Marseille : lettres de la Plaine

« Ils ont peur parce qu’ils ont tort »

paru dans lundimatin#166, le 21 novembre 2018

16 novembre 2018, Lettre de la plaine, à Jean-Claude Gaudin , Maire de Marseille

Cher Jean Claude.

Comment as-tu trouvé cette grande manifestation populaire de mercredi soir ? Un vrai succès n’est-ce pas ? On lui a trouvé un titre « ils ont peur parce qu’ils ont tort » ou « bonne nuit les trouillards ». Lequel préfères-tu ? On aime bien les deux, ça va ensemble. Un titre qui va cartonner, Jean-Claude.

C’est dommage quand même de fermer l’hôtel de ville si tôt, on serait bien entré te faire un coucou. Tout le monde chantait pour toi Jean-Claude
"on est ensemble on est marseille
et la mairie, la soléam nous font de la peine"

Comme on sait que tu es sourd, on se dit que tu n’as peut-être pas entendu mais on clamait ton nom. Un très beau nom, Gaudin, qui se marie très bien à d’autres mots. Comme assassin. Ça sonne bien. La prochaine fois renseigne toi sur ce qui se passe en bas de ton bureau. Ça pourrait t’être utile.
Il se dit que d’autres manifestations de ce genre se préparent. En tout cas dans la presse on ne parle que de toi, ton nom est partout. Tu fais le tour du monde Jean-Claude. Tu sais il y a toujours des choses imprévues dans une vie, surtout dans une longue vie comme la tienne. La pluie par exemple. Ça arrive comme ça, un matin, sans qu’on l’ai vu venir. Tu avais sans doute fini par oublier le réel, oublier qu’à tout moment il pouvait faire irruption. On ne peut pas tout prévoir Jean-Claude, c’est comme ça. Aussi, on comprend que tu ne sois pas prêt mais ne t’en fais pas, nous on l’est, plus que jamais. Fin prêt pour le réel Jean-Claude. Tu vas enfin devenir cette grande star que tu as toujours voulu être. Quelle chance ! On sait que c’est difficile pour toi, vu ton âge, alors on te propose de commencer par un geste très simple, très petit, mais nécessaire : ranger ton bureau. Ça t’aidera peut-être à retrouver la mémoire, retomber sur tous ces papiers que tu as signé, tous ces rapports, ces bilans, ces petits mots. Avoir fait tant de choses en 23 ans et en avoir si peu gardé la mémoire ça doit pas être évident. On va t’aider à faire le bilan, sois tranquille.
Tu sais bien Jean-Claude que ça ne pouvait pas durer ce grand gavage. Tu aurais finis par tomber malade. Une crise de foie. En tout cas on pourra dire que tu as bien profité. Avec un appétit remarquable !
Pour ta nouvelle vie, toute la ville te prépare bien des cadeaux, Jean-Claude. La noël avant l’heure. On passera de la musique, on tirera un feu d’artifice et on t’apportera un peu de chocolat.
On sait que c’est difficile pour toi. Mais ne t’en fais pas, on te laissera le choix. Tu pourras quitter la ville en hélico, ou en bateau si tu préfères. C’est la ville parfaite pour une évasion Marseille. En attendant prépare toi. Range ton bureau

Au fait, on voulait te dire. On te veut vivant Jean-Claude.

Le mur s’étend de 4000m au-delà du chantier


La plaine.

Depuis lundi 29 octobre, Le Mur existe.
Il existe sous forme d’énormes L en ciment, qui font 300 tonnes de poids et 2,5 mètres de hauteur.
Le Mur existe sous forme d’une enceinte morne et obtuse qui ceinture la Plaine et ses 620 mètres de pourtour.
Le Mur existe sous forme d’un bloc solide en béton armé, mais Le Mur en vrai est liquide. Il coule dans les rues autour, mais sans se défaire. Dans la distance, Le Mur perd en hauteur, mais gagne en portée.

Car au-delà des 10 500 mètres carrés encerclés, Le Mur projette dans l’espace de la ville son ombre solide. Ligne haussée de l’horizon, son rideau coupe l’imaginaire et la traversée bien plus loin qu’à Jean Jaurès.

Car Le Mur existe, aussi :
— sur Rue des Trois Mages, pour 96 mètres, jusqu’au numéro 30
— sur rue Curiol, pour 140 mètres jusqu’au numéro 75, et sur rue Thiers pour 93 mètres, au seuil du numéro 89
— sur la totalité de Rue de la Bibliothèque (250 mètres)
— jusqu’au numéro 55 de Rue Saint Savournin, où il est visible sur 210 mètres
— sur toute Rue de l’Olivier, jusqu’au 1 Rue Briffaut (650 mètres)
— jusqu’au bout de Rue Ferrari (750 mètres)
— au seuil du numéro 42 de rue Saint Pierre (240 mètres)
— tout le long de Rue Ferdinand Rey (170 mètres) et de Rue Poggioli (100 mètres)
— depuis Rue Fontange, jusqu’à la Place Notre-Dame du Mont (300 mètres)
— et, bientôt ou depuis peu, sur Boulevard Chaves et Rue Berthin (600 mètres pour l’un et l’autre)

Là, Le Mur est dans les cuisines et les salles de bain, aux balcons et sous les fenêtres, au bout du trottoir, sur la route du retour à la maison, comme un nouveau relief issu d’un mouvement tectonique s’imposant au paysage.

Le Mur est envahissant.
Car Le Mur existe et enferme déjà là où il est aperçu, un bouchon et un boucher de la vision.
Il définit alors un nouveau périmètre pour le chantier, qui s’étire de 4000 mètres au delà de ses frontières.

Lettre à la coiffeuse de la Plaine


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