Radicalisation lente : lettre à mes enfants

par Guillemin Rodary, chercheur en physique

paru dans lundimatin#190, le 6 mai 2019

Dans le désert, les rares floraisons semblent des réponses massives et spectaculaires aux conditions hostiles de l’environnement – ainsi celles de ces petites fleurs (jaunes bien sûr) de la Vallée de la Mort. Des multiples éclosions/radicalisations (subites autant que prévisibles) en cours aujourd’hui en France on notera la diversité. Comment ne pas faire le lien entre celle (décrite ici) d’un pas si exceptionnel sur-casseur et celle (assumée ici-même) d’un pas si commun enseignant-chercheur. On souhaite bien du courage aux services de renseignement pour faire l’inventaire de celles des milliers de manifestants « neutralisés » (comme titrait Libé) le jour du muguet.

A toi ma fille, née l’année du 15M en Espagne et des printemps arabes, à toi mon fils, né le 75 mars de Nuit Debout, pas si loin des tentes de la place de la République. Vous grandissez à une époque on ne peut plus réactionnaire, où le libéralisme, le productivisme, le capitalisme... (je ne sais lequel de ces gros mots choisir) font des ravages à l’autre bout de la terre et de l’autre côté de notre rue. Pourtant vous pourrez dire que vous avez aussi connu dans votre enfance des mouvements politiques pendant lesquels des moments égalitaires ont émergé : les mouvements des places, les ZAD, le mouvement contre la loi travail, ou celui des Gilets Jaunes. Je n’ai pas été un acteur assidu de ces mouvements, je les ai suivis de loin, ou au mieux un peu participé entre deux de vos siestes ou séjours chez vos grands-parents.

Je ne sais pas si votre arrivée au monde a changé ma perception politique du monde, sans doute, mais il se trouve que c’est à cette période de vos jeunes années que j’ai pris conscience du décalage entre ce que je voyais et entendais tous les jours dans la rue, dans votre école, au travail ou dans les journaux, et ce que je ressentais et analysais de la politique qui m’environnait. Certains ont été radicalisés de façon express [1], moi j’ai l’impression que cela s’est fait petit à petit. Je ne suis pas un black bloc ou un terroriste, mais c’est vrai que plus j’entends les médias dominants parler de ’radicalisation’, plus j’ai envie moi aussi de me dire radical. Je voudrais ici vous raconter ce chemin parcouru alors que vous étiez encore en couche culotte.

Certes, l’école parallèle que vos grands-parents ont créée dans les années 70 et dans laquelle ils m’ont éduqué a été une expérience initiatrice et un apprentissage de l’autogestion [2], qui a laissé de fortes traces en moi et dont je ne prends conscience et formule les idées que maintenant. Pas de profs, pas de programme, des lieux d’accueil multiples, pas de règles écrites, mais un cadre accepté et construit par tous, petits et grands, pas de pédagogie ni de militantisme, mais des réflexions quotidiennes sur notre pratique et nos relations, pas une bande de baba-cools sectaires mais une diversité de personnes d’horizons et de pensées variés : ce fût rétrospectivement une histoire assez radicale ! Ce n’était, je crois, pas le but intentionnel de l’école, mais cette expérience a finalement été la création d’un espace politique, au sens de micro-politique c’est-à-dire de faire des choix de vie en commun, d’une communauté locale, d’un moment émancipateur, qui manque tant à notre époque mais qui ressurgit ici ou là sous de nouvelles formes dans les interstices de la société. Indéniablement, ce moment de ma jeune vie a été le premier germe de ma pensée que je trouve de plus en plus ’en marge’. Il a fallu de la lumière (ma famille, mes amis), de l’air (des voyages, des rencontres), à boire (des lectures), et de l’humus (de nouvelles expériences) pour que ce germe éclose en moi, mais aussi un environnement ’hostile’ qui, tous les jours me donne à voir par des détails qui n’en sont plus pour moi, le coté rance qui me révulse, pour ne pas dire me révolte, de notre société.

