Bio-objets, les nouvelles frontières du vivant

de Céline Lafontaine
[Note de lecture]

paru dans lundimatin#349, le 7 septembre 2022

Après l’Empire cybernétique (2004), la Société postmortelle (2008) et le Corps-marché (2014), la sociologue des technologies, Céline Lafontaine continue sur la même lancée avec un livre de sociologie critique sur les dernières avancées des biotechnologies humaines.

Dans un essai mêlant philosophie des sciences, sociologie, critique politique, analyse économique, enquête de terrain, la sociologue donne des outils de compréhension de la nouvelle modernité technologique liée aux transformations structurelles du vivant en ce qu’elle appelle des « bio-objets ». Une recension du groupe Grothendieck.

« Sans prétendre être d’une complète originalité, l’approche développée dans les pages qui suivent est le fruit d’un long travail de réflexion sociologique amorcé il y a près de vingt ans dans L’Empire cybernétique. Il consiste à questionner les conséquences et les limites du réductionnisme épistémologique sur lequel s’appuie le productivisme technoscientifique caractérisant nos sociétés. » [1]

Très critique de la pensée post-moderne universitaire qui tend à mettre « sur le même plan épistémologique un singe, une cellule souche embryonnaire et un téléphone portable […] qui tend à considérer les êtres et les choses selon leur positionnement au sein du système social, conçu comme réseau d’information » [2], la sociologue s’inscrit dans un courant de pensée proche des thèses des penseurs Günthers Anders, Hannah Arendt, Pierre Musso, Alain Gras et de la critique de la cybernétique comme paradigme scientifique de la seconde moitié du XXe siècle. Dans ses livres précédents, elle démontre en quoi « le modèle informationnel » a irrigué tous les champs scientifiques et particulièrement la biologie qui connaissait alors un essor fulgurant lié aux nouvelles technologies, permettant d’ausculter la matière à un niveau moléculaire.

Pour penser la nouvelle hybridation entre la vie et la technologie dans le champs technoscientifique de la biotechnologie, Lafontaine a recours à un concept d’Andrew Webster [3], celui de « bio-objet » et du processus de « bio-objectivation ». Ce vivant réifié et séparé, stocké et modifié dans les banques de spermes, les champs OGM et les laboratoires de biologie du monde entier (le livre prend des exemples dans les quatre coins de la planète), Céline Lafontaine tente de le caractériser, de cerner ses différences et ses homologies avec le « vivant naturel, organique ».

Son travail permet ainsi de penser ces « bio-objets » technologiques comme des marchandises et outils technoscientifiques issus du monde vivant et modifiés par l’entreprise scientifique. Elle dévoile l’imaginaire « socio-technique » qui se cache derrière les pratiques des chercheurs en biologie et les discours des commerciaux notamment dans le domaine de la « bio-impression 3D ». Enfin son travail permet de sortir du flou quant à la supposée naturalité de ces bioproduits en terme d’autonomie et de développement et d’ainsi sortir de la doxa communément admise qu’il n’y aurait pas vraiment de différence entre le monde vivant naturel et les mutants de laboratoires. Reprenant les thèses d’Hannah Landecker [4], Lafontaine explique en quoi la méta-discipline que l’on appelle biologie est en réalité une technologie, d’où l’utilisation du terme au singulier « la biotechnologie » pour caractériser cette science.

« […] la standardisation de certaines espèces biologiques, qui débute avec l’émergence de l’élevage et de l’agriculture industriels, repose non seulement sur une représentation du vivant comme ressource, mais aussi, et surtout, sur la transposition d’un modèle d’ingénierie dans les science de la vie » [5]

On aurait souhaité un peu moins de verbiage et de référencement universitaire et que le terme de « mutant » apparaisse clairement (elle parle souvent de « mutation », « modification », « changement » voire d’une ou deux fois de « cyborg »). Mais pour qui persévère à la lecture, une image plus claire de la situation actuelle se fera jour. D’autant plus que dans le dernier chapitre, grâce à une analyse socio-historique de la technoscience à partir des années 1945 jusqu’à nos jour et d’une critique du paradigme cybernétique en biologie, son exposé nous permet de mieux comprendre la situation complexe actuelle de la bio-objectivation.

