La manifestation climat du 21 septembre a-t-elle été infiltrée par le black bloc ?

Nous avons fact-checké

paru dans lundimatin#210, le 3 octobre 2019

La marche climat du 21 septembre, organisée par une « inter-orga climat » comprenant Alternatiba et Greenpeace, n’a pas tourné comme ses organisateurs l’avaient souhaité. Alors qu’ils se félicitaient depuis plusieurs mois sur des banderoles de la convergence entre « fin du monde » et « fin de mois », la présence effective des gilets jaunes à cette marche climat a gêné aux entournures.

Les nuages de gaz lacrymogènes retombés, certaines organisations ont jugé bon de multiplier les communiqués dénonçant « l’infiltration » de black blocs, le « non-respect » des pratiques non-violentes, et une rupture du « consensus » fixé pour la marche climat. Dès lors, se posent certaines questions : les marches appartiennent-elles à leurs organisateurs officiels ? Ces derniers souhaitent-ils réellement faire « converger les luttes » ? Les appels à l’unité face aux enjeux écologiques et sociaux, peuvent-ils finir par semer la division ?

Deux enquêteurs indépendants, présents sur place le 21 septembre, ont décrypté et factchecké ces communiqués afin d’en démêler le vrai du faux pour lundimatin. [1]

***

« La Marche pour le climat et la justice sociale a été perturbée par des affrontements violents, pour la première fois depuis le début de la dynamique des marches » (Alternatiba)

EN PARTIE VRAI : Les marches pour le climat sont toujours organisées soigneusement par la préfecture et les organisations climat pour se dérouler dans l’est parisien, assez loin des lieux d’affrontements, c’est-à-dire, assez loin des gilets jaunes, qui manifestent généralement autour des Champs-Elysées (8 décembre, 16 mars) [2]

Cela peut paraître assez étrange quand on sait que la « dynamique des marches » est censée être ouverte et populaire, donc inclure les gilets jaunes. Mais enfin, cela a permis d’éviter jusqu’à maintenant que des « affrontements » (Alternatiba voulait certainement dire : des violences policières) aient lieu au cours des marches climat.

Ce qu’il y avait de nouveau, ce 21 septembre, la fameuse « perturbation », ce n’est pas que l’organisation de la marche avait miraculeusement changé pour accueillir les luttes sociales et les gilets jaunes. C’est que les gilets jaunes ont décidé collectivement et massivement, pour la première fois, de venir à la manifestation climat. Par solidarité bien sûr (pensant qu’ils et elles seraient bien accueillis), mais surtout parce qu’il était impossible de se réunir sur les Champs.

On ne devrait donc pas dire que « la marche a été perturbée par des affrontements violents », mais plutôt que la police s’est attaquée à la marche climat parce qu’il y avait des gilets jaunes (dont certains en « black bloc »), et que ceux-ci voulaient manifester comme ils et elles en ont l’habitude, en laissant tout le monde libre de ses pratiques.

Si l’on définit la violence comme une « atteinte à l’intégrité des personnes », alors il n’y a eu de violences que de la part de la police, qui a gazé, matraqué, tabassé jusqu’aux plus pacifistes et inoffensifs des manifestant-e-s. Les personnes en « black bloc » qui ont éventuellement répliqué avec quelques cailloux (des moyens dérisoires par rapport à ceux de la police) l’ont fait dans l’objectif de se défendre et de repousser les policiers hors d’un parcours de manifestation.

Il n’y a donc pas eu à proprement parler « d’affrontements violents », mais une répression massive et violente au gaz et à la matraque d’une manifestation qui n’avait produit aucune violence contre les personnes [3].