J’ai choisi comme métier celui de chercheur. La liberté de chercher et d’organiser son travail comme on le souhaite, sans hiérarchie, la stabilité de l’emploi, l’émulation intellectuelle d’essayer de comprendre, un travail collectif de fourmis ouvrières qui repoussent ensemble tous les jours les frontières du savoir, un idéal ! Je pensais que c’était encore l’un des métiers les plus ouverts sans les contraintes d’un banquier, d’un fonctionnaire territorial ou d’une profession libérale... Sauf que j’ai petit à petit déchanté, les réformes gouvernementales avançant et les luttes de la profession reculant. Aujourd’hui, on le sait tous, on ne cherche pas, on cherche du fric. C’est le nerf de la guerre comme partout et, en nous appauvrissant méthodiquement peu à peu, nos dirigeants ont réussi à nous caporaliser tout en nous vendant l’autonomie, à nous faire crouler sous les règles administratives et financières sous prétexte d’efficacité, à orienter nos recherches tout en vendant de la liberté, à nous monter les uns contre les autres en vantant l’excellence contre la médiocrité. Moi mon truc, c’était la physique, la curiosité avant tout, comprendre les choses de la nature, réfléchir. Je n’avais pas senti au début la vision dominante de la discipline : une science dure, une vraie, virile, celle des experts qui savent La vérité et décident de où va le monde, pas une mollassonne, pas comme ces autres cocos d’historiens, de philosophes ou de sociologues. Chez eux, on s’écharpe sur des idées politiques, la discipline est clivée entre ceux de gauche et ceux de droite. Chez nous, rien de tel. En fait, j’ai l’impression qu’on ne pense pas. Les chercheurs sont des personnes intelligentes, mais pas de réflexion collective sur notre pratique. Un point de vue souvent technique, sous la coupe du progrès, comme les discussions à la cantine : « pour l’environnement, pour l’économie, l’avenir c’est la voiture électrique ! ». La voiture électrique qui pollue loin de chez nous, c’est plus dur à envisager, et se passer de voiture n’est pas à l’ordre du jour. Des questions éthiques, philosophiques, politiques sur ce qu’on fait ? Pfff, laissez-nous bosser.

Pourtant, de nos jours, on en aurait bien besoin de politiser notre travail : si tu ne fais pas un capteur pour un missile ou pour détecter de façon infaillible la dépression, c’est plus difficile de trouver de l’argent et d’être classé parmi les Excellents, et par voie de conséquence de retrouver de l’argent, et de rester Excellent... Le chacun pour soi a aussi gagné dans le monde de la recherche. Moi, je suis assez paresseux, j’aime bien prendre mon temps, ne rien faire aussi. L’image du chercheur CNRS chevelu en sandale qui n’en branle pas une ? Vraiment pas. Mais je préfère mon temps libre à mon boulot, prendre un jour avec mes enfants plutôt que de me taper le speech de notre Fonctionnaire Sécurité Défense nous expliquant qu’emmurer notre labo dans des règles sécuritaires d’accès aux locaux est bien pour notre métier et nos collaborations... Dans le monde de la recherche, voir le travail comme une servitude n’est pas la norme. La recherche, c’est une passion, on s’y donne corps et âme, on a trimé pendant nos années bac +8 et nos 4 ans précaires de post-doctorat sous pression pour devenir le meilleur (la meilleure c’est plus rare !), pour écraser la concurrence, pour rentrer au CNRS. Pas pour prendre plus de vacances. Moi, si. J’avoue, j’ai eu le privilège social de choisir ce métier parce qu’il est intéressant et qu’il m’offre une souplesse dans ma vie personnelle que je n’aurais pas trouvé ailleurs, et j’en profite aujourd’hui. De tout ça, je n’en parle pas avec mes collègues, sauf quelques exceptions. On ne me comprendrait pas et je ne souhaite pas me marginaliser, même si au fond de moi je trouve mon point de vue si souvent décalé. Finalement, je reste heureux quand je vais bosser, mais de plus en plus j’ai envie de rejeter ce monde et d’en inventer un meilleur.