Certes, la légitimité scientifique de la sociologue lui fait tenir un discours circonspect et policé mais, derrière les formules propres à la posture universitaire, on sent en elle une combativité sincère contre ce qu’elle appelle la « bioéconomie » et ses avatars biotechnologiques et qui n’est autre que le technocapitalisme, l’accaparement de toute vie à des fins de profit et de puissance. Elle place ce combat dans une perspective féministe, rappelant que c’est le plus souvent le corps et les organes féminins qui sont exploités, marchandisés, modifiés, dévivifiés, en un mot « bio-objectivés ».

Revenons en détails sur cette force mortifère qui assaille le vivant.

Céline Lafontaine nous fait prendre conscience qu’il y a, à l’heure actuelle, une prolifération mondiale de ces bio-objets (cellules congelés, embryons congelé, tissus congelés, clones, OGM etc), disséminés dans de multiples structures souvent technoscientifiques mais aussi commerciales et industrielles des pays industrialisés. L’ampleur du phénomène lui fait nommer notre époque « la civilisation in vitro ».

Elle démontre que cet état de fait est lié à la fois aux avancées technologiques de « bio-conservation » que sont les techniques cryogéniques mais aussi à l’émergence à partir des années 1990 de la bioéconomie.

Le vers est dans le fruit dès le XIXe siècle où :

« À l’instar des machines à vapeur qui ont propulsé la révolution industrielle, les machines à réfrigérer sont nées de la thermodynamique et de la volonté de maîtriser la nature. » [6]

La maîtrise technoscientifique de conservation de la vie par le froid est un « gap technologique » permettant de rendre possible les volontés prométhéennes occidentales de prolongation infinie de la vie à l’heure où la technique devient l’enjeu du siècle. C’est en même temps le début de la standardisation-marchandisation du vivant via la création d’objet-vivifier (de mutant) maintenue en « sous-vie » [7] dans des banques et des frigos. L’exemple des cellules tumorales HeLa, issu du corps d’Henrietta Lacks est fort parlant :

« Développées dans le cadre de la recherche d’un vaccin contre la poliomyélite, les HeLa ont été les premières cellules humaines produites de manière industrielle. Dès le début des années 1950, un protocole de production standardisée de ces cellules a été mis au point et, l’année suivante, un procédé de congélation a été élaboré. Expédiés massivement dans des laboratoires du monde entier, ces bio-objets ont donné lieu, depuis leur création, à plus de 70 000 articles scientifiques et à 11 000 brevets. » [8]

Que sont ces mutants standardisés par rapport à la personne d’Henrietta Lacks, morte depuis longtemps ? La transformation technologique a été tellement profonde qu’il ne sont plus sur le même plan ontologique : d’un côté il y avait une personne vivante et maintenant morte avec une personnalité et une singularité d’humain et d’être vivant, et de l’autre, il y a un produit standardisé, industrié, vendu dans le monde entier, qui ne recèle plus une once d’humanité et se développant comme « processus » physico-chimico-biologique dans des boîtes de Pétri en plastique.

Nous vivons dans un monde – et l’exemple du SARS-CoV2 et des « vaccins codants » le confirme – où les objets biotechnologiques prendront de plus en plus de place et les biotechnologues et autres bio-experts ainsi que leurs technostructures acquéreront une mainmise de plus en plus forte dans les choix de société.

Issue d’une infrastructure industrielle cryogénique, d’un bain technoscientifique omnipotent quasi-démiurgique et de politiques publiques tournées volontairement vers la bioéconomie, la biotechnologie est devenue un des fronts principaux du capitalisme, son extension planétaire à la fois comme un « extractivisme interne » [9], comme un « transhumanisme ordinaire » [10], comme un « éthos » de la nouvelle « biocitoyenneté » et comme le marché dual [11] prioritaire. Tout cela devrait nous prémunir de toute techno-béatitude et techno-solutionnisme en matière d’écologie et de médecine.

