Astérix 5 et Avatar 2

Actualité du « Spectacle »

paru dans lundimatin#371, le 20 février 2023

En ce début 2023, deux films se disputent le box office français : Astérix et Obélix : l’empire du milieu et Avatar 2 : la voie de l’eau. Avec plein de pop-corn et l’espoir d’en savoir plus sur le monde, nous nous sommes rendus au multiplexe du coin. Nous n’avons pas été déçu et avons même eu l’envie d’en faire une analyse croisée : deux films à succès, deux suites, deux budgets à millions (proportionnels à la taille du pays de production : 400 pour Avatar et 65 pour Astérix), deux produits industriels, deux expressions de la bourgeoisie – des décors différents : la Gaule puis la Chine en 50 avant JC, la planète Pandora en 2154 – un même but : valider les valeurs de la société occidentale, plaire aux fans, divertir les spectateurs, vendre de la culture dominante.

« Nous sommes un Empire maintenant, et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez, fort judicieusement, cette réalité, nous agirons à nouveau, créant ainsi une autre et nouvelle réalité que vous pourrez bien étudier. »
Karl Rove

Absence de cinéma, perte du monde

Ya plus de paysages. Bien que la numérisation soit plus achevée dans Avatar, il en va de même pour Astérix : les décors sont la plupart du temps réalisés virtuellement. De fait, l’environnement est totalement sous contrôle, rares sont les choses qui échappent à la volonté de post-production. A l’inverse, le cinéma se caractérise par des décors réels qui, par la puissance évocatrice propre aux lieux et au hasard, offrent une densité au récit. Ici les paysages sont plats, et bien qu’en 3D pour Avatar, particulièrement superficiels. Dans les deux films, pourtant situés à des époques et des endroits très différents, un même panorama revient, ce pourrait être un fond d’écran Apple. En une image, il évoque « l’aventure » : falaises striées recouvertes de végétations verdoyantes. On ne cherche plus à montrer des paysages mais des images-clef, parfaitement lisses et lisibles, adaptées au discours, recrées en studio. On ne peut s’empêcher de penser que ce mouvement de reconstruction du monde dans les films va de pair avec sa destruction réelle. Le vivant ainsi reconstitué technologiquement – comme les Arbres-néons du clan Omaticaya ou les fonds marins électriques des Metkayina – paraissent non seulement fades comparé à la complexité des écosystèmes réels, mais encore se teintent d’une aura mélancolique : celle de la perte du monde. Les poissons ont beau avoir trois corps, être illuminés par des leds, les baleines s’appellent tulkun, les mammifères marins disparaissent et les faux oiseaux sont toujours moins beaux que les vrais.

Ya plus de personnages. Les héros d’Avatar et d’Astérix ne sont pas des subjectivités avec des évolutions de soi, ce sont tous des stéréotypes monolithiques, des caracters. Ils ne sont plus vraiment humains mais des « avatars », littéralement dans le film américain et plus insidieusement dans le film français : dans Astérix, le casting est une sélection de personnes connues, un peu du cinéma, de la TV ou d’internet et qui, à peine travestis en légionnaires, jouent leur propre rôle sans rien apporter au scénario. C’est ainsi que Marion Cotillard joue Cléopâtre, la reine du cinéma bourgeois. Les personnages d’Avatar sont diégétiquement des êtres technologiques non-humains, dans Astérix ils sont des avatars de la publicité ayant encore forme humaine.

Il n’y a plus non plus de confiance dans le récit cinématographique. Le scénario, déjà assez basique, est régulièrement entrecoupé d’explications, de moments didactiques, comme si les deux films doutaient de leur propre logique ou de la capacité mentale des spectateurs. Ces films, recentrés sur des individus, pris au piège d’un scénario bidon, fuyant le monde réel, n’arrivent plus à s’étendre par le récit. Rappelons que le premier opus d’Avatar, sortie en 2009, puise en grande partie son inspiration scénaristique dans le livre de science-fiction The Word for World Is Forest écrit en 1972 par Ursula K. Le Guin. Ouvrage dans lequel l’autrice explore des thèmes tels que la relation à l’environnement ou les rapports entre différentes cultures, concernant l’accaparement d’un territoire d’une espèce sur l’autre. Les films de James Cameron, sont incapables d’adapter à l’écran la puissance anti-colonialiste et anti-militariste transcendant le livre D’Ursula K. Le Guin. Avatar comme Astérix sont victimes d’un manque cruel d’imagination – que ce soit anthropologique : les êtres animalisés à la peau bleue vivant en communautés dans la forêt se branchent en USB à des plantes, la famille Sully est constamment reliée entre elle par des sortes de AirPods ; ou historique : partout de Gaule jusqu’en Chine on voit des voitures Citroën, on trouve des pubs pour du parfum et les « louboutoumix ».

