quand je tape « année » sur wikipédia
ça dit qu’une année c’est une unité de temps qui mesure des phénomènes
liés à une révolution complète de la Terre autour du Soleil
c’est donc beaucoup de minutes et de mouvements sur soi-même une révolution
2037 c’est à peine dans 17 ans et dans le même temps 17 ans
c’est énorme même si je ne sais pas si grand monde se voit aller jusqu’à cet âge-là
c’est encore plus énorme si chaque jour, chaque semaine, sont posées les questions
de comment est-ce qu’on fait pour vivre dans un monde pareil
chaque semaine chaque jour, pendant 17 ans
de comment on subsiste, comment on se lie
de comment on n’oublie personne tout en faisant malgré tout tomber
les ruines cossues des métropoles
en 17 ans, il peut y en avoir des prédictions économiques et apocalyptiques
des cassures et ruptures de flux
des gouffres ouverts sous chacune et chacun de nous
alors tout ça est forcément très flou
peut-être qu’on récupérera les graines des tomates directement
dans les conserves parce qu’à certains endroits on ne saura pas faire autrement
peut-être que nos mains seront noires de suie à cause des moteurs bricolés
et qu’on arrêtera les bagnoles sur le bas côté pour qu’elles emportent des passagers en plus
par rapport aux bagnoles, il y aura peut-être des caravanes comme dans le désert
pour aller chercher des pommes ici à telle saison, des abricots ici à
telle autre, des herbes d’ici ou de partout
et sur le chemin, on s’arrêtera
on pointera du doigt d’implicites hiérarchies et le volume de certaines voix
peut-être qu’on soignera celles et ceux qui sont fragiles avec de la magie
on laissera des brochures un peu crades, de bonnes recettes de cuisine et
de bonnes histoires d’un monde monstrueux, d’un entre-deux mondes
celui qui tombe et celui qui essaye de se faire
peut-être qu’on oubliera des choses et des réflexes en même temps d’en apprendre de nouveaux
est-ce que ça commence maintenant, cet apprentissage ?
est-ce que ça nous tombera d’un seul coup sur un coin de la frimousse dans un peu moins de
9 millions de minutes
peut-être
je crois que certaines cultures dans le monde ont une vision du temps
un peu moins numérique que la nôtre, je n’ai pas fait assez de recherches
mais je sais que chez certains peuples aborigènes d’Australie
il y a quelque chose qui s’appelle LE TEMPS DU REVE ou "Tjukurrpa" en langue anangu
c’est très complexe et pour simplifier de façon très occidentale
(c’est-à-dire sans en comprendre vraiment la puissance) je dirais que cela réside dans
la cohabitation des formes de vie spirituelles et matérielles, et que la première déborde
en permanence sur la seconde
tout n’est pas connecté simultanément comme un gigantesque réseau internet
non, mais tout est lié, tout interagit, à ses propres rythmes
et ce sont ces rencontres entre la réalité pragmatique et la métaphysique (gros mot)
qui font nos histoires, qui font sens à nos gestes quels qu’ils soient
peut-être qu’il y a LE TEMPS DE LA RÉVOLUTION
celui où par exemple, pendant les manifestations
on laisse l’expertise de l’aménagement urbain aux enfants dont les portails de l’école sont cassés
(ça fait toujours de bonnes barricades)
celui où par exemple, pendant les blocages
on cultive certaines parcelles pavillonnaires en retournant le gazon, pour découvrir
la vie qui pourrait grouiller en dessous
et tout ça
et tout ça
Roberto Bolognaise