La bio-économie et ses avatars de la bio-citoyenneté et de l’économie de l’espérance

Ne citant jamais le livre d’Alexis Escudero [12] qui a fait tant polémique, Céline Lafontaine en est pourtant très proche. Leur thèse principale pourrait se résumer ainsi : la biotechnologie et le technocapitalisme qui le sous tend est une standardisation de la vie et des humains (eugénisme, clonage, transhumanisme) dans une double logiques de marchandisation des corps et de perfectionnement de celui-ci à des fins de reproduction du système (reproduction de la production capitaliste).

Lafontaine démontre que les enjeux liés à la nouvelle posture de la « biocitoyenneté » et des affects qu’elle recouvre font le jeu des grands groupes industriels, des lobbyistes technocapitalistes, des partisans du biopouvoir mais sont surtout problématique socialement en tant que condition de l’homme moderne (surtout de la femme) dans une société atomisée où le Droit se confond avec les nouvelles capacités technologiques.

« La biocitoyenneté suppose une représentation du corps comme capital, comme ressource dans laquelle chaque individu se doit d’investir afin de protéger et d’accroître sa vitalité. Cette conception se réfère implicitement au concept de capital humain élaboré par l’économiste Gary S. Becker dans les années 1960 pour décrire l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par l’accumulation de connaissance et de savoir-faire. Ce concept inclus également le capital biologique, c’est-à-dire l’état de santé global d’un individu. Suivant cette perspective, chaque individu possède un capital (intellectuel, physique, biologique) qu’il se doit de faire fructifier. Le concept de corps-capital est central dans la compréhension des dimension sociales, affectives, culturelles et économiques de la biocitoyenneté, car il permet de rendre intelligible l’affirmation d’une culture de l’anticipation et de l’expérimentation accompagnant le développement des technologies biomédicales et, plus spécifiquement, celles relatives à la reproduction humaine. Il semble clair, en ce sens, que l’espoir de guérir des maladies, de prévenir le cancer, de retarder les effets néfastes du vieillissement, d’améliorer les capacités reproductives ou de prolonger la fertilité comporte des dimensions affectives fondamentales » [13] Et elle continue « Parmi les processus relatifs à la biomédicalisation, on retrouve l’émergence d’une nouvelle représentation du corps fondée sur des logiques identitaires en lien avec une volonté d’accroître la vitalité individuelle. Dans cette optique, le prolongement de la fertilité au-delà du cycle reproductif et l’extension de la filiation génétique hors des limites corporelles, rendue possible par la gestation pour autrui, représentent des manifestations concrète du processus de biomédicalisation. » [14]

La bio-citoyenneté est un processus néo-libéral lié à la fois aux effets de particularisations des individus dans une société où les médiations sociales disparaissent où la liberté libérale devenu droit prend le pas sur l’autonomie politique ; et du type d’économie fondée sur la capitalisation de tout ce qui peut permettre des profits et un gain de puissance future, les processus vivant en faisant partie. D’autant plus que les avancées techniques les plus significatifs depuis les années 80 – ouvrant des champs jusqu’alors inespérés – dans les domaine de l’ingénierie et de l’accaparement, concerne avant tout la biologie et plus particulièrement la génétique et la biologie de synthèse. Que ça soit pour la conservation des ovocytes, la sélection des cellules embryonnaires, la détection des maladies génétiques, la production de biomolécule ou de cellule au niveau industriel et la modification génétique, tous les outils sont maintenant disponible pour que le bio-citoyen puissent assouvir son désir insatiable de puissance pendant que les banques cryogéniques de bio-objets extraient et emmagasinent la marchandise à haute valeur ajouté pour ensuite la vendre.

