Chroniques d’Ukraine #5

Les ruines, l’insouciance et la banalisation de la guerre
Romain Huët

paru dans lundimatin#345, le 27 juin 2022

Habitué des zones de conflit, le chercheur français Romain Huët s’est rendu pendant un mois en Ukraine afin de documenter le vécu quotidien de la guerre, cette « expérience de l’écroulement du monde ». Nous publions cette semaine ses 4e et 5e Chroniques d’Ukraine et nous le retrouverons ce lundisoir pour reprendre la discussion entamée au lendemain du déclenchement de la guerre avec des chercheurs et des activistes s’étant rendus sur place.

Kharkiv, partie 2

Il m’a fallu seulement cinq heures pour rejoindre Kharkiv depuis Kiev. En dépit de l’intensité des combats, les trains fonctionnent toujours. Face à la gare, je me repose du trajet en buvant un café. J’entends alors les premiers sons d’explosions à quelques kilomètres de là. Comme toutes les personnes qui se trouvent autour de moi, je feins de n’avoir rien entendu, comme si tout cet acier dans le ciel n’avait aucune existence. Il a fallu que quelques militaires nous somment de nous abriter dans la gare pour que ces explosions relativement lointaines aient quelque effet sur nous.

Kharkiv est située dans le Nord-Est, non loin de la frontière russe. La ville, peuplée avant le conflit de près d’un million et demi d’habitants, est agréable. De nombreux espaces verts s’étendent un peu partout et promettent à ses habitants quiétude et promenades familiales. Sur le plan architectural, on y reconnaît de nombreux styles différents : art nouveau, bâtiments néoclassiques que l’on doit à son fameux architecte Oleksiy Beketov. Je me promets d’y retourner quand la paix reviendra. Je suis en train de passer à côté d’une histoire riche et vivante.

Kharkiv, début mai 2022.

Je marche en direction d’un groupe de volontaires qui m’accueillera pendant une dizaine de jours. La statue du poète Taras Chevtchenko, non loin de l’immense place de la Liberté, est recouverte de bâches et de sacs de sable. Elle est intacte. La poésie résiste encore à l’empire de la destruction.

La statue de Taras Chevtchenko, dans le centre de Kharkiv.

Pour le reste, je découvre un centre-ville largement écroulé par les bombardements. Plusieurs bâtiments officiels ont littéralement été détruits dans les premières semaines de la guerre. Les Russes ont fait quelques incursions dans la ville sans être parvenus à en prendre le contrôle. Aujourd’hui, ils sont à quelques kilomètres d’ici. Les tirs de roquettes et autres bombes s’abattent toute la journée, en particulier sur les quartiers Est de la ville. L’armée ukrainienne riposte et s’emploie à contenir l’avancée des Russes. À en croire ce qu’ils m’en racontent, les Ukrainiens ont l’ascendant.

Sinistre vertige de la désolation : le silence des « nouvelles » ruines

J’observe ces destructions dont seule la guerre est capable : murs éventrés et brûlés, étages d’immeubles pulvérisés, toits écroulés, monticules désordonnés de bétons, gravats et bouts de verre partout sur le sol, etc. Dans les premiers moments de mon arrivée, ces destructions ne m’ont pas fait grand effet comme si mes voyages précédents en Syrie (2102-2018) m’avaient immunisé contre les dangers d’une sensibilité trop ouverte. C’est ainsi qu’on enjambe le réel pour lui faire face. Banaliser est une façon de domestiquer l’inquiétant.

Mais à mesure que je marche seul dans Kharkiv, dans des rues absolument vides, je ne suis pas pour autant d’une grande sérénité. Au loin, les tirs de roquettes sont réguliers. Les puissants bâtiments effondrés deviennent désaffectés : sinistre vertige de la désolation. Je voudrais faire parler ces « nouvelles » ruines, lire ce qu’elles ont à dire. Mais elles se tiennent en silence, un silence glaçant. Diane Scott, dans son passionnant essai sur les ruines, enseigne mon regard et m’aide à le mettre en mots. Ce qui était autrefois animé est désormais silencieux. Ces destructions offrent à voir un monde pulvérisé. Les ruines cultivent l’incrédulité à l’égard du monde ; aussi monumental qu’il puisse être, il est susceptible d’effondrement. Elles signalent un vacillement du présent. En Ukraine, on ne compte plus les villes qui ne sont perçues que depuis leur destruction prochaine.

