisés. Et aussi, quand ils ont essayé de faire des actions violentes ou quelque chose comme ça, c’est comme si un jour plus tard vous aviez la brigade qui arrivait. Donc, c’est un peu court.

Robin : La ville entière est opposée à ce projet. Personne ne le veut. Atlanta n’est pas la ville la plus accueillante pour la police, je dirais. Donc, pour être précis, au début du mouvement, lorsque la construction de ce complexe policier et militaire n’était pas encore une politique officielle, il y a eu des débats au conseil municipal et le débat a été repoussé encore et encore. Et puis, quand ils l’ont finalement fait, ils ont dû avoir ce grand moment de consultation publique. Donc, pendant ce moment, il y a eu 17 heures d’affilée de discussion publique avec la ville. Ils doivent écouter chacun d’entre eux avant de pouvoir voter sur la question. Et pendant ces 17 heures, 75% des gens étaient opposés à ce projet. C’est très clair ce que la ville pense de ce projet. Vous pouvez conduire autour de la ville et vous verrez des panneaux qui disent : ’Défendez la forêt d’Atlanta.’

Agathe : Aussi, si les studios d’Hollywood ouvraient effectivement, ce serait juste une tonne de Californiens qui viendraient.

Robin : Totalement. Ils ne vont pas donner un seul de ces emplois aux gens d’Atlanta.

Agathe : Certaines personnes disent que si l’industrie du cinéma s’installe à Atlanta, cela apportera plus d’emplois. Mais ce n’est pas le cas. Il y a déjà une tonne de maisons vacantes parce que personne ne peut se les payer. Parce qu’ils construisent tous ces appartements de luxe pour les riches qui, ils l’espèrent, viendront de Californie. Donc, aussi les gens sont poussés de plus en plus loin dans les banlieues. Dans les deux cas, tout le monde déteste la police. Les gens d’Hollywood sont les vrais ’agitateurs extérieurs’.

Robin : 75% des gens sont opposés au projet. Les autres 25% vivent dans cette partie d’Atlanta appelée Buckhead, où vivent tous les riches. D’où le nom, je suppose. Parce que c’est comme si toutes les personnes riches vivaient dans une zone et qu’elles avaient leurs propres gratte-ciels. C’est presque comme une toute autre ville. Et ils veulent devenir une autre, une ville différente. Ils veulent se séparer d’Atlanta et devenir leur propre ville légale. Parce qu’ils ne veulent pas payer des impôts pour que les gens d’Atlanta puissent aller à l’école et avoir des transports publics, etc. etc. Ils ont donc fait cette menace à la ville : si vous ne construisez pas ce centre de police qui gardera tous les habitants d’Atlanta à Atlanta, nous ferons sécession de la ville.

Agathe : Ils sont aussi au point le plus éloigné de Weelaunee que l’on puisse trouver en ville. Ce projet n’aurait aucun effet sur leur vie de tous les jours.

Patrick : C’est pourquoi il se trouve au Sud d’Atlanta, dans un quartier majoritairement noir. La plupart des gens qui vivent là depuis des années et des années sont propriétaires de leur maison. De plus, beaucoup de gens qui vivent dans cette zone d’Atlanta Sud n’ont pas la climatisation, vous savez. Et il fait extrêmement chaud à Atlanta. C’est ce qu’on appelle Hotlanta. En été, il fait extrêmement chaud, et il y a des pluies torrentielles. Les rues sont inondées. Vous pouvez voir la chaleur s’évaporer du ciment comme à chaque fois qu’il commence à pleuvoir et si la forêt de Weelaunee est coupée, cela augmentera encore plus les inondations. Atlanta, comme la plupart de nos villes, n’est pas construite pour être entourée de ciment.

Agathe : Il y a une différence de 16°F entre la température près des arbres et sur le bitume.

