La primaire de la gauche fait un flop

Dans plusieurs villes de France des réunions appellent à saborder les élections.

paru dans lundimatin#90, le 28 janvier 2017

La primaire de la BAP (« Belle Alliance Populaire », sic) touche à sa fin. Le grand perdant sera désigné dimanche prochain, ce qui lancera le sprint final vers l’élection présidentielle d’avril/mai 2017. Mais au même moment à Paris est organisé une série de discussion sur la pertinence de cette échéance électorale et la possibilité de s’y opposer.

En effet, alors que la plupart des journaux discutent actuellement des conséquences pour la gauche du flop de sa primaire, ou encore de l’impossibilité pour le futur candidat de faire rêver quiconque, aucun ne relève le fleurissement sur internet d’appels à boycotter voire saborder la présidentielle. Aucun medium ne soulève non plus la question qui en découle : la campagne électorale va-t-elle et peut-elle être perturbée ? Alors que divers actes de sabotages ont déjà été constatés (projections alimentaires, défenestrations de permanences, désirs de gifles) : de telles pratiques vont-elles tendre à se multiplier ?

FARINE

En pleine campagne dans le cadre de la primaire de la BAP, Manuel Valls, en déplacement à Strasbourg, a été enfariné peu avant Noël.

Un jet de nourriture qui rappelait le lancer d’oeufs qu’avait du subir Emmanuel Macron (alors encore ministre) quelques mois plus tôt.

Il suffit parfois de peu pour dégrader l’image de futur homme d’état d’un candidat et perturber la sérénité de son équipe de campagne. Ainsi, c’est de crainte de subir une seconde fois le même sort que Manuel Valls a annulé au dernier moment un déplacement à Rennes le 16 janvier (une « Farine Party » y était organisée en prévision de sa venue).

Comme il fallait tout de même aller en Bretagne, l’équipe de Manuel Valls a préféré Lamballe. Etait-ce un meilleur choix ? Il s’y est pris une claque. Suivie d’une petite humiliation radiophonique.

CASSE

Au printemps dernier, en pleine mobilisation contre la loi dite « travail », de nombreux opposants, peut-être déçus de ne pouvoir manifester qu’encagés par la police, s’en étaient pris aux locaux du Parti Socialiste, un peu partout en France (à Nantes, Rouen, Paris, Toulouse, Lille, Lyon, Valence, Strasbourg, Montpellier, Grenoble, et dans bien d’autres villes encore).

(Cliquer pour dérouler)

Les opposants à la Loi Travail ont peut-être du ressentiment, ou alors ce sont cette fois les élections présidentielles qui sont visées : le local du PS à Grenoble a de nouveau été dégradé. Avec une référence à la primaire socialiste taggée sur son volet roulant.

MEETINGS

On s’en souvient : le Parti Socialiste avait renoncé à organiser son université d’été à Nantes, de peur qu’elle soit sabotée par des opposants à leur politique (qu’elle concerne le Travail, ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes). « Je pense que, devant les risques de violence à Nantes, où dans tout autre endroit où se tiendrait l’université d’été de la Belle alliance populaire, il vaut mieux reporter, suspendre, l’université de cet été. » disait alors Jean-Christophe Cambadélis.

Seuls les pontes du Parti s’étaient finalement réunis fin août à Colomiers, près de Toulouse, sous très haute protection policière. Le journal Le Monde écrivait alors :

Drôle de campagne que celle qui a commencé lundi 29 août à Colomiers (Haute-Garonne) pour le gouvernement et le Parti socialiste. Cette commune voisine de Toulouse a accueilli en fin de journée le meeting de rentrée de la majorité, et a pris, pendant quelques heures, des airs de ville assiégée.
Des compagnies de CRS stationnées par dizaines, des policiers en civil patrouillant arme à la hanche, des barrières antiémeutes dressées bien en amont du modeste Hall Comminges. Le tout pour prémunir la réunion socialiste contre quelques dizaines de manifestants antiloi travail de la CGT, gardés à bonne distance.

Par ailleurs, durant l’été, le rassemblement de « Hé oh la gauche », avait été perturbé à Lille. « Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll a dû se faufiler par une porte arrière où avaient pris position quelques CRS, par peur de débordements plus importants. » notait Libération. De plus, une université d’été, organisée par la Fédération départementale du PS à Cambo (Pyrénées-Atlantiques) avait aussi été chahutée.

Pendant la campagne pour la primaire de la BAP, c’est le dernier meeting de Manuel Valls qui a été perturbé, aux cris de « tout le monde déteste le 49-3 » ou encore « tout le monde déteste Manuel Valls ».

