#GILETSJAUNES : 1er décembre, TOULOUSE

« du jamais vu à Toulouse »
« ça ressemble à ce qu’on lit dans les livres d’histoires »

paru dans lundimatin#168, le 7 décembre 2018

A l’issue des manifestations de la CGT et des Gilets Jaunes, la préfecture annonce 57 blessés dont 48 policiers. Seize personnes ont été interpellées et placées en garde à vue samedi pour «  vols en réunion  », «  dégradations  » par incendie, «  violences avec armes par des destinations  ». Selon le quotidien local :

Toulouse a été littéralement prise d’assaut et la mairie contrainte d’annuler les festivités de Noël (le lancement a été reporté à dimanche soir). Dans la rue, des palettes en feu en divers endroits, matériel de chantier endommagé, vitrines cassées, voitures brûlées dans la rue de la Concorde, poubelles, abribus, le mobilier urbain n’a pas été épargné dans le périmètre occupé par les forces de l’ordre qui répondaient aux jets de projectiles par des tirs nourris de gaz lacrymogène.

Trois lecteurs de lundimatin nous ont envoyé leurs témoignages sur ce qu’ils ont vu ce dimanche 1er décembre dans les rues de Toulouse.

Par ailleurs, l’information circule sur les réseaux sociaux qu’un homme serait actuellement dans le coma à cause d’un tir de flashball (l’info, et la photo, choquante, sont à la fin de cet article)

Tous les récits que nous avons reçus ce week-end, nous vous les livrons bruts. Nous ne sommes pas en mesure de vérifier l’ensemble des infos qu’ils contiennent, aussi n’hésitez pas à nous envoyer des compléments d’informations, ou à nous dire si vous n’avez pas du tout perçu les événements de la même manière. Nous tâcherons de mettre ces articles à jour régulièrement.

Salut à vous ! J’étais sur le champ de bataille hier à Toulouse. Pour résumer :

  • vendredi soir arrestation de David Iniesta porte parole des gilets jaunes de toulouse apres 22h30 a son domicile juste apres son dernier live fb [Facebook] pour l’organisation du samedi, mis en gav [garde à vue]
  • dès le matin actions de blocage et péages gratuits comme les autres fois avec salariés retraités et syndicalistes
  • vers midi formation de cortèges de gilets jaunes qui convergent vers le centre ville, répression directe
  • 14h la manif syndicale prévue depuis plus longtemps que les gilets jaunes (par rapport aux reformes du chomage il me semble) avait prévu de les rejoindre
  • les deux cortèges (gilets jaunes / syndial) se rejoignent sur le boulevard principal, avec difficulté liées a la repression qui se durcit
  • s’en suivent affrontements avec les crs tout l’aprem, chants et pavés contre constante pluie de lacrymo et grenades de desencerclement
  • tentative d’action a la gare stoppée par une haie de crs qui protègent les entrées et nous attaquent de plus belle
  • jusqu’au soir les manifestants restés solidaires (quand même du monde divers, bcp plus nombreux et énervé que d’habitude) tiennent la place jeanne d’arc avec des barricades en feu qui protègent tout le monde des crs (DU JAMAIS VU A TOULOUSE), - envahissement d’une banque repeinte en jaune a l’intérieur et autres actions mais relativement peu de casse
  • peu a peu tout le monde est parti et les crs on pu faire leur petite farandolle sur le boulevard, il y avait encore qqs feu vers 21h45

Donc pour votre appel à témoignages pour la journée d’hier, que j’ai faite à Toulouse, j’étais parti pour aller à une manif d’act-up. En arrivant à Jeanne d’arc, sur les boulevards donc, on s’est retrouvé.e.s dans un nuage de lacrymo, des désencerclantes qui pétaient... J’avais pas vu ça depuis les manifestations contre la loi travail. Après une heure d’affrontements, les flics ont reculés, ça a laissé du temps pour barricader les rues Matabiau et Raymond IV, qui sont des rues habituellement difficilement prenables. Banques attaquées, chantier défoncé (des individus sont même monté.e.s sur le bâtiment en construction pour caillasser la police), abribus éclaté, une voiture de police en flammes... Ça s’est joué sur une guerre de position ensuite pendant une bonne heure et demie, avec de plus en plus de gens qui affluaient malgré la tombée de la nuit, avant qu’on se fasse prendre à revers par une compagnie de CDI qui a envoyé une bonne cinquantaine de lacrymos pour nous faire reculer. Ça a quand même continué sur les boulevards avec une bonne quinzaine de barricades en flammes. J’ai jamais vu un aussi gros dégât sur Toulouse, même pendant la loi travail, et j’ai pas eu vent d’aussi grosses confrontations même pré loi travail (CPE, Rémi Fraisse, etc...)