A travers ses surlignages pédagogiques et cette pauvreté imaginaire nous lisons en creux ceci : la perte du réel affecte le récit cinématographique, lui faisant perdre sa qualité même, crée son absence en même temps que celle du monde. La perte du monde se traduit d’abord par la recherche d’un ailleurs, associée à un discours pseudo-politique : dans le futur, sur une autre planète avec des extraterrestres ; un discours progressiste, plutôt de gauche pour l’Amérique surplombant le monde et tournée vers des ambitions spatiale – dans le passé, un village gaulois avec des chinois ; un discours réactionnaire, plutôt de droite pour la France, jouant son petit rôle de nation. Deux faces d’une même pièce civilisationnelle qui laissent apparaitre les angoisses existentielles du capitalisme crépusculaire auxquels les deux films tentent de répondre par l’invention de nouveaux imaginaires issus de la culture boueuse des dominants.

Obsessions individuelles, névroses occidentales

La nature. Il faut trouver, ou retrouver c’est selon, le lien à la nature. Cette obsession est connue, elle fait couler beaucoup d’encre d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, à droite comme à gauche. Complètement hors-sol, ce lien se trouve dans l’espace pour les progressistes ; complètement bloqués, il se trouve chez les gaulois pour les réac.

Les extraterrestres bleus sont ce grossier mélange de peuples non-occidentaux, cette mauvaise soupe de cultures traditionnelles. Ils sont, dans un pays qui a génocidé ses indigènes, l’idéal d’un Autre qui aurait le bon rapport à la nature. Symétriquement les gaulois qui, dans la narration nazifiante française, jouent le rôle de race primordiale, d’aryens locaux, d’indigènes supérieurs possèdent eux aussi le bon rapport. Quel est-il ? le même que d’hab’ : bienveillant avec les animaux gentils qui parlent, baleines ou chiens, tout en pouvant continuer à dompter les chevaux volants ou manger les sangliers. Ce rapport aux autres qu’humains n’est qu’une reformulation en science-fiction du rapport Disney.

C’est dans Avatar assurément que la névrose due à la séparation avec la nature est la plus forte. Le héros et sa famille, représentants des hommes – ce qui veut dire des occidentaux, ce qui veut dire des américains – cherchent à performer leur rapport à la nature grâce à leur intégration dans les peuples Na’vi. C’est tout l’enjeu du film : face aux méchants humains, américains, les gentils plus qu’humains, plus qu’américains, doivent protéger la « Nature » en développant un lien avec elle – idéalisée, anthropomorphisée, fétichisée. Une nature impossible dans laquelle on range façon 15e siècle toutes les autres humains autres-que-blancs. Un lien qui semble artificiel et qui ne remet pas en question, au contraire de toute l’anthropologie contemporaine, la frontière entre nature et culture qui est pourtant au fondement de la civilisation occidentale.

La virilité. Il faut instaurer ou réinstaurer la virilité. Le héros d’Avatar, militaire américain devenu « indien » représente une nouvelle virilité déguisée qui s’oppose à l’ancienne, celle du colonel Quaritch. Dans une séquence absurde, l’un comme l’autre apprennent à dompter une féroce monture, test de virilité aux yeux des autres. Malgré sa transformation Jack Sully reste un soldat, éternel GI – ses enfants l’appellent d’ailleurs « papa-chef » – chef militaire armé d’une mitraillette cachée sous le lit, chef de famille militarisée qui sait assoir son autorité par la menace physique.

Parmi ces enfants et avec les femmes en générale, la distinction de genre est en permanence rejouée : les filles pleurent et sont inquiètes, les garçons n’ont pas peur et sont aventureux. Le genre reste apparement, y compris sur une planète lointaine, la meilleure astuce pour assoir la virilité comme modèle.

