Actu-cinéma, sorties en salle ces temps-ci et chouettes rencontres

Fabien Drouet

paru dans lundimatin#363, le 12 décembre 2022

Le troisième épisode du Grand blond avec une chaussure noire, un café sympa avec François Hollande, le retour d’Hélène et les garçons une cousinade avec Bruno Le Maire. De nouvelles et chouettes rencontres en compagnie de Fabien Drouet.

Le Retour du Grand blond avec une chaussure noire connectée

Noté 3/5 par la presse et 4/5 par les spectateurs

Après le fameux Retour du Grand blond (qui avait succédé au Grand blond avec une chaussure noire), voici le Retour du retour du grand blond avec une chaussure noire connectée !

En ces temps de morosité grise et morbide au sein d’une société moribonde et mortifère en pleine dépression neurasthénique, voilà un film qui saura faire sourire jusqu’aux enfants battus.

Pierre Richard ayant, comme on le sait, refusé le rôle, c’est l’hilarantissime Guillaume Canet que l’on retrouve dans la peau de François Perrin. Quant à Perrache et Bernard Milan, il sont incarnés par Gérard Lanvin et Omar Sy qui, d’après nos informations, jouent dans le film parce que c’est un film français et qu’un film français sans Gérard Lanvin ni Omar Sy, c’est un peu comme un gouvernement sans charognards, une cerise sur le gâteau sans gâteau, un mois de décembre sans pulsions suicidaires ou une consultation citoyenne sans trahison des politiques.

Le scénario de ce nouveau grand blond est bon. Bon et moderne. Moderne et bon. Et puis on rit. Oui qu’est-ce qu’on rit !

Quand François Perrin, au XXe siècle, nous faisait pleurer de rire en portant des chaussures dépareillées, en cassant la corde de son violon pendant un concert, en se trompant de porte et en pénétrant sur le tournage d’un film porno - en 2022, il active nos zygomatiques dès la première scène du film quand il envoie un mail en oubliant d’y attacher la pièce jointe.

Dans la deuxième scène, quand il se trompe de destinataire, on se dit qu’on n’est pas au bout de nos surprises...

Et on a raison.

Dans la troisième scène, Perrache donne une clé USB à François Perrin, « une clé USB sur laquelle il y a des documents importants » (sic), et lorsque François Perrin essaie de l’ouvrir, l’ordinateur lui annonce qu’il y a un virus sur la clé... Alors, Guillaume Canet sort le grand jeu, et de son index droit appuie sur « Formater le disque » (au lieu de lancer l’antivirus, mais quel couillon !), et la clé USB, du coup, ne contient plus rien !!!!

On se marre.

On se marre, oui, mais on réfléchit aussi, parce que si ces documents importants ne sont plus sur cette fichue clé USB désormais formatée, où sont-ils, et surtout, comment François Perrin va-t-il donc bien pouvoir faire ?

C’est là que démarre véritablement l’intrigue ; François Perrin va tenter de trouver par l’intermédiaire d’un moteur de recherche (Googueule (très drôle ce jeu de mot) un forum sur lequel il pourrait trouver une réponse à sa question : « comment récupérer des documents effacés sur une clé USB ? », mais quand il tape sur son clavier, François Perrin fait une faute de frappe et, au lieu de lancer la recherche qu’il souhaitait lancer, il tombe par hasard sur le profil instagram de son ex petite amie jouée par Marion Cotillard.

Alors, moment de suspense.... il hésite un peu... puis tout s’accélère : il décide de lui envoyer un smiley qui sourit mais - tête en l’air qu’il est -,se trompe une nouvelle fois et lui envoie un smiley avec des cœurs qui sortent des yeux !

On se prend d’empathie pour le personnage et on rit, oui on rit mais un peu jaune (et c’est là la force du film, on rit oui mais des fois un peu jaune, et on réfléchit, aussi).

Le grand blond, évidemment, veut supprimer le message envoyé et s’apprête à appuyer sur « supprimer le message », lorsque tout à coup son I-phone s’éteint faute de batterie suffisante pour rester allumé.

On ressort du film avec la banane, et le réel s’en voit tourneboulé.

Pour ma part, quand, après le film j’ai cherché un restaurant japonais et au lieu d’écrire « japonais » j’ai tapé « zaponais », je n’ai pu refréner un fou rire et une publication facebook pour partager ce gros délire (trente-deux likes).

Le retour du Grand blond avec une chaussure noire, en salle dès mercredi ! (pour réserver, télécharger l’application Envie de cinémo* !

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*LOL --------) « Envie de cinéma »


Absolument rien à voir mais hier après-midi, Bruno Le Maire est passé prendre le goûter avec mon fils et moi. C’est un cousin éloigné.

