À fond de cale

Natanaële Chatelain

paru dans lundimatin#311, le 1er novembre 2021

Sur les hauts filets de la liquidation
la réalité augmentée met ses gains en boutures.
Le bruit ambiant s’enfonce dans la chair de l’ouïe ;
c’est toute la santé mentale qui y passe.
J’y suis.

La société s’affaisse sur elle-même, amnésique :
ce n’est plus un trou d’ozone dans la mémoire que l’on a,
c’est la forêt qui brûle !
J’y suis.
La croissance du progrès a un prix qui remonte par les égouts. J’y suis.
Ma tête s’embourbe, mes os se fanent ;
relents des heures creuses sous les paupières ;
le costume de fonction mange le corps jusqu’à l’à-vif des nerfs. J’y suis.
Mais je ne vais pas aux vaccins de masse qui orientent
pour mieux continuer comme avant.
Je ne vais pas aux discussions savantes
où se décident les chaines de production de nos rêves induits. Je ne vais pas
à la vie esthétique échouée dans le temple des marchands.
Je n’y vais pas.

Le noir de mes mots s’enflamme à fond de cale.
J’éprouve des colères antiques – neuves, jamais éteintes.
Je creuse une crypte du cœur
et sa non résignation claire face aux narcissismes inculqués. L’extra-vagance m’est vivre et savoir-vivre dans l’échec ! Évasions à cloches pied pour déranger l’attendu.
Je forme des phrases-asymptotes
conscientes jusque dans la fosse du dernier jardin.
Je ne reviendrai pas à vos sols artificialisés,
à vos temps de loisirs intégrés – travaux forcés de la modernité. Je reste dans la solitude du monde avec le monde.
Je suis plusieurs en exil des masques de votre amour
dont je ne veux pas.
Je reste
pour que ma vie noircisse comme une encre –
derniers battement d’ailes d’une langue dans la trachée.

Natanaële Chatelain, octobre 2021

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