Est-ce que le PS continuera d’être le seul parti visé ? On peut en douter, par notamment en lisant l’appel qui invite à se rendre à Lyon le week-end du 4 février pour perturber la venue en ville du petit cirque électoral (avec des meetings quasi simultannés d’Emmanuel Macron, de Jean-Luc Mélenchon, et de Marine Le Pen). Ici c’est clairement l’élection présidentielle en tant que telle qui est attaquée :

La présidentielle apparaît de moins en moins assurée, la campagne de plus en plus artificielle, zombifiée, mort-vivante. Les signes de sa décomposition se multiplient. La Bretagne a mis le PS en PLS. Son université d’été, qui aurait marqué les retrouvailles du cortège de tête, a été annulée ; pendant l’automne, le pouvoir a multiplié les menaces de démantèlement de la ZAD, il n’a pas fait un pas ; dernièrement, Valls a annulé son meeting à Rennes par peur d’une confrontation enfarinée. Ce parti est moribond, le candidat qui émergera de sa primaire sous perfusion ne fera pas 10 %.

Mais il ne nous suffit pas de nous acharner sur le cadavre du PS. Attaquons-nous à ceux qui prétendent prendre sa place. Trois d’entre eux viennent parader à Lyon le week-end du 4 février.
[…]
Les cortèges de tête printaniers se sont trouvés une nouvelle cible : les présidentielles.

Ce week-end lyonnais est une première occasion à ne pas manquer. […] Nous appelons tous ceux à qui la politique donne envie de gerber, tous ceux qui depuis 2012 veulent brûler 2017, à converger à Lyon les 4 et 5 février pour marquer le début d’une autre campagne, une campagne de destitution de la classe dirigeante, une campagne contre la campagne.

On retrouve la même tonalité dans l’appel « à l’abordage » publié pour inviter à une « semaine de résistance à Nantes » la semaine du 22 février :

Depuis plusieurs semaines maintenant, la campagne présidentielle bat son plein. Petites phrases insignifiantes, sondages hasardeux et stratégies obscènes s’étalent déjà à longueur de journaux et d’émissions. La présidentielle, c’est un navet que l’on nous repasse en boucle tous les cinq ans, le point d’orgue de la vie politique française. Plus rien ne semble exister en dehors de ce remake qui finit toujours par l’effacement des enjeux politiques derrière les ambitions politiciennes. En période de campagne, le tintamarre du cirque électoral parviendrait presque à recouvrir tout ce qui l’excède. Pour que démarre ce muppet show, il aura donc fallu mettre en sourdine tout ce qui a fait l’intensité politique de ces derniers mois.

Il s’agira cette fois de s’opposer à la tenue du meeting de Marine Le Pen, le 26 février à Nantes. En effet, selon cet appel :

C’est donc le Front national qui ouvre le bal des guignols ! Il ne faut pas s’y méprendre, celui-ci est devenu le principal pilier de la politique classique. Loin du groupuscule fascisant absolument marginal des origines, il joue désormais le rôle principal dans le spectacle électoral, assurant une double fonction. D’un côté, il est le principal prescripteur d’idées que les candidats de tous bords s’empressent de reprendre à leur compte voire d’appliquer une fois aux manettes. De l’autre, il est un épouvantail commode, le spectre invoqué par tous les autres pour justifier qu’il faille encore voter pour eux afin de “faire barrage au fascisme”.

PERSPECTIVES

Ces initiatives éparses peuvent-elles converger ? C’est en tout cas le pari fait par les organisateurs des deux jours de discussion de « Génération Ingouvernable » qui auront lieu le week-end prochain à Paris. On retrouve en tout cas dans leur invitation les mêmes thématiques que dans les textes lyonnais et nantais.

2017 sera une année décisive, marquée par un climat politique confus et organisé autour des idées de l’extrême droite : racisme et austérité, nationalisme et sécurité. Les élections présidentielles sont pour beaucoup un moment important de la vie politique. On nous impose différents programmes et à nous de les valider par notre vote, en d’autres termes de « choisir le moins pire ». Nous sommes nombreuses et nombreux à ne plus croire dans ces élections, que nous ayons déjà voté, jamais ou seulement par dépit. La classe politique le sait et nous en faisons la douloureuse expérience, les élections auront lieu avec ou sans nous, tout en nous éjectant d’office du débat politique et de ses thématiques. Il est temps de poser pour nous et celles et ceux qui se reconnaissent dans cet appel un agenda politique avec nos problèmes, qui auront des impacts réels et immédiats.

Les discussions auront lieu les samedi 28 et dimanche 29 janvier, au CICP, 21 Ter rue Voltaire, de 12h à 20h, afin de « se rencontrer pour réfléchir à la manière de s’opposer à un régime qui dépérit chaque jour un peu plus. »

Le mot de la fin (tiré de l’appel de Nantes) :

Cet été, il aura suffit - dans la foulée du mouvement contre la loi “travaille !” - que l’on se retrouve, avec l’ambition de bloquer l’université d’été du Parti socialiste pour que celle-ci soit annulée. Il y a peu, Manuel Valls renonçait à un meeting à Rennes par crainte des troubles que susciterait immanquablement sa présence. Allez, encore un effort pour que l’élection présidentielle n’ait pas lieu !

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