Poésie, stratégies de rue et foot-fiction

« Les baqueux percent le cortège et isolent notre joueur ; penalty. C’est le deuxième coup de pied arrêté offert à l’adversaire en quelques minutes, on prend la mesure des enjeux dans cette deuxième période. Pour eux, l’occasion est trop belle, leur attaquant frappe, comme à chaque fois en tir tendu, c’est une balle pour remonter au score. »

paru dans lundimatin#122, le 13 novembre 2017

C’est vraiment l’équipe qu’était la moins capable, qu’avait la moins bonne aptitude à faire ce qu’il faut aujourd’hui […] alors on adoptait un jeu différent […] On sera jamais rationnel avec ce type de lascars donc ça va être irrationnel comme jeu, mais sans qu’on se casse la gueule quand même. On a mis en place ce jeu là parce que j’avais jamais vu des joueurs aussi explosifs.
Attention hein, attention les yeux c’est qu’ça pétait ! Et au lieu de faire dix passes, on en faisait trois, quatre... mais pas n’importe lesquelles !

Jean-Claude Suaudeau

[coup d’envoi]

Un coup de sifflet résonne aux abords du stade Marcel Saupin. Cette fois-ci c’est sûr, le match a débuté : on engage.

Ça commence toujours de la même manière. Les deux équipes se jaugent, la tension monte d’un cran à chaque regard. Ce qui m’intéresse le plus, dans ces entames, c’est de détailler l’adversaire. Habillé de bleu marine et de noir, comme toujours. Leurs armes saillantes, prêtes au combat, comme toujours. Comme toujours, leurs yeux ahuris nous détestent et les premières insultes se font entendre. On n’est pas en reste, faut dire : les regards narquois et les moqueries, on les leur rend bien.
Viennent les premières foulées. C’est notre équipe qui donne le rythme. La confiance gagne nos lignes, elle se diffuse, on peut lancer une première attaque placée.

[passe]

Quand j’ai entendu le coup de sifflet inaugural, j’ai regardé autour de moi – l’adversaire ne m’intéresse plus, il est systématiquement le même, fondamentalement immobile. Devant, les joueureuses les plus offensif·ve·s vêtu·e·s de noir discutent de la stratégie à adopter. On ne les entend pas et c’est très bien ainsi. Derrière, la foule est plus hétérogène : toute une gamme de couleur, des mots et des dessins inventifs, des grands-mères et des petits-enfants en grève de l’école primaire. C’est plus bruyant, aussi, à l’arrière. Et à mes côtés, ces regards que je connais bien, ceux des ami·e·s et des inconnu·e·s, tendus et impatients. Ces sourires tendres, qui savent...
Soudain, les jambes se mettent en mouvement. Un cortège se dessine doucement, des sons montent en flèche, ici et ailleurs. La polyphonie devient symphonie, et tout le monde sait que le match est lancé.

C’est drôle, j’aurais pensé que les premières prises de balles seraient plus rapides. Il nous faut plus de trente minutes pour parcourir les 900 mètres qui nous séparent de la gare. C’est le moment que choisit un ailier pour lancer la première attaque : magnifiquement servi dans la profondeur par une des meilleures récupératrices du groupe, son rush fulgurant percute l’adversaire.
Les choses s’accélèrent, et on se fond dans le rythme.

[passe]

Les ailier·e·s. Ces joueureuses offensif·ve·s qui amènent l’étincelle, qui font se déplacer des foules au stade, par leur style, leur vitesse de pointe et une certaine idée du mouvement. C’est toujours un plaisir immense d’admirer leurs dribbles inventifs et délestés de toutes traditions étouffantes et sans joie. Ils fleurissent sur le passage du cortège, sur les murs, au sol et dans les airs. « Prime de match pour tou·te·s », « Un petit pont sur Macron », « On avale le venin et on reste soudé ».

Soutenant les magnifiques banderoles de tête, plusieur·e·s numéros 9 vêtu·e·s de noir craquent un fumigène, puis deux, puis trois, puis mille. La fumée qui s’insère dans notre équipe, bien plus agréable que celle des lacrymogènes adverses, a le goût de la situation, de la brume libératrice qui permet aux énergies de se déployer, au bloc de rester uni et protecteur. On rejoint très vite la Place Maréchal-Foch, plus conquérant·e que jamais. Quelque chose est dans l’air. Un coup est possible.

[but]

Les causeries d’avant-match ont eu l’intelligence de laisser libre cours aux initiatives spontanées, tout en prévoyant plusieurs coups à porter à l’adversaire. C’est ainsi qu’arrivant dans les dix mètres adverses, à la Préfecture, une grande toile de peinture multicolore se dessine. Gênée par notre diversité – devrait-on dire notre complémentarité ? –, l’équipe adverse demeure impuissante et se laisse déborder par une première incursion dans sa surface. Une joueuse échappant au marquage à gauche est servie, dribble un défenseur latéral hagard, lève les yeux, passe en retrait. Une reprise sans contrôle d’un numéro dix bien placé nettoie la lucarne adverse.
Porsche en flammes.

