Cauchemars et facéties #12

Lu sur l’internet.

Cauchemardos - paru dans lundimatin#42, le 4 janvier 2016

Cette semaine il est question d’universel, d’hôtels, de périphérique, de hip-hop, d’anarchie, de mutuelle, de largesse, du père Noël, d’école, d’isolement, de chiffrement, etc.

Service public


La SNCF teste actuellement (du fait, bien entendu, du « caractère exceptionnel » de la menace terroriste après les attentats de Paris) un logiciel d’analyse comportementale pour ses 40 000 caméras de surveillance. Il est fondé « sur le changement de température corporelle, le haussement de la voix ou le caractère saccadé de gestes qui peuvent montrer une certaine anxiété ». L’expérimentation est déjà en cours dans plusieurs gares.

On teste pour savoir si ça n’identifie que les gens qui ont une intention négative, un agresseur, ou un "tripoteur", mais aussi l’acceptabilité sociale », pour voir si les voyageurs sont prêts à accepter de telles technologies, une fois l’état d’urgence levé.

Assurance

Google vient d’investir dans une start-up, « Oscar Health », déjà valorisée à plus d’un milliard de dollars, qui promet de révolutionner l’assurance santé. Selon Frenchweb :

Demain, votre montre connectée en saura bien plus encore, et un assureur pourra prendre en compte ces données afin de réajuster, en temps réel au besoin, votre assurance. Une mutuelle avec un prix cassé en échange d’une alimentation saine, d’une pratique sportive régulière, d’un rythme de sommeil respecté et d’une intrusion permanente dans votre intimité ? C’est parfaitement possible

Après tout, Android, avec Google Now, vous propose dès aujourd’hui un service d’assistance dans vos déplacements d’une qualité remarquable, en contrepartie d’une intrusion à peine plus prononcée dans vos données personnelles.

Revenu Garanti

Alors que la Finlande devrait expérimenter en 2017 un revenu « universel » (pour ses citoyens), l’idée continue de faire son chemin en France. Après Yves Cochet ou Dominique de Villepin, il y a quelques années, c’est cette fois un député qui va déposer une proposition de loi, afin de garantir une allocation pour tous les Français, sans contrepartie et dès la naissance, allant de 600 à 1000 euros. Et ce afin de lutter contre la pauvreté. Il s’agit du député (LR) des Français établis en Amérique du Nord, ancien porte-parole de l’UMP, ancien député des Hauts-de-Seine, ancien secrétaire d’État au commerce sous Sarkozy-Fillon : Frédéric Lefebvre !!

Elle permettrait selon lui « à chaque individu de reprendre la main sur son destin ». « Comment éradiquer la pauvreté et s’adapter au modèle de demain ? », a-t-il interrogé. « Pensez que nous entrons dans un modèle où de nombreux emplois vont être détruits par les nouveaux modes de travail et que dans ces conditions il nous faut inventer un nouveau modèle », a-t-il argumenté.

ZAD

Expulsera ?
Retailleau, ancien proche de Philippe de Villiers, et nouveau président Les Républicains de la région Pays de la Loire, s’agite dans tous les sens pour montrer qu’il souhaite une expulsion rapide de la ZAD. Il a ainsi rencontré Valls au Sénat, le 15 décembre, pour discuter de cette question.

Les échanges entre le président de la région et le Premier ministre laissent place au flou et cachent un éventuel calendrier confidentiel. Travaux, évacuation, les deux ? « Depuis les déclarations de Ségolène Royal [exprimant fin octobre sa grande réserve sur la pertinence du projet d’aéroport nantais], le Premier ministre n’avait pas repris la parole. Ce n’est pas anodin, cette annonce à un président de région nouvellement élu. Mais évidemment, il faut que les travaux suivent immédiatement l’évacuation, sinon ce n’est pas la peine. Oui, c’est vrai, pour une question d’espèces protégée, la porte se referme en mars. Bien évidemment, le Premier ministre n’a pas donné de date », explique à Reporterre Louis-Marie Leroy, le nouveau directeur de cabinet de Bruno Retailleau.