En rentrant chez moi après le boulot, dans le quartier de la Chapelle à Paris, je traverse un autre environnement qui a aussi contribué récemment à me forger des idées sur notre société d’aujourd’hui et sa misère politique et sociale. Outre les bobos comme moi enfermés dans leur immeuble pierre de taille, les flics en rangers, militaires à mitraillettes et milices paramilitaires privés qui se montrent, les rues du quartier et le métro sont de nos jours largement peuplés de vendeurs à la sauvette de Marlboro-bled qui font quelques centimes de bénéfices à chaque cigarette vendue à l’unité, de Tamouls bavardant devant les multiples magasins de leur communauté, de nombreux migrants errant à la recherche d’un avenir meilleur, et de mendiants comme ces personnes âgées issues du Maghreb à qui la 6e puissance économique mondiale n’est pas capable de payer une retraite, ou ce manchot en débardeur qui fait la manche, si je puis dire, et qui ne passe pas inaperçu. Pas de violence visible, pas d’hostilité. Pourtant des fois, je me demande ce que vous, mes enfants et votre génération, vous allez retenir de cette vision du monde que je n’ai pas connu petit et que je n’imaginais pas un jour possible sous nos fenêtres.

Ca a été dur de t’expliquer, ma grande, pourquoi j’ai décidé de systématiquement ne pas donner d’argent à ceux qui m’en demandaient parce que je ne pouvais pas donner à tous et que je ne voulais pas avoir à choisir l’un plutôt que l’autre sur je ne sais quel critère arbitraire. Je n’ai pas su comment réagir, mon garçon, quand j’ai surpris un homme en train de me faire les poches qui profitait de ce que je te tenais des deux mains sur mes épaules. Je me rappellerai longtemps ce marché hebdomadaire informel où les vendeurs proposaient leurs vieilles groles ou leurs téléphones d’occasions qui remplissait à perte de vue le terre-plein sous le métro et qui s’est fait ce jour-là expulser par les flics. Ce n’est pas la violence policière qui m’a le plus marqué, mais ces personnes qui sont venues tout de suite fouiller dans le caniveau humide les fripes invendues que venait de jeter de manière méprisante le fonctionnaire en éventrant une valise confisquée. Que faire de toute cette misère quand on a 7 ou 3 ans ? J’espère que vous ne la banaliserez pas, que vous en serez toujours touchés. Je voudrais vous dire que cette situation n’est pas normale, dans notre ville comme ailleurs. Elle change très vite en ce moment, vers le pire, mais espérons que cela va s’arrêter.

L’enseignement que j’en tire personnellement, c’est que ce n’est pas en l’Etat que je crois pour résoudre ces problèmes, le système politique et ses représentants en sont tellement coupables, et tellement inactifs, pour ne pas dire profiteurs ! Ce n’est pas non plus vers la Ville, de « gauche », qu’il faut se retourner. Le projet de promenade et d’agriculture urbaine sous le métro aérien qu’ils viennent de pondre, c’est un beau verni vert, ça va faire plaisir aux électeurs. En tout cas, ça va permettre de la virer cette misère, sous couvert d’écologie. Exit les migrants, exit les SDF, exit les vendeurs à la sauvette, du beau, du clean, du sécurisé. Qu’est-ce que l’écologie si elle n’est pas sociale ? Une escroquerie. La domination qu’exercent les hommes sur la nature est le prolongement de notre propre système inégalitaire diraient Murray Bookchin ou André Gorz [3]. Alors quoi faire pour cette misère ? Je crois de plus en plus à des solutions locales, à des personnes qui se réunissent pour résoudre un problème ensemble. Dans le quartier, une affiche disait « Quartiers pauvres, quartiers solidaires ». Je n’ai pas réussi à m’engager dans un groupe de distribution de repas aux migrants chaque matin aux aurores. Je n’ai pas ce temps, ou plutôt ce courage. Je n’ai pas non plus l’âme d’un militant à zapper d’une lutte à l’autre, je trouve souvent les militants cons ou chiants. Mais je m’aperçois que se rassembler entre habitants autour d’un problème, d’une idée, est toujours créateur de lien, d’émancipation pour les aidés comme pour les aidants.