Robin : Vous pouvez le sentir. Quand vous sortez de la forêt vous vous dites, « oh, c’est ça qu’ils veulent faire au monde entier. »
Et comme je l’ai dit au début, c’est la caractéristique la plus unique d’Atlanta en termes de ressources naturelles. C’est comme si, déjà, à chaque fois qu’il y a un ouragan, des gens de la Nouvelle-Orléans et de Miami viennent à Atlanta par milliers. Je suppose que la Fondation de la police d’Atlanta, qui est une entité privée, une sorte d’association qui collecte des fonds indépendants pour la police, va payer en partie ce projet de 90 millions de dollars. Les financements de la police viennent de Home Depot et Chick-fil-A et AT&T ces entreprises géantes.
La fondation de la police d’Atlanta avait cette idée de construire ce complexe depuis 2017. Donc, avant le soulèvement. Mais c’est seulement le soulèvement qui a rendu cela possible pour eux, je pense. En fait, la ville avait déjà un autre projet pour cette zone. Certains nouveaux urbanistes dans l’administration de la ville ont réalisé que la canopée de la forêt d’Atlanta est la seule chose qui assure la résilience climatique pour les prochaines décennies. Ils voulaient en faire une réserve naturelle et la relier à ces autres espaces verts pour former un corridor vert. Mais ce plan a été complètement abandonné dès que 2020 est arrivé et qu’ils ont réalisé qu’ils devaient investir des millions de dollars dans plus de chars, plus de canons, plus d’hélicoptères. Ils avaient besoin d’un endroit pour tester leurs engins explosifs ou autre.

Agathe : Une autre tactique qui a été très importante, et qui l’a été aussi pour les gens qui veulent participer au niveau national et qui ne sont pas à Atlanta, a été de s’en prendre aux entreprises qui financent ces projets. Ainsi, le premier entrepreneur général de Cop City s’appelait Reeves Young. Et puis les gens ont commencé à faire des manifestations dans leurs bureaux, mais aussi à faire des interventions téléphoniques et des campagnes de dénonciation pour les clients qui utilisaient leurs services. Ou pour les personnes qu’ils employaient. Ainsi, en s’attaquant à ces cibles tertiaires et secondaires, la construction de Cop City a encore été retardée. Ainsi, après le début de ces démonstrations, Reeves Young s’est retiré et ils ont dû trouver un nouvel entrepreneur. Coca-Cola a retiré son financement. Et plusieurs de petites entreprises qui értaient employées sur le projet : une fois que leur équipement est endommagé, ils ne vont pas garder ce contrat car ils ont une tonne d’autres contrats qu’ils peuvent utiliser.

C’est cette idée d’étudier depuis la structure du pouvoir, ce qu’il lui faudrait pour construire Cop City. Nous ne pouvons pas moralement demander à la Fondation de la police d’Atlanta de ne pas être une fondation de la police, et qu’elle nous écoute. C’est ce qu’ils font : obtenir de l’argent des bailleurs de fonds pour la police d’Atlanta. Donc, ils sont au sommet de la chaîne. Et ils doivent employer des gens pour pouvoir construire Cop City. Ils doivent donc trouver un entrepreneur général. Au début, c’était Reeves Young. Maintenant, c’est Brasfield et Gorrie. Et ces entrepreneurs généraux doivent aussi employer d’autres entrepreneurs pour avoir des toilettes sur le chantier. Ou pour faire le verre. Ou pour faire toutes ces autres choses secondaires, qui font partie de la construction de ce projet. Et donc, l’une des stratégies est d’attaquer financièrement l’entrepreneur général en lui demandant de renoncer spécifiquement au contrat, de renoncer aux contrats Cop City avec la fondation de la police d’Atlanta. Donc, quand les gens appellent, vont dans leurs bureaux et détruisent leurs équipements de construction, ils ont une demande très spécifique. Et une demande très très simple. Ces entreprises de construction ont des millions de dollars et elles n’ont pas besoin de ce contrat, en fait. Ils peuvent le laisser tomber et gagner la même somme d’argent. Et la tactique a déjà fonctionné. Après quelques mois de pression, Reeves Young a abandonné. Et c’est aussi la façon dont les États-Unis ont pu montrer leur solidarité avec le mouvement. Parce que, ces entreprises sont des entreprises nationales, et comme il s’agit d’une entreprise nationale, les gens peuvent fait preuve de solidarité en déposant des banderoles et en se rendant dans les bureaux pour parler aux personnes qui s’y trouvent, ou en faisant des dégâts matériels, etc. etc., dans tout le pays. Et les gens d’Atlanta et d’ailleurs ne veulent pas que ce projet se réalise parce qu’il aura un impact sur d’autres personnes qui vivent dans d’autres villes, car ce sera le plus grand centre de formation de la police aux États-Unis. Et aussi, au niveau international. Le département de police d’Atlanta travaille avec les forces de défense israéliennes dans le cadre d’un programme appelé GILEE (Georgia International Law Enforcement Exchange), mis en place par la Georgia State University. Ainsi, toutes les actions, toutes les stratégies différentes sont utilisées pour arrêter ce projet qui a beaucoup de poids et qui aura un impact matériel énorme sur la vie des gens aux États-Unis, et potentiellement en dehors des États-Unis aussi. C’est un terrain d’entraînement où la police peut expérimenter toutes ces différentes tactiques.