Non loin, les tirs de roquettes rompent ce silence et rappellent que la ruine est « nouvelle ». Les sens sont captivés par ces signes menaçants. On s’en remet alors à soi. Face au hasard des circonstances d’être au mauvais endroit, au mauvais moment, on songe à sa sécurité. Dans un cas comme celui-ci, il n’y a pas beaucoup de règles de prudence à respecter : éviter les grands boulevards, repérer les parapets de béton, remparts dérisoires contre les déflagrations, et marcher vite.

Dans la vie précaire et menacée, un centre de volontaires

J’arrive au centre de volontariat. Le lieu est accueillant et inspire la confiance. Il est tenu par une vingtaine de jeunes volontaires âgés de 20 à 30 ans. Anciennement, il s’agissait d’un bar associatif. On s’y rendait pour boire un verre, y rencontrer ses amis et écouter un concert. La scène est encore là, le bar aussi. Il ne manque que ses clients habitués. La décoration est simple et sans cohérence. On perçoit qu’elle s’est faite par de nombreuses mains, au gré des bonnes volontés et inspirations de ses visiteurs. Cette pièce de vie fait une centaine de mètres carrés. Sur son côté, une porte ouvre sur une autre salle, plus étroite, où un billard occupe la plus grande partie de l’espace.

Au centre de volontaires.

C’est le « centre d’appel » du groupe, c’est-à-dire un bureau où deux personnes s’affairent à répondre aux multiples demandes humanitaires provenant des habitants de la ville. C’est aussi la salle fumeur. Il y a également une grande cuisine équipée pour faire à manger pour de grands groupes. Deux cuisiniers volontaires l’occupent chaque jour. L’étage se compose un bureau d’une dizaine de mètres carrés, puis d’un étroit couloir où sont empilés les stocks de marchandises. Des cartons en piles branlantes occupent tout le mur du sol au plafond. Enfin, on y trouve une salle de bain en mauvais état mais fonctionnelle.

Le sous-sol fait office de dortoir. Une vingtaine de couchettes à même le sol et serrées les unes contre les autres meublent cet espace désordonné. La lumière orangée donne un aperçu incertain du lieu. Ce sont des combles souterrains aménagés dans l’urgence et améliorés au quotidien. Quelques chats y habitent. À les entendre gratter, sauter et filer, ils ont manifestement l’air de se plaire dans ce lieu peuplé de vies qui se reposent. C’est là où les volontaires dorment et où les jeunes couples se trouvent une intimité dans les temps de l’après-midi. Ce sous-sol est un monde caché : dépourvu de confort mais sécurisant. Le début de la guerre est encore trop récent pour réunir en un même lieu ces deux qualités. C’est là que j’ai été accueilli pendant une semaine.

Ce centre de volontariat a été constitué dès le commencement de la guerre par Bohdan, le gérant du bar. Au départ, il a accueilli en urgence les civils paniqués par les bombardements. Les premières semaines ont été violentes et les habitants impréparés à un tel contexte. Une soixantaine de personnes se sont réfugiées dans ce lieu.

Daria, à peine trente ans, s’occupe également du bar. Elle prend en charge le « call center ». Avec ses cheveux décoiffés et colorés d’un bleu incertain, elle transpire la bonne volonté. Son visage est fatigué mais ses yeux sont vifs comme si rien de ce qui passe autour d’elle ne lui échappe. Avant la guerre, elle était barmaid. Elle me raconte qu’elle aime la nuit, son ambiance, ses temps qui s’étirent, ses effusions. Elle me parle d’une jeunesse que l’on retrouve partout ailleurs. Celle de Daria a pris un tournant radical.

