Prise d’otage

Un forcené retranché à Europe 1 réclame un accès à internet

paru dans lundimatin#7, le 18 janvier 2015

Une prise d’otages inattendue a eu lieu ce matin dans les locaux de la radio Europe 1, créant l’émoi tant parmi les défenseurs de la liberté de la presse qu’au sein des forces de sécurité, peu préparées à ce type d’attaques. Malgré la présence de policiers déployés en nombre devant le siège de la station à l’occasion du plan Vigipirate, un homme menaçant a réussi à s’introduire jusque dans le studio d’enregistrement.

L’assaillant s’y est retranché pendant plus de huit minutes en compagnie de l’animateur-star Jean-Pierre Elkabbach, l’obligeant à retransmettre ses revendications dans une mise en scène macabre. La vidéo de l’attaque, de qualité médiocre, a été authentifiée par les services de renseignement. On y distingue un individu d’une soixantaine d’années en costume cravate, la tenue traditionnelle des politiciens, se faisant appeler Jean-Jacques Urvoas.

S’adressant directement au gouvernement français, le député du Finistère autoproclamé revendique le titre de président de la commission des lois.
Dans une tirade en partie incohérente où affleurent ses motivations politiques, il réclame de nouvelles dispositions législatives en vue de « lutter contre le terrorisme », parmi lesquelles un accès étendu « aux ordinateurs ». Nous avons choisi de reproduire un extrait du discours prononcé par le preneur d’otages.

« Nous voulons avoir accès aux ordinateurs parce que les interceptions de sécurité, ce qu’on appelle les écoutes, elles sont en général assez stériles. Vous n’êtes pas un terroriste et vous savez pourtant que les écoutes existent alors imaginez que vous vouliez fomenter un attentat, alors vous vous méfieriez de ce que vous dites au téléphone. Et donc quand on écoute quelqu’un, on n’apprend pas grand chose. Où ceux qui ont commis l’attentat contre Charlie Hebdo ont-ils pris leurs informations ? Sur internet. Ils ont fait leur repérage sur internet. Internet aujourd’hui c’est le son, c’est le contenu, c’est l’image. Nous voulons aller sur Skype par exemple ce que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui juridiquement, nous voulons avoir accès aux données informatiques de ceux qui fomentent des coups. Aujourd’hui tout ce qui est sur internet est moins cher et plus facile d’accès pour tout le monde. Et nous ne pouvons pas y accéder juridiquement. Nous avons besoin de sonoriser les lieux quand quelqu’un reçoit quelqu’un, aujourd’hui les terroristes ne se parlent plus au téléphone, ils se voient beaucoup. »

A l’issue de ces longues minutes d’angoisse pour les collaborateurs de l’antenne et leurs auditeurs, le forcené a pris la fuite à bord d’une voiture officielle de couleur sombre, conduite par un complice.
Jean-Pierre Elkabbach, visiblement choqué après sa libération, a rapidement livré ses premiers commentaires sur les ondes d’Europe 1 :

« Je ne l’ai pas vu venir. C’est uniquement gràce à l’expérience que j’ai pu garder mon calme. Ayant l’habitude de recevoir sur mon plateau des hommes politiques dits ’modérés’, j’ai acquis quelques notions qui m’ont permis de gérer la situation. J’ai bien compris qu’il ne fallait surtout pas le contredire et j’ai joué la montre. »

Acte terroriste prémédité ou coup de folie d’un déséquilibré ? Ces dernières semaines, les prises de parole intempestives commises par des élus de la République se multiplient. Le politologue Alain Baveur, spécialiste de l’autoradicalisation des députés, s’inquiète de cette tendance.

« Beaucoup de ces législateurs sont nés en France et y ont passé toute leur scolarité. Ils suivent l’actualité nationale et internationale mais développent une forme de torsion logique qui prend ses origines très loin. En appelant sans cesse à contrôler internet et accroître le niveau général de répression, ils essaient de faire passer un message. Nous n’arrivons pas encore à en cerner les contours. »

Démunis face à cette dérive irrationnelle, leurs électeurs attendent beaucoup de l’ouverture, le mois prochain, du premier centre de déradicalisation exclusivement destiné aux responsables politiques.

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