[1-0] [réaction adverse – carton rouge]

Les défenseurs de l’équipe adverse hallucinent. S’étant fait pour mission numéro une de nettoyer la surface de ces attaquant·e·s trop collant·e·s, ces derniers n’arrivent pas à croire qu’ils se sont fait déborder sans le voir venir. Plein de rancoeur et passablement énervés par l’action précédente, la réaction des bleus ne se fait pas attendre. Une première touche de balle traversant le terrain d’un bout à l’autre et c’est une pluie de lacrymogènes qui l’accompagne, venant s’abattre sur toute la première moitié du cortège. Cet engagement – somme toute convenu – n’en demeure pas moins efficace et permet à l’adversaire une respiration ; il n’en faut pas plus pour les voir dessiner leur première attaque dans ce match avec l’entrée de leurs attaquants de pointe, répondant au doux surnom de « bakeux ».
Ces derniers profitent de leur relance pour percer le cortège et ils prennent un de nosattaquants en étau. Dans l’action notre formation cafouille et nos adversaires se saisissent du moment pour blesser une camarade. Tacle à la cheville, arrestation musclée en prime, on termine le premier tour – en 45 minutes et près de cent-vingt secondes de temps additionnel – en infériorité numérique.

[mi-temps]

On siffle la fin de la première période. C’est clair qu’on a seulement ouvert, on a su être offensif·ve·s et marquer la mi-temps de notre savoir-faire habituel, gratifiant même celle-ci d’un premier but. Mais ça n’est pas suffisant, et dans toutes les têtes il reste une deuxième période. On débriefe à la croisée des trams : Commerce est notre vestiaire à ciel ouvert et chacun·e y va de son avis sur cette première phase. On a pour nous l’avantage du score, eux ont désormais l’ascendant numérique, mais ça ne nous atteint pas, on a l’imagination et l’audace quand ils n’ont que la défense et la réaction.
La mi-temps a toujours cette particularité que personne ne la gère de la même manière : nos libéros sont sur la place, reprennent leurs esprits et leur souffle, pendant que nos ailier·e·s sont déjà debout, près de la porte, prêt·e·s à retourner jouer ces quarante cinq nouvelles minutes. Tou·te·s savent que c’est de création dont il sera question pour l’emporter, d’imagination et d’objectifs à atteindre, car d’ici quelques minutes maintenant le coup de sifflet annonçant la deuxième manche va retentir.

[coup d’envoi]

La blessure qui a réduit l’équipe à dix reste dure à digérer, et on pense à ce corps immobile et seul dans le vestiaire – peut-être nous observant du fond d’un camion de CRS, peut-être déjà accroupi dans une cellule grise, souffrant assurément de leurs insultes, et de leurs coups aussi sans doute. Pourtant sur la gauche du cortège, les passes réglées au millimètre s’enchaînent. On est reparti·e·s avec une gnaque d’enfer, et on fait facilement reculer un adversaire qui voulait pourtant nous interdire de jouer la seconde partie du match.

[passes vs tacles]

Ça y est, c’est reparti. Ça virevolte autour de moi. Le ballon passe, fluide, de jambes en jambes. Je le touche parfois, je le laisse filer souvent. On avance vite, de plus en plus vite. En face, ils fulminent rouge, de plus en plus rouge. On est déjà devant l’Hôtel-Dieu, et ils ne peuvent plus se retenir. Les tacles dangereux, glissés, appuyés, incontrôlés nous fauchent de partout. Mon genou se plie, mais j’évite la rupture, et j’échappe aux yeux de la BAC. Leur violence est démesurée – qui ça étonne encore ? L’hélicoptère qui arbitre toujours ce type de rencontre ne nous laisse pas une minute de répit. Il ferme les yeux de sa caméra toujours ouverte et nous invite à poursuivre le match. Pire : il va jusqu’à siffler simulation contre nous lorsque, à ma droite, un jeune garçon s’écroule l’épaule en sang, blessé par une petite balle en caoutchouc.
« Flash-ball Super-Pro ». Coup franc.

