Noailles, La plaine, nécro métropolisation à Marseille

« Mais qu’ils ne crient pas victoire trop vite. Marseille se défend ! »

paru dans lundimatin#165, le 12 novembre 2018

A la plaine, déjà un mois que leur chantier a commencé, un mois de matraques, tronçonneuses, garde-à-vue, prison, pelleteuses, vigiles et pour finir cet immonde mur. Sidérer les esprits, tout détruire le plus vite et le plus violemment possible afin de ressouder la résignation et la peur.

[Illustrations : Patxi Beltzaiz]

Mais l’opposition tient bon et la vie qui se défend sur la plaine n’est pas abattue par leur stratégie de guerre, elle poursuit sa quête : agir sur ces espaces communs, ceux que l’on partage, préserver cette place singulière avec ses caractères séditieux, ne pas se laisser imposer un schéma économique contre une tradition populaire. Dessiner nos espaces, nos mode de vie, et les défendre, c’est une pratique déjà bien répandue a la plaine. Bientôt 20 ans de carnaval indépendant, lui qui a su se défendre en 2014 contre la tentative des autorités publiques de l’anéantir par la répression. Renforcé par le nombre croissant de carnavaliers, il a pu aiguiser sa détermination a être une forme d’expression qui s’oppose aux politiques d’aseptisation. Les fameuses tables de la plaine, largement soutenue, trois fois reconstruites en plein jour sous l’œil impuissant mais rageur de la municipalité qui, faute de légitimité, vient les détruire a 5h du matin avec une armée de casqués.
Parties de foot improvisées sur le bitume, goûters sauvages dans le square, concerts, théâtres, marionnettes, vides-grenier libres et gratuits sur la place, Pizza punk, barbecues,…
A la plaine, la vie s’invente, elle ne se demande pas en préfecture.

Et maintenant ce mur, 400 000 euros pour nous fermer l’horizon, cacher l’œuvre destructrice, boucler l’histoire. Dépenser sans compter ces 20 millions de budget pour produire une plaine commercialisable, l’image de synthèse tant rêvée. Derrière ce mur, ils coupent et arrachent les arbres au grès des capricieuses exigences des urbanistes qui les préféreraient 1 mètre plus à gauche ou plus à droite, ils scindent la place en deux avec une route affin de réduire sa possibilité de réunion, ils aménagent les places pour ces nouveaux bars dont les terrasses déroberons les espaces qui étaient, librement, gratuitement et largement utilisés.
Le mur est une image forte et violente de ce qui nous attendra une fois les chantiers aboutis : un quartier inaccessible par sa montée en gamme, une place colonisée par les terrasses et pourfendue par une route.
La Plaine ne se laisse pas murer. Le chantier a été bloqué vendredi par les opposants et les murs tombent parfois par des nuits de mistral. La Plaine appelle à un large week-end de lutte le 23 et 24 novembre contre le mur et le chantier qu’il cache ainsi que plus largement contre la politique scandaleuse et mortifère de la Mairie de Marseille.

A quelques rue de là, sur le flan de la colline, à Noailles, trois immeubles s’effondrent. Dans le quartier, on connaît ces bâtiments, déjà de nombreuses fois dénoncés pour leurs états insalubres et dangereux ; appartenant même pour certains à la mairie. On connaît aussi pour beaucoup la crainte de voir nos immeubles respectifs s’effondrer certains plient bagages, d’autres sont évacués, des cohortes d’experts ratissent maintenant le quartier pour la chasse à l’habitat insalubre.
L’évacuation à tour de bras donne le vertige, la confiance dans les autorité est bien amoindrie. On sent déjà l’odeur des charognards, d’une part les politiques qui tentent une récupération politique du drame dans leur compétition pour la mairie de Marseille et d’autre part les promoteurs qui se frottent les mains en imaginant la phase de reconstruction.
Une désagréable sensation, celle de sentir qu’on ne veut plus de nous dans le centre, nous les pauvres, nous les pas rentables, « les populations indésirables », selon les termes de la mairie.

Déjà samedi, pendant la marche blanche, aux côtés du recueillement et de la tristesse, la colère s’est exprimée devant l’hôtel de ville, dans des dénonciations rageuses contre la mairie assassine.
À Noailles, un collectif d’habitant, « 5 novembre Noailles en colère » s’est créée pour faire face a cette situation, s’organiser pour la collecte de dons, suivre et offrir leur soutien aux familles des victimes ainsi que celles et ceux qui sont évacués, mais aussi réagir collectivement en dehors des institutions ou partis politiques. A Noailles on s’organise largement pour s’entraider dans cette bataille qui s’annonce longue et difficile.Mercredi aura lieu la première marche de la colère après le choc et le recueillement.

Ici un lien vers leur communiqué qu’ils ont lu à la fin de la marche blanche, devant l’hôtel de ville.

Personne ne s’y trompe, le vieux Gaudin sénile, qui se targue fièrement d’être le capitaine des ruines, ne regrette rien et cela en dit long. Ces ruines ne sont pas l’œuvre d’une malheureuse négligence mais bien d’un pourrissement programmé.
Il est certain que la mairie aurait pu investir un peu moins pour la nouvelle tour de « la marseillaise », dans ces grand centre commerciaux du Prado de la Joliette et de la rue de la République ou ces 20 millions contre la plaine ; pour entretenir et rénover Noailles.
Mais non ! La vie n’est pas chère a Noailles.
Dégrader la situation pour obliger la population à vider les lieux via la banlieue, obliger tout les petits propriétaires qui possèdent une partie de ce quartier à revendre, préempter pour y installer confortablement cette nouvelle population qu’ils jugent plus présentable, plus franchisée.

Ces deux quartiers voisins, la Plaine-Noailles, malgré leurs situations singulières vivent une vie commune autant qu’un destin commun.
La vie de ces deux quartiers est fortement liée. Pour beaucoup on traîne et habite dans l’un et dans l’autre, le carnaval indépendant a toujours était celui de la Plaine-Noailles, le marcher aux légumes de Noailles se complétait du marché-bazar de la plaine, il y a toujours eu une sorte d’organisation informelle commune entre ces deux quartiers. On peut bien sur aussi retrouver ses fraternités sous bien des formes entres les différents quartiers du centre de Marseille comme Belsunce, le Chapitre, le Panier mais aussi de forts liens avec des quartier plus éloignés, St Mauron, Belle de mai, Aygalades, la Rose, la Pomme, etc..
.Marseille est encore une ville riche de diversité dans son centre et non une froide métropole où tout y est cloisonné. Il y existe encore des liens entre son centre et ces banlieues les plus lointaines et c’est bien ça qu’ils attaque.
Ici, entre Noailles et la plaine on a vu la mème politique s’appliquer, a des échelles bien différentes la mairie a volontairement dénigré l’entretien de la Plaine affin de susciter le dégoût, le ras-le-bol et passer en force leur projet scandaleux. Ces requalifications qui éloignerons les plus démunis là où les regards des médias ne portent pas sauf pour accuser sa population de violente ou barbare, là où les touriste ne vont pas, là-bas dans la lointaine banlieue comme on l’appelle où l’État et sa police se permettent toutes les ignominies classées sans suites. Cette banlieue que « l’honnête « citoyen craint et méprise sans y avoir jamais foutu les pieds.

Mais qu’ils ne crient pas victoire trop vite. Marseille se défend !

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