Robin : Je pense que le mouvement est devenu si viral parce que les enjeux sont si élevés. Et je pense que tous ceux qui ont participé au soulèvement en 2020, ce qui représente toute une génération de personnes, en gros. Je pense qu’ils veulent voir cette lutte se poursuivre, ils veulent gagner cette lutte pour l’abolition. Et je pense que le mouvement de défense de la forêt d’Atlanta est comme un signal, une balise ou quelque chose comme ça. La lutte continue et elle a toutes ces autres dimensions. Je pense que c’est également vrai en ce qui concerne l’environnement, car je pense qu’il y a aussi toute une génération de personnes en Amérique qui sont conscientes du changement climatique. Ce n’est pas comme si tous les Américains pensaient qu’il s’agissait d’une théorie de conspiration de gauche ou autre. Les gens savent que cela existe. Ils veulent faire quelque chose à ce sujet, mais ils n’ont jamais eu l’occasion de participer à un mouvement environnemental qui comptait vraiment, qui pouvait réellement atteindre ses objectifs. Ce mouvement a un objectif simple, mais un impact très fort.

Agathe : Une autre chose est qu’au-delà des attaques contre les entreprises qui font partie de Cop City ou Hollywood Dystopia, parce qu’il n’y a pas d’organisation réelle ou de structure hiérarchique, les gens ont pu adopter ce genre de stratégie dans d’autres endroits, comme Protect the River au Texas ou, je pense, Save the Meadows à Philadelphie.
Peoples Park à New York, Michigan... Il y a une tonne de projets différents dans toute l’Amérique qui ont en quelque sorte utilisé ce modèle.
À Standing Rock, ils voulaient construire un oléoduc à travers les terres indigènes des Lakota dans le Dakota du Nord. Au Texas ils veulent construire un studio Netflix/Disney+. Et à Chicago, ils veulent aussi construire une installation pour les policiers. C’est comme si partout, vous avez l’embourgeoisement et la police, qui arrachent la forêt, qui détruisent la rivière, qui vous rendent la vie impossible.

Patrick : où vous devez vous asseoir devant une télé et regarder un écran. Ils veulent juste que tout le monde soit des robots et n’ait pas de cerveau.

Agathe : Le studio d’Hollywood qu’ils veulent construire dans la forêt veut se concentrer sur les films militaires. Des films avec des armes et de la violence. Donc, le fait qu’il soit situé à côté d’une installation de police va de pair avec le fait qu’ils vont probablement vouloir utiliser des tanks et des armes à feu comme accessoires ou autre. Et ils veulent faire des films de propagande violents pro-américains.

Patrick : Le prochain film Marvel.

Ici, nous avons eu la ZAD, qui consistait à défendre une forêt et une zone humide, aussi. La question est : avez-vous pensé à ce que cela signifierait de gagner ? Si vous parveniez à repousser la destruction de la forêt, y a-t-il dans votre mouvement une question sur ce que cela signifierait de gagner et ce que vous feriez de cette victoire ?

