Plâtre et béton sur la Corniche - Sylvain Piron

Les travaux reprennent à Romainville

paru dans lundimatin#168, le 7 décembre 2018

Les travaux reprennent à Romainville. Il est grand temps de vous donner quelques nouvelles de la forêt menacée et de vous inviter à y revenir, encore plus nombreux qu’au cours de ces dernières semaines. Pour résumer l’affaire d’un mot, la région Île-de-France envisage depuis 25 ans d’aménager en « base de loisirs » une forêt spontanée, apparue sur la friche d’une ancienne carrière de gypse. N’écoutant que sa témérité, dès son élection à la présidence de la Région en décembre 2015, Valérie Pécresse s’est empressée de reprendre un projet qui ne s’était pourtant pas enlisé sans raison. Sans concertation sur le fond ni aucune réflexion nouvelle, son vice-président aux sports et loisirs, Patrick Karam, a simplement repris les choses dans l’état où il les a trouvées. Une fois obtenues les autorisations administratives de destructions d’espèces protégées et de défrichement d’un tiers de la forêt, le saccage pouvait commencer.

[Sylvain Piron est historien et médiéviste. Il a notamment publié L’occupation du monde dont nous avons déjà parlé dans ces pages. Pour comprendre le contexte de la destruction de cette forêt sauvage, nous vous invitons à lire cet article : Risque d’effondrement à Romainville.]

Le 8 octobre, nous n’étions qu’une poignée sur place à faire face aux machines, mais par un prompt renfort, la semaine suivante, la multiplication des amis surgissant dans les bois pour stopper les travaux a conduit les entreprises à jeter l’éponge. La cheffe de chantier a visiblement fait jouer son droit de retrait, en réclamant à la Région de sécuriser le site. Celle-ci s’est alors tournée vers le préfet, lequel lui a répondu, dans sa grande sagesse, qu’il n’enverrait les forces de l’ordre que s’il était contraint de faire évacuer les lieux par une décision de justice. Le 8 novembre, le tribunal administratif de Montreuil n’a pu que constater l’absence d’occupation illégale dans la forêt, puisque nous ne faisons en effet qu’y passer. La Région répond maintenant en faisant installer une palissade métallique autour de la forêt. Après deux jours d’intervention policière musclée pour déloger les manifestants (mardi et mercredi dernier), c’est maintenant sous la surveillance d’une société privée de gardiennage que l’installation de la palissade se poursuit. La reprise du défrichement est prévue pour cette semaine, en pleine COP 24. Le timing de Karam est une fois de plus d’une redoutable efficacité symbolique. Profitant de ce contexte, de notre côté, nous organisons samedi 8 décembre à 11h un rassemblement pour les forêts et les quartiers populaires, qui servira de point de départ à la marche pour le climat. Tous les collectifs de luttes qui défendent des espaces sauvages sont invités à se joindre à nous.

Toutes les photographies de cet article nous ont été fournies par Julien DANIEL / MYOP. Depuis 15 mois, il documente le site de Romainville et ses enjeux. Ces photographies ont fait l’objet d’une exposition à Arles en juillet 2018 pendant les Rencontres Internationales de la Photographie. www.juliendaniel.com

Si nous associons à présent à ce thème la défense des quartiers populaires, c’est que l’enjeu est également de défendre la cité Gagarine qui surplombe la forêt, elle aussi menacée par un projet de « requalification urbaine ». Cet article a pour but de faire comprendre à quel point les deux opérations sont liées. Pour cela, il faudra reconstituer la longue histoire d’un projet dont personne ne comprend plus le sens. Ce travail s’appuie sur diverses archives auxquelles j’ai pu avoir accès. Le dossier mériterait de faire l’objet d’une étude bien plus fouillée de sociologie critique de l’action publique, tant les dysfonctionnements et les aveuglements s’y sont cumulés au fil des années. À la différence de Bure ou de Notre-Dame-des-Landes, il n’y a ici aucun enjeu stratégique d’État. Il s’agit seulement de la politique de loisirs de la première région de France, ce qui rend plus risible encore la crispation des élus et leur incapacité à entendre les protestations des bénéficiaires supposés de leurs décisions opaques.