Peut-être avez-vous déjà des nouvelles de ce qui s’est passé à Toulouse mais voici mon récit. Je m’accorde avec vous pour dire que ça ressemble à ce qu’on lit dans les livres d’histoires. Après des mobilisations « standards » et plutôt calmes en 2016 et 2017, Toulouse s’est réveillée le 1er décembre. Parmi les nombreux rendez-vous, j’ai suivi un premier cortège qui a démarré tranquille vers 12h45 depuis la prairie des Filtres pour remonter le Pont Neuf et la rue de Metz. En soi c’est déjà un événement, car la Préf interdit systématiquement les parcours traversant le centre-ville. On sent la foule hésitante mais déterminée. Il y a des gilets jaunes (entendre : des primo manifestants) et puis sans doute quelques habitués des manifestations, mais pas beaucoup, et le DAL qui « mène » la troupe. Arrivés aux boulevards, on prend à gauche car le but c’est de rejoindre Arnaud Bernard où l’intersyndicale a appelé une manif à 14h. Mais ça ne se passe pas comme prévu. Un peu avant 14h, un groupe, devenu nombreux et mixte, décide d’aller à la gare (un classique, mais là, franchement, les GJ sont d’accord, vu que certains ne veulent pas de la « CGT »). La police, surprise, balance les gaz à fond, et copieusement. On refoule sur les boulevards, on lève une barricade enflammée. A partir de là, l’émeute commence. Le cortège de l’intersyndicale peine à arriver à Jeanne d’Arc où se cristallise le combat. Innombrables jets de lacrymos et quelques balles en caoutchouc. Les plus motivés balancent ce qu’ils trouvent et dépouillent le chantier du Crédit Agricole pour monter 3 barricades. L’air est saturé de lacrymos. La foule est immense, tantôt spectatrice, tantôt active pour applaudir ou grossir les rangs des émeutiers. ça tourne beaucoup, c’est vivant. Jean-Claude et Monique découvrent la manif et prennent goût à l’emeute. Une groupe, toujous très nombreux se dirige au Capitole. Il s’en faut de peu que les portes soient forcées, à 10-15 la porte cédait. Mais les plus calmes crient « Macron démission, Moudenc démission » puis deux, trois cordons de flics verrouillent l’entrée. On s’ennuie un peu, le marché de noël plie boutique tranquillou. La place Jean d’Arc est en feu, les flics sont bloqués derrière des barricades énormes. La foule est immense. Les jets de pierre se font plus nombreux. Au bout d’un long moment, les flics prenent le dessus, à la faveur de tirs effectués depuis les étages supérieurs de l’immeuble en chantier. S’ensuit une longue suite de barricades le long des boulevards. Beaucoup de lacrymos, des flammes, des briques, tous les chantiers sont pillés, toutes les poubelles brûlent. La foule se disperse peu à peu à force de grenades assourdissantes et de lacrymos (que la police n’hésite plus à tirer sur les toits ou sur la foule : ils sont débordés et fatigués) et nous reculons jusqu’à François Verdier. Personnnellement je choisis de quitter le cortège un peu avant 19h, ça sent le roussi et je suis épuisé. Je prends la tangente en suivant un groupe au hasard et nous passons au travers d’un cordon qui arrive pour bloquer la rue de Metz. Les affrontements et les barricades vont flamber jusque tard dans la soirée. A noter que les vitrines du parcours vont rester indemnes ou presque et que la foule est toujours compacte et mixte. Ce fut beau.

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