[coup franc adverse]

Notre équipe, pas vraiment adepte du catenaccio, doit pourtant s’entendre pour défendre efficacement. Après quelques conversations agitées, l’idée de bâtir un immense mur pour contrer l’action adverse est adoptée. Ni une ni deux, une chaîne humaine se crée et le rempart prend forme en l’espace de quelques secondes. Le local de François de Rugy, opportuniste député de cette sinistre Ve République attendra. Comprenne qui pourra. Peu à peu, on découvre les bienfaits d’une telle construction sur notre jeu : les formidables street medics en profite pour soigner sereinement les blessé·e·s à l’abri, les tags fleurissent à nouveau, tandis que d’autres se concertent et causent stratégie à couvert. Qui l’eut crû ?
Au coup de sifflet de l’arbitre, le capitaine des bleus s’élance. Il pointe son canon à eau dans notre direction, prêt à tout démolir sur son passage. On retient notre souffle, certain·e·s ferment les yeux, d’autres fixent l’adversaire comme pour mieux le déstabiliser. Le joueur arme sa frappe, mais le tir – pourtant surpuissant – s’échoue sur notre mur. C’est la stupeur dans le camp adverse. On a tenu bon.
Une fois le coup-franc volé repoussé, nous continuons de pester contre l’arbitrage, et les noms d’oiseaux fusent. En repartant, plus déterminé·e que jamais, je me retourne pour regarder une derrière fois notre rempart et je remarque un tag qui m’avait jusque-là échappé. Au-milieu des contestations primaires mais salvatrices contre le corps arbitral, une formule s’élève. ’Car l’oeil dans le ciel mérite qu’on le crève.’
Il n’y a pas à dire, leur bassesse n’a d’égal que le style de nos références.

[but]

Nos attaquant·e·s n’ont pas attendu que je sorte de l’émerveillement provoqué par la situation pour reprendre leurs pratiques offensives. Le contre qui suit, d’une fulgurance extrême, est un modèle du genre. En cinq touches de balle – une par joueuses concernées par l’action – nous voilà déjà en nombre cours Olivier de Clisson. Surprise et mouvement. Stupéfaite par notre rapidité, la défense adverse – acculée, assiégée, rendue inopérante – ne peut que subir notre contre-attaque.
Une-deux. Gardien lobé. Tir dans le but vide. Comico de la situation H.S.

[2-0][arbitrage vidéo]

Ils sont KO debout. Même l’hélicoptère qui se cache habituellement sous les traits de l’impartialité neutre de la technologie fulmine. Ils essaieront de faire dire n’importe quoi aux images, je le sais bien, c’est comme ça qu’ils font à chaque fois, mais dans le fond ce que je sais c’est qu’ils seront incapables de comprendre le sens de notre stratégie. Ce deuxième but enfonce le clou, d’autant plus qu’il arrive de l’arrière du terrain. Nos adversaires ne saisiront pas ce qu’il peut y avoir d’offensif dans un groupe soudé qui fait mur contre un tir lancé à pleine puissance ; pour eux il n’y a que de la défense partout. A cette incompréhension s’ajoutera la colère dans les prochaines secondes lorsqu’ils réaliseront. On célèbre mais sans cérémonie, le match n’est pas fini.

[coup d’envoi averse]

Ça reprend effectivement très vite, le pressing des adversaires est efficace : nos troupes étouffent. À Commerce la place est noyée sous les lacrymos et les milieux offensifs bleus ont désormais tous sortis leur LBD : ils nous font comprendre qu’ils défendent leur moitié du terrain.
L’accélération de rythme qu’ils initient nous prend de court, on fait une erreur stratégique en laissant partir un·e libéro tout·e seul·e s’en prendre au distributeur le plus proche. Les baqueux percent le cortège et isolent notre joueur ; penalty. C’est le deuxième coup de pied arrêté offert à l’adversaire en quelques minutes, on prend la mesure des enjeux dans cette deuxième période. Pour eux, l’occasion est trop belle, leur attaquant frappe, comme à chaque fois en tir tendu, c’est une balle pour remonter au score. Mais c’est sans compter sur notre gardien·ne de but qui fond droit sur le poteau gauche et qui, à trente mains, vient sortir notre camarade de celles des keufs, le sauvetage est incroyable, je crois bien qu’on est surpris·e·s nous-mêmes par la vivacité de l’arrêt.

[pressing]

En réalité elle est générale, la surprise. Vue la tournure que prenaient les choses, on s’attendait à une logique réduction du score. Mais c’est notre jour, il faut croire. Il y a un moment de flottement, et puis de nouveau, ça s’accélère. Harcelé par les assauts rapides de la BAC, repoussé par la brutalité mécanique des CRS, le cortège parvient tout de même à remonter vers la place Bretagne. Bientôt, nous arriverons au pied de la tour.