Dans les trente années qui ont suivi la fin de l’exploitation de la carrière et de l’usine de plâtre, le devenir de la friche qui occupe près d’un dixième du territoire communal a dû souvent solliciter les imaginations. La première initiative forte remonte au printemps 1992, quand la mairie communiste de Romainville fait interrompre les travaux de remblaiement préalables à un projet immobilier, puis présente un projet d’aménagement du terrain en espace vert. Peu après, l’idée d’implanter une base de loisirs en Seine-Saint-Denis fait son chemin. L’Institut d’urbanisme et d’architecture de la Région, chargé d’étudier les trois propositions soumises, constate qu’aucun des sites ne présente des conditions idéales. Celui de Romainville est décrit comme « le moins inapproprié [...] malgré sa faible surface et les problèmes liés au sous-sol ». Les bases de loisirs d’Île-de-France sont habituellement de vastes plaines réparties autour d’un plan d’eau. La base de Créteil, d’une taille comparable à celle-ci, est toute entière située au bord d’un lac. En revanche, la Corniche se présente comme une succession d’espaces hétérogènes sur un relief escarpé, qui demandent de surcroît de lourds travaux de sécurisation pour être entièrement ouverts au public. Dès le départ, il est clair que le concept n’est pas adapté. Pourtant, la procédure suit son cours. L’obstination des élus tient sans doute surtout aux à-côtés du projet, on y reviendra. Mais il doit également y entrer une part de fascination pour l’aménagement d’un espace vacant, si proche de la capitale, qu’il serait indécent de laisser subsister sans schéma organisationnel.

La seconde étape importante est celle du concours, organisé à l’automne 2002. Romainville connaît alors un moment d’enthousiasme pour la démocratie participative, qui ne durera guère. Des ateliers urbains se réunissent pour exprimer les souhaits des habitants, puis pour examiner les projets soumis. Les comptes rendus des deux réunions d’octobre 2002 laissent clairement voir qu’un seul projet, intitulé « la forêt ombreuse », répond parfaitement aux critères voulus. Il « propose de conserver un espace le plus naturel possible voire tel qu’il est aujourd’hui en partie centrale […] La gestion du parc proposée est respectueuse de la flore actuelle et les interventions à prévoir sont légères et spécifiques […] les abords des cités [Gagarine et Parat-Langevin] sont bien traités ». Lors de la seule consultation de la population qui ait jamais été organisée, de même qu’aujourd’hui, les riverains réclament d’abord une préservation du caractère forestier et un respect du relief. Les politiques gagneraient à se souvenir de cette unanimité dans le temps. Pourtant, ce n’est pas ce projet qui a été retenu. Lors de cette consultation, la proposition d’Ilex est accablée de critiques (« les chemins s’enroulent en spirale et ne mènent nulle part […] peu de coutures entre les quartiers pourront se faire à travers l’organisation de l’espace proposé »). Pourquoi a-t-elle été choisie par la Région ? C’est le point qu’il faudrait éclaircir, car il conditionne toute la suite de la procédure. À défaut de fournir une réponse assurée, il vaut peut-être la peine de se souvenir que dans les années 1990, l’attribution des marchés publics d’Île-de-France était l’occasion de détournements de fonds de grande ampleur au profit des quatre principaux partis (l’affaire est jugée en appel, on peut l’évoquer sans crainte). Les pratiques étaient-elles beaucoup plus honnêtes sous le premier mandat de Jean-Paul Huchon, qui a lui aussi été condamné pour « prise illégale d’intérêts » ?