Cependant la sociologue n’est pas là pour culpabiliser les exploitées et femmes pauvres obligées de vendre leurs organes, cellules ou leurs ventres, ni de caricaturer le désir d’enfant et de conservation des ovocytes des femmes de classe moyenne des pays du sommet capitaliste. Ayant interviewé un panel large de femmes ayant fait le choix de la conservation d’ovocyte ou d’une fécondation in vitro, Lafontaine montre la pression sociale énorme exercée tant par les institutions étatiques, les entreprises [15], la publicité que le milieu familial, sur le corps des femmes en tant que « matrice de reproduction » et de la course à la performance que cela engendre.

« Présentée comme une façon de remédier à l’inégalité biologique entre homme et femme, l’autoconservation ovocytaire constitue plutôt une réponse sociotechnique au déclassement du corps féminin face à un modèle de performance machinique. Les promesses portées par l’industrie de la fertilité camouflent, en réalité, l’inégalité des traitements et des risques assumés par les femmes qui choisissent de prélever et de congeler leurs ovocytes. L’espoir de retarder l’échéancier biologique afin de se conformer à des normes devenues irréalistes pour la plupart des femmes empêche de voir les paradoxes économiques, culturels et sociaux sur lesquels s’érige la civilisation in vitro. » [16]

Le marché est tellement implanté qu’il existe un « tourisme cellulaire » [17] où les femmes peuvent se payer un voyage tous frais compris afin de se faire traiter et congeler leurs ovocytes ou pratiquer une FIV dans des pays où la réglementation est la plus avantageuse. De plus l’accumulation excédentaire de bio-objets permet à ces cliniques et autres laboratoires de faire miroiter de nouvelles thérapies régénératrices pour des patients (clients) dans des voies de garage médicales :

« Dans un contexte culturel où les valeurs rattachées à la fécondité sont fondamentales, les cliniques de fécondation in vitro ont accumulé un important surplus d’embryons disponibles pour la recherche […], les cellules souches pluripotentes produites dans ce contexte suivent un mouvement complexe d’extraction, de production, d’importation, mais aussi de migration médicale caractéristique de ce qu’il nomme le biocrossing, c’est-à-dire le passage de bio-objets entre les frontières nationales, culturelles, réglementaires et éthiques, de même qu’entre les corps. » [18]

Mais Céline Lafontaine ne s’arrête pas là, elle assène une critique redoutable contre les comités de bioéthique et les organismes publiques légiférant sur les pratiques de la « bonne science » [19] qui sont « de lourd appareillage bureaucratique servant a produire l’acceptabilité sociale de la recherche sur les cellules souches embryonnaires et, par extension, celle des bio-objets en général. » [20]. L’internationalisation des standards en biologies et des règles de bioéthique, copiant de plus en plus le modèle très libéral de l’Angleterre, pionnière dans les années 80 dans la fécondation in vitro (FIV), permet une véritable ouverture des marchés des bio-objets en même temps qu’une acceptation sociale parce que psychologiquement, ces technologies sont maintenant vues comme « encadrées » et « légiférées » [21].

Le développement incessant de nouvelles biotechnologies et de techniques biomédicales (on parle maintenant de « Big Biology ») entraîne automatiquement l’apparition de nouveaux usages qui n’étaient pas prévus à l’origine. Ainsi le passe-droit éthique permis grâce au discours du « sauver des vies quoi qu’il en coûte », permettant aux bio-industriels de vendre une technologie donnée, est en réalité un forçage si ce n’est une manipulation de l’opinion publique par la technique du « pied dans la porte » permettant l’ouverture d’un nouveau marché, la dissémination d’une technologie et de la nouvelle forme d’éthos correspondante. Ainsi va de l’exemple de la conservation des ovocytes, à la base réservée « aux adolescentes et aux jeunes femmes atteintes d’un cancer ou d’une maladie nécessitant des traitements pouvant affecté la fertilité » [22] et maintenant véritable ruée vers l’or des biotechnologues [23]. À tel point que les excédents d’ovocytes et d’autres « matériaux humains » (cellules souches embryonnaires notamment) permettent, comme on l’a vu plus haut, de nouvelles expérimentations dans les domaines de la médecine personnalisée et de la médecine régénératrice.