« Mais ce 21 septembre à Paris, la marche pour le climat a été infiltrée par des centaines de Black blocs venus délibérément imposer par la force leur propre stratégie d’affrontements violents, de manière anti-démocratique, à des dizaines de milliers de personnes qui n’étaient pas consentantes. » (Alternatiba)

« Moins d’une heure après le départ de la marche parisienne, ce qui devait être un événement familial et festif s’est transformé en bain de lacrymogènes. Nous dénonçons la violence des black blocks et des forces de l’ordre, qui ont réagi de manière totalement disproportionnée. » (Greenpeace)

FAUX : les « black blocs » n’ont pas « infiltré » la marche

On peut s’interroger, de manière générale, sur le fait qu’Alternatiba et Greenpeace reprennent sans aucune distance critique le vocabulaire de la préfecture de police, comme le fait BFMTV : les black blocs « perturbent » la marche, les black blocs « infiltrent » la marche [4].

Est-ce que les black blocs « infiltrent » vraiment les marches, tels des ninjas ou des agents de l’ombre, qui se glissent dans des événements contestataires pour y exercer leur passion maniaque de « l’affrontement » ? Dans un monde de citoyen-ne-s à l’esprit critique bien formé, il n’y a normalement que les policiers qui devraient croire à ces histoires à dormir debout. [5]

Car qui sont « les black blocs » ? Il faut déjà comprendre que « le black bloc » n’existe pas : il n’y a aucun groupe organisé qui porte ce nom. Le black bloc est une pratique, c’est le simple fait de venir en manifestation habillé en noir, et protégé contre la police [6]. Le « black bloc » est avant tout une pratique d’autodéfense collective contre les violences policières. A Hong Kong, par exemple, beaucoup de manifestant-e-s, pacifiques ou pas, jeunes ou plus âgés, sont en « black bloc » pour se cacher des caméras (répression, procès).

Historiquement, les black blocs sont nés pour permettre aux manifestant-e-s de se mélanger, sans distinction d’identité, de classe, de race, de couleur, d’habits, de visages. C’est une pratique d’auto-défense, de solidarité et de mélange. Évidemment, une partie de celles et ceux qui pratiquent le « black bloc » ont une attitude offensive, mais cela s’arrête à la destruction de biens (il n’y a pas de « violence » à proprement parler, c’est-à-dire, pas d’attaque contre les personnes). Les black blocs se définissent historiquement comme « non violents », et en plus de 40 ans d’existence de cette pratique, on n’a jamais entendu parler d’un black bloc qui aurait commis un meurtre. S’il leur arrive de s’en prendre à la police, c’est en situation de légitime défense, pour la tenir à distance, et protéger les manifestations.

C’est pour cela qu’à Hong Kong ou parmi les gilets jaunes, les pratiques de « black bloc » sont largement acceptées, applaudies et défendues [7]. La plupart des « black blocs » arrêtés par la police pendant le mouvement des gilets jaunes ne sont d’ailleurs pas des « éléments étrangers » aux gilets jaunes, mais des gilets jaunes qui ont appris à se protéger collectivement au fil des manifestations [8]. Il n’y a donc pas de « convergence » entre black blocs et gilets jaunes, puisque ce sont globalement les mêmes personnes, les mêmes pratiques collectives qui se diffusent.

En somme, Alternatiba n’a pas compris qu’il n’y a pas de « black blocs » qui « infiltrent » les marches, mais simplement des manifestants, des gens normaux comme vous et nous, d’âges, de sexe et de pratiques très différents, mais animés par les mêmes idéaux, qui choisissent de se masquer plus ou moins (juste le bas du visage, ou juste des lunettes, ou les deux), de s’habiller de la même couleur (ou pas), de se soutenir et de se protéger contre les violences policières. Certain-e-s s’en prennent aux symboles du capitalisme, d’autres non. Certain-e-s chantent, certain-e-s veillent sur les autres, certain-e-s dansent, d’autres tiennent des banderoles, d’autres distribuent du sérum physiologique ou des masques contre les gaz, d’autres encore font simplement des tags ou des opérations anti-pub.

On ne peut donc pas dire « les black blocs font ceci, ou cela », comme s’il s’agissait d’un seul groupe, qui agirait d’un seul élan. Ce sont des ami-e-s, des allié-e-s, une myriade de petits groupes et de gens très différents qui viennent manifester comme tout le monde, et qui ont une grande diversité de pratiques, notamment d’auto-défense.

