Cauchemars et facéties - spécial 28 avril et 1er mai

Suite. Et fin ?

Cauchemardos - paru dans lundimatin#59, le 3 mai 2016

Un ensemble de récits des manifestations des 28 avril et 1er mai qui nous ont été envoyés durant le week-end.

MARSEILLE

Pour commencer l’histoire, resituons un peu le contexte : nous sommes à Marseille, cette grande ville de sales gosses désorganisés. Jusque là l’organisation collective et politique semblait être l’affaire des spécialistes, mais rien n’est immuable, la vie a repris place dans les cortèges, avec bonne humeur et détermination.

28 avril ; jeunes et déters en pôle position

Jeudi matin, le rendez-vous était donné par les lycéens à 10h à la prèf, histoire de se positionner en tête de cortège sans se faire emmerder par les services d’ordres. Bonne ambiance d’entrée : les groupes de lycéens déboulent des quatre coins de la ville, parfois de loin dans les quartiers Nord en dansant l’afro trap pour garder la pèche. Les t-shirts sont en place remontés sur les nez, les lunettes de plongée ou de soleil sur les yeux, un max de fumi dans les mains, le ton est donné : maintenant on vient équipés en manif’ !

Le cortège des sauvages se lance pour prendre la tête de la manif sur le cours Lieutaud, en pôle position, devant FO qui a elle-même mis une carotte à la CGT, cette dernière ayant perdu pour de bon son éternelle place de maman canard. On ouvre le bal en restant attentifs à ne pas semer les syndicats, on veut pas scinder le cortège même si ya pas photo, l’ambiance est autrement meilleure chez nous ! Encadrés de trois banderoles renforcées, on se sent déjà plus forts et les détournements de chants de supporters résonnent tout le long du cours Lieutaud dans les éclats rouges des fumi SNCF.

Arrivés au bout de Lieutaud, on entretient cette bonne habitude acquise lors des deux dernières manif de bifurquer à gauche sur Baille pour éviter la nasse habituelle qu’on sait déjà en place sur Castellane. On fait une petite boucle pour aller chopper la CNT et Sud en fin de cortège, et on se retrouve chauffés à bloc, nos rangs bien grossis par ce petit tour de passe-passe, en bas du boulevard Baille. Les révolutionnaires aussi conspirent : le mot est bien passé de s’unir pour lancer une manif sauvage dont l’objectif partagé a su rester confidentiel.


28 avril ; manif sauvage direction...

On peut dire qu’on était au moins un 3000 marseillais, voire 10 000 ! En tout cas : « On est nombreux, on fait ce qu’on veut ! ». En remontant le boulevard on déchante un peu en voyant le cordon de CRS se mettre en place pour nous bloquer l’accès à la rue de Lodi et le troupeau de baqueux casqués qui s’amasse sur le trottoir de droite. On tente quand même de forcer le passage, on y croit ! Il nous faudra un bon quart d’heure d’affrontements pour capter que d’autres chemins étaient possibles. Le petit camion rose de Sud sera le dernier à rebrousser chemin sous la pluie fournie de lacrymo qui aura eu raison de son pare-brise.

Après un petit moment de flottement, le cortège se reforme sur la rue de Rome : « Ah, Ah, c’est rigolo sous les bombes lacrymo ! ». Cette fois-ci on se laissera plus bloquer, on évolue en zigzag, évitant les gros barrages, en prenant soin d’enflammer des contenairs au milieu de la route sur notre passage pour freiner les gros culs qu’on a au cul, engoncés dans leurs carapaces. Que de flammes, d’étincelles et de fumées dans ce beau ciel marseillais !

Les keufs qui tentent de nous suivre ne cessent d’être harcelés par les jeunes fougueux qui traînent au fond de la classe. Blasés, ils ne trouvent rien de mieux à faire pour passer leurs nerfs que d’arroser inutilement notre cortège sauvage de lacrymo, en chien, par derrière. Ils continuent jusqu’au cours Ju où ils font un gros bide en noyant les terrasses bobo sous le gaz. Depuis, même eux détestent la police !

28 avril ; ...les rails

Le passage par la plaine est tranquille, on est en territoire ami. Un peu amaigri, notre cortège remonte le boulevard Longchamp en prenant soin de ne laisser aucune pub derrière sa vitrine, direction la grille ouverte par des copains cheminots pour accéder aux voies de chemins de fer.

