Notre circonstance : effrontée et brillante comme la négation

Will Alexander

paru dans lundimatin#256, le 29 septembre 2020

« … un monument de carnage et d’excès ».
- Dahr Jamail

Nos écoles sont fermées, entravées de façon prolongée, et notre ciel obscurci par les cendres de volcans futurs, tandis que l’économie reste paralysée par un astigmatisme numérique qui tente de survivre par insatisfaction prolongée. Demeure une atmosphère inopérable entre cimetières et chamailleries.

Telle qu’elle est mise en évidence par la grammaire de la peste, par une nomenclature foisonnante, l’atmosphère humaine est aussi désastreuse qu’un calibrage. Alors que notre climat intérieur s’épuise, les statistiques se proclament matériaux cruciaux, existant désormais, intégralement, dans le cadre d’un culte de l’effacement pathogène.

Ces agents pathogènes ne sont pas sans rappeler les signaux engendrés par la débâcle. Ils laissent l’esprit général perpétuellement affamé, au milieu du règne soudain de signaux déroutants. Même l’esprit des sceptiques s’en trouve embrouillé, égaré dans les airs. D’où la circonstance émeutière (riotous), avec un épuisement que ne peut reconstituer aucun facteur connu à ce jour. Le vide dans lequel nous vivons n’est autre qu’un bouquet de fleurs en haillons. Chaque individu lutte désormais pour revigorer un état intérieur avec les richesses jetées hors des demeures des sans-abris.

Dans des scénarios récurrents, l’insistance se conclut sur des principes de plus en plus fantomatiques. Quant aux motifs, ils éclaboussent dans toutes les directions, comme une encre soudainement volatile. Ainsi rassemblons-nous sous forme de code une grammaire des imperfections, des hérésies mal initiées qui tentent de configurer la grandeur comme une réplique de notre héritage à ce jour orphelin. Une écriture intérieure apocalyptique, pour laquelle le royaume extérieur est un marécage cinétique. Ce marasme n’est viable que par une grammaire qui descend de façon pragmatique des modèles statistiques. Les cartes que nous tentons d’y discerner ne sont que blocs micro-soniques condamnés, sombres symboles proliférants. Cette condition reste marquée par une panique collective permanente, par des climatologues qui inhalent des vertiges obscurcis comme symboles.

Tout demeure empreint de l’omniprésente réduction de soi. Surgissant des profondeurs infernales d’une logistique mal utilisée, nous percevons de nous-mêmes une odeur existentielle. Tel un champ de force instinctivement condamné au service de l’erreur. Chaos opérationnel où la moquerie générale est inscrite par des ébauches de protéines empoisonnées. Substance objective choquante, de plus en plus entachée de notations inutilisables. En condensant ainsi toujours l’erreur, nos pérégrinations quotidiennes semblent uniquement inspirées par l’abstraction qu’est le capital.

En tant que poète, mon imagination suscite un voyage de lions qui semblent s’entêter sur une destination issue de la gale et du déficit. Voilà qui est devenu notre mantra actuel, avec sa boussole trans-fonctionnelle effilochée par des préceptes issus de la débilité. Je pense à de vieilles narines délimitées du cosmos qui s’effondrent soudainement, symboles de non-préparation et de disparition. Non seulement un assemblage nié de lui-même, mais une rhétorique de l’émerveillement qui a été brutalement et stratégiquement niée. Parce que notre source actuelle de danger ne peut plus être atténuée par des micro-lentilles, ou par une éternité mécaniquement préservée, n’existent que des paralogismes verbaux constamment salués par les experts.

Persiste de la sorte un chapiteau mécanique sans vergogne, idéologique, à la marque mal gérée. Une telle confusion ne peut jamais autant soutenir sa propre description d’elle-même que la lumière solaire révèle son propre assourdissement lors des ultimes heures de vidange. À mesure que nos océans s’étendent et se contractent, c’est là où les requins se déversent de manière apocalyptique dans nos quartiers d’habitation - comme un éclat décharné, une négation effrontée et brillante.

Will Alexander (traduit de l’anglais (USA) par Frédéric Neyrat)

Texte paru le 18 septembre 2020 dans la revue en ligne Entropy.

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