D’autre part, il y a toujours eu des gens en « black blocs » en tête des marches climat, le 21 n’était pas la première fois. Mais le 21 septembre, c’est la première fois qu’il y a eu des casses matérielles et des barricades dans une marche climat, parce que le cortège de tête était massif et énervé par la répression policière du matin sur les Champs Elysées. Les « dégradations » n’ont pas été le fait de « black blocs infiltrés », mais d’une bonne partie des manifestant-e-s présents dans le cortège de tête, masqués ou à visage découvert, qui ont agi solidairement.

« Plus de 90 organisations diverses impliquées dans l’organisation et appelant à la marche ont fait le choix d’un consensus non-violent de mobilisation, qui a été publié sur les réseaux sociaux avant chaque marche. C’est par ce dispositif que des familles, des enfants, des personnes âgées, des personnes nouvellement engagées peuvent participer en toute confiance à ces événements.
Mais ce 21 septembre à Paris, la marche pour le climat a été infiltrée par des centaines de Black blocs venus délibérément imposer par la force leur propre stratégie d’affrontements violents, de manière anti-démocratique, à des dizaines de milliers de personnes qui n’étaient pas consentantes. Ces Black blocs ont semble-t-il répondu à des appels explicites à déborder les manifestations que nous organisons. » (Alternatiba)

« Moins d’une heure après le départ de la marche parisienne, ce qui devait être un événement familial et festif s’est transformé en bain de lacrymogènes. Nous dénonçons la violence des black blocks et des forces de l’ordre, qui ont réagi de manière totalement disproportionnée. » (Greenpeace)

FAUX : les « black blocs » n’ont pas « imposé leur stratégie par la force » à toute la manifestation

Voici le récit de Greenpeace et d’Alternatiba : des milliers de gens sont venus manifester « derrière » un « consensus d’action non violent », ces gens n’avaient donc pas « consenti » à la présence des black blocs. C’est faux.

On devrait en réalité dire : des milliers de gens, soucieux du climat et de justice sociale, sont venus manifester à une manifestation organisée par Alternatiba et Greenpeace. Ces organisateurs ont fixé entre eux un « consensus d’action non violent », qu’ils ont ensuite fait valider par quelques organisations climat*. Les milliers de gens qui sont venus manifester n’ont signé aucun « consensus d’action non violent », et ils n’avaient d’ailleurs pas forcément envie de marcher « derrière » Alternatiba et Greenpeace, comme si ces derniers étaient leurs chefs ou devaient leur prescrire les bonnes manières de manifester. [9]

En termes démocratiques, s’il y a 50 000 personnes à une marche, c’est à ces 50 000 personnes de décider comment elles veulent manifester, sur le moment même de la manifestation, et en concertation collective autant qu’il est possible. Dans l’idéal, comme tout le monde lutte dans un même but, toutes les pratiques de lutte devraient pouvoir cohabiter pourvu qu’elles ne gênent pas les autres.

Or, à strictement parler, il n’y a que Greenpeace et Alternatiba qui cherchent à « imposer » leur « consensus d’action » à tous les participant-e-s d’une marche qu’ils et elles considèrent comme leur marche. Greenpeace a notamment décrété unilatéralement qu’il fallait quitter la marche, dans un post Twitter, parce que sa conception de la marche n’était pas respectée par ceux et celles qui s’y sont rendus !

A part Alternatiba, Greenpeace et quelques orgas, personne n’a officiellement signé pour une marche souriante, « festive », gentille et inoffensive. A chaque fois que les organisateurs essaient d’imposer leur choix personnel aux milliers de manifestant-e-s sur place, ils font donc preuve d’anti-démocratisme.

Si une marche est démocratique, tout le monde peut s’y rendre, et toutes les pratiques y sont respectées. On ne se demande pas si les gens ont « consenti » à ce qu’il y ait des gilets jaunes, des personnes de couleur, ou des personnes en situation de handicap à la manifestation ; donc il n’y a pas a priori de raison que les gens doivent « consentir » à la présence de gens qui protègent tout ou partie de leur visage des caméras de surveillance.

