À rebours

Natanaële Chatelain
[Poésie]

paru dans lundimatin#353, le 3 octobre 2022

Happyness management. Mots hideux.
L’air irrespirable, partout !

Les fous, seuls, regardent les écrans et n’y croient pas.
Ils n’entrent dans aucune case du questionnaire.

Inadaptation maladive. Ils résistent :
forces natives où le sens insiste.

Ils iront jusqu’au bout de leur vie,
jusqu’au bout de leur commencement.

Ils vident leur sac, visent juste ;
savent au-delà de toute obéissance.

Délinquants des postures organisés,
ils se mettent à penser dru, cru, hors mémoire apprise.

Ils pensent comme ils respirent !
Toute contention leur est insupportable.

Les voilà traversés de phonèmes bruts –
noms d’absents remémorés, fantômes aux contours nets,
à portée de tous, mais qu’eux seuls, attendent,
tremblent, accueillent...

Et ce sont les détails qui font revivre les mains,
les yeux, les désirs.

Danse – pont-tendu entre le visible et l’insu.

Volonté de s’extirper de l’ignorance qui blesse les chairs.

Paroles en trombes à la lisière des nerfs.

Les souvenirs tombent dans la poitrine :
tessons plantés dans l’obscurité…

Tout le corps est hanté par des débris d’autres – êtres,
choses, événements – qui le traversent.

Pas d’issue sinon l’errance, sinon l’enfance :
donner une preuve de vie hors les murs !

Côtoyer l’infini dans la poussière qui colle aux souliers.

Paroles d’anonymes debout. Babils en points de broderie
intarissables, pour défaire l’identique.

Défaire et faire lutte, promesse, regard.

Loin des augmentations de salaire – rester
inutiles au système.

Folie fait un pas, sort du rang :
Je suis une histoire ancienne – une lignée d’arbres brûlés.

Sentiment d’exister outre-mesure.

Impossible de vivre à l’étroit. Appel d’air.

Sourire pour défaire les humiliations et leur dégâts internes.

Texte nu de la souffrance. Rêve d’enfant
comme une âme de grand chemin.

Au bord de comprendre.

Natanaële Chatelain

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