Il ne reste plus qu’une centaine de mètres pour l’atteindre quand une poignée de baqueux accompagnés d’une voiture d’acolytes en uniformes tentent de nous barrer le passage.

Cette fois on lâchera pas, les banderoles essuient plusieurs shoot de flashball sans broncher, tout le monde traverse le champ d’assourdissantes et de lacrymo au pas de course, c’est bon, on a gagné, ils ont détalé comme des lapins sous la pression. La voiture estampillé « police » a pris cher dans sa fuite désespérée !

Arrivés sur les rails c’est l’euphorie, on laisse place à un grand feu de joie pour célébrer, les pneus ayant été discrètement entreposés la veille.
Le stock de caillasse étant plutôt bien fourni, les flics décident de ne pas monter sur les rails. On commence une petite rando direction Lyon, sachant que ce serait se jeter dans la gueule du loup que de revenir vers la gare.
Tout est bien, sauf la dispersion pas bien gérée : en quittant les rails en divers endroits, une soixantaine de personnes se fait serrer par des flics blessés dans leur ego. La plupart sortiront vendredi matin, d’attaque pour un week-end encore bien chargé .

30 avril et 1er mai

En effet le samedi une fête de quartier est organisée pas les habitants et habitués de la plaine qui est en proie a un plan de rénovation ambitieux : dévorer tout ce qui vit et n’est pas conforme aux « smart métropoles ». Depuis quelques temps la préfecture met la pression : amendes pour affichage sauvage, arrêtés préfectoraux interdisant la vente d’alcool après 20h, allant jusqu’à faire intervenir des municipaux zélés pour faire respecter l’interdiction de consommer de l’alcool sur la voie publique.

Toute la journée la fête foraine bat son plein sur la plaine, espace emblématique de la dissidence et de l’insoumission marseillaises. Les magrets de canard fument sur les planchas, barbapapas, crèpes, chamboule tout, tournoi de foot et autres délires font le bonheur de tous ceux qui aiment à traîner par là après le marché. Mais déjà une rumeur circule : « Il paraît qu’on va reposer des tables ! ».

C’est en référence à une fête organisée en décembre au même endroit et au cours de laquelle des tables en bois vraiment balaises avaient étés posées, ancrées dans le sol par des blocs de béton, un truc pas bidon pour montrer qu’on est capables d’investir l’endroit sans ces guignols de la mairie et autres entrepreneurs. Six mois après, suite au monstre carnaval indépendant de la plaine, la mairie sur les dents avait envoyé une horde de policiers pour encadrer la destruction de ce mobilier urbain sauvage.

La rumeur disait vrai, cet après-midi voit fleurir quatre nouvelles tables flambant neuves et un panneau d’affichage libre ainsi que des cages de foot de la meilleure facture. La foule en délire poussera la fête jusqu’à tard dans la nuit, dansant sur les tables sous les confettis et autres feux d’artifice. Les arrêtés préfectoraux ne semblent pas avoir trouvé echo auprès des plainards. Certains ont même été jusqu’à évoquer l’avènement de la commune libre de la plaine !

Le dimanche 1er mai, la place ne désemplit pas, accueillant une sardinade improvisée qui réunit autour des barbecs les acteurs du mouvement contre la loi travail (collectif 13 en lutte, nuit debout…) autant que les plainards en résistance. Ça chauffe à Marseille, ça chauffe le marcel !

Quelques jeunes 13énervés

LYON

28 avril ; arrestations, désarrestations, flashball et peinture

Une excellente vidéo :

Manif du 28 avril à Lyon : Vainqueurs par chaos from Rebellyon on Vimeo.

Extraits d’un premier récit à retrouver ici :

Hop départ, la tête formée de groupes plutôt autonomes par rapport au reste du cortège syndical s’étoffe de manif en manif. Lycéen.nes, étudiant.e.s, précaires, féministes, anti-racistes (et sans doute bien d’autres) se tiennent derrière plusieurs banderoles, dont certaines renforcées, et quelques boucliers finissent d’annoncer la couleur : on ne se laissera pas taper dessus en courbant la tête.

Ca part vite et fort, et dès les premières intersections un groupe de flics est peinturluré de toutes les couleurs, et obligé de reculer dans une rue latérale.
Le cortège continue et se tient bien, avec une attention réciproque au rythme et à la présence de la police.