Cette agitation n’est pas sans rappeler son prédécesseur socialiste, « Jacques Auxiette, qui, sans en avoir le pouvoir, a maintes fois réclamé l’évacuation musclée de la ZAD, avec recours à l’armée ».

Le 15 décembre, Presse Océan affirmait « qu’une dizaine d’hôtels de l’agglomération nantaise et du pays de Retz ont été réservés par la gendarmerie pour janvier ». Reporterre a tenté de vérifier cette information en appelant deux hôtels du Nord de Nantes qui ont par le passé accueilli les forces de l’ordre. Des chambres y étaient encore disponibles.

Alors, que croire ? Rappelons, comme Reporterre, que « depuis des mois sont échafaudés des plans de blocage et d’interventions militantes en riposte à une intervention policière, tant sur place et aux abords de Nantes que dans le reste de la France ».

Expulsera pas ?

Nouvelles espèces protégées découvertes :
Les Naturalistes en lutte mènent depuis trois ans des inventaires sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

[Récemment], ses experts ont fait savoir aux associations de protection de la nature qu’ils avaient découvert 5 espèces légalement protégées non prises en compte par les dossiers mis à l’enquête et les arrêtés préfectoraux associés (non compris le campagnol amphibie en attente d’un arrêté préfectoral). [...] Contrairement à ce qui a pu être écrit dans la presse, les travaux ne peuvent donc pas commencer tant qu’une procédure complète concernant ces espèces n’a pas été menée.

Pressions et manifestations

Le 10 décembre, les habitants et paysans dits « historiques » de la ZAD (qui étaient propriétaires ou locataires avant la déclaration d’utilité publique), étaient assignés en référé expulsion. AGO-Vinci demandait l’expulsion immédiate des habitants, une astreinte financière de 200 à 1000€ par jour et la mise sous séquestre des biens et cheptels.

Finalement, pour cause de mauvaise publicité (pour Vinci et l’Etat français) en pleine COP21, les avocats d’AGO-Vinci acceptaient la mise en suspens de la procédure. Celle-ci a été relancée le 30 décembre, et une nouvelle audience est prévue le 13 janvier, à Nantes.

Diverses "composantes de la lutte contre l’aéroport" appellent donc à une journée d’action le 9 janvier :

Nous appelons à une forte mobilisation le 9 janvier sur le périphérique de Nantes, en convois de tracteurs, vélos, marcheurs, convergeant vers Cheviré, pour un grand banquet partagé au pied du pont, victuailles tirées des sacs.

A Bordeaux, une manifestation est organisée le 16 janvier. A Rennes, le même jour, il s’agira d’une "tracto-vélo". D’autres événements s’organisent ailleurs (Lille, Lyon, notamment) : les infos sont à récolter sur le site de la ZAD.

On ne sait pas encore ce que prévoit le tout nouveau comité ZAD de Catalogne.

Constructions
La ZAD a par ailleurs publié un appel d’offres qui, « puisqu’il n’y aura pas d’aéroport », vient « remplacer et annuler celui formulé par la Préfecture fin octobre ».

Cet appel d’offres s’adresse à toutes celles et ceux qui participent à la lutte dans la région et bien au-delà, qu’ils soient organisés en comités ou en groupe d’amis. Il est destiné à renforcer les structures collectives, matérielles, agricoles, défensives et festives existantes sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il s’agit de travaux divers, adaptés à tous les goûts et à tous les corps de métier. Les chantiers mentionnés devront être effectués, ou tout au moins sérieusement démarrés, les 30 et 31 janvier 2016.

Policiers au rabais

Au quasi-chômage technique sous la droite, les dix écoles de police auront rarement tourné à un tel régime. Le préfet de police de Paris avait déjà réclamé des renforts pour la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) et l’Euro 2016 de football, et la scolarité des deux dernières promotions de gardien de la paix a été raccourcie de deux mois pour hâter leur sortie en octobre et novembre 2015.