Photo : Instants Tannés

Mais, répondent, Greenpeace et Alternatiba : c’est la présence des « black blocs » qui a causé les « affrontements violents », et empêché tout le monde de manifester. C’est faux.

Factuellement, personne n’a empêché les gens de manifester à part la police. Si la police réprime les manifestations où il y a des gens masqués, qui pratiquent l’auto-défense ou la casse (bien peu de choses face à la destruction massive de la nature ou des acquis sociaux), c’est la police qu’il faut critiquer, pas les manifestant-e-s. Ce n’est pas de leur faute si les gens en « black bloc » attirent les policiers, à moins qu’on considère qu’ils et elles l’ont bien mérité et que c’est bien fait pour eux. Les personnes de couleur attirent aussi les policiers, pour d’autres raisons, et on ne considère pas que « c’est de leur faute » et qu’elles ne devraient pas venir en manifestation.

Il serait sans doute plus judicieux de se demander pourquoi les policiers s’en prennent à des personnes qui sont masquées ou qui « cassent » en manifestation au lieu de s’en prendre aux politiciens corrompus, aux destructeurs de la planète ou aux milliardaires dont les usines explosent sur les gens. Mais pour Alternatiba et Greenpeace, ce n’est visiblement pas l’ordre de priorité.


Dans les conditions d’une marche démocratique et respectueuse de tou-te-s, il n’y a pas de raison de refuser la présence de gens en « black bloc » : si ces derniers souhaitent se protéger, se masquer, voire même attaquer les biens matériels, c’est leur choix. On peut bien sûr le critiquer, mais à ce qu’il semble, black blocs, gilets jaunes et manifestant-e-s climat se battent pour les mêmes objectifs. A la ZAD, à Hong Kong ou dans les manifestations gilets jaunes, toutes les pratiques cohabitent, tout le monde s’entraide pour se protéger de la police. [10]

Il n’y a que dans les marches climat organisées par Alternatiba et Greenpace que la diversité des tactiques et des personnes présentes pose problème. On pourrait aussi bien tirer la conclusion : si la police attaque la manifestation quand il y a des gens en « black bloc », alors il faut que nous restions solidaires, que nous ne cédions pas face à ces attaques ; il faut que nous nous défendions collectivement, que nous fassions preuve de bienveillance collective, pour permettre à tout le monde de manifester avec nous selon ses choix. C’est la solidarité qui se pratique partout ailleurs.

« Plus de 90 organisations diverses impliquées dans l’organisation et appelant à la marche ont fait le choix d’un consensus non-violent de mobilisation, qui a été publié sur les réseaux sociaux avant chaque marche. C’est par ce dispositif que des familles, des enfants, des personnes âgées, des personnes nouvellement engagées peuvent participer en toute confiance à ces événements. » (Alternatiba)

FAUX : Le lien causal est faux, ce n’est pas parce que les marches sont non-violentes que les personnes âgées, les familles et les enfants peuvent manifester.

Les personnes dites « fragiles » ou moins mobiles, telles que les enfants, les personnes en situation de handicap ou les familles sont présentes dans les rues de Hong Kong ou dans les manifestations Gilets Jaunes depuis le début, et aux côtés des manifestant-e-s qui ont des pratiques plus offensives. Leur présence n’est pas conditionnée par l’existence d’un consensus non-violent.

Le mouvement des Gilets Jaunes est même caractérisé par une très forte présence de personnes en situation de handicap et de personnes âgées, qui osent aller en manif, même s’il leur arrive de se faire gazer, tabasser, matraquer [11]. Il est faux de penser a priori que les personnes qui peuvent avoir l’air « plus fragiles » souhaitent des modes de mobilisation non-violents. Il y avait d’ailleurs plusieurs personnes en situation de handicap, personnes âgées et familles aux côtés des black blocs le 21 septembre, en tête de la marche climat, et tou-te-s ont été solidaires et unis face aux violences policières.