Au final, c’est cette nouvelle conception de la « liberté », profondément ancrée dans notre époque libérale – dont Lafontaine montre qu’elle a ses origines dans la vision anglo-saxonne de la société et de leur mainmise économique – et centrée sur le corps nu sans médiation et l’appui aux technologies, qui prend de plus en plus le pas sur une conception collective du politique, issu d’un imaginaire lié aux institutions étatiques et civiles, aux contre-pouvoirs et à l’autonomie politique de différente sorte selon le pays d’origine et les cultures politiques particulières qui s’y sont déployées. À l’économie mondialisée correspond maintenant un nouveau « sujet », à la fois globalisé et atomisé, assujetti aux désidérata du capital et relié (en tant que séparé) aux autres « sujets » par les fils canoniques du réseau technologique.

CONCLUSION : Combattre le réductionnisme technoscientifique

Lafontaine reprend une perspective plus générale pour sa conclusion. Elle pointe les problèmes de l’empreinte écologique de la biotechnologie et de la bio-objectivation dans leur rapport industriel (massif) engendrant de la pollution, de la dépense d’énergie colossale et des disséminations de biotechnologies incontrôlables et incontrôlées dans la nature.

Elle démontre avec une grande acuité que toute la technoscience tient sur quelques mythes fondateurs dont l’espérance aveugle en un Progrès progressant sans limite : « Pendant que la banquise fond et que les changements climatiques sont devenus inéluctables, nous poursuivons néanmoins le rêve de pouvoir enfin nous échapper des contraintes de la vie organique et de renverser les effets du temps en refaçonnant nos corps devenus des prothèses de nos identités libéralisées. Face aux avancées biomédicales qui tendent à nous faire croire que nous sommes dorénavant les ingénieurs de nos propres vies, la bioéthique libérale se révèle impuissante à saisir les enjeux relatifs à la complexité du vivant tant elle reste imprégnée du mythe d’un sujet autonome détaché du monde.  » [24]

Le deuxième mythe qu’elle démoli avec ferveur, c’est celui du réductionnisme propre à la science moderne, elle qui voit tout en terme de fonctionnalité et d’information et qui se traduit en biotechnologie par le « génétisme », la vision cybernéticienne du vivant.

À la lecture de l’ouvrage, nous ne pouvons qu’être d’accord avec la démonstration et prendre le problème de la biotechnologie très au sérieux si nous souhaitons vivre dans un monde plus respectueux des êtres vivants, des humains et de la nature. D’autant plus qu’il est maintenant plus clair pour nous que la biotechnologie et ses avatars de la biologie de synthèse, biomodifications corporelles et de la biocitoyenneté est un des fronts principaux d’avancement du technocapitalisme dans sa course folle au profit, à la puissance et à la démesure.

La pandémie de SARS-CoV2 et de poussée biotechnologique du système vaccin/informatique/labo P4/obligation smartphonale sont une des manifestions concrètes du front technocapitaliste de la biotechnologie à l’heure de la folie prométhéenne (course à la démesure pour « sauver la planète ») qui s’empare du monde et des humains. Ils sont en même temps des « poignées » pour qui souhaite montrer simplement les méfaits du capitalisme et potentiellement le combattre. Sans toutefois nier les autres fronts principaux, il serait grand temps de mener des luttes pour ralentir sinon stopper celui-ci et d’amorcer un renversement de valeur à l’heure où le plus souvent la biomodification et la biocitoyenneté, ainsi que tout le champs médical de la biotechnologie sont vus de manière positive, voire bénéfique pour la plupart des personnes prônant l’émancipation de l’individu et une société plus égalitaire.

Groupe Grothendieck, juillet 2022.

[1Bio-objets….p16

[2Ibid, p24

[3Webster, Andrew, « Introduction. Bio-objects : Exploring the boundaries of life », in Niki Vermeulen, Sakari Tamminen et Andrew Webster (dir.), Bio-objects. Life in the 21st century. Londres Routledge, 2012, p1-10.

[4Hannah Landecker, Culturing life : How cells became technologies, Cambridge, Harvard University Press, 2007.

