Une myriade de poings levés

« Macron à cran et à crocs a peur de la galle, c’est pas avec le cachet de cinq ans qu’il sera immunisé, y a pas de vaccins contre les gens qui pestent. »

paru dans lundimatin#168, le 7 décembre 2018

Bayeux, Juin 2017

Devant la terrasse où je bois le sempiternel petit noir que je broie en une poudre fine pour me cacher les cernes du monde, je discerne un couple à ma portée, à ma toute droite, pourvu d’un enfant en bas âge.
Les voilà suspendu un instant dans leurs foulées, c’est que le paternel a une lumineuse idée :
Il annonce à l’enfant : allez on marche !
Et sous les pas cadencés du petit homme, une nouvelle rengaine trotte et de son ombre se projette l’avenir…Eh paternel, vois comme je marche...
Quelque part un disque se raye et se répète alors le couplet présidentiel.

- Rengaine, ton fusil est enrayé ! Raille la flottille pirate qui émerge de sous la table.
- Suffit les épées qui tranchent dans la soie du pauvre ! Bougre, bougre comme nous sommes heureux lorsque nous naviguons voiles au gré !
Il faut quelques agréments pour épicer la sauce de l’existence...Me souffle la voltige d’une nuit étoilée aufrais, loin des légions de mouches promptes à piquer pour un oui ou pour un non.
Un non que j’exprime, je ne marche plus, nom de nom, des faux pas, faut pas nous prendre pour des cruches, vides, on va se débrouiller et brouiller les pistes.
Chiche !
Dans mon pense bête : n’oublie pas de panser et cajoler la peau, peaufiner le vin des années.
Parce qu’on va vivre longtemps ! On n’est pas encore six pieds sous terre, même pas deux, on la gratte c’est tout et tu verrais comme poussent les étendards, comme des champignons !
- Non, tu n’hallucines pas.

Macron à cran et à crocs a peur de la galle, c’est pas avec le cachet de cinq ans qu’il sera immunisé, y a pas de vaccins contre les gens qui pestent. Ou peut-être que si, avec le progrès des laboratoires on sait jamais trop ce qui se trame.
Eurêka il atrouvé ! Relance un peu l’économie dans la pharmacopée et en échange, une préparation pour les accros. Un pti shout bien complet : vitamines, amphétamines, mines d’or pour tenir en marche et ne rien voir d’autre que son bout de nez, c’est qu’ il faut s’accrocher pour tenir les foules.
Affaiblissons les petits dès qu’ils sont nés, quelques vaccins suffiront à faire un tri. Les plus fragiles, flétriront dans les cimetières où leurs minuscules tombes fleuriront. Des morts naturelles bien sûr. Les plus costauds seront l’avenir de notre France, une France ambitieuse et immunisée.

Le Macron coure à sa perte avec ses impertinentes courbettes.
La courbe de ses desseins tout d’abord évasive, abstraite puis abrasive,
à bras le corps, la lutte,
suées dans la fournaise,
chaud il fait chaud,
chaud,
brûlant, tu brûles, tout brûle !
Le président fakir avale les braises.
Y a le feu au cul des français, c’est un comble ça.
Et pourtant, l’orage n’est pas si loin.
Faut pas croire que la sécheresse va s’installer, sûr que la peau va craquer ici et là, des cloques, on pèle et dessous une nouvelle peau.
Les pastilles de derme inanimées et sèches s’éparpillent pour couvrir le monde de cendres qui se fige en statues.
Pour fuir le bûcher, il ne me reste plus qu’à dormir à labelle étoile, nature, à l’horizontale.
Ma tête inspirant les exhalaisons d’un soir d’été dans la nature, sans fumée.
Voici les étoiles qui se révèlent, une par une. Pérennes les étoiles, fidèles à la nuit, indifférentes à nos soupirs, au feu et au sang.
Notre bleue pollue le paysage.
Ouais, une nuit sous les étoiles, elles me causent les étoiles, elles m’apaisent, on s’y confond, elles invitent et le silence de l’obscurité est comme une douce attente précédent le profond sommeil.
Un jour humide se lève etla vue des coquelicots éveillés me réjouit, les oiseaux ont largement commencé leur journée et une petite bruine me chatouille le visage. C’est couvert, je me demande à quel moment dans la nuit les nuages ont masqué les étoiles.
Si je devais faire un plandes minutes à venir :
goutter la rosée,
apprécier l’air frais,
m’enivrer de douceur et après on verra,
le reste viendra de lui même, par la force des choses, parce que nous les humains, nous ne sommes pas des fainéants, seulement des êtres sensibles.

Militairement en marche, une deux, une deux, une deux, très peu pour moi. L’antidote a un parfum subtil de fleur, je l’épouse, ainsi ma dot de naissance ne sera pas gaspillée.

Mais franchement il va trop loin le président au sourire dentifrice.
C’est pas parce qu’il tête France que ça lui occulte les bleus.
Sous la jupe troussée de France, des coup bas. France est bouleversée. Sous son kilt, un colt, une myriade de poings levés :
roses, digitales, tulipes, pavots, mauves, tournesols, cosmos, silènes, onagres, Nigel, bleuets, agapanthes, myosotis, grémil, bourrache, soucis...
J’en passe, toutes ont besoin d’eau, de soleil pour la photosynthèse, toutes.

