Lettre à Mme Françoise Nyssen, Ministre de la Culture et de la Communication

« Le passé nous rattrape tous tôt ou tard », de la part du CDRRFDN

paru dans lundimatin#137, le 12 mars 2018

Dans une tribune datée du 20 avril 2009, parue sur Le Monde et intitulée « De l’affaire Coupat à l’affaire Hazan ? », une quinzaine d’éditeurs apportaient leur soutient à leur collègue, Éric Hazan, alors interrogé par les services de la Sdat pour avoir éditer L’insurrection qui vient. Le sous-titre de la tribune était « Au nom de la lutte contre le »terrorisme« , la liberté d’expression est menacée. » Rien que pour ça, il valait la peine de l’exhumer des archives de l’internet pour la faire figurer dans notre revue papier consacrée à l’affaire de Tarnac. Mais il y a mieux. Parmi les signataires de la tribune figurait une certaine Françoise Nyssen, alors directrice des éditions Actes Sud et aujourd’hui Ministre de la Culture. Inspiré par cette coïncidence fortuite, un fidèle amateur de lundimatin, lecteur également de la version papier, nous a fait parvenir une lettre adressée à la Ministre pour l’inviter à prolonger sa solidarité à l’heure où démarre le procès de l’affaire Tarnac.

Madame la Ministre de la Culture et de la Communication,

À moins qu’il ne faille s’adresser à Madame Nyssen, ancienne directrice des éditions Actes Sud, nous nous permettons de vous déranger quelques instants.

Par ce présent courrier, le Comité Décentralisé de Rétablissement d’un Réseau Ferré Digne de ce Nom (CDRRFDN) tient à vous adresser une requête. Mais avant de la formuler clairement, nous préférons vous faire part de la démarche qui nous a conduits à la confectionner.

Il y a de cela près de 9 ans, alors que vous occupiez la plus haute fonction au sein de cette célèbre maison d’édition (Actes Sud, donc), vous faisiez partie des dix-huit signataires initiaux d’une tribune publiée dans les colonnes du quotidien Le Monde en date du 20 avril 2009. De cela, nous ne pouvons que vous féliciter, même de longues années après.

Sous le titre « De l’affaire Coupat à l’affaire Hazan : des éditeurs en colère », vous appuyiez les propos de votre confrère des Éditions La Découverte, François Gèze. Apporter un soutien à un autre confrère, en l’occurrence Éric Hazan (éditeur à La Fabrique) alors auditionné quelques jours auparavant par des agents de la Sous-direction de l’anti-terrorisme (Sdat), défendre fièrement l’«  espace de liberté » que représente le monde de « l’édition » et s’en prendre avec fermeté à la « paranoïa d’État » comme vous l’avez fait est tout à votre honneur.

Le passé nous rattrape tous tôt ou tard, d’autant plus lorsqu’on est un personnage public. Étant donné que le procès des huit personnes assignées à comparaître va bientôt débuter devant la XIVe chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris, l’actualité va bientôt le faire en ce qui concerne l’ensemble des protagonistes de l’affaire dite « de Tarnac » et donc, incidemment, sur vous-même par le biais de votre signature apposée à cet article. Maintenant confortablement installée Rue de Valois, possiblement prise de remords, il est envisageable de penser que vous éprouvez le sentiment que vous n’auriez peut-être pas dû. Mais, hélas, les faits sont têtus et ils sont là.

La date du procès (le 13 mars) approchant, le CDRRFDN vous demande de bien vouloir faire tout votre possible afin d’obtenir non seulement l’acquittement de l’ensemble des prévenus pour tous les chefs d’inculpation qui leur sont reprochés – chose qui devrait être facilement obtenue étant donnée la vacuité du dossier d’instruction – mais aussi de prendre en compte des prérogatives bassement matérielles que vous trouverez ci-après.

Et pour cela, quelques pistes ont été échafaudées. Voici enfin l’objet de cette missive.

À la façon de Mr Édouard Philippe appelant à la rescousse le Ministre de l’Intérieur pour rétablir l’ordre sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ainsi que la Ministre chargée des Transports afin d’améliorer la desserte ferroviaire à Nantes et à Rennes, le CDRRFDN vous demande de bien vouloir vous adresser à ces ministres sus-nommés. Au passage, il semble inutile de déranger le chef du gouvernement pour résoudre de si vils enfantillages. Il a sans nul doute bien mieux à faire (comme s’interroger sur l’acharnement avec lequel il envisage, à l’instar de ses prédécesseurs, de démanteler la SNCF).

Dès lors, subsiste l’espoir qu’à l’issue de fructueuses réunions de travail collaboratif, vous soyez en mesure d’acter le démantèlement de l’ensemble des équipements coercitifs (grillages le long des voies, dispositifs de vidéo-surveillance, …) et l’abolition des corps de forces répressives (Sûreté ferroviaire et Service national de la police ferroviaire) qui ont été mis en place et se sont développés de façon galopante depuis une dizaine d’années sur l’ensemble du réseau ferré. Agir en ce sens nous rendrait infiniment reconnaissants à votre égard.

Si toutefois, vous trouveriez cette demande trop prétentieuse ou disproportionnée, nous vous renvoyons aux lignes figurant dans cette communication d’avril 2009 parmi lesquelles il est possible de lire que « la liberté d’expression [est] aujourd’hui gravement menacée en France par les représentants de son État, au nom d’une conception dévoyée de la lutte contre le terrorisme ».

Dans l’attente de recevoir de votre part ne serait-ce qu’une seule preuve réelle et tangible de « pleine solidarité » et dans l’espoir que celle-ci ne soit pas une perquisition suivie d’une garde-à-vue ni une grenade (qu’elle soit assourdissante, lacrymogène ou offensive) ou un bulldozer,

Quelque part ou en transit, le 01/03/2018.

Le Comité Décentralisé de Rétablissement d’un Réseau Ferré Digne de ce Nom.

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