« Depuis 2005, on a accentué le travail sur les violences urbaines, nous répond tout à trac ce formateur généraliste. Pour que ce soit plus réaliste, on fait venir les sapeurs-pompiers, les hélicoptères de la sécurité civile. On va jusqu’à retourner des voitures et brûler des palettes. » Un autre formateur confirme que tous les élèves gardiens de la paix effectuent désormais, en fin de formation, un stage dit « violences urbaines » de « quatre-cinq jours », autrefois réservé aux futurs CRS, afin d’apprendre à « intervenir à plusieurs, pour le port du bouclier, etc. ». « Nous nous sommes rendu compte que tous les policiers seraient confrontés au maintien de l’ordre », explique ce fonctionnaire.

Sans transition : dans cet article, Mediapart publie notamment trois fiches destinées aux élèves policiers.

L’une concernant les contrôles d’identités, une autre concerne les relations avec les « partenaires extérieurs ».

La dernière est une note de note de 13 pages donnant aux futurs gardiens de la paix quelques repères sur « les valeurs, les pratiques quotidiennes, les croyances des personnes étrangères ou d’origine étrangère qu’ils côtoient notamment dans les quartiers sensibles ».

On y apprend que « c’est dans les milieux des jeunes “Blacks” de banlieue que les problèmes sont actuellement les plus cruciaux, les garçons adhérant volontiers à la sous-culture des rues issue du mouvement hip-hop américain et aux valeurs de mensonge et de violence qui y sont inhérentes. Ils y côtoient fréquemment des pairs d’origine maghrébine et la solidarité en interne s’étend alors à une autre forme de solidarité, celle du quartier ».

Quant aux « ressortissants du Sud-Est asiatique », s’ils « ne paraissent pas poser problème en apparence aux services de police », méfiance : « La réalité souterraine de ces communautés très fermées et organisées en réseaux est tout autre. Ils y exercent souvent des activités de commerce dans la restauration ou l’alimentation, ce qui est le plus avouable et avoué. En revanche, on les retrouve également dans bon nombre d’activités clandestines de confection textile ou de trafic de stupéfiants. » [...]

La fiche avance aussi que « la courbe démographique de notre pays » serait « positive exclusivement en raison du taux de fécondité des femmes d’origines maghrébine et africaine ».

Chienlit

Dans les couloirs du Conseil d’État, le 11 décembre 2015, l’une des personnes assignées à résidence durant le temps de la COP21 croise un policier des renseignements de terrain de la Préfecture de Paris. Il le connaît. Et pour cause : ce policier l’a passé à tabac quelques mois plus tôt.

Lorsque leur supérieur a choisi 4 de ses agents pour « surveiller » la séance au Conseil d’État où mon nom apparaissait distinctement au rôle de l’audience, ignorait-il vraiment que j’étais en conflit avec l’un d’entre eux dans une affaire portée à l’IGPN (sachant qu’il a lui-même « dégagé » son subalterne pour se rendre à la confrontation avec moi deux mois auparavant) ?

La France au CCC

Futur


Lesley J. Wood, professeure de sociologie à l’université York de Toronto, étudie l’évolution de la gestion policière des manifestations en Amérique du Nord. Elle publie Mater la meute, la militarisation de la gestion policière des manifestations (éd. Lux), où elle décrit l’évolution du maintien de l’ordre aux États-Unis et au Canada, de plus en plus fondé sur le renseignement et les arrestations préventives.

Après la manifestation du 29 novembre à Paris, durant laquelle 316 personnes se sont retrouvées en garde-à-vue (et alors que 26 personnes avaient été préventivement assignées à résidence), Mediapart a posé quelques questions à Lesley J. Wood sur l’évolution du maintien de l’ordre.

Qu’est-ce que la « neutralisation stratégique » ?

