Réformer le bac ? Plutôt en finir avec l’école !

Par quelques lycéens en marge plus qu’en marche.

paru dans lundimatin#107, le 5 juin 2017

Cher Macron, avec quelques camarades lycéens, nous avons eu le regret d’apprendre que tu comptais réformer le baccalauréat. Cette nouvelle ne nous réjouit pas. Quand bien même tu prétends l’améliorer en proposant un contrôle continu et ne passer que quatre épreuves en contrôle terminal. Nous voyons clair dans ta manigance. L’objectif pour toi et tes camarades, qu’ils soient banquiers ou politiciens, de gauche ou de droite, c’est de réussir à insérer dans le moule du travail toute une jeunesse qui, quelques mois auparavant est massivement descendue dans la rue pour s’opposer à ta conception du travail et aux patrons de tous bords. Nous ne voulons plus produire ce qui nous détruit. Nous ne voulons plus être réduit à des cadences infernales, que ce soit au lycée, à l’usine ou dans des bureaux, car nous n’y voyons aucun intérêt pour notre développement personnel ou collectif.

Cela ne signifie pas pour autant que nous concevons l’institution scolaire comme opérante et fonctionnelle. Au contraire, les limites nous sommes des centaines de milliers d’élèves à les subir quotidiennement. Que ce soient les cours répétitifs et ennuyeux où rien de réel ne peut s’exprimer au nom d’une pseudo neutralité alors même que nous savons à quel point les programmes sont orientés pour maintenir un système politique à bout de souffle ; ou encore la séparation entre travail manuel et intellectuel qui ne fait que reproduire les rapports sociaux et de dominations s’exprimant dès la naissance.

Pour nous le problème n’est pas de réformer ou de faire rentrer dans le rang nos camarades déserteurs ou désintéressés des cours, mais de se réapproprier les espaces qui constituent nos établissements. Réussir à sortir de cette logique méritocratique où l’on nous trie entre bons et mauvais, sages et turbulents. Autrement dit, ce que nous désirons, c’est nous poser la question de nos conditions d’existences, que ce soit au lycée ou bientôt dans nos facultés, plutôt que celle de la hiérarchie et de la mise en concurrence.

Certains nous rétorquerons sûrement que nous sommes des rêveurs. A cela, nous n’avons qu’à affirmer que dans chaque établissement, du moins en Île-de-France, des dizaines d’élèves sont disposés à ouvrir des salles aux jeunes extérieurs aux établissements afin d’élaborer des savoirs, aux professeurs dissidents capables de produire des discours subversifs et en mesure de dépasser la neutralité imposée par l’institution, aux individus désirant se rencontrer autour de la préparation d’une bouffe collective ou d’une projection des plus beaux détournements de Guy Debord ou simplement des « Démons de Jésus », voire préparer les prochaines manifestations ou rythmer nos journées en écoutant du PNL posés sur un canapé.

Alors non, nous n’avons pas de réponse aux désastres économiques qui n’est plus qu’un mode de gestion pour justifier une politique où les subventions sont toujours plus basses. Nous n’avons pas de solution pour intéresser les déserteurs des écoles où c’est bien souvent les plus démunis qui sont contraints d’abandonner car rien n’est fait pour les accepter tels qu’ils sont. Ce à quoi nous nous tenons, ce à quoi nous tenons et en quoi nous avons foi, c’est dans tout ce qui se produit lorsque nous nous réunissons : les savoirs communs, les instants partagés et une vision commune qui en s’élaborant dessine ce que peut être une pratique révolutionnaire qui mène vers des situations bouleversantes.

Quelques lycéens parisiens, ingouvernables plus qu’en marche.

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