Patrick : La construction a été retardée de six mois.

Agathe : Elle était censée commencer en avril, mars.

Patrick : Elle a été retardée. Je pense que beaucoup d’entre nous qui font partie de ce mouvement croient que nous allons gagner. C’est une perspective très différente de travailler pour quelque chose et d’être un peu pessimiste à ce sujet. Comme, il y a des jours difficiles en faisant partie de ce mouvement. Mais je pense que dans l’ensemble, beaucoup d’entre nous ont cette conviction que nous allons arrêter ce projet et que cette terre continuera à être un espace libre.

Agathe : Je ne pense même pas que ce soit juste une croyance. J’ai l’impression que les gens se disent simplement : ’Nous devons gagner. On va le faire.’ Il y a même eu un jour où ils ont commencé à essayer d’abattre quelques arbres. Ils voulaient commencer par construire le bâtiment des forces de police et immédiatement après l’abattage de quelques arbres, les gens ont commencé à planter des arbres indigènes. Des enfants sont venus et ont planté des figuiers. Et aussi, une tonne de centres de sauvetage de chevaux à Atlanta ont commencé à envoyer des messages, des courriels et des messages sur Instagram et Twitter pour dire que c’était de la maltraitance animale d’utiliser des chevaux. Les chevaux doivent être libérés. Et donc, avec chaque aspect de ce projet, il y a juste une nouvelle couche de personnes qui sont contre et une nouvelle couche de personnes qui sont des partisans de Defend the Forest.

Robin : Ils ne pouvaient pas échouer davantage.

Agathe : Il n’y a personne, à part quelques bots et faux comptes sur Twitter, qui disent ’Je vis à Atlanta et j’aime la police’. Il n’y a personne qui soutient ce projet à part les gens de la police ou Ryan Millsap. Et même les employés de Ryan Millsap, très tôt dans le mouvement, mettaient des panneaux anti-Blackhall dans les salles de bain et mettaient des zines et des pamphlets Defend the Forest sur leur lieu de travail. Les gens, même au sein de ces institutions, sont contre ces projets. Donc, je veux dire, je ne vois pas vraiment comment la forêt ne pourrait pas rester une forêt. Il s’agit juste de savoir quand ils abandonneront.

Vous avez décrit certaines des choses qui font d’Atlanta un espace prometteur dans lequel s’engager dans une lutte comme celle-ci. Que diriez-vous aux personnes qui essaient de réfléchir à la manière d’organiser quelque chose comme ce qui se passe à Atlanta et dans d’autres circonstances ? Peut-être dans des circonstances un peu plus difficiles ? Quels sont les éléments qu’ils doivent mettre en place pour que cela puisse se développer et s’épanouir ?

Agathe : Je pense que l’une des choses les plus importantes est d’avoir des plates-formes centralisées pour les médias qui ne sont pas conservées par des groupes particuliers, où n’importe qui peut soumettre des choses. Une des choses que j’ai remarqué avec d’autres mouvements, c’est que vous avez 20 pages différentes avec 50 followers qui postent des annonces. Donc, il est très difficile de suivre tout ce que vous êtes censé faire ou ce qui est disponible. Et avoir des médias, un site web qui accueillent tous les événements et toutes les nouvelles, un endroit où les gens peuvent voir et savoir ce qu’il se passe. Avoir un moyen centralisé pour les gens de savoir ce qui se passe, et ne pas filtrer ce qu’il se passe. Je pense que c’est une partie du problème.