Avant de rentrer à la maison, je passe vous chercher à la crèche et à l’école. Ah l’Ecole, celle de la République, de l’égalité des chances, de la mixité sociale ! En fait, les connaisseurs de Jule Ferry savent qu’il s’agit de l’école de la IIIe République, qui a été créée pour que chacun reste à sa place, garante de l’ordre moral et social [4]. Eduquer les masses est toujours utile pour qu’ils gobent ce qu’on leur demande de faire, mais pas trop pour éviter qu’ils se révoltent. Vous me direz que ça a changé ? Un lieu fermé, un programme et un savoir cadré et normé, des évaluations humiliantes pour classer les individus, des relations basées sur la discipline, la hiérarchie et la domination... On n’apprend pas à lire et à compter à l’école, on apprend à répondre à un exercice inventé par le maître. La psychanalyse nous montre que l’apprentissage ne se fait pas de façon linéaire comme les pédagogues nous l’expliquent, « apprendre c’est une chose terrible, il faut passer à travers toute la connerie de ceux qui vous expliquent les choses, et ça, c’est pénible à soulever, mais – Savoir quelque chose, n’est-ce pas toujours quelque chose qui se produit en un éclair ? » disait Lacan [5].

On apprend ce que l’on sait déjà, et à l’école on apprend des choses que l’on ne sait pas, comme le dit Ernesto, le personnage de La Pluie d’été de Marguerite Duras. Je me rappelle très bien ma fille, quand, en petite section de maternelle, tu m’a dis toute fière « Papa, je sais écrire un W » et me le dessiner du doigt. Et à ma question « Tu as appris ça à l’école ? », ton regard étonné, l’air de dire « Quelle idée saugrenue ! ». Mais, quelques année d’école après, en élémentaire, impossible de te convaincre que tu apprends aussi des choses importantes avec nous à la maison sans la maîtresse, que ce soient les multiplications ou l’utilisation du marteau et du tournevis ! On apprend à l’école que ce n’est qu’à l’école qu’on peut apprendre ! Ivan Illich écrit : « Qu’apprend-on à l’école ? On apprend que plus on y passe d’heures, plus on vaut cher sur le marché.[...] On apprend, enfin, à accepter sans broncher sa place dans la société. » [6] C’est radical, mais c’est vrai.

Aujourd’hui, les réactionnaires Républicains pour une école au mérite, autoritaire et en uniforme se changent en ultra-libéraux adeptes des neurosciences qui expliquent tout. Les pédagogues réformistes de gauche répondent qu’il faut plus de moyens, plus de temps, changer les programmes, aider les quartiers difficiles. Ils se trompent, c’est toute la conception du système scolaire qu’il faut changer. La solution de mettre ses petites têtes blondes dans une école Montessori à 500€ par mois n’en est pas une. Ces « écoles alternatives » sont des bulles dorées pas plus ouvertes que l’école traditionnelle, qu’on y explique les bienfaits du capitalisme, du catholicisme, de l’humanisme ou de l’écologisme, ça ne reste pas moins une fermeture d’esprit, un bourrage de crâne. J’imagine plutôt une « communauté des égaux », comme dit Jacques Rancière, où les frontières entre l’école, la ville, les centres-aérés, les maisons de quartiers, les familles... deviennent poreuses [7], où les relations entre personnes se basent sur ’l’égalité des intelligences’ [8]. En ce sens, la crèche associative gérée par les parents où vous avez passé vos premières années va dans le bon sens. Nous avons réussi à nous réunir entre professionnels de la petite enfance, parents et enfants pour faire fonctionner cette structure. Ce n’est pas facile tous les jours face à des dissensus de garder la tête froide, et de ne pas laisser parler les tripes, quand il s’agit de l’éducation de nos enfants. Mais la mayonnaise de la communauté prend avec des personnes d’horizons très divers, des liens se tissent, on apprend l’autogestion, on s’émancipe. Malheureusement, ce genre de structures a du mouron à se faire pour leur avenir. A côté des crèches institutionnelles, on fait désordre pour la CAF et la ville qui nous imposent de plus en plus de règles, de normes, de cadres inapplicables destinés à nous mettre dans le droit chemin. Il y en aurait encore tant à dire sur l’éducation des enfants aujourd’hui, sur les parents qui surprotègent leur progéniture, sur « l’infantilisation » des enfants. Tous les jours, ces constatations me hérissent le poil et me rendent de plus en plus en opposition avec ce que la société nous propose. Mais de jour en jour, je crois aussi davantage aux gens qui se rassemblent hors de l’institution pour faire autrement, pour faire en marge du système tant que faire se peut. C’est ce que j’appelle ma radicalisation.