Une fois attribué le marché de maîtrise d’œuvre (en octobre 2003), les études préliminaires se multiplient mais l’engagement des opérations tarde en raison des difficultés à réaliser les acquisitions foncières. L’opération immobilière interrompue en 1992 se solde tardivement, avec d’importantes indemnités versées en 2008, pour compenser les travaux de remblais effectués. La prise de possession de ces terrains permet enfin la reconnaissance géotechnique complète des galeries. Moment de vérité : on découvre un degré inattendu de pollution des sols. Les carrières ont été remblayées pendant des décennies avec toutes sortes de matériaux. Qui sait pourquoi des traces élevées de strontium se retrouvent un peu partout ? Cela rend impensable le remodelage complet de la zone avec de la terre prélevée sur place, tel que l’imaginait le projet Ilex. En juin 2009, le rapport d’un élu vert romainvillois (Gérald Calzettoni) met les pieds dans le plat et dénonce le caractère destructeur et disproportionné de ce projet, tout en indiquant d’autres pistes, dont certaines étaient évoquées dans la concertation de 2002 ou dans le projet de la « forêt ombreuse » (par exemple, des mares pédagogiques en bas du site). La critique est entendue. Après les élections régionales de 2010, une nouvelle programmation est commandée, qui débouche sur des préconisations plus respectueuses de la topographie et de l’écologie naturelle de la friche. Pour autant, ces études ne remettent pas en cause l’attribution du marché à Ilex, qui est seulement contraint de revoir sa copie. La variante 2011 est très proche du projet qui est actuellement mis en œuvre.

Les choses semblent enfin sur la bonne voie. Pourtant, rien ne se passe. Les discussions achoppent sur l’acheminement des matériaux destinés au comblement. Le point est technique mais il vaut la peine de l’expliquer. Il existe deux méthodes de comblement des carrières. L’une procède par injection d’un coulis de sable et d’eau, qui se solidifie dans les galeries pour former un bloc imperméable. Si la technique est requise sous les fondations des bâtiments, elle ne l’était pas à l’époque pour consolider des carrières non destinées à être bâties. L’autre méthode est celle du comblement minier par gravats qui a pour avantage de préserver la perméabilité des galeries et l’absorption des écoulements d’eau. Or cette question est cruciale, vu la topographie du lieu. La forêt reçoit non seulement des eaux de pluie, mais aussi l’écoulement de la nappe phréatique du plateau, retenue par une couche d’argile (on appelle ça une « nappe perchée », c’est le genre d’expression qui fait aimer la géologie). En dessous, les galeries des carrières servent de bassins naturels de rétention. Préserver l’infiltration de l’eau est donc un enjeu crucial. Dans les documents de 2012-13, il était prévu de panacher les deux méthodes et de n’employer l’injection qu’au pied du front de taille, dans la zone la plus fragile, au sud-ouest des carrières. Pourtant, à l’été 2015, c’est une montagne de sablons qui a été livrée sur le site, préjugeant donc d’un mode de comblement exclusivement par injection. Pour comprendre ce qu’il s’est passé entre temps, un petit excursus dans la politique locale et départementale est indispensable.

À ce stade du récit, il faudrait présenter rapidement l’étonnant couple que forment Corinne Valls, maire de Romainville depuis 20 ans (elle a succédé à Robert Clément en cours de mandat en 1998), et son conjoint, Jacques Champion, adjoint à l’urbanisme depuis cette date ; raconter comment tous deux ont rompu avec le parti communiste peu après les élections de 2001, pour constituer leur propre formation locale, puis se rapprocher du PS sans jamais y entrer. Ce sont des personnages de roman ! Je préfère ne rien dire de plus pour ne pas gâcher le tableau. Il faudrait également présenter un troisième larron, Stéphane Weisselberg, caution « citoyenne » lors de l’élection de 2001, qui a rompu bruyamment en 2005, avant de se rallier une nouvelle fois à C. Valls peu après (On pourra lire un témoignage d’une grande franchise sur sa première collaboration avec elle : https://www.ecole.org/fr/667/VC091205.pdf). En 2012, par une méthode d’entrisme assez banale, Weisselberg prend le contrôle de la section locale d’EELV, probablement à l’instigation de ses patrons qui ont compris que cette force politique peut devenir un allié important qu’il vaut mieux étroitement contrôler en vue des prochaines municipales. Indication que les choses deviennent sérieuses, Jacques Champion reprend la fonction de président du syndicat mixte de la base de loisirs en 2014. (Depuis lors, Weisselberg lui a succédé). Préalablement, les gêneurs sont évincés du syndicat mixte.

