Interdictions de manifester, comment les combattre ?

paru dans lundimatin#75, le 6 octobre 2016

Nous avions évoqué dans notre édition du 14 septembre la création d’un collectif d’interdits de manifs qui appelait tous leurs co-interdits à s’unir. La semaine dernière, nous avions aussi publié une interview de Raphaël Kempf et Aïnoha Pascual, deux avocats très impliqués contre cette mesure d’exception de plus en plus souvent utilisée.

Cette semaine, en collaboration avec le collectif interdits de manif nous publions ce manuel de défense ainsi qu’un témoignage rennais.

Les interdictions de « manifester » sont en fait des interdictions de « séjourner » dans tel ou tel endroit pendant une période donnée.
La décision est prise par le préfet en vertu de la loi de 1955 sur l’état d’urgence, qui avait été adoptée dans le but d’écarter des opposants politiques – en l’occurrence, des militants indépendantistes algériens.

Cette mesure est réutilisée aujourd’hui pour interdire à certaines personnes de se rendre à des manifestations.
Que faire en cas d’interdiction de séjour dûment notifiée (i.e. réceptionnée et signée) ?

  • 1. Saisir seul ou par le biais d’un avocat le juge des référés du tribunal administratif d’une requête en référé-liberté accompagnée de la décision attaquée dans les plus brefs délais.
  • 2. Saisir seul ou par le biais d’un avocat le tribunal administratif d’une requête en excès de pouvoir accompagnée de la décision attaquée dans le délai de deux mois.

Ces procédures tiennent du droit administratif. Il est parfois difficile de comprendre quel tribunal saisir, comment formuler la requête, quels arguments avancer ou vers quel avocat se tourner.
L’équipe de interditsdemanif.noblogs.org a rédigé deux tutoriels et une note de synthèse plus technique afin que chacun saisisse bien de quoi on parle et comment déposer au mieux les recours.

Comment faire le référé-liberté ?

Tout d’abord, le référé-liberté est une procédure dite « d’urgence » en ce qu’elle oblige le juge saisi (le juge des référés) à statuer dans les 48h pour protéger des libertés fondamentales (en l’occurence votre liberté de manifester). Le référé-liberté permet d’obtenir la suspension de la décision attaquée, ce qui vous permettra de vous rendre à la prochaine manifestation.
Ce recours peut se déposer seul ou avec un avocat.
Une requête en référé-liberté doit être déposée au greffe du Tribunal administratif de votre lieu de résidence. Il faut saisir le juge des référés du tribunal administratif de votre ville, et ce même si l’interdiction de séjour vise une autre ville.

Pour déposer un recours il vous faudra :
La requête en référé-liberté qui motive l’annulation de l’interdiction de séjour (Référé liberté : un formulaire au format PDF à remplir)
La décision attaquée : la copie de l’arrêté qu’on vous a remis portant votre interdiction de séjour.

Comme spécifié dans les notes de synthèses, pour obtenir la suspension de la décision attaquée vous et votre avocat devrez prouver : “l’urgence qui préside à sa suspension, l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Comme il est spécifié dans la note de synthèse, le but est de prouver que le contenu de l’arrêté d’interdiction de séjour est faux, que les éléments invoqués sont matériellement inexacts, que l’on ne cherche pas à entraver l’action des pouvoirs publics, que l’arrêté fait obstacle à l’exercice de ses libertés fondamentales puisqu’il vous oblige à quitter votre domicile, vous empêche d’aller et venir, de travailler et surtout vous empêche d’aller manifeste”
Pour aider à déposer cette requête qui est un peu technique nous avons rédigé un formulaire au format PDF modifiable.

Vous et votre avocat pouvez déjà utiliser ce formulaire. Mais attention il comporte encore quelques menus problèmes :
– techniquement c’est possible qu’il y ait des problèmes de lisibilité si vous l’ouvrez avec windows ou mac
– lorsqu’il est écrit “l’arrêté s’apllique le XX” or certains arrêtés s’appliquent parfois sur plusieurs jours. Il faudrait
donc pouvoir remplacer “le” par “du XX au XX”.
– il faut bien faire attention à bien nommer l’auteur de l’interdiction de séjour : le préfet qui prend la décision est
celui du département (sauf à Paris puisque ville et département se superposent..)

Comment faire le “recours en annulation” ou “recours en excès de pouvoir ?”

Vous avez déjà fait (ou pas) un référé-liberté et ne voyez pas très bien l’intérêt d’un autre recours… Détrompez-vous ! Faire un recours en référé liberté contre votre interdiction de séjour, quel que soit le résultat du rendu, n’est pas suffisant parce que le fond de l’interdiction n’est pas attaqué. Ce qui veut dire que même en cas de suspension on pourra toujours venir vous en remettre une autre sur la base des mêmes arguments. Attaquer l’arrêté « au fond » oblige la préfecture, si elle veut s’acharner, à produire de nouvelles justifications. C’est ce qu’on appelle un “recours en annulation” ou “recours en excès de pouvoir”.
Il doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d’interdiction de séjour (c’est-à-dire à compter de la date où elle vous a été remise). Pour cette procédure nous travaillons avec un avocat de Paris qui accepte l’aide juridictionnelle. Il va centraliser tous les recours en annulation, ce qui va notamment lui permettre de déceler les failles et éventuels vices de procédures, et pouvoir plus efficacement travailler à l’annulation des interdictions de manifs. Il regroupe aussi les recours afin de déposer une QPC (Question Prioritaire de Constitutionalité).

Pour faire ce recours, il faut :

  • Lui envoyer un mail qui stipule que vous voulez faire un recours en annulation.
  • Joindre à ce mail une copie de votre interdiction de séjour,
  • Joindre à ce mail un “commentaire” sur ce qui vous est reproché personnellement. Il s’agit de donner à l’avocat des arguments pour défaire les éléments avec lesquels le préfet essaie de vous incriminer.

Pour la suite c’est l’avocat qui vous guidera !
Pour des raisons déontologiques, on ne peut pas mettre ici le contact de cet avocat. On vous invite à nous envoyer un mail. Quoi qu’il arrive notre équipe est disponible pour plus de précisions .

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