Appel à rejoindre la 4e saison des Soulèvements de la Terre

paru dans lundimatin#352, le 27 septembre 2022

En une année et demi, les Soulèvements de la Terre sont déjà venus à bout de trois saisons. Voici l’annonce de la 4e, si ce n’est pas encore un programme, c’est déjà une invitation : « Nous nous situons à une première étape de la constitution d’un front de résistance au désastre et de reprise en main de nos moyens d’existence. »

Les Soulèvements de la Terre sont nés il y a maintenant 1 an et demi de la réunion de paysan.nes, habitant.es de territoires en luttes et militant.es de la jeunesse climatique. Nous voulions sortir des grands discours, des revendications sans retour ou des simples manifestations et unir nos forces pour agir de manière immédiatement impactante contre l’artificialisation des terres et leur accaparement par l’agro-industrie [1]. En 18 mois et face à l’urgence absolue qu’atteste l’état du monde, nous avons - à plusieurs centaines ou milliers - occupé et mis en culture des terres menacées, bloqué et désarmé des industries du béton ou des biotechnologies, assailli et débâché des méga-bassines, fait obstacle à des chantiers et participé à faire reculer très concrètement des plans d’aménagement marchands.

Nos actions ont suscité des débats stratégiques parfois vifs au sein du mouvement écologique et social, forgé des complicités nouvelles, forcé le déploiement des forces de l’ordre et éveillé les fantasmes des préfets [2], amené des appuis inattendus, ouvert à des gestes reproductibles et offert quelques beaux élans à des luttes locales lors de moments charnières. Un champ s’est ouvert, mais les terres continuent de reculer et nous sommes encore fort loin du compte.

Nous nous situons à une première étape de la constitution d’un front de résistance au désastre et de reprise en main de nos moyens d’existence. Depuis janvier 2021, entre nos ancrages territoriaux et quotidiens, nous avons voyagé et convergé des sucs de Haute-Loire aux métropoles parisienne et lyonnaise, du marais poitevin au bocage de Saint-Colomban ou aux périphéries de Rennes et Besançon, des cimes de la Clusaz à la plaine maraîchère de Pertuis.

Le best of des soulèvements de la terre

Au terme de ce premier périple, notre réseau composite s’est retrouvé à la fin du mois d’août au plus près des vignes de Bernard Arnault pour prendre un peu de recul en dégustant par effraction le raisin du milliardaire, et nous projeter dans la 4e saison des Soulèvements de la terre. Plutôt que de combler d’emblée un nouveau calendrier, nous nous sommes fixé.es un certain nombre de caps pour la suite ainsi que des moyens pour s’y diriger et être rejoint.es en chemin.


En voici les grands axes comme autant de rendez-vous en construction pour les prochains mois : 

# Arrêter les bassines 

Au vu des couleurs brûlantes de l’été qui s’achève et de la montée en puissance des actions menées dans le marais, le fait de poursuivre le bras de fer engagé sur le terrain des méga-bassines était placé sous le signe de l’évidence.

Le 1er enjeu des soulèvements pour la saison 4 sera donc de réagir en bloc au démarrage annoncé du chantier de la plus grande bassine actuellement en projet, en l’occurence à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres.

Suite à l’annonce du report du démarrage du chantier à « début octobre » du fait de « problèmes administratifs », nous nous préparons toujours à lancer la mobilisation nécessaire - avec Bassine Non Merci et une cinquantaine d’organisations locales et nationales - pour mettre fin au chantier le 3e week-end suivant la pose de la 1re grille (voir l’appel ici)

Un appel est lancé, dès maintenant, à multiplier les soirées publiques de mobilisation. Un kit vidéo-tract-présentation graphique-stickers pourra vous être envoyé pour ce faire en en faisant simplement la demande à caravane at lessoulevementsdelaterre.org.
 
Si cette mobilisation massive ne suffit pas à aboutir à un moratoire national sur les projets de bassines visant au maintien délétère de l’irrigation agro-industrielle, elle sera sans nul doute suivie d’autres actions. Avec une attention particulière à les faire rentrer en résonnance avec la résistance contre les bassines des montagnes pour le tourisme et la neige artificielle dont les travaux pourraient démarrer à l’est du pays et notamment à la Clusaz. C’est là que vient de se réinstaller avec fougue une zad à la cime des arbres que nous appelons à soutenir.

# Barrer le béton

À l’heure où le gouvernement recule déjà éhontément sur le champ flottant du « zéro artificalisation nette », la saison 4 des Soulèvements ne lâchera pas la bride sur les industries qui bétonisent les terres et sur leurs excroissances les plus menaçantes. A commencer par l’extension annoncée des carrières Lafarge et GSM de St-Colomban (44) où nous nous sommes déjà rendu.es à deux reprises et où le combat pour le bocage se resserre.