Arrivés vers Garibaldi, la tension s’accroît, les flics (qui entre-temps ont encore creusé leurs frais de pressing avec les oeufs de peinture qui les égayaient) gazent copieusement et chargent la tête du cortège, qui se retrouve momentanément scindée en deux. Plusieurs blessés à ce moment là, notamment par des grenades de désencerclement et assourdissantes. Deux arrestations vers le métro Garibaldi. Il ne faut pas laisser la tête de cortège seule devant, on respire et on y retourne, appuyés par le mégaphone monté sur escabeau roulant qui gueule « C’est un peu difficile mais allez on y va ! On avance ! ».

On se tient, en ligne et en banderoles renforcées, et on avance en se protégeant de nouvelles charges de la police. « On part ensemble, on rentre ensemble » ! Malgré la peur, de nombreuses personnes qui ne semblent pas habituées aux confrontations avec la police avancent et refusent de laisser les « jeunes » devant.

Adecco est redécorée sur la route, ainsi qu’une autre boite d’interim. Les banques, dont la société générale prennent de sacrées couleurs. [...]
Le carrefour de Saxe est le théatre d’une certaine tension, les flics font mine de tirer au flash ball, on se tient, là encore, et on avance. Juste après, les flics interviennent devant une autre banque et tentent d’arrêter deux personnes. Une des deux personnes parvient à se faire libérer par d’autres manifestant.es. autour, qui l’extirpe d’entre les bras des flics ! Grande joie.

La foule avance sur les flics en gueulant « Cassez-vous ! Cassez-vous ! ». Des personnes, de la CGT ou plus âgées, prennent soin de ne pas laisser la tête de la manifestation (qui semblait plus équipée pour résister face à la police) seule.
Résultat : les flics reculent dans une petite rue.Sur la place du pont, les flics chargent et tentent d’interpeller quelqu’un. La foule réagit autour : qui en essayant d’aggriper le copain, qui en donnant des coups de pied dans les boucliers des flics. La bagarre dure quelques minutes semble-t-il, et malgré le bel élan de solidarité pratique, l’arrestation a bien lieu. Mais ça fait chaud au coeur de voir qu’on se sent tellement ensemble qu’on est prêt à résister aux arrestations des flics.

Extraits d’un autre témoignage à retrouver ici :

J’ai reçu le truc pile dans la gueule. Au début je reste calme, me disant que si c’est comme les gazeuzes habituelles de Bellecour, dans 1 min je pourrais respirer correctement. Je commence à reculer, enjoignant les autres à rester calme. Et là je sens la lacrymo. Je n’arrive pas à ouvrir les yeux, je ne peux plus respirer. Je ne vois rien. [...] Je chope un bout de la banderole et je hurle pour qu’on continue de reculer vers la prochaine intersection, qui promet de l’air.

On y arrive. J’ouvre peu à peu les yeux, je respire. Une 30aine de lycéen.ne.s pleurent. Je me sens responsable. On se rassemble et on se sépare en trois : ceux qui souhaitent rentrer chez eux, ceux qui souhaitent intégrer le cortège syndical et ceux qui veulent retourner devant. On s’asperge de sérum phy. Big up à celleux qui, pendant ce temps, luttaient face aux CRS et décoraient les agences d’intérim, les banques.

Avec ma camarade qui me tenait tout à l’heure, on ne se quitte plus. On décide de retourner devant, en passant par le gros du cortège pour voir si nous reconnaissons nos ami.e.s. Je discute en passant avec des têtes connues. Des adultes, qui n’ont rien vu ni entendu du bref enfer que nous venons de vivre. Comme si nous étions à deux manifs séparées.

La suite je vous l’épargne, mais un ami m’a dit qu’il avait vu les cortèges se séparer. Que des courageux/euses étaient venu.e.s nous aider, nous protéger. A vous merci, merci mille fois. Au reste : comment avez-vous pu arrêter votre cortège laissant des centaines de personnes dans les gazeuses et sous la matraque ? Comment avez vous pu nous laisser seul.e.s ?

DIJON

28 avril ; banques redécorées ; tramway enlacé ; voitures bloquées

Les péripéties commencent avant même le début de la manifestation. Un groupe transportant une banderole et un caddie rempli de confettis se fait coincer par la BAC dans une ruelle attenante à l’Église Saint-Michel. Alors que les policiers se mettent en tête de contrôler tout le monde, des grappes de gens arrivent depuis le rassemblement qui a débuté place de la libération. Se sentant probablement menacés par cette foule, les flics brandissent immédiatement gazeuses et grenades. L’altercation en reste là. Tout le monde repart ensemble. Ce sera le seul contact avec le dispositif policier, resté invisible tout l’après-midi. Pourtant l’ambiance a été chaude.