C’est une logique qui consiste à éliminer en amont toute menace et ce dans un sens très large : à partir du moment où vous ne coopérez pas avec la police, vous êtes considéré comme une menace, quelles que soient vos intentions réelles. Si vous ne coopérez pas, vous devenez une cible et pouvez faire l’objet d’arrestations préventives. Cela passe également par le contrôle de la voie publique. Les autorités vont utiliser des périmètres de sécurité avec des barricades : vous pouvez manifester ici, mais si vous sortez de cet enclos vous devenez une menace, même si vous n’avez aucune mauvaise intention. Et dans ce cas, ils estiment légitime de recourir aux armes sublétales (grenades incapacitantes, vaporisateurs de gaz poivre, balles de caoutchouc, pistolets Taser) qui se sont énormément développées depuis quinze ans en Amérique du Nord.

Anarchie chez le bâtonnier

Large

« A la fois par les réclamations que je reçois, et par le travail qui est fait par l’Assemblée nationale et le Sénat, il y a un certain nombre de dérives, ou plutôt d’approximations », a estimé l’ancien ministre de la Justice et désormais défenseur des droits, Jacques Toubon.

Les mesures qui ont été prises, perquisitions administratives, assignations à résidence, ont été prises un peu larges

Sidération

Plus d’un mois après, un premier bilan révèle des résultats erratiques, que défend le ministère de l’Intérieur : « L’état d’urgence permet de valider ou d’infirmer nos craintes en contrôlant les personnes sur lesquelles plane un faisceau de présomption. Il génère aussi un effet de sidération, destiné à entraver au maximum une réplique immédiate. Outre les chiffres, c’est l’effet psychologique qui est intéressant. »

Hackers

Le Sénat conduisait le 9 décembre dernier différentes auditions à huis clos dans le cadre du Comité de suivi de l’état d’urgence, mis en place pour s’assurer que l’État n’abuse pas des pouvoirs spéciaux confiés à la suite des attentats du 13 novembre 2015

Les sénateurs ont en effet entendu David Bénichou, le vice-président chargé de l’instruction à la section antiterroriste et atteintes à la sûreté de l’État au tribunal de grande instance de Paris :

Une justice antiterroriste sert-elle à entraver des attentats ou à compter les morts en offrant à leurs auteurs une tribune, et à leur payer un avocat ? [...] Nous préférons prévenir les attentats. Pour cela, il nous faut des moyens opérationnels, performants et actualisés

Le magistrat demande deux choses. D’abord que les juges puissent saisir les e-mails archivés des suspects dans le cadre d’enquêtes préliminaires, sans que les personnes concernées soient prévenues. En effet, pour l’instant les juges se contentent, selon Numerama, de mettre sur écoute les boîtes emails des suspects à un instant T, mais ne collectent pas ce qui a été émis ou reçu dans le passé, sauf à réaliser une perquisition, et donc à prévenir le suspect qu’il fait l’objet d’une enquête.

De plus, David Bénichou demande à pouvoir installer des mouchards informatiques chez les suspects. Cela est déjà rendu possible par la loi Loppsi de 2011, mais, toujours selon Numerama, les juges n’ont pas accès à ces outils.

Les services de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) doivent en effet homologuer les outils mais selon le juge Bénichou, seuls deux outils ont été validés depuis 2011, et pour une raison inconnue, « le ministère de la justice ne les a toujours pas mis à notre disposition ».

« Les services de renseignement monopolisent les outils et ne les mettent pas à notre disposition, par crainte de les voir divulgués. Ils ont pourtant une durée de vie très courte », regrette le magistrat antiterroriste.

Le magistrat demande donc à pouvoir passer commande à des « experts extérieurs », des hackers.

La PJ, depuis 2014, peut déjà faire appel à « toute personne susceptible d’avoir connaissance des mesures appliquées pour protéger les données », pour l’aider à déchiffrer des données contenues sur du matériel saisi lors de perquisitions.