L’élément sur lequel je m’appuie pour comprendre ce retournement est un article du Parisien, daté du 2 juillet 2015, qui montre la venue sur place du président sortant de la Région, Jean-Paul Huchon, accompagné de son successeur attendu, Claude Bartolone. Bartolone a fait toute sa carrière au Pré-Saint-Gervais, au pied de la corniche. Il habite aux Lilas, à vingt mètres à peine de l’entrée d’une pointe avancée de la base (là encore, l’information est publique : Le Canard enchaîné a publié en mars 2014 une photo sa villa, aménagée à prix d’ami). La réalisation du grand projet représenterait assurément pour lui un succès personnel. Mais surtout, Bartolone est conscient de la plus-value qu’apporte l’ouverture d’un espace vert aux projets immobiliers environnants. Or, et c’est aussi de notoriété publique, le PDG du promoteur Nexity, Alain Dinin, a apporté son soutien à la campagne de Bartolone aux régionales. Pour preuve qu’il n’est pas un ingrat, après l’échec de Bartolone, Dinin a nommé en février 2017 son ancien chef de cabinet à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Porcedo, directeur des « nouveaux paysages urbains » au sein du groupe Nexity. Quant à elle, Corinne Valls ne peut rien ignorer des ambitions et des arrière-pensées de Bartolone. Elle a été sa vice-présidente au conseil général de Seine-Saint-Denis (2008-2012), puis sa suppléante à l’Assemblée nationale (2012-2017).

Pour tirer les fils de ce réseau d’indications, on peut formuler la déduction suivante. En 2014-15, alors que Bartolone se voit déjà à la tête de la Région, il se prépare à mettre en œuvre rapidement une première tranche du projet Ilex, sans renoncer à poursuivre la suite de l’aménagement. Dans le même temps, l’annonce des travaux du prolongement de la ligne 11 sonne le démarrage d’un programme de construction massif à travers Romainville. Il y a beaucoup d’argent à se faire. Les grues s’élèvent de toutes parts, sous le contrôle étroit de la mairie. Et toutes les plaquettes des promoteurs vont monter les prix en laissant miroiter la proximité d’un futur parc. (Mais on construit beaucoup trop d’un seul coup, les prix ne montent pas assez vite au goût des promoteurs. La population de Romainville augmente tout de même de 12% entre 2012 et 2017, si l’on se fonde sur l’évolution du nombre de foyers fiscaux).

La grande ironie de l’histoire, c’est non seulement la défaite de Bartolone aux élections régionales, mais surtout la façon dont Valérie Pécresse a repris, clés en main, un projet conçu pour son ennemi intime. Karam n’y voit que du feu. Il valide sans réfléchir un projet d’aménagement qui a pour principal objectif la valorisation des projets immobiliers des amis de Bartolone. Si l’on observe de près la carte des aménagements prévus, la corrélation entre le programme immobilier et l’aménagement de la forêt saute aux yeux. La Villa Natura, construite par Nexity à l’aplomb du front de taille, n’est rendue constructible que par le comblement des fontis situés au pied de la falaise. D’après le cahier des charges initial, l’entrée du parc aurait dû se faire depuis une esplanade située devant le château (celle-ci a été réalisée sur les fonds de la Région, avant que le château brûle, puis disparaisse). Dans la version revue, elle se fera depuis une nouvelle allée autour de laquelle un Monoprix s’est installé, au pied d’un ensemble construit par Fiminco, autre promoteur ami de la ville. La présence, dans le périmètre du projet actuel, d’un aménagement de loisirs situé à l’écart de la forêt, tout en bas de la rue Paul de Kock, se comprend mieux si l’on pense à la proximité d’un autre chantier de grand standing mené par Nexity (les « Coudes Cornettes »).

Quant aux cités voisines, dont l’accès à la forêt était considéré comme un critère essentiel dans la concertation de 2002, elles n’ont pas été oubliées, bien au contraire. Gagarine doit disparaître. Il faut faire du neuf, exploiter les espaces vides pour densifier, amener une nouvelle population, multiplier les taxes foncières. Un article entier serait nécessaire pour expliquer le projet de « requalification urbaine » de la cité, préparé en sous-main depuis des années, mais énoncé publiquement en 2016 seulement. Il vise à casser toutes les barres d’un ensemble HLM de qualité, qui souffre avant tout d’avoir été délaissé par la ville depuis vingt ans et d’être dénigré et maltraité par ses élus. L’opération implique évidemment l’expulsion des habitants, dont la plupart ne pourront pas être relogés sur place. Ce serait le parachèvement du projet de refonte complète du paysage urbain, étroitement lié à l’aménagement de la forêt. Ni l’un ni l’autre ne doivent se faire. C’est donc ensemble que nous devons lutter.