À peine remontée la moitié de la rue de la lib’, Sephora – digne propriété du groupe LVMH – reçoit les premiers outrages des bombes de peintures. Dans la foulée, c’est Mc Do qui fait l’objet de la première attaque à base de tags et de confettis. [...] Quelques pas plus loin, le vaste hall du Crédit Lyonnais est à son tour envahi d’une nuée de manifestants euphoriques. Un vigile, étonnamment hilare, finit par déclencher la fermeture du rideau de fer. Back to the street. À chaque fois, le cortège s’arrête, attend que les lieux ciblés aient été convenablement garnis de décorations diverses tout en scandant quelque slogan d’occasion ; pour exemple le très populaire : « On bossera pas, pour vos vacances à Panama ! » qui accompagnait les petites sauteries éclairs organisées dans les établissements bancaires pris à parti.
[...]
Nous arrivons sur les rails du boulevard de Brosses. De vieilles paires de chaussures aux lacets noués ensemble font opportunément leur apparition. On essaye ici et là, sous les vivats de la foule, de les enrouler aux câbles qui alimentent les trams en électricité. Chaque réussite déclenche une acclamation méritée. Puis viennent la MAAF, telle agence immobilière, la préfecture, de nouveau le crédit mutuel, et pour finir au moment d’arriver à la fin du cortège officiel, le crédit lyonnais[...] Parvenu place Wilson, le cortège de tête, c’est-à-dire plusieurs centaines de personnes d’apparence assez jeune – comme on se doit de le constater – décide de faire durer la fête.

Tentant d’embarquer le reste de la manifestation, parvenant à arracher quelques silhouettes au morne agrégat hérissé de drapeau qui s’apprête à se dissoudre, on continue de dériver en s’égosillant jusqu’à croiser les grilles de la cour d’appel de Dijon : une poudrée de peinture grise du plus bel effet vient alors la recouvrir méthodiquement. Jeté à nouveau dans la rue Chabot-Charny, le cortège croise la route d’un bus. Immobilisé plusieurs minutes, orné d’une inscription « transports gratos » en place de l’habituel publicité au cul du véhicule, ce bus fut sans doute la source d’inspiration de l’ultime réussite, et non des moindres, de cette journée. Retrouvant le chemin de la place Wilson après une course effrénée et enthousiaste sans raison apparente, un centaine de personnes décident de bloquer le trafic. [...] Une heure plus tard au bas mot, quelques escouades de CRS gagnent le point de blocage alors que leurs véhicules restent coincés dans les files de voitures. S’en suit un désopilant jeu du chat et la souris. Déloger en un point, les bloqueurs s’en vont interrompre la circulation du côté opposé, obligeant les policiers à d’absurdes déplacements.

Comité du 32 mars [A lire en intégralité ici]

RENNES

28 avril, un manifestant perd un oeil à cause d’un tir de flashball

Communiqué de l’AG de Rennes 2

Encore une fois, après la manifestation de ce jeudi 28 avril, l’Assemblée Générale de Rennes 2 a l’occasion de saluer le nombre élevé de manifestants, et de se réjouir de la détermination et de la solidarité éprouvée dans le cortège de tête. Face à la force de notre mobilisation, la police a été fidèle à elle-même. Le bilan est d’au moins 20 arrestations et de 49 manifestants blessés, dont un camarade éborgné par un tir de flash-ball.

Dans la foulée, à propos de la répression dont il donne les ordres, nous avons entendu Bernard Cazeneuve, premier flic de France, sommer les « organisateurs des manifestations » de « condamner les casseurs » « avec la même fermeté que la [sienne] ». Si nous ne sommes pas sûrs de pouvoir être considérés comme des « organisateurs », nous sommes néanmoins de celles et ceux qui s’organisent, et nous sommes à l’origine de nombreuses manifestations depuis le début de la lutte contre la loi travail. C’est à ce titre que nous lui répondons qu’il n’y aura aucune séparation entre le bon grain des manifestants et l’ivraie des casseurs, et que nous continuerons à soutenir chaque camarade arrêté, inculpé ou condamné.

