Transformateur de Saint-Victor

Quand un tribunal populaire expulse une juge des expropriations

paru dans lundimatin#159, le 4 octobre 2018

Saint-Victor est une commune du sud Aveyron sur laquelle RTE, le géant de l’acheminement électrique, souhaite installer un gigantesque transformateur de 10 hectares. Après avoir chassé les commissaires enquêteurs, occupé les terre convoitées et organisé quelques grandes fêtes, ce mercredi 26 septembre, les habitants ont décidé d’accueillir la juge des expropriations... en la jugeant devant leur tribunal populaire. Nous publions ici le résumé de cette journée ainsi qu’un très bon reportage de nos confrères de France 3.

TRIBUNAL POPULAIRE DE LA COMMUNE LIBRE DE L’AMASSADA le 26 septembre 2018 : LA JUGE EN EXIL

Mercredi matin, dans la plus belle tradition carnavalesque, nous nous sommes retrouvés devant la salle des fêtes de Saint Victor pour faire le procès de la juge des expropriations. Mme Sylvia Descrozaille, (vice-présidente du tribunal de grande instance de Rodez, censée "évaluer la valeur des terres expropriées et les compensations financières") a été jugée à son tour par un tribunal populaire digne de ce nom. Nous lui avons fait savoir que les terres convoitées par RTE ne sont pas à vendre, et qu’elles n’avaient aucun prix qui puisse être négociable. NON, c’est non !!

En renversant ainsi les rôles, nous savons bien que tout ce projet de « modernisation » à notre encontre n’est qu’un triste théâtre. Leur soi disant "enquête publique", concernant le méga transfo de St. Victor, était déjà une mascarade... Alors il était de bon droit d’envoyer valdinguer cette nouvelle farce du "protocole d’expropriation" et de clamer haut et fort notre vérité à nous : NOUS NE LACHONS RIEN !, ces terres NE SONT PAS à vendre !!, nous RESISTERONS par tous les moyens nécessaires au bétonnage programmé et à la clique des aménageurs patentés !!!

Devant l’audience attroupée là, une remorque de tracteur accueillait gaillardement l’estrade du tribunal, avec sa juge, son greffier et ses témoins en bonne et due forme ... Après l’exposition des griefs à l’encontre de la juge et de sa collusion avec RTE pour faits « d’association de bétonneurs », une témoin de l’accusation, propriétaire des terres expropriées, s’est exprimée avec verve :
« Mme la juge, à l’heure où l’organisation mondiale de la santé s’inquiète de savoir si, dans 20 ans, notre planète aura assez de ressources pour nourrir tous ses habitants, vous êtes ici aujourd’hui pour établir le prix d’une terre agricole prise de force à ses propriétaires, pour être engloutie sous des tonnes de béton et de ferraille. Faites votre besogne !
Ce prix m’est égal, je ne toucherai pas à cet argent. Cette terre n’est pas à vendre, on nous l’a volée ! En revanche ce que vos calculs ne pourront jamais établir, c’est sa valeur ! La valeur des sacrifices consentis par mes grands parents pour l’acquérir. La valeur de leur travail, de celui de mon mari et de mon fils aujourd’hui, ainsi que la sueur de tous ceux qui l’ont faite fructifier avant eux. La valeur des récoltes qu’elle ne produira plus jamais si un transfo s’y installe !
Enfin depuis quelques années, la « valeur ajoutée » de notre lutte : avec Plateau Survolté d’abord puis avec l’Amassada. Les grésillements des 400 000 volts de votre transfo ne couvriront jamais l’écho de nos rencontres, de nos échanges, de nos débats, de nos slogans, de nos bonnes bouffes, de notre musique, de nos chants et de nos danses ! Pas res nos arresta ! »

Et la foule d’approuver bruyamment ...
Un autre témoin ira jusqu’à clamer, comme pour réveiller le passé des hérétiques occitans : « Si l’Amassada doit être le dernier des cathares elle le sera ! »

La sentence fut donc terrible : la juge fut condamnée, pour sa collaboration avec RTE et tous les aménageurs qui veulent soumettre nos campagnes et les voir livrées aux industriels de l’éolien, à une "interdiction de territoire" et à l’exil ...

La juge n’ira donc pas, comme son « protocole » le voulait, ni à la salle des fêtes, ni à la mairie, ni sur les terres à exproprier où l’attendaient deux barricades…. Elle s’en est allée avec son staff (huissier et greffier) et les dizaines de voitures de police qui l’accompagnaient, sous le feu des chansons et des railleries du peuple...

Ceci augure d’autres batailles, car à n’en pas douter l’avenir très proche de ce bout de terre rocailleuse n’a pas fini de voir le camp de l’Economie s’y casser les dents.

PAS RES NOS ARRESTA

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