Le nouvel amant de France,
si posément habile,
plane,
vole les contrées dans son duplex complet chemise,
cheveux au vent,
les yeux lavés de vide,
- Ce qu’il est loin…
- Passe les jumelles
- Regarde il est là-bas, il sourit le béat, c’est qu’il est bien nourri.

Les francs, les francs, les franchouillards rient.
Mais pas toujours. C’est qu’il devient difficile de ne pas se faire repérer, de ne pas être pris aux pièges multiples et variés. Des administrations, contrats ambigus, des faux et usages de faux, avec le sourire qui insinue.
Ou pas d’interlocuteur.
On se frotte à l’abstrait, c’est qu’il n’y a plus personne à qui s’adresser.
Pourtant, tout le monde marche bille en tête.
Une réclamation ? Va falloir s’asseoir dessus, se gratter le cul pour faire passer les démangeaisons buccales.
Silence !
Bienheureusement il y a quelques amis éparpillés ici et là, fleurs sauvages qui résistent.
Cela empêche de devenir fous de solitude, de pendre la corde à son cou, parce que peut-être on déraille alors qu’il faudrait prendre le train, en marche….

Bayeux, rond point Eisenhower le 24 et 25 novembre 2018

A l’entrée de Bayeux, alors que je m’approche à pied du rond point, dans ce gris de l’hiver imminent, sur la route bitumée rendue aux piétons, je suis éblouie par le rassemblement de lumière vive, de jaune brillant. C’estpresque un jour d’été. Un grand corps mobile formé de regards et de voix singulières, de klaxons, de feux de fortune pour se réchauffer, de cabanes pour s’abriter, d’une buvette pour se restaurer, de toilettes sèches pour plus de confort. Des gens debout,allant à l’essentiel avec chacun son mot à dire malgré les différences, on échange, on s’apprivoise, on s’éduque à ne plus parler à ceux de l’Olympe, on s’organise. Pour ne pas oublier que l’Olympe a ses droits, un drone survole le rond point, les forces de l’ordre se tiennent un peu à distance mais prêtes à intervenir. Relevé de plaques d’immatriculation, prunes pour stationnement interdit même pour les ravitailleurs des troupes, contraventions pour l’opération escargot escortées pourtant par les gendarmes. Bluff, intimidation ? C’est fou d’être aussi sage lorsque l’on reçoit des prunes alors qu’on a du mal à se payer les fruits de saison. Les gens du mouvement sont de sages citoyens.

J’entends et d’écouter, mon carnet glisse dans ma main, le stylo a envied’esquisser, un mot est demandé à chaque fleur sauvage rencontrée. Chaque mot est livré dans un soupir, une hésitation, une réflexion, dans la spontanéité ou l’absence, la colère ou le désespoir.

Dans le florilège des mots, un manifeste se dessine, une anatomie unique et unifiée. La liste des mots s’allonge, je prête ma voix à celle des autres afin que tout le monde entende le manifeste fleuve, la force poignante et commune qui s’exhale, s’exalte.

MANIFESTE AD HOMINEM

Marche ou crève, injustice, je saispas, citoyen, solidaire, anarchie, dictature, cohésion, désespoir, j’ai envie de me mettre une balle dans la tête, acharnement, inquiet, yen a pas qui me vient à l’esprit, crache le morceau, donnez moi des pavés, réussite, soleil, changer, ras le bol, yena marre, liberté, Macron tu dégages, espoir, changement, espoir, espoir, invisible, grande gueule, démission, démission, avenir, petits enfants, café, pauvreté, génération, colère, mécontentement, détaxé, augmentation, liberté, c’est la merde, notre avenir, guérilla, anarchie, je sais pas, merci Macron…., plein le cul, l’avenir, révolution, ras le bol, rassemblement, pauvreté, Dominique 0783……., solidarité, solidarité, rencontre, fatigue, démission, cabane, fraternité, solidarité, vérité, le peuple vaincra, bonne ambiance, solidarité, solidarité, union, restriction, ensemble, injustice, solidarité, révolte, guillotine, pacifique, injustice, solidarité, ras le bol, aimer, retraite, sentiment, macronerie, taxe, démission, gouvernement pourri, pouvoir d’achat,macron démission, revalorisation, spontanéité, agacement, ras le bol, ras le bol, misère, exister, c’est bien ici, chaleureux, pacifique, liberté, solidarité, c’est bien, colère, révolte, force jaune, rassemblement de gilets jaunes, c’est la merde, révoltant, espoir, vaincre, mot, bleu, bleu, solidarité, soutien, égalité, fraternité, démission, j’aime les femmes qui manifestent c’est magnifique !, un vent de liberté souffle sur la France depuis quelque temps, Macron démission, ras le bol, pas de mot, partage, Frank, autarcie, égalité, justice sociale, bloquer les radars, arnaque, volé par l’état, injustice, ras le bol, révoltée, on en a marre, ras le bol, ras le bol, ras le bol, pas content, injustice, mécontent, révision, démission, déçu, prendre aux riches pour donner aux pauvres, humanité, précarité, solidarité, liberté, ras le bol, emmerdeur, exagération, voleur, taxe, solidarité, solidarité, motivation, je sais pas, cohésion, solidarité, solidarité, ras le bol, vivre heureux, vaincre, injustice, honteux, partage, grande émotion, fais chier, inégalité, agacée, ras le bol, ras le bol général, détermination, vivre…

(200 mots recueillis auprès des personnes présentes sur le rond point)
Monella

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