Présents dans les manifestations comme devant les tribunaux pour soutenir des camarades lorsqu’ils sont inculpés, nous savons que les discours médiatiques sur la « violence des casseurs » ont pour but de justifier les arrestations et les condamnations de manifestants. Ils servent aussi à rendre plus acceptables les mutilations infligées à certains d’entre nous par la police, qui qualifie ses ennemis de « terroristes » ou de « casseurs » afin de justifier la répression.

Les conséquences du maintien de l’ordre étant ici trop encombrantes, il est déjà reproché par le préfet au cortège étudiant, dont faisait partie notre camarade qui a perdu un œil, d’avoir osé considérer que nous avions notre place dans le centre de Rennes. De la même manière, depuis le début du mouvement, les actes des flics sont systématiquement excusés par leurs syndicats et le gouvernement au nom du stress, de la fatigue ou du sous-effectif, et ces discours sont aussitôt répétés jusqu’à la nausée par les commentateurs et experts de tout poil. A l’inverse, dans les médias les actes des manifestants sont systématiquement sortis du contexte et dépolitisés. C’est ainsi que Ouest-France parle régulièrement « d’attaques contre des commerces », sans spécifier que ce sont spécifiquement des agences d’intérim, des banques ou des agences immobilières qui sont ciblées.

Pourtant, personne n’est dupe au sein des cortèges, et lorsque la vitre de la Société Générale a volé en éclats en fin de manifestation, nous étions nombreux à scander « Panama, on n’oublie pas ! ». Aussi, plus personne ne reproche à des manifestants de tout faire pour tenir la police à distance. La raison est simple : puisque les cortèges de jeunes déterminés et offensifs sont le cœur de cible du pouvoir, à coups de grenades lacrymos et de flash balls, nous ne pouvons plus croire en la fable des « débordements en marge des cortèges ».

N’importe quelle personne qui ne se satisfait pas de signer une pétition sur internet se retrouve de fait confrontée à la police jusqu’à risquer de perdre un oeil, et c’est pour cela que nous haïssons tous les flics. « Tout le monde déteste la police » et « Tous les flics sont des batards » font aujourd’hui parti de nos slogans. Quant à ceux qui nous reprocheraient de « généraliser », nous les mettons au défi de trouver un CRS sans matraque, un BACeux favorable à l’interdiction du flash-ball, ou encore un RG ne surveillant pas la population.

Nous savons que le pouvoir cherche à marquer les corps pour disperser la masse, et il serait temps que le gouvernement comprenne que cela ne marchera pas. Par exemple, ce 28 avril à Rennes, lors d’une AG de lutte appelée initialement par la Coordination des Intermittents et Précaires, il a été décidé d’occuper le Théâtre National de Bretagne (TNB), et ce peu après avoir appris l’évacuation violente de l’Odéon par les CRS.

Nombreux sont les blessés à chaque manifestation. Les flics doivent cependant savoir qu’il n’y aura ni oubli ni pardon. En plus d’assurer de notre soutien les blessés, les gardés-à-vue et les inculpés, nous appelons à intensifier la lutte, en rejoignant notamment l’occupation du TNB et les manifestations des 1er et 3 mai contre la loi travail.

1er mai : Occupation illimitée de la Maison du Peuple

Communiqué de l’occupation :

Nous, étudiant.e.s, lycéen.ne.s, chômeur.se.s, précaires, intermittent.e.s, intérimaires, salarié.e.s du public et du privé, syndiqué.e.s ou non, mobilisé.e.s dans la lutte contre la loi travail, occupons dès ce 1er mai la salle de la Cité à Rennes (rue saint-louis - métro Sainte-Anne).

Depuis 2 mois nous subissons la répression policière, avec un dispositif sécuritaire nous empêchant notamment de manifester dans le centre-ville.

Cette occupation vise à se réapproprier la Maison du Peuple en vue d’organiser la poursuite et l’amplification du mouvement afin de construire la grève générale et d’envisager collectivement les actions de blocage économique.

La loi travail s’inscrit plus largement dans une logique néolibérale qui imprègne déjà nos vies quotidiennes.

C’est pourquoi nous ne céderons plus et créons les prémices d’une alternative au système capitaliste en place.

Des maintenant nous appelons tout le monde a nous rejoindre de jour comme de nuit.

Ville de Rennes nous avons rejoint notre maison historique !