# Occuper contre l’accaparement 

Après les actions de coteaux menées ces derniers mois contre la spéculation sur les vignes du Jura et du Var, nous allons cibler sur le terrain les montages sociétaires qui accaparent les terres, les aspirent dans la spirale capitaliste et font obstacle aux installations de paysan.nes défenseurs.euses de la biodiversité. L’annonce emblématique d’une possible vente par la SAFER de 2200ha d’un seul tenant dans la Vienne n’a pas manqué d’attirer notre attention. Des actions fortes sur ces enjeux ne pourront aboutir qu’en renforçant dans le même temps notre compréhension de ces phénomènes d’accaparement, les outils de veille foncière depuis nos territoires et les espaces à même de susciter des vocations paysannes combatives et désirables.

# Enquêter entre les lignes

Les aménageurs d’une croissance sans limite continuent à planifier leurs profits l’air de rien, envers et contre tout ce qu’un monde qui s’embrase ne cesse de hurler autour d’eux. A rebours des « Déclarations d’Utilité Publique », nous dédierons aussi cet automne à enquêter sur la relance parfaitement anachronique de déploiements autoroutiers à Rouen, Castres ou encore de lignes à Grande Vitesse entre Bordeaux et Toulouse. Alors que des chantiers dévoreurs de terres, forêts et zones humides pourraient commencer dès l’an prochain sur ces territoires déjà meurtris par les feux et les déferlements toxiques, il s’agira d’étudier dès maintenant comment appuyer les collectifs locaux pour mettre en déroute les travaux. 

# Rejoindre les soulèvements, accroître les rencontres et renforcer les ancrages du mouvement

Les dates de mobilisations publiques vont se préciser et s’annoncer au fil de cette saison 4. Nous vous invitons à guetter l’info sur le site des Soulèvements de la Terre et les réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram)

Mais puisque rien ne vaut des rencontres de visu, nous invitons à l’organisation de soirées d’échanges autour de la dynamique des Soulèvements de la terre et des mobilisations à venir partout là où des collectifs, fermes, espaces ami.es désireux de s’en faire le relais pourraient en offrir dans les prochaines semaines. 

Ces temps pourront aussi permettre d’établir sur différents territoires les processus de long terme du mouvement : veille foncière et mise en réseau pour des installations, enquêtes sur les projets et industries qui menacent les terres...

Pour les groupes déjà impliqués, des kits de présentation et documents papiers et vidéos peuvent vous être envoyés. Des intervenant.es engagées dans le suivi des Soulèvements et les diverses mobilisations locales de la saison 4 peuvent aussi être invitées à venir participer aux soirées en écrivant à caravane at lessoulevementsdelaterre.org. 
 

[1Ces deux processus, celui de l’artificialisation des terres et celui de leur accaparement, ont guidé nos actions tout au long des premières saisons qui avaient aussi pour but de révéler ces processus et d’informer sur leurs conséquences pour le foncier agricole. L’artificialisation des terres correspond à un changement d’occupation des sols, on passe alors d’un sol à vocation agricole à un sol généralement bétonné pour être dédié à un autre usage. Ce peut-être le projet de construction d’un « écoquartier » aux Vaîtes à Besançon, à l’endroit où avaient lieu jusqu’à présent des activités de maraîchage, les dizaines d’hectares de bocage dévorés par l’agrandissement des carrières de sable à Saint-Colomban, ou ceux qui seront excavés pour y installer des méga-bassines. L’accaparement des terre est un phénomène qui est dû à l’industrialisation de l’agriculture : les terres restent à vocation agricole mais vont être concentrées et gérées par une même unité d’exploitation qui y pratiquera une agriculture intensive, de plus en plus nocive pour le vivant, inféodée à de grosses firmes, et menant parallèlement à la disparition des petites fermes paysannes.

[2Dans un effort de retournement hyperbolique, les préfets des pays de la loire, d’Auvergne-Rhône-alpes ou encore de Nouvelle Aquitaine ont tour à tour publié des arrêtés visant à interdire - sans grand succès - les rassemblements des Soulèvements de la Terre. Et ce sous prétexte - entre autre et tenons-nous bien - de risque de « transport d’armes de destruction massive » ou « de terrorisme écologique ». Ces dénominations aussi sinistres qu’ubuesques faisaient suite à l’utilisation par les Soulèvements de la Terre du terme « désarmement » pour qualifier l’utilisation - lors de manifestations de plusieurs centaines voire de milliers de personnes - de quelques outils basiques de jardin ou de bricolage pour mettre hors d’état de nuire des méga-bassines, cimenteries, ou écluses accaparant les ressources en eau ou détruisant les sols... À l’heure de la 6e extinction de masse des espèces animales et végétales et au sortir d’une sécheresse systémique, on a pas de doute sur là où se cachent réellement les armes de destruction massive.

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