Astérix de son côté est obsédé par son manque de muscle, il sait que sa force ne vient pas de lui mais de la potion magique et cela le fait souffrir car il se sent impuissant. César et Cléopâtre sont dans le film uniquement pour rejouer les inquiétudes conjugales liées à la virilité : « c’est qui qui porte la toge » est l’angoisse de Jules depuis que Cléopâtre – jouée par la femme du réalisateur (sic) – désir de jeunes grecs musclés. Après Rock n’Roll (2017) l’angoisse de Guillaume Canet se sentant indésirable, en n’étant plus un objet de désir pour les femmes de la jeune génération, est connue et semble être un des sujets du film.

Dans les deux cas, la virilité des personnages est mis en danger par la puissance des femmes (du féminisme). Car malgré tout le sexisme ambiant, elles sont des guerrières et leurs revendications s’imposent jusqu’aux scénarios : ne plus être simplement des rôles historiquement associés à la féminité et vulnérables. C’est pourquoi Neytiri tue 25 ennemis à l’arc tout en restant un symbole de femme au foyer, que les femmes du village gaulois ne se laissent pas faire et que la garde du corps de la princesse chinoise est une maîtresse en arts martiaux.

A cela il faudrait ajouter une hétérosexualité « naturalisée ou anthropologisée » dans Avatar et une homosexualité-repoussoir dans Astérix. Il va sans dire que les personnages dans les deux films tombent toujours amoureux et qu’une tension sexuelle entoure en permanence les personnages féminins aux corps sexualisés, que la séduction est un enjeu important de validation viriliste. C’est comme ça que Astérix se trouve en concurrence avec Epidemaïs l’égyptien puis avec un prince chinois pour la conquête de la belle princesse. La course à la drague se double d’une question raciale, car Astérix se trouve en compétition avec cette « autre virilité concurrente » dans la narration raciste française, celle de l’Arabe.

L’obsession de la race. Il y a bien sûr le racisme banal et décontracté « à la française », les blagues d’Astérix chez les chinois, la dynastie « des dingues », la musique tchink tchong, etc. Et du côté américain cet exotisme néocoloniale des rituels chamaniques, des colliers de coquillages et des plumes qui partout et avec une superficialité déconcertante imprègne l’imaginaire d’Avatar.

Mais Surtout on constate que les deux films sont hantés par l’idée de race biologique telle qu’elle fut à l’origine du pire racisme occidentale : chez Astérix, les égyptiens se teignent les cheveux en blond pour faire « gaulois » et tous les personnages autres-que-blancs sont pris dans cette nécessité de faire comme les gaulois, de les copier. Epidemaïs veut se faire appeler epidemaix, la princesse chinoise, qui adore les gaulois, adore les cheveux blonds du Prince au masque de bambou. Tout se cristallise dans la couleur blonde des cheveux. La métaphore, qui sans sourcilier rappelle le délire nazi de la race aryenne blonde, est sensé déguiser le rapport de race et l’importance de séparer les français des chinois ou des arabes quand bien même ceux-là vivent dans le village.

Du côté Avatar, l’obsession est le bleue qui cache difficilement la couleur noir. Les Avatar ont des dreadlocks, plusieurs acteurs jouant les avatars sont noirs et les humains sont systématiquement blancs. Il y a les humains et les bleus, les presque bleus, les moins bleus. L’enfant abandonné, petit Mowgli, le personnage de l’enfant sauvage, Spider se fait des traces bleues pour être comme les autres et sa différence est une tragédie. Bien sûr le racisme est condamné en surface : les égyptiens sont acceptés à la table des gaulois, il faut « s’intégrer » dit le père avatar aux enfants métis. Mais il y a pire : les humains, gentils comme méchants, rêvent d’être bleues pour avoir un corps plus fort, être plus près des animaux et de la nature (sic).

Dans Avatar le fantasme blanc de posséder le corps noir atteint son paroxysme. Rappelons que le Jack Sully, héros de Avatar 1, est un vétéran mutilé, paraplégique en fauteuil roulant qui retrouve au travers du corps de Na’vi, contrôlé par l’Avatar, la possession d’un corps valide, plus grand, plus fort. Il y a là, quelque part une articulation libidinale problématique entre la fragilité blanche et la puissance fantasmée et naturalisée du corps noir : désir de posséder le corps bleue/noir, de s’approprier sa force, son esprit, sa femme (la fille du chef), en restant blanc : une sorte de black face technologique. Et ce désir inconscient n’est pas sans rappeler toute l’économie libidinale classique du racisme aux USA. Pour le dire en termes symboliques, on note avec amusement l’insistance dans le film sur la taille des queues chez les Na’vi. Obsession : ils ont de grandes queues.