Lors de son unique visite sur place, fin septembre, Valérie Pécresse s’est contentée d’inaugurer des panneaux de présentation, sous les huées des opposants (avec un cynisme achevé, la communication de la Région présente maintenant l’épisode comme une « rencontre de 2h30 avec les associations »). Elle n’a pas jeté un seul regard sur la forêt. Mais elle a toutefois eu une bonne inspiration, en admettant que le projet actuel n’avait plus rien à voir avec une base de loisirs à l’ancienne. Elle parle à présent d’une « promenade écologique » et le vocabulaire semble avoir percolé dans le discours officiel de la Région. En bon français, cette expression de langue de bois veut simplement dire « un sentier en forêt ». Or les sentiers, Madame Pécresse, les sentiers sont déjà là ! Ce sont eux que nous voulons garder, au lieu des aménagements d’aire d’autoroute sur sol artificiel que propose le lamentable projet Ilex.

Les questions en suspens sont nombreuses. La dépollution des sols est un sujet d’inquiétude de première importance. Le boulet que constitue le contrat accordé à Ilex en 2003 pèse toujours autant. Car s’il se confirme que les phases ultérieures seront abandonnées et que le reste de la forêt est véritablement « sanctuarisé », il faudra bien indemniser Ilex pour ces tranches perdues. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas l’indemniser globalement et dénoncer un contrat qui, au fil des avenants passés, n’a tout simplement plus aucun sens ? Patrick Karam réclame des associations un contre-projet. Il n’a qu’à se pencher sur les archives de ses services techniques pour trouver quantité de belles propositions qui demandaient depuis le départ la préservation de la « forêt ombreuse ».

Karam et Pécresse auraient tort de continuer à narguer leurs prédécesseurs, en prétendant avoir nettement amélioré un projet destructeur. Ils ne savent pas que ce projet avait été amendé depuis longtemps. Les élus socialistes vont finir par se lasser de leurs moqueries inutiles. Les nouveaux patrons de la Région auraient également intérêt à se rendre compte qu’en poursuivant une opération sans fin, ils continuent de creuser un budget abyssal pour un résultat si maigre que la Cour des Compte finira bien par s’y intéresser. Il est plus que temps d’arrêter les frais. Ils devraient aussi prendre garde à l’absurdité de leur rhétorique. La seule justification qu’ils parviennent à énoncer pour défendre leur projet serait d’« ouvrir un poumon vert ». Mais pourquoi faudrait-il amputer d’un tiers un organe dont on prétend bénéficier ? Si le poumon est indispensable à la respiration de la ville, il n’y a pas à y toucher. Enfin, si l’on remonte le fil de l’histoire, c’est la toute première bévue qu’il faudrait maintenant corriger. Il est temps d’abandonner pour de bon l’optique paternaliste des « loisirs » qui seraient imposés à des populations passives. Tout le monde l’a maintenant bien compris, le véritable enjeu concerne la valeur écologique d’une forêt qu’il faut préserver dans sa totalité, sans préjuger de ses usages. La focalisation sur cette seule partie de la Corniche des Forts ces dernières années a fait perdre de vue l’ensemble du parcours qui mène de Pantin à Noisy-le-Sec. En réalité, la réflexion doit maintenant se déployer à une échelle plus vaste, en envisageant la continuité d’un « parc naturel urbain » qui court le long de la colline, des Buttes Chaumont et du Père Lachaise jusqu’aux parcs de Montreuil et au fort de Noisy. L’idée d’une base de loisirs sur terrain accidenté en milieu dense est irrémédiablement obsolète. La seule question qui importe aujourd’hui est
de savoir laisser proliférer l’espace sauvage au cœur de la métropole.

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