En 2015, elle s’est portée volontaire dans le Donbass. Elle apportait quelques aides matérielles. Son engagement était irrégulier, au gré des impulsions et de la sensibilité du moment. Elle n’ignorait pas la guerre et elle se doutait bien qu’elle pourrait arriver jusqu’ici :

« J’étais préparée. J’attendais la guerre. Du coup, c’était plus facile de me préparer. En fait, quand la guerre est arrivée, je savais que j’aurais un rôle. »

Néanmoins, les premiers jours ont été chaotiques : ambiance de fin de monde où la peur agitait tous les civils amassés dans cet espace exigu : « On passait notre temps à faire à manger, à soutenir psychologiquement les personnes les plus fragilisées et à attendre d’y voir plus clair sur la situation. »

Progressivement, la situation s’est normalisée. Ils ont mis en place une organisation de distribution alimentaire qu’ils vont livrer chaque jour dans les quartiers les plus exposés aux affrontements. Quotidiennement, ils apportent une centaine de sacs contenant farine, eau, boîtes de conserve, quelques fruits et légumes, produits de toilette et parfois de la viande. La composition des sacs varie en fonction de l’aide qui provient des pays voisins. Ils ne sont pas soutenus par une quelconque ONG internationale, mais ils ont bricolé leurs réseaux à partir de leurs connaissances personnelles. Une nouvelle fois, je constate cette aptitude au bricolage qui rend leur organisation vulnérable, tributaire des responsabilités que chacun endosse, de l’endurance dont ils sont capables.

Ivan : « je me suis habitué à la guerre »

Ivan, 27 ans, est l’un des vingt volontaires. Il s’occupe de l’intendance avec Daria. Je l’ai particulièrement pris en affection. Son visage est toujours allumé par un sourire tantôt malin, tantôt rieur. Il est collectionneur de tout ce qu’il trouve. En ce moment, son nouveau hobby est de collectionner les capsules de canettes. Régulièrement, je le vois chercher sur le sol en quête d’une nouvelle pièce qu’il ajoutera à sa collection. Il en a plus de 150. Il m’explique que sa petite amie, en échange d’un cadeau, le couvre de baisers. Alors, il collectionne et a toujours quelque chose à lui offrir.

Ivan est un peu l’homme à tout faire. Il conduit, répare, approvisionne le lieu des biens nécessaires, nettoie, aide aux nombreuses tâches domestiques. Sa présence généreuse détend l’atmosphère. Avant la guerre, il était barman et tout à fait satisfait de son travail fraîchement obtenu. Le Covid est venu défaire ses plans. Sans emploi pendant de longs mois, ou faisant quelques jobs temporaires, il venait de trouver une place comme vendeur de voitures à Kharkiv. Les commissions sur les ventes lui assuraient un revenu inespéré et il en était tout à fait satisfait. La guerre a ruiné ses plans.

Ivan, pendant une livraison.

Il m’assure qu’il s’est habitué à la guerre, qu’il n’est plus habité par la peur. Le son des explosions lui est familier et banal. Beaucoup de choses ont été écrites à ce sujet mais je ne crois pas inutile d’insister à nouveau sur ce fait. Dans les moments d’ennui, je me rends dans l’un des nombreux parcs de la ville. Je lis Romain Gary, j’écris, et j’observe le paysage.

Non loin de moi, de jeunes adolescents jouent au basket, d’autres au ping-pong. Il ne se passe pas dix minutes sans que l’on entende une explosion. Certaines sont lointaines, d’autres plus proches, à 2 kilomètres environ. Je ne quitte pas les yeux de la table de ping-pong. Aucune de ces explosions n’a abrégé leurs échanges. C’est comme s’ils ne se passait rien. Seul, un chien promené par son maître, non loin de là, paraît vaguement se soucier de ce bruit sourd. Il lève le museau au ciel, ne sachant trop que regarder, puis s’en retourne humer les bonnes odeurs du sol. Quant à moi, quand je n’observe pas mon environnement, je continue à lire et à écrire avec ce sentiment nouveau en moi : il faut des efforts pour empêcher la vie.

La guerre comme expérience de l’ennui

Ces moments de solitude m’incitent à questionner le rôle de l’observateur du quotidien de la guerre. En tant qu’ethnographe, mon travail ne vise pas à clarifier la situation militaire. Il est de restituer un quotidien, des paroles ordinaires, et les diverses façons d’aborder un monde cahotisé.