[5Bio-objets….p154

[6Rebecca J. H. Woods, « Nature and the refrigerating machine : The politics and production of cold in the nineteenth century », in Joanna Radin et Emma Kowal (dir.), Cryopolitics : Frozen life in a melting world, Cambridge, MIT Press, 2017, p. 91.

[7Thomas Heams parle plutôt d’« infravie », Infravies. Le vivant sans frontière, Paris Seuil, 2019.

[8Bio-objets….p154.

[9« Même si l’analogie peut sembler choquante, il ne m’apparaît pas exagéré de tracer un parallèle entre l’extractivisme caractérisant le capitalisme industriel et la surproduction d’ovocytes dont dépend l’industrie de la fécondation in vitro  », Bio-objets….op.cit, p.149

[10« La naissance des jumelles chinoises biomodifiées par le biais de l’utilisation de CRISP-Cas9 atteste déjà de cette tendance à recourir au génie génétique pour assurer à certains individus une descendance. On assiste à l’affirmation de ce que je qualifie de « transhumanisme ordinaire » propre à la culture technoscientifique dont l’une des tendances les plus visibles et celle de vouloir mettre au monde des enfants « génétiquement correctes » […] Les frontière entre thérapie, biomodification et amélioration s’amincissent.  »., Bio-objets… op. cit. p.284

[11L’économie à l’ère du technocapitalisme s’envisage comme des marchés à deux faces : gagner à la fois sur la production de marchandises hautement manufacturées (production de valeur) et faire des profits sur l’extraction des données de ces objets technologiques. Le tout fonctionnant de plus en plus comme une économie de plateforme où la rente de service devient la source de revenu principal plutôt que la vente de ces « bio-objets ». Exemple : les ovocytes stockés dans une « plateforme réelle » cryogénique sont une matière première qui après modification/standardisation permettent d’extraire des données (génétiques, biologiques, historiques), stockés sur une plateforme informatique et source de « capital-puissance cognitif » pour les technoscientifiques. Néanmoins, le « service » de stockage des ovocytes est la source de revenu principal pour l’entreprise. À Barcelone, une clinique privée affiche un forfait de 20420 euros incluant l’extraction et la conservation des ovocytes pendant 4 ans « À partir de la cinquième année, le coût annuel sera de 250 € », explique son site, traduit en cinq langues.

[12La reproduction artificielle de l’humain, le monde à l’envers, 2014.

[13Bio-objets… op.cit. p.120-121.

[14Ibid. p124

[15Par exemple, les entreprises Facebook et Apple proposent depuis 2014 le remboursement de la conservation ovocytaire pour leurs employées afin qu’elles ne soient plus préoccupés par le fait de n’être plus fertiles à l’âge de la retraite.

[16Bio-objets… op.cit. p.134 et voir p.127-p.135.

[17Aditya Bharadwaj, « After-standardizing clinical trials : The gold standard in the crossfire », Science as Culture, vol. 28, n°2, 2019, p. 125-148.

[18Bio-objets… op.cit. p.169-170.

[19Comme le European Centre for the Validation of Alternative Method et leur Guidance on Good Cell Culture Practice.

[20Bio-objets… op.cit. p.158

[21En France la loi de bioéthique de 2019 permet « l’autoconservation des ovocytes » (pourquoi « auto » puisque que c’est un appareillage technologique dépossédant qui les conservent) par des cliniques tant publics que privées (mais à but non-lucratif). Cela permet de reprendre le marché de la conservation ovocytaire aux patientes/clientes françaises qui partaient en Italie ou en Espagne.

[22Ibid. p.126

[23Voir Céline Lafontaine, Le Corps-marché. La marchandisation de la vie humaine à l’heure de la bioéconomie, Seuil, 2014. Par exemple la société montréalaise Futurovo filière de la clinique privée OVO, vend une « assurance fertilité » et sa publicité «  Vous investissez dans votre maison, votre voiture, même votre vie… Pourquoi ne pas investir dans votre fertilité ?  » (futurovo.com)

[24Bio-objets… op.cit. p.297-p.298

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