Il y a bien des choses encore qui quotidiennement me poussent à souhaiter tout changer. Evidemment, on ne peut que déplorer les choix faits sur les services publics : la logique de rentabilité qui prévaut maintenant pour les déplacements publics, le courrier, la santé... Comment également ne pas trouver ridicule le monde politique, ces partis, ces syndicats, ces hommes politiques que la recherche de pouvoir étouffe ? Que faire aussi face au désastre écologique en cours causé par le réchauffement climatique, par la pollution industrielle, l’agriculture extensive ? Dans nos pays riches, mais surtout dans les pays où nous avons exporté la production de masse de nos biens de consommations inutiles, ainsi que la pollution et l’exploitation sociale qui vont avec.

Que faire ? Voter plus à gauche ? Signer des pétitions ? S’engager en politique et militer pour les idées qu’on défend ? Manifester pour la paix dans le monde ou faire grève pour défendre son statut de travailleur ? Plus ça va et plus j’ai l’impression que tout ça, au mieux, ne suffit pas, et au pire, est à côté de la plaque. Vous pourriez croire après cette lecture, mes enfants, que j’ai une vision très pessimiste du monde dans lequel je vous ai amené. Pourtant, certaines expériences que nous vivons, votre mère et moi, certaines personnes que nous avons rencontrées, certaines lectures, s’ils nous ouvrent les yeux sur les problèmes qui nous entourent, nous donnent aussi l’espoir d’un avenir meilleur dont j’espère vous profiterez. Pas de grands changements politiques ou de révolutions nationales en vue, mais une nouvelle vision des choses qui nous entourent, des smartphones vendus en bas de chez nous aux tomates de notre AMAP. De nouveaux rapports avec les gens aussi : cette association où nous nous impliquons qui met en pratique localement dans une petite communauté nos idées politiques sur l’écologie et le social, ou encore nos voisins de quartier avec qui nous tissons des liens grâce à vous, l’école et la crèche. Je crois en toutes ces personnes que nous rencontrons et allons rencontrer et avec qui nous partageons ces idées. C’est avec elles que je voudrais construire l’avenir pour vous. Je sais que je ne suis pas isolé, loin de là, à avoir ces opinions « radicales », ce texte est là pour les partager.

Pour finir, je cite de nouveau Rancière, avec lequel je trouve de plus en plus les mots pour dire ce que je ressens :

J’ai toujours essayé de dire par rapport à l’histoire de l’émancipation, que l’émancipation n’est pas simplement quelque chose qui prévoit un futur, c’est quelque chose qui se vit dans le moment, c’est à dire qu’il y a le désir, pas simplement de prévoir des institutions plus égalitaires, mais de vivre dans un monde qui est plus égalitaire. Et ça, c’est quelque chose qui ne se passe pas par des programmations, mais qui se passe dans la dynamique même des mouvements. Cela veut dire que peut être il n’y a pas La solution, il y a des émergences de l’égalité qui reviennent tout le temps, pas simplement de revendications de l’égalité, mais de manières de vivre égalitaires. Il faut bien penser que les gens n’ont qu’une vie, et qu’avoir vécu des moments égalitaires de ce type c’est quelque chose qui est important pour les gens [9].

Mes enfants, je vous souhaite, et je nous souhaite ensemble, de vivre ce type d’expériences qui nous émanciperont individuellement, et j’en suis sûr, contribueront à changer petit à petit la société et son système en profondeur.

Guillemin Rodary

[1Nicolas Fensch et Johan Badour, Radicalisation Express, Divergences, 2018.

[3Murray Bookchin, Qu’est-ce que l’écologie sociale ?, Atelier de création libertaire, 2012, et André Gorz, Ecologie et politique, Seuil, 1978.

[4Grégory Chambat, L’école des réac-publicains, Libertalia, 2016.

[5Jacques Lacan, Le Séminaire, Livre XVI, D’un Autre à l’autre, Seuil, 2006.

[6Ivan Illich, La convivialité, Seuil, 1973.

[7Julie Roux, Inévitablement (après l’école), La fabrique, 2007.

[8Jacques Rancière, Aux bords du politique, Folio, 2003 et Le Maitre ignorant, 10/18, 2004.

[9Interview de Jacques Rancière sur France culture, décembre 2018, retranscrit sur : https://blogs.mediapart.fr/guillemin-rodary/blog/200119/jacques-ranciere-sur-les-gilets-jaunes

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