La tentation est grande de ne raconter que les « histoires remarquables ». D’ailleurs, lorsqu’il s’agit de documenter la guerre, les hommes sont que trop portés par la vantardise. À les écouter, ils ne sont traversés par aucune peur à l’exception des moments où ils ont frôlé la mort et dont ils se plaisent à raconter dans les infinis détails les circonstances exactes de leur péril. Ces situations critiques n’entament par leur détermination inébranlable. Ils s’empressent de rejoindre l’épicentre du feu puis déguerpissent aussi vite qu’ils sont venus. C’est là leur vocation. Et si on se met à questionner leur soif d’aventure et d’adrénaline, ils reprennent une mine sérieuse et solennellement déclament leur tirade favorite sur le devoir d’information qui est supérieur à la vie. Curieusement, ils ne semblent agités par aucun désordre intérieur. Eux, sans que je sache véritablement de qui je parle, sont forts en histoires remarquables.

Mais qu’y a-t-il à raconter ? La guerre a une loi générale : l’amoindrissement général de la plupart des gestes du quotidien. Ce quotidien n’est pas seulement desséché. Il est empêché, sinon annulé. Il se réduit à accomplir les actes les plus nécessaires au maintien de la vie. On s’y ennuie largement. Des heures durant, on attend des ordres, une mission à accomplir, une chose à faire. Les combattants ne font pas exception. Des milliers d’entre eux ont la tâche de contrôler les circulations aux checkpoints, d’organiser la logistique, d’accomplir toutes sortes de formalités administratives laborieuses.

Par exemple, dans certains bureaux, on les voit s’agiter pour enregistrer le matériel, noter le numéro de série et l’identité du soldat qui en sera le bénéficiaire. On les voit aussi attendre des heures on ne sait quel ordre improbable. Seuls les soldats engagés dans les premières lignes sont pris par l’intensité de la guerre. Tous ces hommes sont indispensables. Aux actes de bravoure tant de fois rêvés s’oppose un quotidien radicalement empêché et précipité dans un huis clos avec un nombre étroit de camarades. Il existe quelques divertissements, quelques stratégies pour tuer l’ennui, quelques soirées où l’ivresse aide chacun à s’absorber tout entier dans l’oubli du présent. Mais cette vie n’a de signification que dans le contexte dans laquelle elle se déploie.

Au bar du centre de volontaires.

Des aventures surgissent occasionnellement. C’est d’ailleurs cette rupture imprévisible des temporalités, ce surgissement toujours possible d’un événement qui maintient chacun dans la concentration et le sérieux de la guerre. Les aventures, aussi occasionnelles qu’elles puissent être, excusent l’ennui. Les désastres que cause la guerre ne résident pas exclusivement dans le spectacle de l’horreur. À mesure que la guerre enveloppe ces existences, l’époque où la vie pouvait se concevoir autrement devient progressivement un lointain souvenir. Plus dure la guerre, plus se creuse le désastre subjectif.

Ivan est ce témoin non spectaculaire de la guerre. Il n’est pas de passage à Kharkiv. Il vit ici. Il ne cherche pas à m’impressionner. La guerre a fait effraction et le temps n’est pas encore venu de raconter ses innombrables exploits, tels des anciens combattants. Quand il me raconte la guerre, il oscille entre fatalisme et banalisation de la situation. Depuis le 24 février 2022, il a vu partir bon nombre de ses amis :

« Il ne me reste qu’un ou deux de mes amis ici. Un jour, un car est venu pour nous évacuer. J’avais la possibilité de grimper dedans et de partir. Je n’ai pas pu le faire, je voulais rester et aider. »

En règle générale, les motifs du volontariat ne sont pas davantage expliqués, comme s’il existait deux ultimes choix : partir ou résister. Les justifications de son engagement se passent d’élaboration.

Ivan ne bégaie pas. La décision de rester pour lutter semble s’enraciner dans le corps, les tripes, comme si le renoncement était un désaveu de soi. Ses yeux s’illuminent et son sourire détend malicieusement son visage lorsqu’il me raconte ses aventures pendant ces deux mois de guerre. Dans les tout premiers jours, il a essayé de rejoindre un centre de volontariat :

« Le type qui accueillait m’a redirigé dans un autre centre car celui-ci était bondé de monde. Je me dirige vers la nouvelle adresse. Et boum, une explosion effroyable m’a fait sursauter. Derrière moi, à 200 mètres de là, une bombe était tombée sur l’endroit où je venais de discuter avec le garde. »

