Cinéphilie : la piraterie n’est jamais finie

Lettre ouverte à Vincent Paul-Boncour, deuxième flic de France

paru dans lundimatin#297, le 19 juillet 2021

Salut lundimatin,
Je ne sais pas si vous connaissiez le groupe Facebook La Loupe qui vient de disparaître sous la pression de salauds d’éditeurs de DVD dont le patron de Carlotta Films, Vincent Paul-Boncour. Ce groupe était une merveille, un groupe d’échanges de films introuvables allant de chefs d’œuvres de l’histoire du cinéma jusqu’à des navets tv de seconde zone, en passant par le cinéma expérimental, le documentaire, etc… Bref, une merveille. Un groupe où se rassemblaient amateurs, chercheurs, réalisateurs. Un groupe de pur partage magnifique.

Voici la tribune que ce fumier de Paul-Boncour a cru bon publier sur
son site : https://carlottafilms.com/wp-content/uploads/2021/07/TRIBUNE-DE-VINCENT-PAUL-BONCOUR-2-JUILLET-2021.pdf

Et voici la lettre ouverte que je me suis permis de lui écrire aujourd’hui si vous souhaitez publier.

Lettre ouverte à Vincent Paul-Boncour, deuxième flic de France

Monsieur,

Notre activité n’est illégale qu’aux yeux de capitalistes de votre espèce. Puisque La Loupe était une expérience collective, d’échange, d’entre-aide, de partage (notions qui n’ont visiblement rencontrées qu’obstacles jusqu’à vos neurones), j’ai glâné ici et là des commentaires d’ancien.nes membres suite à votre grotesque tribune :

« La Loupe a constitué pendant plus d’une année une véritable communauté cinéphile, éprise de curiosités, de films expérimentaux introuvables, de cinéma clandestin, d’objets oubliés. Ce fut un véritable laboratoire critique. La plupart des films échangés ne connaîtront jamais de réelle édition — trop rares, sans marché véritable. C’est une erreur politique de s’en prendre à la Loupe, car ses membres, par leurs travaux, leurs échanges, font vivre le cinéma. C’est un gâchis véritable ».

« Aucun film édité (et toujours disponible) ou existant en VOD n’était partagé. Quant aux ayants droit, ils et elles ne devraient avoir que le droit de faire vivre l’oeuvre, en aucun cas de la faire fructifier à leur seul profit, alors qu’ils ne sont pour rien dans la création ».

« La Loupe était un groupe de partage de films introuvables, de toutes époques, sur tous médias, de tous genres, de tous pays et de tous réalisateurs allant d’essais obscurs à des documentaires télé, en
passant par des sorties de festival et tout un tas d’objets oubliés, bref, une mine d’archives unique en son genre, administrée par des passionnés, alimentée par des passionnés, dans le respect des éditeurs et des distributeurs - dont certains en étaient des membres actifs ».

« Les vrais passeurs du cinéma cette joyeuse et généreuse bande là. Et combien de fois les administrateurs ont-ils orienté les membres du groupe vers les distributeurs ?
La loupe, c’était une rare communauté tranquille et bienveillante dont les recherches donnèrent parfois lieu à de jolies retrouvailles, des histoires de transmission comme on en voudrait souvent.
Un an de travail, d’échanges, d’enthousiasmes partagés. Quel gâchis, quel massacre ! ».

« La Loupe, ce n’était pas "un lieu de piratage de films de toute l’histoire du cinéma", mais un lieu d’échanges, né durant le premier confinement, destiné à faire connaître des films rares et qui n’existaient ni en support DVD ni en VOD. C’était un lieu de cinéphilie, pas un repaire de gangsters comme vous voulez le faire croire. Vous auriez largement pu y puiser des ressources pour éditer des films, si bon vous semblait. La Loupe servait à cela, à promouvoir des œuvres tombées dans l’oubli, méconnues, non éditées. Mais pas seulement, c’était aussi un espace de discussion entre cinéphiles ».

« Précision utile : les liens proposés sur la loupe en réponse à une demande (après vérification de la non disponibilité des films sur le marché français) présentaient pour la plupart une date d’expiration
courte. Donc présenter la page comme un gigantesque magasin en libre service est mensonger ».

« La cinéphilie n’a besoin d’aucun guide, aucun gardien. Si vous regardiez les films au lieu de ne penser qu’à les vendre, vous auriez appris avec Truffaut par exemple que la cinéphilie est souvent une affaire d’arrangements, un partage sous le manteau, mais surtout un monde qui vibre d’un fétichisme particulier : celui de la salle, du film, de posséder l’indicible pour espèrer en percer le mystère. Nous avons besoin des salles, besoin de Blu-ray, besoin de revoir, de scruter. La Loupe était un espace d’échanges mais pas forcément de films, elle était un groupe, le théâtre d’un monde impossible dans le monde où vous existez. Vous avez contribué à détruire une utopie ».

Il y aurait tant d’autres commentaires à publier ici, tous plus touchants les uns que les autres.

C’est en bon mouchard que vous en appelez à la rescousse du CNC, cette institution vichystes dont vous représentez la plus pure descendance. Vous terminez votre lamentable tribune par un « Dans un monde d’après qu’on nous a tant vanté, il serait temps de se poser, et de mettre un
terme enfin à tout cela ». Pauvre cruche, dans le monde d’après dont nous rêvons il y a mille Loupes et moins de parasites de votre acabit.

La piraterie n’est jamais finie,

Une loupiote dans la nuit

P.S. : Le C de ACAB ne tient pas pour « Cops » comme vous l’ont raconté vos
enfants mais pour « CarlottaFilms »

lundimatin c'est tous les lundi matin, et si vous le voulez,
Vous avez aimé? Ces articles pourraient vous plaire :