Bravade

Le 4 décembre, un assigné à résidence bordelais a été condamné à 30 jours amende à 15 euros pour non-respect de son assignation à résidence. Il a été à nouveau arrêté 15 jours plus tard alors qu’il se trouvait dans la rue, après 20h.

Parfois un tribunal administratif annule un arrêté d’assignation à résidence… mais en fait non.

Cadeau de Noël : le tribunal administratif de Poitiers a annulé, le 23 décembre dernier, un arrêté d’assignation à résidence parce qu’il ne justifiait pas « d’une radicalisation de l’intéressé susceptible de constituer un danger pour la sécurité publique ».

Mais un second arrêté, pris en vertu de la nouvelle loi du 20 novembre, s’était substitué au premier et n’a pas été attaqué. La mesure d’assignation reste donc valide, avec la possibilité pour le jeune homme de la contester en engageant un nouveau recours contre ce second arrêté.

Les enfants heureux de la Silicon Valley

La région de la baie de San Francisco est désormais la destination des éducateurs qui veulent voir les premiers signes de ce à quoi ces nouveaux modèles scolaires pourraient ressembler

Les écoles innovantes se multiplient dans la Silicon Valley. Ainsi on note le développement d’une multitude d’initiatives privées. Un exemple parmi d’autres, cité par Internetactu, la petite école ouverte par Elon Musk pour ses enfants et une quinzaine d’autres élèves.

Image : des étudiants travaillent à construire un prototype de bateau. Séparés en 3 équipes, qui doivent chacune construire un tiers du bateau, chaque équipe doit se coordonner avec les autres via des outils numériques comme Slack ou Trello. Chacune doit le faire dans une langue étrangère (Japonais, Espagnol et Allemand) en utilisant uniquement Google Translate. Elles ne se recontreront que pour l’assemblage final.

États-Unis

Un soir du printemps 2010, alors qu’il rentrait chez lui après une fête, Kalief Browder est interpellé par la police dans la rue. On l’accuse d’avoir volé un sac à dos. Il jure qu’il n’a rien fait. On fouille ses poches, rien. On l’emmène au poste. Kalief est noir, il est pauvre, il a dix-sept ans, il ira en prison dans l’attente du procès. Lorsque, faute de preuve, un juge décide de sa libération, il a vingt ans. [...] Sur les trois années qu’il a passées dans la maison d’arrêt de Rikers Island, il est resté plus deux ans dans le « Bing », le bâtiment destiné à l’isolement, où les détenus sont seuls 23 heures sur 24.

La vie des idées revient sur les conditions de l’isolement carcéral aux États-Unis - pays, rappelons-le, qui enferme plus de deux millions de personnes, près d’un quart de l’ensemble des prisonniers du monde, et où un Noir américain sur trois risque de connaître la prison au cours de sa vie.

La massification de l’enfermement [...] a coïncidé également avec le développement d’une rationalisation de la gestion de la détention, basée sur des scores de risque auxquels correspondent des structures différenciées d’enfermement. Pour maintenir l’ordre dans un système aussi surmené, il fallait pouvoir mettre à l’écart les perturbateurs. Le régime de solitary confinement est paradoxalement devenu de plus en plus courant à mesure que la prison se massifiait. [...]

Le détenu est placé, seul, dans une cellule dont la taille ne dépasse pas, d’ordinaire, une place de parking ; il a réglementairement droit à une heure de promenade quotidienne, en solitaire, dans une cellule à ciel ouvert (ou avec a minima un orifice laissant passer l’air et la lumière). Ce confinement n’est tempéré par aucune activité sociale (travail, formation) ni par des contacts avec le personnel, qui se contente de passer des plateaux-repas par une fente de la porte de la cellule, par mesure de sécurité. Les visites sont très réglementées, et ont lieu dans des cabines avec des vitres de séparation, dans lesquelles on se parle par téléphone interposé. La durée moyenne de détention à l’isolement dans les prisons de l’État de Washington était de 11 mois en 2011, et de près de 4 ans au Texas, en 2013.