On ne choisit pas sa famille, avais-je chuchoté à mon fils à l’annonce de sa venue. Ce à quoi il avait répondu ’ça, papa, j’ai bien remarqué’.

Bref.

Quand Bruno Lemaire est arrivé, il avait les bras chargés de viennoiseries en tout genre. Mon fils et moi en avions l’eau à la bouche. Je sortais le pain et la confiture tandis que mon fils préparait le café, ainsi nous faisions ce que nous pouvions pour que ce goûter soit un bon moment.

Lorsque nous fumes tous assis, je remarquai que Bruno Le Maire avait gardé son sac de viennoiseries sur les genoux. Je ne dis rien, mais mon fils lui demanda s’il pouvait voir ce qu’il y avait dans le sac. Bruno, grand sourire, lui répondit « bien sûr petit, tu peux voir, mais pas touche minouche ».

Je détestais cette expression, et cela me confortait dans le sentiment que j’éprouvais depuis toujours envers ce lointain cousin ; c’était un homme que je n’aimais pas. Pas touche minouche : expression, en certaines circonstances, à claquer. Bruno Le Maire : homme, en toutes circonstances, à claquer.

Quand mon fils lui demanda pourquoi nous mangerions du pain pendant que lui mangerait ces viennoiseries, Bruno répondit que c’était simple, ces viennoiseries étaient à lui. Puis il expliqua à mon fils que s’il n’avait que du pain pour le goûter, c’est que son papa n’avait pas envie qu’il ait quelque chose de meilleur, si c’était le cas il aurait fait plus d’efforts ; les entreprises embauchaient, elles faisaient déjà énormément pour le consommateur, et encore plus pour les salariés ; ces entreprises vendaient des choses aux salariés, qui se les achetaient avec l’argent que les entreprises leur versaient. Dans la vie, poursuivit-il, on ne reste pas le bec ouvert en attendant que des viennoiseries nous tombent dans le gosier prémâchées.

J’avais envie de le frapper bien sûr, ce que je fis. Mon fils, pas bête pour un sou, déclara qu’il avait compris ce que nous allions faire. Nous n’allions pas attendre le bec ouvert et caetera, nous allions manger des viennoiseries, et dans le même temps prouver à Bruno Le Maire qu’il existe des solutions alternatives. Bruno entamait le couplet sur la confiance qu’il faut accorder aux entreprises dans le processus de sortie de crise, il avait même dévoilé sa dernière idée, des pin’s ’J’aime l’entreprise’, qui seraient vendus 4e, et dont les bénéfices iraient aux grosses entreprises, parce que franchement elles avaient fait de sacrés efforts et qu’il fallait qu’on les remercie.

Qu’on les honore.

C’est à ce moment-là que je lui ai asséné le premier coup. Mon fils ensuite lui fit une balayette (un coup qu’il maîtrise à la perfection). Nous l’attachâmes au radiateur, puis nous mangeâmes les viennoiseries et lui assénâmes quelques coups de baguette de pain sur les joues dès que le coeur nous en disait. La propriété, c’est le vol, chantions-nous en coeur (en vérité mon fils faisait du beat-box et moi je chantais), la propriété c’est le vol, et le vol permet d’accéder à la propriété, mais cousin Bruno, t’inquiète pas, l’entreprise va sûrement venir te sauver, te délivrer, tu te seras endormi et elle viendra te réveiller d’un baiser déposé sur la bouche ! (la chanson était pas terrible, ça ne rimait pas, l’air était nul, mais qu’est-ce qu’on se marrait à la chanter !).

Puis, je ne sais pas ce qu’il nous a pris, mais quand nous eûmes fini nos viennoiseries, nous nous mîmes à pisser sur le cousin. Avec le recul, je me dis que sur ce coup, on est peut-être allé un peu loin. Mais quel bon moment. Les viennoiseries étaient pas terribles, mais quel bon moment.

Hélène et les Garçons

noté 2/5 par la presse et 5/5 par les spectateurs

Jean-Luc Azoulay renaît de ses cendres pour nous proposer une version longue d’Hélène et les garçons.
« Enfin ! », a-t-on envie de dire, mais tout comme Hélène (incarnée par Hélène Rolles) le dit dès la première scène du film lorsque Cri-cri d’amour (Christian, boucle d’oreille, ancien batteur) lui envoie une photo de son sexe par Messenger, « tout vient à point à qui sait attendre ».