Puis, il me raconta une seconde histoire. Alors qu’il marchait dans les rues désertes de Kharkiv, soudainement, des tirs ont retenti au coin de la rue. Une troupe d’une quinzaine de soldats russes pointaient le bout de leur nez à quelque 200 mètres de là. Dans ce bref instant confus, et animé par il ne sait quel instinct, il sauta dans un arbre voisin et grimpa pour se mettre à l’abri. Accroché sur les branches, il assista à un spectacle inouï à en voir la mine effarée qu’il prend à l’instant où il me parle :

« À ma gauche, il y avait l’armée ukrainienne et à ma droite l’armée russe. Les soldats étaient littéralement face à face. Entre les deux espaces de quelque 200 mètres, il y avait un véhicule blindé ukrainien, vidé de ses occupants. »

Médusé, Ivan assiste au spectacle de l’affrontement. Alors que le feu bat son plein, un des militaires ukrainiens ordonne à l’un de ses hommes de récupérer le véhicule blindé. Au prix que coûte un tel matériel, cela vaut bien la peine de risquer quelques vies :

« Et là, j’ai complètement halluciné. Les types se marraient presque. Et tu as un gars qui s’est mis à courir vers le véhicule, ignorant tous les tirs et en quelques secondes, le ramène du côté de la troupe. C’était incroyable leur légèreté à cet instant-là. »

C’était un moment grisant et déconcertant à la fois.

L’art de la retenue

À mesure que je fréquente ces volontaires, je constate la sobriété de leurs récits. Je suis aussi frappé par la retenue dans l’expression de leurs émotions. Elles ne débordent jamais. Ils semblent se tenir dans un autocontrôle permanent, si bien que leurs indignations sont feutrées. C’est l’art redoutable de la réserve.

Ce contrôle de soi n’est pas lié à ma présence. Il est une ambiance générale. Dans le groupe, les uns et les autres se témoignent une solide affection. Je les vois se toucher sans arrêt, se prendre dans les bras, mais ils ne racontent pas les problèmes de la guerre, comme si parler de ses doutes ou de son désarroi suffisait à nier le chaos.

La guerre a son lot de tragédies. Ils ne m’en racontent que quelques-unes, sans s’étendre davantage. La réserve est le rempart à la fébrilité, la manifestation d’une lassitude latente face à une situation qui traîne. Les jours se répètent. La monotonie ronge les quotidiens. Les fronts de Kharkiv ne bougent pas. J’ignore le genre de doutes qui pourraient bien les habiter ou simplement les traverser. Mais lorsque l’on a choisi de rester, cela donne curieusement un sens et une direction à sa vie et commande de poursuivre, comme si rester impliquait un choix qui surpasse tous les autres, une dette qu’ils avaient envers la guerre. La guerre est ce que les gens font. Ici, ils en font une résistance minuscule au sein d’une guerre de grande échelle.

Une journée type :

7h : réveil, café lyophilisé,

7h05 : première cigarette, deuxième, puis troisième. Presque deux paquets par jour.

8h : chargement des voitures.

8h10 : départ pour livrer les colis dans les quartiers exposés.

Avant le départ pour une livraison.

13h : Retour au QG. Déjeuner

15h : Nouvelles livraisons si les colis sont préparés.

20h : Couvre-feu.

20H-23h : billard, téléphones portables, films, quelques conversations, billard, téléphones portables, films, quelques conversations.

Demain et les jours suivants, avec Vitali, Mark et Alissia, j’irai livrer les colis dans les quartiers Est de la ville.


Chroniques d’Ukraine #1 : Documenter la guerre
Chroniques d’Ukraine #2 : L’art face à la guerre
Chroniques d’Ukraine #3 : Volontaire pour entrer en guerre
Chroniques d’Ukraine #4 : Peut-on tourner le dos à « sa » guerre ?
Chroniques d’Ukraine #5 : Les ruines, l’insouciance et la banalisation de la guerre
Chroniques d’Ukraine #6 : Résister sous les bombes. Récits depuis Kharkiv
Chroniques d’Ukraine #7 : Donbass. Espérer que le destin ne nous choisira pas

Ces Chroniques d’Ukraïne de notre collaborateur Romain Huët ont aussi été publiées sur le site de The Conversation.

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