Lorsqu’on peut pénétrer dans ces cubes de béton, on découvre des hommes au teint blafard, perdant la vue à force d’être enfermés dans moins de 9m2, perdant le sens du temps dans des cellules éclairées de néons jour et nuit, perdant le sens du réel à force d’être privés de toute interaction sociale. [...]

L’unité d’isolement de haute sécurité connaît un succès remarquable à l’international, malgré son coût élevé : l’ouverture de nouveaux établissements de haute sécurité en France, à Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-Vieil témoigne de cette tendance, mais aussi de la diffusion des problèmes engendrés par ce type d’établissement.

Depuis l’Europe, on se demande souvent si les États-Unis parviendront à rompre avec ces pratiques d’enfermement d’une violence extrême. Mais il serait pertinent de retourner la question, pour se demander comment, en France, nous parviendrons à y échapper.

Hahaha

Vous utilisez une boîte mail Outlook.com ou le service de stockage OneDrive ? Microsoft va désormais vous avertir si un état tente de capter vos informations sur ses services.

Il est de bon ton chez les GAFA de se refaire une belle façade post-snowden. Et de prétendre sécuriser/chiffrer les données personnelles/sensibles de leurs utilisateurs. Les mêmes données qu’ils distribuaient (et continuent de distribuer) allégrement à la NSA.

Microsoft promet d’aider chaque utilisateur à sécuriser son compte. Ce dernier recevra une notification en cas d’attaque suspectée sur les services de boîte mail Outlook.com ou de stockage de fichiers OneDrive. « Si vous recevez une notification, cela ne signifie pas nécessairement que votre compte a été piraté, mais que nous avons des preuves qu’il a été pris pour cible », explique Scott Charney dans son post. Tout en précisant cependant que Microsoft ne prévoit pas « de fournir des informations détaillées ou spécifiques sur les assaillants ni sur leurs méthodes. Mais si nous avons la preuve sérieuse que l’attaque a été ’commanditée par un état’, nous le dirons ».

Signal

Nous avons donc de grandes sociétés informatiques (auxquelles on ne fera pas confiance) qui prétendent accentuer la protection des données de leurs utilisateurs (et qui imposent en effet de plus en plus le chiffrement par défaut dans leurs applications). Et puis des gouvernements (par exemple le Royaume-Uni) qui entendent, sous prétexte de lutte anti-terroriste, limiter les moyens de chiffrement à disposition des internautes.

Et enfin, des initiatives comme Signal (application pour téléphone portable permettant de chiffrer simplement des messages instantannés et des conversations vocales, fusion de Textsecure et Redphone, deux logiciels dont nous avions déjà parlé sur lundimatin), à laquelle le journal le Monde consacre un article

La nouveauté de Signal est que l’on n’a pas besoin d’être un « geek » pour s’en servir : une fois l’application chargée, tout se fait automatiquement. « Les systèmes précédents en demandaient trop aux utilisateurs, relève Frédéric Jacobs. C’est pour ça que jusqu’à présent, le grand public a très peu utilisé le chiffrement. »[...]

Outre la facilité d’utilisation, l’autre objectif prioritaire de Signal était de proposer un chiffrement intégral, de bout en bout. « Le cryptage et le décryptage se font à l’intérieur de votre téléphone, explique Frederic Jacobs. Quand vous chargez l’application, elle crée automatiquement une centaine de clés de chiffrement, qui restent stockées dans l’appareil. »

Le système permet une rotation systématique : « Chaque clé servira une seule fois. Quand vous recevez un message, vous utilisez une clé qui se détruira aussitôt, et quand vous envoyez un message, l’application crée une nouvelle clé. De cette façon, si un attaquant voulait casser le chiffrement de vos communications, il serait obligé de recommencer le travail pour chaque message. Et s’il s’emparait d’une clé, il ne pourrait pas lire vos vieux messages. »

Le Monde rappelle aussi qu’aucun système de protection des données n’est infaillible.