Robin : Oui, si vous avez un mouvement décentralisé qui a des plateformes communes où il peut communiquer avec lui-même, et qui a l’unicité comme principe - non pas qu’il n’y ait pas de place pour la critique - mais si nous sommes dans ce combat ensemble, peu importe le type de tactique que l’on emploie. Je pense que c’est vraiment important. Je pense aussi que la question est aussi liée à la question de ’qu’est-ce que ça veut dire gagner ?’ Je suppose qu’on pourrait dire que c’est de l’activisme. Choisir un combat que l’on peut gagner et ensuite se demander, ’qu’est-ce qu’il faudrait pour le gagner ?’ Je pense que ça change vraiment la façon dont on se rapporte, dont on s’oriente, à la lutte. Et cela ouvre vraiment des fenêtres différentes, surtout si vous êtes prêt à embrasser toutes sortes de choses. Il y a tellement d’idées et de gens différents les uns des autres. Ce n’est pas comme s’il n’y avait qu’une seule façon de faire les choses. Nous avons besoin de tous les moyens. Et la question est : comment pouvons-nous rassembler toutes les façons vers un seul objectif ?

Patrick : Avoir un objectif spécifique, et aussi des cibles spécifiques sur lesquelles les gens peuvent faire pression de plusieurs façons différentes. De multiples stratégies différentes. Avoir aussi un manifeste commun ou quelque chose comme ça. Ça ne doit pas nécessairement être un texte. Mais une éthique commune que tous ceux qui font partie du mouvement peuvent soutenir. Défendre un espace, défendre un territoire est l’une de ces choses. Et l’éducation politique aussi. Beaucoup d’informations claires, qui parlent de ce qui se passe. Parce qu’il y a tellement de désinformation de la part du gouvernement et des entreprises. Et être capable de diffuser cela aux gens de différentes manières. Par les médias sociaux, mais aussi par le papier, les affiches, le collage et tenir des tables lors d’événements. Et essayer d’en faire un mouvement de masse. Être ouvert à ce que d’autres personnes qui ont d’autres pensées et d’autres idées ont à dire aussi. Lorsque les mouvements se limitent à un petit groupe de personnes, à un type spécifique de personnes ou à un type spécifique d’idéologie, il est plus difficile de gagner le combat. Ce n’est pas par l’action d’un petit groupe de personnes que l’on pourra dépasser ce monde et en créer un nouveau.

Robin : Je pense que l’aspect propagande est vraiment important et l’aspect éducation est vraiment important et l’une des premières victoires de ce mouvement a été d’en faire un sujet dont les gens étaient conscients. Lorsque le conseil municipal s’est demandé s’il devait voter ou non pour ce projet, les débats de la mairie étaient sur Zoom. Tous les politiciens étaient chez eux. Pendant l’un des débats, il y a eu une manifestation à la maison de la politicienne qui a introduit la loi. Elle était si bouleversée. Elle est sortie en trombe de sa maison et s’est dit : ’Que se passe-t-il ?’. Elle a interrompu la réunion du conseil municipal, s’est immédiatement rendue au poste de police, a appelé toutes les agences de presse et a fait tout un discours dans lequel elle a dit, c’était très drôle, ’On va construire Cop City et personne ne peut nous dire de ne pas le faire !’ Et c’était partout dans les nouvelles, localement. C’était la première fois que les gens d’Atlanta entendaient parler de ce projet. Il faut d’abord que ce soit les nouvelles nationales, puis les nouvelles locales. Et je pense que ça les a vraiment pris au dépourvu. Je pense que c’est ce dont ils ont vraiment peur. Ce genre d’information ou d’éducation. Tous les incendies criminels, ou quoi que ce soit, les appels, les pétitions et autres, je pense que tout cela ne fait que s’ajouter. Mais vous ne pouvez pas l’isoler. L’enjeu c’est de tenir tout ça ensemble et d’être capable de le transformer en une histoire à laquelle les gens peuvent croire, et contrecarrer l’histoire qu’ils veulent fournir. Je pense que c’est vraiment crucial.

Agathe : Aussi, le mouvement n’est pas entièrement combatif tout le temps et très stressant tout le temps. La forêt se trouve dans une ville, donc si vous voulez prendre une douche, vous pouvez. Vous pouvez même venir dans la forêt après le travail. Mais, grâce à cela et aussi simplement parce que - nous étions sur ce projet avant qu’il n’y ait une quelconque menace dans la forêt - les gens sont en mesure de faire des choses amusantes et agréables. Les gens font des feux de joie à la pleine lune. Ils dînent ensemble. Les gens font des promenades. Et donc, plutôt que d’avoir à être constamment en mode soldat et prêt à combattre la police en permanence, il y a aussi des raves. Il y a des spectacles de musique acoustique. Des choses comme ça.