[appel / contre-appel]

Et merde ! Je le sentais venir, c’est sûr. Comme toutes les cagoules autour de moi, c’est sûr.
On avait tou·te·s la même chose dans la tête et sur les yeux concentrés, une même pensée. Si claire qu’on s’entendait murmurer. « Ok, l’adversaire nous presse de partout. Ok, ils sont pas tendres, là, leurs CRS. Ok, à tout moment un brassard orange pour me tomber sur le coin de la gueule. Mais quand même... 2-0, à 10 contre 11, une humiliation sur penalty... ils peuvent pas nous laisser avancer comme ça vers la tour, ils vont bien tenter quelque chose pour que le match soit annulé, pour qu’ils gardent la face et que la préfecture reporte la partie... »
C’est venu de la rue de l’Arche Sèche, à deux pas du Go Sport qui, lors d’une journée inoubliable du printemps, nous avait fait prendre la tête du championnat. C’est venu de la droite, d’abord, de la gauche, ensuite. Trois changements effectués en même temps. Une marée de renforts pour les bleus : le cortège est scindé. Une nasse, tactique classique. Devant, on se sent un peu honteux·ses de pas avoir anticipé le truc. Et surtout, on est isolé·e·s. Il faut réagir, vite. Je tente une attaque plein centre pour ouvrir une brèche et que recolle notre milieu de terrain. Mauvaise idée : « les coups d’matraques ça fait pas que des courbatures ». Flottement. De l’autre côté, chaque tentative pour nous rejoindre est annulée. À ce rythme, c’est plus d’un but que l’on risque d’encaisser.
On se lance. On est une dizaine à partir sur la gauche. D’abord doucement, puis de plus en plus rapidement. Le groupe adverse se déploie, il se décale un peu et nous attend, très sûr de lui.
Appel. Au dernier moment, on accélère. D’un mouvement, vif, on revient sur la droite. C’est à ce moment que les autres nassé·e·s foncent pour nous rejoindre. Contre-Appel. C’est la surprise chez les quelques adversaires qui nous avaient d’abord suivi·e·s. Ils se ruent sur nous. Certains ne supportent plus le poids de leur armure et s’écroulent, pris à contre-pied. À gauche, le couloir est laissé libre pour quelques secondes. Ça suffit, bien sûr. Le groupe arrière s’engouffre dans la brèche, le cortège se reforme. Nous allons de l’avant, encore une fois.

[temps additionnel]

On redéploie à présent notre jeu fait de passes rapides qui asphyxie l’adversaire. Une fois n’est pas coutume. Bientôt les crampes apparaîtront et certain·e·s seront tenté·e·s par un retour au vestiaire. Normal, on est entré dans le temps additionnel, et l’équipe a tout donné. Alors, dans un ultime effort, sans trop y croire, ni même y penser pour certain·e·s, on se lance dans une dernière occas’, au mental. Et pas des moindres : s’introduire et occuper la Tour Bretagne. Le genre d’action qui nous a souvent fait rêver, entre nous, en informel, lors de discussions hors vestiaire, lorsque les langues se délient, les désirs se forment et donnent des idées. Ce serait beau de finir sur un 3-0 quand même !

[coup de grâce]

Le marquage adverse devenu trop lâche et pour ainsi dire quasi inexistant, les ailier·e·s les plus rapides parviennent à y entrer sans trop de difficulté. Et c’est toute l’équipe déter’ qui peut s’élancer à l’intérieur, en prenant soin de tout barricader sur son passage. On n’avait jamais imaginé ça comme ça, que ce serait aussi facile. En haut de la tour, une banderole se déploie et annonce la fin du match. L’arbitre en mange son sifflet, les bleus rentrent au vestiaire.
Un chant retentit : « L’amitié c’est, gagner 3 à 0 ensemble ! ».

[3-0] [troisième mi-temps]

J’en reviens toujours pas, j’ai l’impression d’avoir remporté une finale de Coupe de la Ligue. Depuis l’intérieur de la tour, je vois ceux et celles qui sont resté·e·s dehors commencer à bâtir des cabanes au pied du seul « building » de la ville. D’autres installent des barbecues et une buvette, un vrai après match en somme. Il ne reste plus que nous sur le terrain, quelques spectateurices incrédules descendent des tribunes pour venir voir de plus près les vainq’heureuses de cette rencontre étonnante. Tout nous donnait perdant – on nous donne toujours perdant·e·s de toute façon.
Nous ne sommes pas les seul·e·s surpris·e·s par cette victoire et pour une partie de cette masse dans les tribunes c’est un soulagement, certain·e·s avaient même arrêté de suivre le championnat, convaincu·e·s que le gagnant était couru d’avance.
Dans la tour Bretagne on remercie le bar du dernier étage – réquisitionné pour l’occasion – pour ses cocktails et autres amuse-gueules. Ils seront du meilleur effet pour la fête qui se prépare et qui durera probablement toute la nuit (et peut-être même bien après). On regarde nos téléphones, on apprend que des matches similaires ont eu lieu un peu partout ailleurs et qu’ils ont connu des issues étonnamment proches du nôtre.
On se regarde, on se sourit, le ministère des Sports tire la gueule.

Quelques avants-centres nantais·e·s

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