Evidemment, certaines personnes ne souhaitent pas ou ne peuvent pas être exposées aux violences policières, même si elles souhaitent pouvoir manifester. Mais cela ne peut pas être un prétexte pour imposer à toute la manifestation un « consensus d’action non-violent ». La pratique la plus inclusive, comme à la ZAD, à Hong Kong ou chez les gilets jaunes, consiste à distinguer des espaces protégés, en retrait, et des espaces pour des pratiques plus offensives. Il suffit d’un peu d’organisation, de bienveillance et de sincérité, ce dont ont été capables tous ces mouvements, contrairement aux marches climat.

« [A la marche du 21 septembre,] même les personnes qui cherchaient à se mettre à l’abri ont été empêchées par les forces de l’ordre de quitter le cortège et ont subi la brutalité de la répression. » (Alternatiba)

AMBIGU : plusieurs témoignages concordant rapportent que le service d’ordre de la marche climat a refusé de laisser la tête du cortège se mettre à l’abri, bien qu’il y eût dedans des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. C’est très grave.

Pour que la phrase d’Alternatiba soit juste, il faudrait donc inclure le service d’ordre de la marche climat au sein des « forces de l’ordre ». En effet, plusieurs témoignages rapportent que lorsque les policiers ont commencé à gazer la marche climat le 21 septembre, le mouvement de recul des manifestant-e-s en tête de cortège a été empêché par le service d’ordre d’Alternatiba, qui a refusé de faire tomber son cordon et de laisser passer des gens qui s’étouffaient dans les gaz, ou qui risquaient de se faire matraquer (dont certaines étaient âgées, en situation de handicap ou en famille).

Héloïse B., 24 ans, habituée des marches pour le climat et présente en tête de cortège, nous raconte : « Au bout d’une dizaine de minutes, les gaz lacrymaux ont commencé à se répandre dans le cortège de tête, les manifestant-e-s ont essayé de se protéger en reculant hors de la portée des gaz. C’était sans compter bien sûr sur le SO et sa corde. [...] Il était impossible de se mettre à l’abri, nous étions collés les uns contre les autres sans pouvoir nous espacer, à tenter de ne pas se piétiner. Quand plusieurs manifestant-e-s ont demandé au SO de lâcher sa corde car elle devenait de plus en plus dangereuse, les membres du SO ont formellement refusé, expliquant que ce n’était pas leurs ordres, et que nous n’avions qu’à ne pas être en tête. La situation s’est finalement débloquée quand deux BB se sont saisis de la corde, et ont détaché les mousquetons qui maintenaient les différents morceaux de corde. »

Quant à Arthur [12], 19 ans, qui était venu en tête de la marche avec des jeunes du mouvement Youth For Climate : « Quand les CRS ont commencé à gazer, les gens ont massivement reculé et se sont vite retrouvés pressés les uns contre les autres, c’était assez étouffant. J’ai pas compris pourquoi ça n’avançait pas, et puis j’ai vu des gens du so qui essayaient de maintenir la corde. Je comprends qu’ils aient pu paniquer, et sûrement qu’ils n’ont pas vraiment voulu nous empêcher de battre en retraite, mais n’empêche que leur attitude était assez dangereuse et augmentait les risques de se faire attraper par les flics. »

Comment comprendre cette attitude des organisateurs de la marche climat ? Volontaire ou non, cette réaction du service d’ordre a bloqué le mouvement de recul des milliers de manifestant-e-s qui avaient refusé de marcher « derrière » leurs banderoles et « derrière » leur consensus d’action. Si ce blocage a été fait sciemment, il serait juste de se demander s’il est cohérent de la part d’un service d’ordre « non-violent » de contribuer à la « brutalité de la répression » en empêchant les gens de se protéger de la police.

« Au delà de la tension et du traumatisme engendrés par la réaction policière, nombre de bénévoles et de participant-e-s ont aussi été prises à partie directement par des membres du Black bloc lui-même. Certain-e-s ont même subi de leur part des menaces de mort, et des jets de canettes pleines en plein visage. Quelles seront les prochaines étapes ? » (Alternatiba)

HORS CONTEXTE : dans le contexte conflictuel décrit à la précédente question, les altercations entre manifestants et service d’ordre d’Alternatiba s’expliquent assez facilement.