Robin : Il y a aussi des événements religieux, des réunions des AA. Et les médias n’ont pas tous été super clichés, avec des trucs de fou anarchiste. Il y a aussi eu des affiches que les enfants ont dessinées dans les écoles. En phase avec les dessins animés. Et certaines des premières choses organisées étaient des soirées cinéma avec des films du Studio Ghibli.
Ou de stomp dance, en novembre de l’année dernière. C’était la première fois que le peuple Muscogee Creek revenait dans la forêt de Weelaunee.

Pour replacer les choses dans une perspective historique, la forêt de Weelaunee se trouve dans le sud-est des États-Unis. Atlanta se trouve sur la terre traditionnelle des Muscogee Creek. Ce peuple a été chassé par la force de la région au début des années 1800 sur la piste des larmes, comme ils l’appellent. Aujourd’hui, des descendants de ce peuple vivent peut-être en Oklahoma, dans les régions du sud-ouest des États-Unis. Pour la première fois en 200 ans, la forêt a pu entendre parler leur langue. C’était un moment extrêmement fort pour le mouvement.

Agathe : Il y a aussi un aspect très familial dans la forêt. C’est intergénérationnel. Plutôt que de la présenter comme une guerre juste ou quelque chose qui est constamment intense, tout le temps, et vraiment épuisant. Les gens montrent aussi à quoi devrait servir la terre, comment identifier des plantes et aller chercher des champignon ... des vibes familiales. Je pense qu’avec Weelaunee, au lieu d’être constamment en train de se battre, de se faire brutaliser, d’avoir peur de la police et de s’inquiéter d’une éventuelle construction, c’est aussi une démonstration de ce que la forêt pourrait et devrait être. Les gens s’y rendent pour faire du vélo, promener leur chien, chercher des champignons, faire du yoga, communier avec la pleine lune.

Patrick : Je pense qu’une grande partie de cela, peut-être que cela semble drôle ou quelque chose, mais je pense qu’il y a beaucoup de gens qui grandissent dans les zones urbaines, dans une ville, Atlanta est une grande ville. Elle compte 8 millions d’habitants. Je pense que beaucoup de gens, ils veulent être connectés à la terre. Et ils n’en ont jamais eu l’occasion. Et je pense que c’est une très belle chose que cette lutte a fourni à beaucoup de gens. Tu peux te promener dans les arbres. C’est une chose difficile à faire à moins d’avoir quelqu’un qui vous montre comment faire.

Agathe : Ou à moins que vous soyez super riche comme Ryan Millsap et que vous possédiez votre propre forêt dans laquelle vous vivez et où vous organisez des mariages.

Robin : Ouais. Tout à fait. Je suppose que beaucoup de gens veulent vivre dans une cabane dans les arbres. En fait, ils se foutent de cet appartement où je vis et de Netflix ou autre. Pourquoi regarder ça à la télé quand je peux...

Agathe : Tout le monde veut être un Ewok.

Robin : Tout le monde veut être un Ewok.

Vous semblez être assez confiant quant à votre victoire. C’est toujours la partie la plus importante. Mais y a-t-il des discussions au sein du mouvement sur ce qui se passe si la ville renonce au projet ? Est-ce que la question de « l’après » est discutée ?
Patrick : Nous n’avons pas répondu succinctement à cette dernière question. C’est une question vraiment importante et nous y répondrons. Mais je pense aussi que nous devrions essayer d’énumérer, succinctement, ce que nous pensons être nécessaire ou ce que nous pensons être important pour avoir un mouvement qui rassemble ou qui peut empêcher les grands projets de se réaliser. Donc, certaines des choses que nous avons dites étaient d’avoir un territoire à défendre. Un endroit où les gens pourraient aller et sentir qu’ils ont leur propre relation avec et qu’ils peuvent créer leur propre relation avec. Avoir une longueur d’avance sur la narration de l’État, ou quelle que soit la cible, une société. Avoir le contrôle de la narration, en quelque sorte. Créer et diffuser de la propagande. Avoir un éventail de tactiques et de stratégies différentes. Et être accueillant envers ces choses. Et aussi, être décentralisé et autonome. Et avoir un aspect culturel, c’est aussi très important. Et avoir une sorte d’éthique sur laquelle les gens peuvent s’entendre. Comme, l’idée de Défendre la forêt. Défendre la forêt / défendre la terre.

