Lenine 1917, le train de la révolution [1917-2017]

Encore un livre sans intérêt

Un historien matérialiste - paru dans lundimatin#100, le 17 avril 2017

Cette semaine nous parlerons d’un livre assez spécialisé. Il s’agit de « Lénine 1917 : le train de la révolution », qui est sorti en février 2017 aux éditions Payot. Il a d’abord été publié en 2016 en anglais. Il a été écrit par Catherine Merridale, une historienne anglaise spécialiste de la Russie et de l’URSS. L’argument du livre est de raconter l’histoire d’un mythe : celui du voyage de Lénine entre Zurich et Petrograd en avril 1917 dans son fameux wagon plombé. On suit l’auteure qui elle-même suit Lénine, en refaisant pas à pas son voyage.

Au début du livre on suit les pérégrinations des agents britanniques en Russie durant la Première Guerre mondiale. Ils se fabriquent progressivement la croyance (qui ne les quittera plus) selon laquelle une révolution populaire est impossible, et qui les conduit à n’anticiper qu’une simple révolution de palais. On découvre ensuite les différentes magouilles des services allemands pour déstabiliser l’Empire britannique ou russe, sans grand succès. Comme le dit bien l’auteure, ces différentes tentatives sont assez banales, et restent surtout parfaitement d’actualité. Les services occidentaux n’ont jamais cessé de parier sur certaines forces plutôt que d’autre dans les conflits passés ou présents, apportant parfois un soutien matériel. Avec à l’époque comme aujourd’hui un succès plus que relatif.

La suite du livre consiste à décrire la position de Lénine qui ne varie pas tout au long de la guerre. Selon lui, il faut transformer la guerre impérialiste en guerre civile pour déclencher la révolution mondiale. On remarque la faiblesse énorme du parti bolchévik, à l’étranger comme en Russie. Malgré cela la révolution de Février éclate sans attendre personne, et elle triomphe. On suit le déroulement des lendemains de la Révolution avec la mise en place de la situation de double pouvoir qui demeurera jusqu’en octobre : d’un coté le Gouvernement provisoire, de l’autre le Soviet. Le processus révolutionnaire est alors dans l’impasse : aucun des deux pouvoirs n’a la force, ni la vision, pour être à la hauteur de la situation.

En attendant, Lénine trépigne en Suisse. Il veut rentrer en Russie mais il ne peut pas passer par l’Angleterre. L’Allemagne, elle est toute disposée à le laisser traverser l’Allemagne pour rentrer en Russie. Après divers refus Lénine accepte de traverser l’Allemagne à bord d’un wagon plombé (il l’avait même demandé sans fenêtre, en vain), lequel doit avoir le statut extraterritorialité. Cette subtilité est importante : ainsi Lénine peut se défendre de l’accusation de trahison et d’entente avec l’ennemi. Tout au long de son voyage la peur d’être arrêté en arrivant en Russie le taraude, ainsi que ses camarades de voyage.

A son plus grand étonnement Lénine est accueilli triomphalement. Il en profite pour présenter ses thèses d’avril qui sont en rupture avec la ligne tenue par son parti jusqu’à présent. Si lors de son arrivée Lénine est très isolé au sein de la vieille garde du parti, ses idées l’emportent facilement grave à l’afflux de nouveaux militants mais aussi parce que son discours, lui, est à la hauteur de la situation. En effet, ce ne sont pas les partis révolutionnaires qui ont fait la révolution mais le peuple et la garnison de Petrograd. Leurs exigences ne sont donc ni la poursuite de la guerre, ni une hypothétique Assemblée Constituante. Les masses veulent la Terre et la Paix. Sur ce point, l’auteur analyse très justement la situation : les bolchéviks fidèles à Lénine gagnent en influence car ils sont le plus proches des masses de Petrograd, lesquelles sont plus radicales que la vielle garde du parti bolchévik.

La fin du livre traite de la réaction des divers services secrets à l’arrivée de Lénine et de la bataille de la propagande entre les différents camps, pour maintenir ou sortir la Russie de la guerre. La question est aussi posée de la réalité de « l’or allemand ». Selon l’auteur, les bolcheviks ont sans doute reçu de l’argent de l’Allemagne mais cela ne suffit pas expliquer leur victoire. La réalité semble plus terre à terre : si la propagande des bolcheviks est aussi efficace c’est qu’elle touche une corde sensible chez une armée de paysans – la terre et la paix. Armée qui, après la révolution, n’est plus soumise par la terreur à ses officiers. Dans ces conditions, le patriotisme et la fidélité aux Alliés semblent un piètre moteur, malgré les efforts et les sommes engagées pour que la Russie poursuive la guerre. Les Allemands ont misé sur les bolchéviks mais ils ont aussi misé sur tout un tas de groupes farfelus et leur propagande sur le front russe a longtemps été sans aucune efficacité. Après la révolution de Février, les Allemands lâchaient ainsi par avion des tracts fustigeant les Britanniques en jouant sur l’attachement des paysans russes à la figure du tsar, les Britanniques étant accusés de l’avoir obligé à abdiquer. Finalement, après plusieurs mois, les Allemands réemploiront la propagande bolchevique, la plus efficace pour mettre un terme à la guerre.

Ce livre est très complet, tombant même parfois dans l’anecdotique. L’angle pris est essentiellement celui d’une étude services diplomatiques et secrets en Russie, ce qui est plutôt inintéressant car c’est le peuple qui fait la révolution. On peut reconnaître à l’auteur d’avoir compris les lignes de force de la situation russe de la révolution de Février au retour de Lénine, ainsi que le succès de la propagande du parti bolchevik. L’ouvrage reste cependant assez faible et traîne souvent en longueur. Ça ne casse pas trois pattes à un canard. À ne pas lire.

Catherine Merridale
Lénine, 1917 : le train de la révolution
1er mars 2017
Payot Histoire
332 p.

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