NANTES

28 avril - blocages ; cortège étudiant

La journée commence dès 4H30 du matin. Il fait nuit noire et la température est négative. Un grand feu est allumé devant le dépôt de tramways d’Hôpital Bellier. Partout, on s’organise pour ne plus seulement se contenter de journées de mobilisation isolées, mais pour bloquer concrètement les flux et l’économie. Étudiants, occupants de la ZAD et syndicalistes déterminés se retrouvent pendant plusieurs heures sur les rails, paralysant la ligne 1 jusqu’au matin.

A la fac, dès l’aube, ce sont les bâtiments qui sont bloqués à leur tour. Le président de l’université avait fait fermer la fac de 8H à 10H pour freiner le mouvement. Cela n’empêche pas plusieurs dizaines d’étudiant-e-s de construire des grandes barricades de tables et de chaises sur le campus, avant de partir en cortège rejoindre le centre ville. 200 personnes quittent la fac derrière des banderoles renforcées. Arrivé pont de la Motte Rouge, le petit cortège est chargé sans sommation. Un chariot de matériel défensif est arraché par des flics en civils, plusieurs manifestants sont frappés. Toute la journée sera sur le même ton. Cent mètre plus loin, une ligne de Lanceurs de Balles de Défense est braquée sur le cortège. Une centaine de policiers surgissent. Nouvelle charge. Visiblement, l’objectif est de nasser le cortège pour l’empêcher d’arriver jusqu’en ville tout en arrêtant un maximum de monde. Un parcours improvisé en un éclair, sous tension, permet aux manifestants d’atteindre le cours des 50 Otages. Il n’est pas encore 10H.

28 avril - Cortège syndical

Jonction avec la manifestation syndicale. Il y a toujours autant de monde : plus de 20 000 personnes prendront les rues. Au bout de 200 mètres à peine sur le quai de la Fosse, une grenade est tirée sur la tête de cortège par des gendarmes, alors que la BAC intensifie ses provocations. L’avant de la manifestation bouillonne d’autant plus. Le défilé marque un temps suite à un désaccord sur le parcours. Des caméras de surveillance accrochées au poteaux du tramways sont détruites sous les applaudissements. Ça repart vers le Cour Saint Pierre.

Proche de la Place Louis XVI, sans aucune raison, une série de détonations font sursauter tout le monde. Puis un nuage de lacrymogène vient asphyxier des centaines de personne. Mouvement de panique. Charges répétées. Pourquoi ? Personne ne le sait, mais une étudiante est traînée sur le sol sur quinze mètres. Elle sera traitée de « pute » et de « pouffiasse » par des policiers, puis emmenée au poste pour une vérification d’identité. La police a donc transformée le Cours en zone de guerre en quelques secondes sans raison. Des feux d’artifice répondent aux balles en caoutchouc. Nouvelle montée en tension. La manifestation repart, sonnée.

Nouveaux accrochages à l’angle contre des gendarmes, nouvelles charges. L’ambiance s’échauffe. Une Porsche garée précisément à mi-chemin entre la préfecture et le Conseil départemental prend feu, dans l’approbation quasi-générale. Propagande par le fait. L’image fera le tour du web. Le véhicule appartenait-il à un élu socialiste ? Au préfet ? Le mystère reste entier. Qui n’a jamais rêvé d’incendier une voiture de luxe ? « Si à 25 ans tu n’as pas brûlé une Porsche, c’est que tu as raté ta vie » philosophe un homme d’âge mur.

Le gros de la manifestation – les cortège syndicaux – reste coincé 500 mètres en arrière alors que la tête est prise entre deux feux, gazée de part et d’autre, et visée depuis les jardins de la préfecture par un canon à eau. Moment de flottement. Des blessés sont soignés à l’arrêt de tram 50 Otages. Impacts de balles en caoutchouc. Le défilé se reconstitue péniblement, après que quelques vitres de banques restantes aient été brisées, et alors qu’un gros panache de fumée noire se mêle à la fumée blanche des gaz. Accalmie de courte durée : la police brise à nouveau le cortège Place du Cirque. Charges, grenades, interpellations. Une ligne de policiers se forme au milieu du Cours pour bloquer le cortège syndical et isoler à nouveau les jeunes qui défilent en tête. Multiples tirs. Des lacrymogènes noient les manifestants. Des syndicalistes reçoivent des grenades en tirs tendus. La police semble bien décidée à empêcher la manifestation. De mémoire, jamais une aussi grande manifestation n’a été attaquée avec une telle férocité et un tel acharnement.

