Mort de Wissam El-Yamni - Enquête, expertises et impunité policière

Un nouvelle expertise accable la police

paru dans lundimatin#57, le 18 avril 2016

Ces dernières semaines, certains organes de presse se sont régulièrement émus des multiples violences policières commises à l’encontre des lycéens et étudiants mobilisés contre la loi El Khomri. Cette indignation journalistique semblait essentiellement justifiée par le fait que certaines exactions trouvaient un écho inédit sur les réseaux sociaux — « Palme de l’infamie qui revient à tous ceux qui font mine de redécouvrir chaque matin les saloperies qu’ils avaient constatées la veille. », disait-on il n’y a pas si longtemps.
Pourtant, une rigueur intellectuelle minimale ne permet pas d’isoler les « bavures » ou autres « excès », de comportements policiers acceptables. Historiquement, sociologiquement, politiquement, la police est en charge d’une activité bien particulière : défendre le pouvoir, mater la plèbe. Qu’à l’apparition d’un mouvement massif de mécontentement et de désordre, la police applique aux lycéens ses méthodes quotidiennes en banlieue, ne devrait surprendre personne : c’est sa fonction.

Le 31 décembre 2011, Wissam El-Yamni fêtait la nouvelle année à Clermont-Ferrand. À 3h20, alors qu’il se trouve sur un parking avec des amis, la police intervient — les fonctionnaires clameront plus tard avoir été la cible d’un projectile — Wissam El-Yamni est alors pris en chasse puis rattrapé. Au moins 25 policiers sont présents, la brigade cynophile lâche ses chiens, le jeune homme de 30 ans est violemment frappé avant d’être interpellé et emmené au commissariat "Aimable Pélissier", cela ne s’invente pas [1].

À partir de là, la situation devient confuse, ou du moins, la version policière se prend les pieds dans le tapis. Wissam aurait été retrouvé au milieu des cellules de garde-à-vue, inanimé. Les secours sont appelés, il tombe dans le coma. Quelques jours plus tard, Wissam El-Yamni décède à l’hôpital.

Une instruction judiciaire est ouverte. La police assure avoir été prise dans un guet-apens, ce que tout viendra contredire. Pour justifier de la mort de M. El-Yamni, des experts suggéreront les conséquences de la technique policière du « pliage ». Puis se rétracteront, c’était peut-être une malformation osseuse qui aurait pu provoquer l’arrêt cardiaque.
Finalement, on laissera planer le doute quant à la consommation d’alcool et de stupéfiants ce soir de fête. Récemment, une expertise demandée par la famille est venue à nouveau détruire la version policière. Les traces d’alcool et de stupéfiants présentes dans le corps de Wisssam El-Yamni sont infimes — au moment de son arrestation, il n’était même plus affecté par leur consommation — et ne peuvent en aucun cas avoir provoqué son décès.
Reste l’évidence, les ecchymoses, les marques de strangulation, et les multiples témoignages qui attestent du lynchage subi par le jeune homme. Pourtant, la cours d’appel de Riom a jugé bon d’annuler la mise en examen des policiers… faute d’éléments.

Lorsque l’on rencontre la famille El-Yamni, on comprend tout l’écart qu’il y a entre la dignité et l’indignation. Ils ne cherchent pas l’apitoiement, ils s’organisent ; ils n’appellent pas à l’aide, ils luttent. Dans la tragédie, ils ne s’affaissent pas mais tiennent tête, quoi qu’il en coûte.

Nous avons demandé à Farid, frère de Wissam, ainsi qu’à l’un de ses amis, de détailler pour lundimatin la manière dont l’enquête judiciaire avait été menée jusque là. Il est suffisamment rare de voir une instruction judiciaire menée intégralement à décharge pour ne pas s’étonner qu’elle vise des fonctionnaires de police. L’enquête est cependant toujours en cours, il reste donc à voir ce que déduiront les juges d’instructions de ces dernières expertises qui finissent de réduire à néant le récit policier.

Pour plus de détails sur l’affaire,lire cet article paru sur Paris Luttes Info. ou consulter le site Vérité pour Wissam.

[1« Il prend part à l’expédition en Algérie de 1830 et est promu, à son retour, au grade de chef d’escadron. Après quelques années à l’état-major à Paris, il est envoyé de nouveau en Algérie, en 1844, et commande l’aile gauche française à la bataille d’Isly. Il occupe le poste de chef d’état-major de la province d’Oran avec le grade de lieutenant-colonel. La dureté de sa conduite après qu’il a étouffé une tribu arabe entière dans le Dahra, près de Mostaganem, où elle avait trouvé refuge le 18 juin 1845, suscite une telle indignation en Europe que le ministre de la Guerre, Soult fait des excuses publiques, mais le maréchal Bugeaud, gouverneur-général de l’Algérie, non content de l’approuver, le nomme au grade de général de brigade jusqu’en 1850 où il est promu général de division. »

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