Agathe : Je pense qu’à peu près la façon dont les gens traitent la forêt en ce moment, en enlevant occasionnellement les barricades de feu et les piquets d’arbres, je pense que c’est ce que les gens veulent pour Weelaunee une fois que nous aurons gagné. Et après notre départ, je pense que nous voudrons toujours y faire des fêtes. Et nous voudrons toujours y faire du yoga et y faire le dîner du Shabbat. Et comme nous l’avons dit plus tôt, il y a beaucoup d’autres luttes qui commencent en Amérique avec des objectifs et des tactiques similaires. Et aussi, beaucoup de gens qui s’investissent dans ce genre de choses sont dévoués à continuer à le faire et je pense que les gens ne se contenteraient pas de défendre Atlanta et de sauver Atlanta, pour ensuite abandonner. Surtout avec les relations avec les médias et le soutien réciproque d’autres luttes, les gens qui suivent aussi Defend the Atlanta Forest connaissent People’s Park à Berkeley et suivent cette lutte. Et connaissent Protect the River et toutes ces autres choses. Ils connaissent Fairy Creek. Et donc, il ne s’agit pas de savoir si les gens quittent Atlanta pour aller vivre dans une autre forêt, c’est une chose, mais je pense que les gens suivent certainement un tas d’autres choses et ne vont pas simplement voir leur intérêt pour l’éco-défense se terminer avec ça et après notre victoire, ils vont continuer à s’assurer que d’autres luttes gagnent aussi.

Robin : Et les luttes abolitionnistes aussi.

Patrick : Oui. Si on peut faire ça, qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ? La militarisation de la police, c’est partout en Amérique. Le fait qu’il n’y ait pas de Cop City se prête aussi à ce qu’après notre victoire, l’on se demande quelle sera la prochaine étape pour démanteler la police et l’abolir. Quelle est la prochaine étape pour s’assurer qu’Atlanta ne s’embourgeoise pas davantage ? Je pense que la forêt d’Atlanta n’est pas seulement une affaire de défense du territoire, mais aussi d’opposition à la police et à l’embourgeoisement. Cette fausse version hollywoodienne de la vie qui nous distrait du monde réel, qu’une fois le terrain défendu, ce n’est pas encore fini. Il y a encore deux voies d’attaque qui doivent être prises.

La raison pour laquelle je vous pose cette question, c’est pour nous vendre des rêves. En France, mais bien sûr pas seulement en France, il y a quelques grandes questions stratégiques ou impasses, peut-être. La gauche ici est extrêmement forte. Historiquement, elle a toujours été extrêmement forte. Et l’idée générale de la gauche, c’est de construire un mouvement de masse et ensuite de prendre le pouvoir. De notre côté, il y a eu une certaine interprétation de ce que serait le processus révolutionnaire, à savoir créer des archipels. Des endroits où les gens peuvent s’extraire de l’enfer extérieur, etc. etc. Mais, certaines personnes contestent cela. Elles disent que le gros problème avec l’oasis c’est qu’elle est par définition au milieu d’un désert - et le désert apporte toujours du sable avec ses vents. Et à un moment donné, le sable vous recouvre entièrement. Je ne veux pas dire que la voie marxiste/léniniste serait meilleure, mais il est vrai qu’à un moment donné, en essayant simplement de créer ces petits endroits, nous imaginons qu’ils vont se dupliquer indéfiniment sans que l’État ne les écrase. Ces débats ont lieu et sont en fait des débats idéologiques. Bien sûr, c’est ce que nous faisons et nous apprenons de nos erreurs, mais ce sont des questions auxquelles les gens essaient vraiment de réfléchir sans trouver de solution miracle pour gagner.

