2037

c’est à peine dans 17 ans

paru dans lundimatin#228, le 16 février 2020

le poste radio de la DACIA parle des évolutions de la dite réforme à partir de 2037

2037, c’est à peine dans 17 ans

c’est à peine dans (à peu près) 6200 jours

quand je tape « année » sur wikipédia

ça dit qu’une année c’est une unité de temps qui mesure des phénomènes

liés à une révolution complète de la Terre autour du Soleil

c’est donc beaucoup de minutes et de mouvements sur soi-même une révolution

2037 c’est à peine dans 17 ans et dans le même temps 17 ans

c’est énorme même si je ne sais pas si grand monde se voit aller jusqu’à cet âge-là

c’est encore plus énorme si chaque jour, chaque semaine, sont posées les questions

de comment est-ce qu’on fait pour vivre dans un monde pareil

chaque semaine chaque jour, pendant 17 ans

de comment on subsiste, comment on se lie

de comment on n’oublie personne tout en faisant malgré tout tomber

les ruines cossues des métropoles

en 17 ans, il peut y en avoir des prédictions économiques et apocalyptiques

des cassures et ruptures de flux

des gouffres ouverts sous chacune et chacun de nous

alors tout ça est forcément très flou

peut-être qu’on récupérera les graines des tomates directement

dans les conserves parce qu’à certains endroits on ne saura pas faire autrement

peut-être que nos mains seront noires de suie à cause des moteurs bricolés

et qu’on arrêtera les bagnoles sur le bas côté pour qu’elles emportent des passagers en plus

par rapport aux bagnoles, il y aura peut-être des caravanes comme dans le désert

pour aller chercher des pommes ici à telle saison, des abricots ici à

telle autre, des herbes d’ici ou de partout

et sur le chemin, on s’arrêtera

on pointera du doigt d’implicites hiérarchies et le volume de certaines voix

peut-être qu’on soignera celles et ceux qui sont fragiles avec de la magie

on laissera des brochures un peu crades, de bonnes recettes de cuisine et

de bonnes histoires d’un monde monstrueux, d’un entre-deux mondes

celui qui tombe et celui qui essaye de se faire

peut-être qu’on oubliera des choses et des réflexes en même temps d’en apprendre de nouveaux

est-ce que ça commence maintenant, cet apprentissage ?

est-ce que ça nous tombera d’un seul coup sur un coin de la frimousse dans un peu moins de

9 millions de minutes

peut-être

je crois que certaines cultures dans le monde ont une vision du temps

un peu moins numérique que la nôtre, je n’ai pas fait assez de recherches

mais je sais que chez certains peuples aborigènes d’Australie

il y a quelque chose qui s’appelle LE TEMPS DU REVE ou "Tjukurrpa" en langue anangu

c’est très complexe et pour simplifier de façon très occidentale

(c’est-à-dire sans en comprendre vraiment la puissance) je dirais que cela réside dans

la cohabitation des formes de vie spirituelles et matérielles, et que la première déborde

en permanence sur la seconde

tout n’est pas connecté simultanément comme un gigantesque réseau internet

non, mais tout est lié, tout interagit, à ses propres rythmes

et ce sont ces rencontres entre la réalité pragmatique et la métaphysique (gros mot)

qui font nos histoires, qui font sens à nos gestes quels qu’ils soient

peut-être qu’il y a LE TEMPS DE LA RÉVOLUTION

celui où par exemple, pendant les manifestations

on laisse l’expertise de l’aménagement urbain aux enfants dont les portails de l’école sont cassés

(ça fait toujours de bonnes barricades)

celui où par exemple, pendant les blocages

on cultive certaines parcelles pavillonnaires en retournant le gazon, pour découvrir

la vie qui pourrait grouiller en dessous

et tout ça

et tout ça

Roberto Bolognaise

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