Balisez !

« Pour pouvoir placer une balise GPS sur une voiture, il faut passer par une procédure judiciaire, c’est beaucoup trop lourd ». « Un groupe de 5 personnes fait semblant de discuter derrière le véhicule pendant que le technicien se glisse sous celui-ci ».

paru dans lundimatin#7, le 18 janvier 2015

Nicolas Sarkozy a regretté que « nos services de renseignements ne puissent pas mettre de balise sous les voitures suspectes hors procédure judiciaire. Or, par définition, l’action de nos services de renseignement, elle précède l’action judiciaire. » Contre toute attente, l’ancien chef d’État n’a semble-t-il pas contracté d’abonnement à Mediapart. En effet, dès 2012, à l’occasion de la publication d’un livre de David Dufresne, le site internet publiait un document intitulé : Extrait du manuel de stage de la section opérationnelle de recherches spécialisées de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) : « Aide technique à la surveillance et à la pose des balises ».

Outre les recommandations techniques et tactiques quant à la pose d’une balise GPS sur un véhicule, ce que ce document nous apprenait (et nous rappelle), c’est que les services de renseignement, hors de tout cadre judiciaire, les utilisaient suffisamment couramment pour avoir dû en rédiger un manuel de l’utilisateur.
On y apprend que les RG utilisaient différentes sortes de balise :
. dispositif datong (par ondes radio), qui permet de suivre un véhicule à distance.
. GPS-couplé à un GSM (téléphone portable), qui permet de « mettre en mémoire des déplacements d’un véhicule sur une période plus ou moins longue » (attention cependant, précise le document, aux « coût des communications G.S.M »)

On y apprend aussi que les agents procédaient de deux manières :
. en subtilisant le véhicule de la cible (« gros travail préparatoire : se procurer le double des clefs du véhicule », dit le document), puis en le remettant discrètement au même endroit (non sans avoir réservé la place de parking à l’aide d’un « véhicule tampon » ; malin...).
. en posant la balise directement « sur site ». Ce qui implique préalablement, selon le document, de « se procurer un modèle identique que l’on inspectera pour repérer l’endroit de pose idéal ». Puis de poser la balise discrètement de nuit ou, au culot, de jour sur un parking de supermarché : « avoir un petit fourgon qui s’accole à l’arrière du véhicule à baliser. Une personne ouvre la porte arrière et fait semblant de s’afférer dans le véhicule pendant que le technicien opère ».

La naïveté de M. Sarkozy quant au fonctionnement du renseignement français semble donc avérée : à la condition de ne pas oublier de mettre des piles (comme le leur rappelle très justement ce document), la DGSI, comme ses acronymes précédents (DCRI, DCRG), utilisent des balises GPS hors de toute supervision judiciaire (puisqu’ils effectuent des tâches de renseignement, et non de police judiciaire) et ce donc, de hors tout cadre légal.

Manuel Filature Tarnac, Magasin General

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