28 avril - Piège

Retour à Commerce, la manifestation est totalement désorganisée. Des kaways noirs se retrouvent collés au cortège de Force Ouvrière, des syndicalistes en chasuble semblent perdus au milieu d’un groupe de déter’. Une cabane de chantier est retournée et incendiée sur la voie de tram. Des brutes du Service d’Ordre de la CGT, sans doute ivres, envoient des injures racistes à une bande de gamins de cité. Des coups sont échangés, plusieurs minots finissent à l’hôpital. Une équipe se forme pour aller punir les agresseurs, sans les retrouver. Cours camarade, car il y a du monde derrière toi !

Il n’est que 13H mais le défilé part s’enterrer implacablement vers l’île de Nantes, directement dans le piège prévu par la préfecture. Les directions syndicale envoient sciemment les milliers de manifestants dans la nasse, alors même que la manifestation du 20 avril avait très mal fini au même endroit. Immédiatement, sans surprise, des centaines de gendarmes bloquent le pont Anne de Bretagne pour refermer le piège. D’autres attaquent la foule de l’autre côté de la Loire. L’assemblée générale, prétexte pour emmener la manif sur l’île, n’aura pas lieu. Il n’y aura qu’une poignée de discours où l’on entend parler de « baroud d’honneur ». Tout le monde comprend alors que la CGT n’avait pas prévu de faire « d’agora » pour discuter de grève générale et de blocages. Les camions syndicaux et les banderoles disparaissent rapidement, laissant quelques milliers de jeunes et de manifestants au milieu d’un piège inextricable, sous des pluies de lacrymogène. Un affrontement sans issue aura lieu pendant deux heures, soldé par de nouveaux blessés et des interpellations.

En fin d’après-midi, ce qu’il reste de la manif réussit à se frayer un chemin jusqu’en centre ville, où d’autres affrontements éclatent. Tout regroupement, même inactif, est désormais encerclé et bombardé de gaz. Une nouvelle charge de la BAC fait de nombreux blessés, et plusieurs interpellations. Le préfet veut faire du chiffre. Plusieurs groupes se dispersent finalement, certains vers la gare, d’autres autour de la Place du Bouffay, et sont systématiquement pourchassés. Des bastons éclatent entre manifestants. On se dépouille, on échange des coups, on règle des comptes entre bandes sous l’œil amusé des flics. Ambiance malsaine. L’équilibre qui faisait la force des manifestations nantaises depuis le début du mouvement a disparu. Cette intelligence collective – basée sur l’écoute et le respect entre différents groupes de manifestants – est morte sous coups du Service d’Ordre de la CGT et du parcours irresponsable des organisateurs. Les syndicats prétendaient « éviter les troubles », ils en ont provoqué d’autres, d’une ampleur inédite.

Alors que les débats de la Nuit Debout se tiennent, des affrontements ont encore lieu autour de la place du Bouffay. Jusqu’à la tombée de la nuit, la police mettra une pression infernale sur le rassemblement pacifique.
Le soir même, les JT ouvriront sur du verre brisé et l’histoire bien huilée d’un « policier entre la vie et la mort ». "Le policier, "hospitalisé en urgence absolue", "va mieux", dira Cazeneuve quelques heures plus tard. L’étudiant mutilé à Rennes, quant à lui, a bien perdu son œil. Le contre feux médiatique a permis d’occulter les centaines de blessés de la journée.

[... à lire en intégralité ici]

Communiqué

« Oui, les pouffiasses s’y mettent » :

Jeudi 28 avril, à l’occasion de la dixième manifestation nantaise contre la « loi travail » et son monde, l’une de nos camarades a été raflée par la BAC lors d’une charge dirigée explicitement contre la banderole féministe qu’elle brandissait.

Traînée sur le sol sur plus d’une dizaine de mètres, elle a été violentée comme en témoignent les hématomes (marques en forme de mains, coups de matraques) qui se trouvent sur son corps.

« Pute. », lui assène les yeux dans les yeux un policier alors qu’elle était maintenue au sol. « Salope ! » lui envoie un autre. Les brigadiers ricanent entre eux : « Mais c’est une pouffiasse ! Si même les pouffiasses s’y mettent, maintenant !... ».

Lire la suite ici.

TOULOUSE

Jeudi soir, après les AG Nuit Debout, un open mic a eu lieu place du Capitole. Une marche aux flambeaux s’en est suivie, avec son lot de bonne humeur, de casse et de peinture. Récit d’une manif sauvage improvisée.

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