Patrick : Je pense que c’est une très bonne question. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, il est difficile de répondre à cette question en ce moment. La gauche aux États-Unis est encore un peu faible, d’une certaine manière. Elle est encore en construction. Et il semble que ce mouvement est en train de la construire, dans un sens. J’espère que cela va continuer.

Robin : Personnellement, je suis vraiment inspiré par quelque chose que j’ai entendu en 2020. Un camarade qui faisait partie du Black Panther Party et de la Black Liberation Army dans les années 60 et 70, parlait à beaucoup de gens au Wendy’s où Rayshard Brooks a été tué. Il disait en gros, « écoutez, nous sommes passés par ce processus aussi. Cette écriture de masse à travers les États-Unis dans les années 60. Et après, on s’est dit, qu’est-ce qui a vraiment changé ? Et bien sûr, dans le sens où tout a changé. Vous devez donner aux gens une victoire. Quelque chose qu’ils peuvent ressentir. Quelque chose de tangible. »

C’est juste quelque chose qui m’a vraiment marqué depuis. Il y a quelque chose de vraiment déprimant à passer par 2020. Pour beaucoup de gens, c’était le moment le plus fort de leur vie. Et en même temps, après, ils retournent à leur vie normale et cela devient le moment le plus impuissant de leur vie.

Et donc, je pense que si nous pouvons faire un truc, donner une victoire, nous pouvons construire cette confiance. Et avec cette confiance, alors que pouvons-nous faire ? Il y a beaucoup d’idées différentes sur ce qui pourrait arriver après notre victoire. Je l’ai déjà mentionné, il y a le plan de la ville pour relier cet espace vert à ces autres espaces verts et créer un corridor vert. Et peut-être que cela finira par être un outil de gentrification ou autre. Il y a cette idée de Land Back, qui est une idée assez puissante dans le contexte nord-américain, qui consiste à prendre des terres qui ont été historiquement colonisées et à les rendre aux communautés indigènes. Mais je pense, comme l’a dit le camarade, que ce que les gens veulent en fin de compte, c’est que cette terre reste une forêt et que cette forêt fasse partie de la vie des gens et que les gens puissent faire partie de cette forêt. Et je pense qu’en ce qui concerne la terre elle-même, quand la victoire viendra, c’est à cela qu’elle ressemblera.

Agathe : Je pense que Weelaunee, quand nous gagnerons, sera une sorte d’oasis. Mais ce n’est pas seulement, être contre une ville de policiers, et une dystopie hollywoodienne. Défendre la forêt, c’est la première étape. Il y aussi un certain changement de culture. Donner aux gens cette confiance. Ok, on a fait ça, et après ? Pas de police, et pas d’embourgeoisement. Parce que, oui, la police a toujours une tonne d’argent, toujours une tonne d’armes. Si ils trouvent une autre solution pour les deux projets, alors le combat n’est pas encore terminé. Donc, la partie Defend the Forest n’est que la première partie et servira peut-être d’oasis mais elle ne fera pas oublier aux gens que nous devons continuer à nous battre. Les gens savent que le sable du désert va encore arriver, qu’ils vont trouver un autre endroit pour Cop City, un autre endroit pour le studio d’enregistrement. Cela va être un long combat contre le désert, et je ne pense pas que les gens seront si prompts à y mettre fin une fois que la forêt sera sauvée.

Un bon endroit pour terminer.

[1Le 24 mai 2022, un homme pénètre armé dans une école primaire d’Uvalde, au Texas. La police, présente sur les lieux seulement deux minutes après l’arrivée du tireur, mettra des heures à intervenir. https://www.texastribune.org/2022/05/27/uvalde-texas-school-shooting-timeline/

Transcription et traduction : Tie Breakers

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