Signal possède aussi un serveur central, installé aux Etats-Unis, qui envoie les notifications aux appareils avant un appel. De ce fait, le système n’est pas complètement invulnérable. Si un attaquant réussit à avoir accès à un serveur, par effraction ou lors d’une perquisition, il ne pourra pas déchiffrer le contenu des messages, mais pourra s’emparer des informations techniques dont le réseau a besoin – origine et destination des messages, date et durée des appels… En ce sens, Signal n’a pas été pensé pour les lanceurs d’alerte qui doivent rester totalement inconnus des autorités.

Pour le reste, les cryptologues célèbres qui ont audité le code de Signal se sont dit impressionnés par sa qualité. La consécration la plus éclatante vient de Philip Zimmermann qui travaille aujourd’hui pour Silent Circle, société américaine offrant un service payant de chiffrement des communications, dont le siège social est en Suisse depuis 2014. Créée par des anciens membres des commandos d’élite de l’US Navy et visant une clientèle haut de gamme, ainsi que les militaires et les humanitaires en mission, Silent Circle, pour les messages-texte, a abandonné son ancien protocole de chiffrement, et a adopté celui de Signal.

Vrac

M’enfin !

Une guerre contre le terrorisme est une contradiction dans les termes, car l’état de guerre se définit précisément par la possibilité d’identifier de façon certaine l’ennemi qu’on doit combattre. Dans la perspective sécuritaire, l’ennemi doit – au contraire – rester dans le vague, pour que n’importe qui – à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur – puisse être identifié en tant que tel.

Maintien d’un état de peur généralisé, dépolitisation des citoyens, renoncement à toute certitude du droit : voilà trois caractères de l’Etat de sécurité, qui ont de quoi troubler les esprits. Car cela signifie, d’une part, que l’Etat de sécurité dans lequel nous sommes en train de glisser fait le contraire de ce qu’il promet, puisque – si sécurité veut dire absence de souci (sine cura) – il entretient, en revanche, la peur et la terreur. L’Etat de sécurité est, d’autre part, un Etat policier, car, par l’éclipse du pouvoir judiciaire, il généralise la marge discrétionnaire de la police qui, dans un état d’urgence devenu normal, agit de plus en plus en souverain.

Par la dépolitisation progressive du citoyen, devenu en quelque sorte un terroriste en puissance, l’Etat de sécurité sort enfin du domaine connu de la politique, pour se diriger vers une zone incertaine, où le public et le privé se confondent, et dont on a du mal à définir les frontières.

Giorgio Agamben

Oups

Les 391 assignations à résidence ordonnées depuis le 13 novembre 2015 sontsusceptibles d’être frappées d’illégalité. A en croire l’ordonnance du tribunal administratif de Pau, rendue mercredi 30 décembre 2015, le ministère de l’intérieur risque d’être confronté à un sérieux problème.

Saisie en référé par M. C., un jeune boulanger de 21 ans assigné à résidence, le juge administratif constate que l’arrêté du ministère de l’intérieur ne comporte « aucune précision formelle, conditionnelle ou implicite quant à son application dans le temps ». Et pour cause, [...] seules les quelques assignations décidées à l’encontre d’activistes pendant la COP21 comportaient une date de fin.

Le tribunal administratif de Pau souligne qu’« être informé, dès la notification d’une mesure portant restriction de la liberté d’aller et venir, de la durée pendant laquelle cette mesure est susceptible d’être mise en œuvre » est un droit. Ne serait-ce que pour que cette durée « puisse, le cas échéant, être utilement discutée devant le juge administratif ». Il est admis que les assignations décidées dans le cadre de l’état d’urgence prennent fin avec celui-ci, c’est-à-dire le 26 février. Mais ce n’est écrit nulle part !

Désertion du père Noël

Les policiers de Minneapolis ont procédé à plusieurs arrestations, mercredi 23 décembre, alors que des centaines de manifestants avaient bloqué les accès routiers à l’aéroport de Minneapolis-St. Paul, au Minnesota, causant de nombreux retards.