Rappelons (cf. observations précédentes) que le « black bloc » n’est pas un groupe organisé qui aurait des « membres » (il y a simplement une diversité non coordonnée de pratiques, d’habillage, etc.). Puisque le service d’ordre bloquait le recul de manifestant-e-s gazé-e-s et attaqué-e-s par la police (et pas seulement de gens en « black bloc »), il est normal que cette attitude aussi peu solidaire que bienveillante ait donné lieu à des disputes.

Les « prochaines étapes » pour Alternatiba et Greenpeace, si l’on souhaite éviter à nouveau de tels mouvements de colère, semblent assez évidentes : il s’agirait de se montrer solidaires de tous les manifestant-e-s, de cesser de semer la division dans les rangs des révoltés, et d’accepter toutes les pratiques de lutte, comme le font les zadistes, les hong-kongais ou les gilets jaunes.

Maëlle Chouchan et Norbert Makhlouf, journalistes indépendants.

[1Ce factchecking s’appuie sur les communiqués d’Alternatiba et de Greenpeace publiés à la suite de la marche du 21 septembre.

[2Voyez les parcours des marches climat sur Demosphere, qui finissent généralement à République (8 décembre), (16 mars).

[3Voir les nombreux témoignages de violences policières, comme celui d’un certain « Nico F. », celui de Cerveaux non disponibles, page GJ ou encore la compilation de Nantes Révoltée.

[4Voir la rhétorique de la préfecture de police dans cet article de BFMTV : « Près de 1000 individus jugés à risques, selon la préfecture de police, ont rapidement infiltré le cortège de manifestants pacifistes qui défilaient pour le climat ce samedi à Paris. Des magasins, du mobilier urbain et des véhicules ont été endommagés. »

[6Sur l’origine et les pratiques des Black blocs, on peut lire ce bon article de Grozeille, qui est un des plus informatifs sur la question.

[7Sur les relations amoureuses entre black bloc et gilets jaunes, voir : https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/enquete-franceinfo-pourquoi-gilets-jaunes-et-black-blocs-ont-fini-par-faire-cause-commune_3272573.html, même si l’article reproduit le cliché du black bloc anticapitaliste qui serait différent du gilet jaune, alors que dernièrement, la plupart des black blocs en manifestation sont des gilets jaunes à l’origine - les services de renseignement les appellent même « ultrajaunes ».

[8Voir, avec des pincettes, l’article suivant, qui montre qu’il n’y a pas de réelle distinction à faire entre « gilets jaunes » et « black blocs/casseurs », puisque ce sont des pratiques collectives partagées par tous à différents degrés : https://www.bfmtv.com/police-justice/violences-a-paris-qui-sont-les-casseurs-1580089.html)

[9On peut lire le « consensus » d’action du 21 septembre ici, et ses critiques en commentaires : https://www.facebook.com/AlternatibaParis/photos/gm.383193329248187/2376339512615726/?type=3&theater. La page « Unis pour le climat », qui participe aussi à l’organisation des marches climat, encourage les pratiques de dissociation et de délation suivantes, en cas de non respect de leur consensus : « Recommandations. En cas d’éventuelles tensions montantes : levez les mains en l’air en signe de pacifisme, allez discuter avec les personnes énervées pour leur rappeler le consensus de mobilisation, la présence d’enfants, de personnes âgées, de cortèges alternatifs, entourez et isolez les personnes énervées toujours les mains en l’air en signe de pacifisme, contactez l’équipe de modération. En cas hypothétique de violences policières asseyez vous et levez les mains en l’air. Ces consignes sont à titre préventif, il n’y a jamais eu à déplorer d’incidents sur les marches climats depuis un an dans l’ensemble de la France. Mais mieux vaut bien sur toujours prévenir. »

[12Les témoignages ont été obtenus par mail, les noms ont été changés à la demande des témoins.

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