Fausse critique, restauration

Pour Sartre, le rôle des artistes de la classe dominante, en plus d’inventer les nouvelles formes de la domination, est de conjurer les critiques issues des mouvements de révoltes. C’est pourquoi, de droite comme de gauche, ils sont les spécialistes de la fausse critique qui intègre au discours la critique subversive : « tout changer pour que rien ne change », voilà le mot d’ordre.

Ainsi dans Astérix, sans aucune utilité apparente pour le scénario, on voit apparaître une danseuse revendiquer devant l’autorité de César une meilleure reconnaissance, exprimer son refus des jupes trop courtes et un « césar féminin ». Désarmée, absorbée. Ailleurs, la femme du chef Abraracourcix parvient à faire dire à son mari, que « derrière chaque grand homme il y a une femme ». Voilà à quoi, dans le film, se réduit le mouvement de révolte féministe qui a secoué et fait trembler, non seulement le milieu du cinéma, mais encore le pouvoir dans la dernière décennie. Réduit à un rien, qui tout de même existe.

Même chose avec la colonisation : le monde extraterrestre d’Avatar est hanté par les traumatismes de l’Amérique et ses fantômes. Tout y est : l’attaque du train par les indiens, l’enfant du colonel élevé par eux, le problème des métis, « les bons sauvages » du Pacifique, la jungle du Vietnam, etc. Le film se place du côté des gentils, formule une critique de la colonisation ; mais par sa re-biologisation de la race, sa transposition culturelle, il s’ancre profondément dans le néocolonialisme.

Le film s’attaque à la « mauvaise colonisation », de droite, celle du 20e siècle qui s’effectue par l’armée, les machines, l’industrie, la destruction, les massacres, etc. Aujourd’hui les formes de la domination ont changé et sa critique ne lui coûte pas grand chose. Avatar, tout en passant pour une critique de l’impérialisme, valorise la « bonne colonisation », de gauche, celle qui s’effectue par l’étude, la compréhension, la défense des autres cultures, celle du soft power, de l’appropriation et de l’exotisme. Le néocolonialisme qui s’y déploie est plus total encore. Le nouveau mode de vie eco-occidental, post-industriel, ultra-technologique naturalisé dans le récit (la planète marche en wifi) s’impose comme un mode de vie résistant, absorbe les autres cultures, et paraît même s’opposer à l’ancien ordre occidental plus ouvertement industriel et violent. On a là toute la perversité du processus hégémonique civilisationnel qui parvient à toujours retourner la critique à son profit. Et par son intégration, restaurer ses valeurs les plus fondamentales.

Une grande valeur à restaurer est l’universalité de la blanchité. Pour cela, dans Avatar il faut recréer de toute pièce une humanité transhumaniste et post-raciale pour conjurer la menace des révoltes de Black lives matter et faire perdurer la société américaine qui ne tient pas sans son racisme structurel. Chez Astérix il faut faire exister des égyptiens et des chinois dans le récit national des gaulois mais pour s’assurer qu’ils resteront bien différents.

Une autre est le Patriarcat. Il faut sauver le couple hétéro-ringard de Cassel et Cotillard dans une pub mélodramatique et insister sur le rôle du père qui doit sauver la famille américaine dans Avatar. Loin des USA, perdue dans la galaxie, la famille Sully reste fondée sur le modèle de la famille américaine classique. Même transformé par le contact des Na’vi, Jack continue de penser le bonheur à partir d’une famille nucléaire à protéger, un amour conjugale, etc. Une phrase est martelée dans des scènes dramatiques lourdingues : « un père doit protéger sa famille, c’est sa raison d’être ». La grande insistance du film – obsession personnelle de James Cameron qui a eu entre Avatar 1 et 2 des enfants – est la protection des gosses. Les enfants sont tout le temps en danger, toujours désobéissants, toujours capturés, un fils meurt au combat. L’humanité est dans le père : même le grand méchant colonel sanguinaire hésite à tuer pour sauver son fils. Le patriarcat semble si important aux yeux des scénaristes que leur héros préfère sauver sa famille plutôt que des patries et des peuples.