Selon la direction de l’aéroport, les accès à un des deux terminaux ont été bloqués, ce qui a fait déborder le trafic dans les routes environnantes. Un certain nombre de manifestants avaient utilisé le train léger pour se rendre à l’aéroport après que la police eut fermé le plus gros centre commercial des États-Unis, lieu de départ de la manifestation.

Le gouverneur du Minnesota, Mark Dayton, a affirmé que le rassemblement avait créé une « situation très, très dangereuse », incitant les manifestants à se disperser.

Les participants à la manifestation ont scandé des slogans dénonçant la mort de Jamar Clark, un homme noir âgé de 24 ans abattu par la police de Minneapolis, en novembre. L’événement a été organisé par des militants du mouvement Black Lives Matter.

Environ 500 manifestants s’étaient d’abord rassemblés à la rotonde centrale du Mall of America, en après-midi, avant de sortir soudainement du centre commercial. En prévision du rassemblement, les boutiques avaient baissé leur grillage, les stands avaient recouvert leur marchandise et même le père Noël avait déserté sa carriole. La police avait rapidement bouclé le centre commercial, menaçant les manifestants de les arrêter.

Désastre

Tepco (Tokyo Electric Power), la société qui gère la centrale [de Fukushima], avait prévu de diviser par deux la quantité quotidienne d’eau souterraine contaminée s’infiltrant par le sous-sol. Cette quantité était de 150 tonnes par jour et devait être diminuée par pompage et évacuée dans l’océan, explique The Mainichi. Mais cela n’a pas été possible parce que l’eau pompée s’est révélée trop radioactive, et a dû être stockée près des bâtiments de la centrale, à raison de 400 tonnes par jour. Un mur étanche de 780 mètres a été construit pour empêcher l’eau contaminée de s’écouler dans l’océan, mais il a été courbé sous la pression, et Tepco a dû le renforcer tout en construisant de nouveaux réservoirs de stockage.

Bouffe

Pourquoi bouffer est devenu de nos jours une tendance si présente, obsédante, un chapitre si important de la pop-culture du XXIe siècle, s’explique probablement simplement par le monstrueux succès des émissions culinaires de télé-réalité qui envahissent les écrans depuis 15 ans. [...] Mais il y a peut-être autre chose... Cuisiner est une noble profession, dans certains cas très créative et très artistique, mais cuisiner est surtout une activité très exigeante et à la pénibilité avérée. Il peut donc étonner que la pop-culture contemporaine vante à ce point les chefs parce que, des années 50 jusqu’il y a dix minutes, les principaux role-models de la pop-culture (hors-la-loi, peintres, jazzmen, musiciens, DJ’s, beatmakers, skaters, surfers, romanciers, voyous, beatniks, journalistes gonzo, cinéastes cultes, [...]) se sont toujours autoproclamés glandeurs patentés. On se doute bien que c’était souvent de la frime, mais cela n’empêche pas que ces gens étaient en partie admirés parce qu’ils étaient censés vivre la dolce vita. Or, tout le monde sait très bien que la cuisine, c’est vache, que les horaires coupés sont une abomination minant la vie privée, que les critiques font mal, que la concurrence, la pression et les boîtes noires de l’horeca rendent cinglés. En vénérant le Fooding, nous admirons donc ouvertement des gens qui bossent dur, répètent chaque jour inlassablement les mêmes routines, se tuent même éventuellement à la tâche. Tout ça pour votre putain de plaisir bourgeois. Ça n’a plus rien à voir avec le flemmard génial qui réussit les doigts dans le nez un coup lui permettant de sortir du système. En soi, nous sommes donc ici inspirés par un idéal néo-libéral, un modèle sarkozyste, le genre de trip doloriste qui donne des idées de films à Lars Von Trier.

Et surtout

Joyeux Noël...

et bonne année...

...et...

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