Le scénario est bien ficelé et on sent que la vie a roulé sur Jean-Luc Azoulay ; Hélène est triste, passe le plus clair de son temps chez elle, seule, à se faire des tisanes en fumant du CBD tout en cherchant un moyen d’aller mieux sur doctissimo.fr lorsque, dans une phase que Nicolas Puydebat (coupe mulet et ancien guitariste) devenu psychiatre ne manquera pas de qualifier de « phase maniaque », elle passe du CBD à la cocaïne, de la tisane au whisky et fait en sorte de rencontrer un maximum d’agents de la brigade anti-criminalité (BAC) afin de les séduire, les ramener chez elle et leur planter un coup de couteau en plein cœur au moment où ils croyaient qu’ils allaient se la taper.

Hélène conserve les corps dans la cave que le propriétaire de son appartement (José, chemises à fleurs, ancien claviériste devenu investisseur immobilier) lui loue.

La chemise à fleurs de José et José lui-même, dans une scène qui restera dans les annales de la comédie dramatique, finiront eux aussi à la cave...

La Bande Originale du film, signée elle aussi par un Jean-Luc Azoulay sur qui, décidément, la vie a roulé, est une merveille. Quand Hélène, dans les années 90, chantait « Hélène, je m’appelle Hélène, je suis une fille comme les autres, je voudrais trouver l’amour... », aujourd’hui, en 2022, sur les guitares cradingues et néanmoins hiératiques d’un Serge Teyssot-Gay en pure furie, elle hurle « Hélène, je m’appelle Hélène, j’encule les garçons d’Hélène et les garçons, et j’encule les flics, et j’encule les proprios, et j’encule le Président, et j’encule la France, et j’encule l’Europe, et j’emmerde le Monde, et j’encule le Figaro mais j’aime toujours les fleurs connard et je voudrais trouver l’amour... »

Peu à peu, Jean-Luc Azoulay, sur qui décidément la vie a et caettera tisse une toile qui jette le trouble sur le diagnostic de bipolarité posé par le docteur Nicolas Puydebat (coupe mulet, ancien guitariste) et nous questionne finalement sur la pertinence d’une incarcération d’Hélène.

On sort du film joyeux d’avoir vu des flics et des gros propriétaires se faire planter des coups de couteau en plein coeur, on retrouve le petit bout de foi qui nous manquait pour passer à l’action, et surtout – et c’est là la force du film – on se questionne sur le diagnostic que l’on poserait sur la nouvelle Hélène. Phase maniaque... ou prise de conscience ?

La nouvelle Hélène et les garçons, de Jean-Luc Azoulay, en salle le mercredi 12.

Rien à voir mais hier j’ai bu un spritz avec François Hollande sur la terrasse du Café des Amis, à Panissières (42). Hasard complet, et sympa. Hasard sympa. François aussi, très sympa. Si c’était un collègue de travail je penserais sûrement que ce n’est pas désagréable de travailler avec lui, qu’à la limite on pourrait même se faire de temps en temps un afterwork, mais il faudrait pas exagérer, on partirait pas non plus en week-end ensemble.

François a commandé un spritz, en ajoutant qu’il en voulait un sans alcool. Le serveur lui a dit que s’il voulait un spritz sans alcool, il avait qu’à prendre autre chose, un ’soft drink’, un Oasis par exemple, ou un sirop. Mais François Hollande a dit non, non et non, je reste sur ce que j’ai dit, je veux un spritz sans alcool. Je crois que dans son regard, j’ai perçu ce dont il venait de s’apercevoir ; sa requête était une métaphore, ou une allégorie (je galère toujours en figure de style) assez claire de ce qu’il souhaitait faire politiquement ; reconstruire la gauche, mais sans être de gauche. Moi, pour compenser, j’ai demandé un spritz, mais uniquement avec de l’alcool. Je ne dis pas que l’alcool, c’est la gauche, ou inversement. La métaphore ou l’allégorie ou je ne sais quoi file aussi bien avec la bouffe, la preuve : quand le serveur est venu nous demander si on désirait manger, François a dit « Oui ! avec plaisir ! Pour moi ce sera une assiette d’acras de crevettes aux piments forts mais qui piquent pas ».

Le serveur, fatigué des requêtes irréalistes de François, m’a regardé. Je crois qu’il cherchait un regard complice, quelqu’un qui s’associerait à son agacement, quelqu’un qui lui exprimerait sa solidarité. J’ai acquiescé, en fermant doucement les paupières et en inclinant lentement ma tête. Je crois que le serveur a compris ce que je voulais lui signifier ; il m’a souri, on s’est souri, et François, même s’il n’a pas compris pourquoi le serveur et moi nous souriions, a souri lui aussi.

Je pense qu’à ce moment-là, le serveur et moi nous sommes dit la même chose : Pauvre type.

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