Enfin, c’est la société. Il faut conjurer l’anarchisme qui imprègne le capitalisme crépusculaire, la tentation autonomiste. Cela veut dire intégrer la révolte dans un mouvement révolutionnaire au service du capital. Dans Avatar la résistance armée face à la destruction du vivant ne peut pas ne pas avoir lieu : on met donc effectivement en scène la guérilla des Na’vi face à la « fatale avancée de ceux venus des étoiles », les méchants, ceux qui détruisent tout. Le retournement est pervers, il s’agit, face à la menace d’un terrorisme écologique qui bouleverserait les fondements de la société américaine, arriver à incarner ce mouvement. Le geste est osé mais la formule est connue : c’est un ancien militaire américain devenu bleue/indien/noir en superficie sans changer son rapport au monde qui va représenter et mener la révolte des peuples opprimés. Le film s’adresse aux « capitalistes révolutionnaires » : il faut transformer le capitalisme et l’impérialisme américain pour qu’il survive, à cette fin nous devons devenir un autre qui restera le même. Pour le film américain, l’enjeu est civilisationnel, pour le film français il reste national.

Astérix représente la bourgeoisie façon bobo, la maison appartient à ses parents, il est le plus malin et éduqué des guerriers, il cherche à être végan et à faire du yoga. Obélix est le prolétariat façon beauf, c’est lui qui fait avancer la charrette, tout repose sur sa force de travail, il est simple, aime la bonne viande, etc. Un des enjeux du film est la dispute entre Astérix et Obélix, parce que l’un se sent faible, l’autre mal considéré, l’un veut manger healthy, l’autre de la viande. Le dénouement du film est que malgré tout, ils restent bons copains et se retrouvent autour d’un bon plat de viande. En France, c’est une vieille recette : face au délitement de la société par le retour de la lutte des classes, il faut continuer de réunir au sein de la nation. Et ce même si le récit national est de plus en plus ridicule et tient en quelques valeurs un peu confuses : manger de la viande, vendre des produits de luxe à l’étranger, fasciner les peuples anciennement colonisés, ne pas hésiter à intervenir militairement pour sauver des princesses, réunir les classes dans le banquet national.

Actualité du spectacle : chercher la sortie

Que le discours soit plutôt de gauche ou plutôt de droite – qu’il fasse appel à la comédie française bourgeoise en vogue avec l’auteur des petits mouchoirs ou au grand réalisateur spectaculaire du Titanic – le récit de la classe dominante, devant l’ampleur du désastre et la perte du monde, cherche une sortie de crise pour la civilisation. Ce récit intègre les grandes remises en question de l’époque et par un coup de baguette magique, qui est le geste même de ce que certains ont appelé le Spectacle, transforme tout ça en une restauration des pires valeurs déjà en place.

Le discours progressiste d’Avatar situé sur le plan civilisationnel est bien plus aboutit. Il est peut-être le pire des deux car il porte un projet positif de société qui passe pour révolutionnaire jusque chez les journalistes du monde diplomatique ? (!) : une éco-neo-techno-civilisation occidentale post-patriarcale qui fera perdurer jusque dans le futur et les étoiles ce qui pourtant détruit le monde sous nos yeux. Le discours franchouillard et droitard quant à lui est plus faible, presque un peu malaisant vu le niveau intellectuel des blagues qui font la trame des dialogues.

Les deux films se veulent spectaculaires – gros moyens, batailles et effets spéciaux – mais ils peinent à faire un récit crédible et puissant : le spectacle, devenant de plus en plus irréel, de plus en plus du faux se coupe de cette formule qui faisait sa puissance et sa renommée : « le vrai devient un moment du faux ».

Il y a toujours une chance quand nos ennemis cherchent la sortie de crise, que le spectacle s’exile des aspirations réelles des spectateurs et qu’au lieu d’un dépassement mortifère, il ouvre au renversement de perspective ; que son discours ne parviennent pas à réinstaurer les valeurs anciennes, que finalement ses personnages lui échappent. C’est le cas d’Obélix qui en se liant d’amour avec tatane, ose ce lien rêvé par les antiracistes contemporains entre le beauf et le barbare, et qui, fondant une nouvelle internationale des travailleurs-guerriers invincibles pourraient facilement renverser tout les impérialismes, de la chefferie gauloise à l’empire chinois en passant par la Rome de César. Quant à Avatar, à nous de faire confiance aux spectateurs pour voir dans la résistance armée des Na’vi – explosant les trains à la dynamite et les hélicos à la mitrailleuse – une invitation à détruire les gentils néo-colons avec les méchants capitalistes, la gauche avec la droite.

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