La probabilité que la grande salle de l’Échangeur, avec sa jauge de 350 places, soit remplie dès 10 h du matin pour la première présentation avait contre elle de nombreux arguments. Finalement, la salle était pleine. Jacques Fradin, le premier intervenant donc, professeur d’anti-économie patenté - « élève de Grothendieck, Louis Althusser et Jean Dieudonné, complice mineur de Gilles Deleuze, ami de Reiner Schürmann -, devait se livrer à une « archéologie de l’énergie ». Sa tâche était de montrer que cette notion si familière ne tombait en rien sous le sens, voire contenait en elle, une bonne partie du désastre dont nous héritons. En grande forme ce jour-là, on peut dire qu’il s’est en outre attaché à « chauffer la salle » pour le reste de la journée et nous introduire dans un état de questionnement omnilatéral qui devait être la marque du reste de la journée ; et l’une des causes de la petite joie qu’il y eut à s’y retrouver. Métaphysiquement, politiquement, historiquement, il posait la barre haut. Le dialogue avec la salle à la suite de son exposé devait prouver que nous le suivions dans sa périlleuse menée, et que le public avait autant de répondant que Jacques eut de mordant. Pour toutes sortes de raisons, les échanges des intervenants avec la salle ne figurent pas dans la vidéo ci-dessous ; ils resteront dans nos souvenirs.
Après Jacques, venaient Jean-Baptiste Vidaloux et Anaël Marrec. Faut-il rappeler que la journée était coorganisée avec l’Amassada, en exil depuis l’expulsion du terrain occupé en sud Aveyron contre la construction d’un gigantesque transformateur de RTE, et que Jean-Baptiste s’est fortement activé dans cette lutte ? C’est donc depuis cette expérience qu’il devait nous présenter ses griefs envers l’énergie, l’ingénierie et les grands réseaux techniques. Anaël, quant à elle, devait nous présenter la riche histoire douteuse, depuis plus de deux siècles, des innombrables projets d’exploitation des « énergies renouvelables » et comment ils ont partout servi une extension du même réseau de capture économique et politique des territoires. On nous dira, à la suite de ces trois premières présentations, que voilà bien de la critique et fort peu de propositions, comme d’habitude. Si déjà, nous cessions à l’avenir de croire que nous « avons besoin d’énergie » quand nous avons besoin d’eau chaude pour nous laver, d’électricité pour faire fonctionner nos machines, de lumière pour lire ou simplement de nous déplacer, que derrière le chaud, le courant, la lumière ou le mouvement il n’y a nulle part une mystérieuse substance nommée « énergie », un certain nombre de questions cruciales pourraient commencer à trouver de nouvelles formulations, et par là des réponses auxquelles on n’avait guère pensé à ce jour.
Reste à remercier Stéphane Elmadjian et Grégory Robin pour le formidable travail de captation, de montage et de réalisation qu’ils ont abattu, et qui nous permet aujourd’hui de livrer ces vidéos à l’attention de ceux qui n’ont pas pu faire le déplacement de l’Échangeur le 25 janvier dernier.
[Pour lire ou relire la présentation générale de la journée et le programme, c’est ici : La révolution est une question technique.]